Onze jours de siège/Acte III

Onze jours de siège : comédie en 3 actes en prose
Michel Lévy Frères (p. 53-79).

ACTE troisième

Même décor.



Scène première

Léonie, Maxime.
Léonie

Eh bien, quelles nouvelles ?

Maxime

Aucune !

Léonie

Aucune !

Maxime

Rien. Je viens de la préfecture de police, on m’a demandé mille renseignements. J’ai raconté tout ce que je savais : que notre ami Robert était un peu fantasque ; qu’après une scène assez vive, il s’était retiré chez lui ; que, le soir même, sa femme avait trouvé sa porte fermée ; que, le lendemain, ne le voyant pas paraître, on s’était décidé à enfoncer la porte ; que la chambre était vide, notre ami étant sorti par son escalier dérobé, et que depuis, on ne l’a plus revu chez lui, ni au cercle, ni à la Bourse… et, enfin, que sa femme était dans une mortelle inquiétude.

Léonie

Je crois bien !

Maxime

Tout cela était écrit au vol par un monsieur barbu qui m’a congédié avec ces mots : « C’est bien, monsieur, on le trouvera… » Et je suis venu en toute hâte vous rendre compte de ma démarche, tandis que Roquefeuille courait à Chatou, voir s’il n’est pas à sa maison de campagne.

Léonie

Quel événement ! cette disparition ! cette fuite !

Maxime

Et maintenant, madame, que j’ai fait ce que l’amitié me commandait, me sera-t-il permis de ne pas négliger tout à fait l’amour, et de vous faire remarquer que nous sommes précisément aujourd’hui à ce fameux onzième jour qui ne devait jamais luire pour moi.

Léonie

Ah ! vous prenez bien votre temps ! C’est au moment où votre ami…

{{Personnage|M axime|c}}

Oh ! mon ami a l’âge de raison, madame, il sait se conduire : bonderie de ménage ! Il aura voulu donner une leçon à sa femme ; il va revenir tout à l’heure frais et vermeil comme un écolier qui a fait l’école buissonnière ; mais moi, moi, madame, voilà onze jours que je ne mange pas ! onze nuits que je ne dors plus !…

Léonie

Eh bien ! vous devez commencer à vous y faire !

Maxime

Et que j’attends ce fameux délai qui expire enfin, et qui vous met dans l’absolue nécessité de tenir votre promesse.

Léonie

Moi ?

Maxime

Oui, il n’y a plus à s’en défendre ! Les onze jours sont révolus : j’ai tout prévu, tout préparé, pour ne vous laisser aucune défaite. Les bans sont publiés, M. le maire déploie son écharpe, l’église allume ses cierges, l’orgue prélude, et le suisse fait résonner sa hallebarde !

Léonie

Ah bien, il attendra, le suisse !

Maxime

Ah ! madame, ce n’est pas possible !

Léonie

Mais conçoit-on cet entêtement ?

Maxime

Ah ! oui, on le conçoit quand on vous regarde !… Et si vous voulez m’écouter !…

Léonie

Mais, est-ce que je puis vous écouter dans la disposition d’esprit où je suis ? Je n’ai pas seulement la tête à moi !

Maxime

Roquefeuille vous dira que c’est une excellente disposition pour se marier !

Léonie

Et le Panama qui m’attend et qui chauffe !

Maxime, à part.

Et moi, donc !

Léonie

Tenez ! ne me parlez de rien tant que Robert ne sera pas retrouvé.

Maxime

Et après ?

Léonie

Ah ! après ?


Scène II

Les mêmes, Roquefeuille.
Roquefeuille, entrant précipitamment.

Eh bien, l’avez-vous ?… l’a-t-il ?… l’a-t-on ?…

Léonie

Rien. Et vous ?

Roquefeuille

Rien… Et vous ?

Maxime

Mais, à Chatou ?

Roquefeuille

J’en viens ! Rien ! rien ! rien !

Léonie

C’est effrayant !

Roquefeuille

C’est sinistre !

Maxime, riant.

Mais êtes-vous enfants avec vos inquiétudes ! Pourquoi ne l’avez-vous pas mis dans les Petites-Affiches, à l’article des objets perdus.

Roquefeuille

Les femmes courraient après, et ne voudraient plus le rendre.

Léonie

Voulez-vous bien ne pas plaisanter !

Roquefeuille

Et madame Maubray ?

Léonie

Ah ! vous jugez ! Elle en tombera malade !

Roquefeuille

On n’a qu’un mari et il s’envole !…

Léonie

Et au milieu de tout cela, M. Duvernet a le cœur de me parler mariage.

Roquefeuille

Dame ! Cela lui donne l’espoir de vous égarer aussi un jour !

Maxime

Mais je ne vois pas…

Léonie

Plus un mot. Je ne consentirai à vous pardonner, que si vous me ramenez votre ami.

Maxime

Vous dites ?

Roquefeuille

Va, marche… Et si tu le rapportes… récompense honnête !

Maxime

Voilà un espoir qui me donne des ailes !… J’ai une idée.

Roquefeuille

Saisis-la !

Maxime, regardant l’heure.

Dix heures ! Le mariage est pour deux heures ! j’ai le temps (Il se sauve.)

Léonie

Oui, oui, vous avez le temps !

Roquefeuille, s’asseyant.

De se marier ! Ah ! oui, il a le temps… Ah ! en voilà un qui connaîtra la corde avant de se pendre.

Léonie

C’est elle ! Laurence !


Scène III

Léonie, Roquefeuille, Laurence.
Laurence

Eh bien ?

Léonie

Eh bien ! ma pauvre Laurence, rien de nouveau.

Laurence

Mon Dieu !

Roquefeuille

C’est à n’y rien comprendre !

Laurence

Ah ! je le comprends trop bien, moi !… Ce que nous voulions lui cacher, il le sait… et maintenant qu’il est libre, il est parti pour ne plus revenir !

Léonie

Mais non ! Quelle idée !

Laurence

Ah ! ne me dis pas que non, j’en suis sûre !

Autrement, est-ce qu’il ne serait pas déjà de retour, lui qui se faisait un scrupule de rentrer plus tard que l’heure dite, pour m’épargner la plus petite inquiétude ?… Car il était si bon !… il était si tendre, si doux, parfois !… Ah ! c’est fini, maintenant, c’est bien fini, va !… Je l’ai perdu, et pour toujours !…

Léonie

Mais veux-tu ne pas pleurer comme cela !

Laurence

Voilà ce que c’est que d’avoir voulu ruser avec lui, au lieu de lui tout dire !… Ah ! si j’avais tout dit !… il m’aimait tant ! et quelques instants encore avant son départ… Ah ! si j’avais su !… C’était si facile !

Roquefeuille

Voyons, voyons, chère dame, ne nous désolons pas, et cherchons le remède ! Vous êtes bien sûre qu’il n’a pas laissé le plus petit mot d’avis ?

Laurence

Pas un ! J’ai fouillé partout !

Léonie

Et, depuis ce temps, pas une lettre, pas un mot pour expliquer sa conduite ?

Laurence

Rien !

Roquefeuille

C’est incompréhensible !… Et dire que cela nous arrive au moment de le marier sérieusement, de lui river la chaîne ! Il a soupçonné l’embûche, le scélérat !… Un plan si joli, si bien conduit !… J’avais tout prévu… tout est prêt… le maire est prévenu ; il nous attend pour deux heures ; après deux heures, il serait trop tard : il a une assemblée d’actionnaires qu’il préside, et comme il ne donne jamais de dividende, il doit au moins être exact ! Et le premier mariage dont je me sois occupé va manquer par l’absence inexplicable du futur !… et quel futur ?… Un futur sérieux, éprouvé, garanti ! un futur passé ! un futur antérieur ! Non ! ce n’est pas possible ! il va arriver ! il arrivera ! il arrive ! le voilà ! (Entrée de Thérèse.)


Scène IV

Les mêmes, Thérèse.
Roquefeuille

Non, ce n’est pas lui !

THÉRÈSE, un coffret à la main.

Pour madame !

Roquefeuille

Il ne peut pas tenir là-dedans !

Laurence

De quelle part ?

THÉRÈSE

Je l’ignore ! C’est un commissionnaire qui m’a dit : « Pour madame Maubray ! »

Léonie

Qu’est-ce que cela peut bien être ? (Thérèse sort.)

Roquefeuille

Voulez-vous permettre ?… Ah ! un écrin !

{{Personnage|Léo nie|c}}

Le magnifique écrin !

Laurence

Qu’est-ce que cela signifie ?

Roquefeuille

Un écrin ?… Ah ! c’est toujours assez clair !

Léonie

Ouvre donc !

Léonie, Laurence et Roquefeuille

Des diamants !

Léonie

Quelle splendide rivière !

Roquefeuille

Rivière ? C’est parbleu bien un fleuve !

Laurence, à Léonie.

Y comprends-tu quelque chose ?

Léonie

Absolument rien !

Roquefeuille

Ah ! je devine !… C’est un cadeau de l’ami Maxime à sa fiancée !

Laurence

C’est possible !

Léonie

De quel droit M. Duvernet se permettrait-il de m’envoyer des diamants ?

Roquefeuille

Ma foi ! du droit qu’ont les diamants de se présenter partout ; d’ailleurs, au point où vous en êtes…

Léonie

Au point où nous en sommes, M. Duvernet serait un impertinent !… Non ! cet écrin n’est pas pour moi, mais pour Laurence !

Laurence

Point ; il y a erreur… C’est pour toi !

Roquefeuille

Ah ! c’est bien la première fois que je vois deux femmes se renvoyer une parure !


Scène V

Les mêmes, Baptiste.
Baptiste, entrant précipitamment.

Madame ! madame ! le voilà !

Laurence

Mon mari ?

Baptiste

Monsieur ! c’est monsieur ! Il descend de voiture !

Laurence

Lui ! c’est lui !… Ah ! que cela fait du bien !

Roquefeuille

Nous le tenons ! Ne le laissez pas échapper !… Je cours à la mairie !… Par où sort-on pour ne pas le rencontrer ?

Laurence

Par cette porte !

Roquefeuille

Il y passera, le misérable ! (Il sort vivement.)

Baptiste, annonçant.

Monsieur ! (Il sort avec Thérèse.)


Scène VI

Léonie, Laurence, Robert.

(Robert entre lentement par le fond, en costume anglais de voyage, gros paletot fourré, couverture, casquette, etc.)

Laurence, courant à lui pour l’embrasser.

Ah ! mon ami, que je suis heureuse de vous voir !

Robert, très froid et avec un léger accent anglais.

Très heureux aussi !

Léonie, à part.

Ce ton !

Laurence

Ah ! si vous saviez combien j’étais inquiète de votre absence !

Robert

Il n’y avait pas de quoi, madame.

Laurence

Madame !… Voilà trois jours que vous êtes loin de moi, et, au lieu de m’embrasser…

Robert

Que ne le disiez-vous tout de suite ! Avec plaisir ! (Il l’embrasse froidement sur le front et va s’asseoir.)

Laurence

Mais d’où venez-vous, mon Dieu ?

Robert

Je viens de Londres !

Laurence

De Londres ?

Léonie

Il s’est gelé en traversant le détroit !

Robert

Ah ! madame de Vanvres, pardonnez-moi, je ne vous avais pas vue ! (Il salue cérémonieusement.)

Léonie

Monsieur !

Laurence

Que faire à Londres, mon ami ?

Robert

Mais, d’abord, faire une visite de politesse à mes concitoyens ; car, vous savez, madame, que je suis Anglais, et puis y corriger, par la fréquentation d’un peuple calme et froid, cette pétulance de caractère dont je vous ai donné ici même un si fâcheux exemple !

Laurence

Eh bien, là, vraiment, je vous aimais mieux à la française !

Robert

Non, madame.

Laurence

Comment, non ?

Robert

Vous m’avez suffisamment fait comprendre que mon éducation n’était pas complète, et qu’il me manquait ce vernis…

Laurence, voulant parler.

Mon Dieu !…

Robert

Ce vernis anglais !

Léonie

Ah çà, est-ce que vous allez toujours parler comme ça, maintenant ?

Robert, froidement.

Toujours !

Laurence

Et vous serez toujours habillé comme cela ?

Robert

Toujours !

Léonie

Et toujours aussi vif ?

Laurence

Aussi aimable ?

Robert

Toujours !… (Il remonte à la cheminée et va s’asseoir devant, dans un fauteuil, tenant ses jambes en l’air.)

LES DEUX FEMMES, effrayées.

Oh !

Léonie

Ma chère Laurence, mes sincères compliments ! Je te vois déjà te promenant le long de Piccadilly ou sur les gazons d’Hyde-Park avec une capote rose ornée d’un voile vert, une robe groseille, et une écharpe jonquille, au bras de m ilord en waterproof et en mac-farlane. C’est splendide ! Et, si je n’étais Française, je voudrais être Anglaise !


Scène VII

Les mêmes, Baptiste.
Baptiste

Madame !

Laurence

Qu’est-ce encore ?

Baptiste

Un bouquet que l’on vient d’apporter pour madame.

Léonie

Qui on ?

Baptiste

Madame me demande…

Laurence

De quelle part ?

Baptiste

Je l’ignore. Voici le bouquet ! (Il donne à Laurence le bouquet enveloppé dans du papier.)

Laurence

Je ne dois pas accepter.

Léonie

Un bouquet s’accepte toujours. (Baptiste sort.)

Laurence

Mais, mon mari ?

Léonie, montrant Robert qui a l’air de dormir.

Est-ce qu’il pense à toi ?

Laurence

Léonie !

Léonie

Tiens, regarde !

Laurence

(Elle a retiré le bouquet de son enveloppe et pousse un cri.) Ah !

Léonie

Un bouquet de fleurs d’oranger !

Laurence

Des fleurs d’oranger !

Léonie

En tous cas, qui est-ce qui a pu…


Scène VIII

Les mêmes, Maxime.
Maxime

Arrivé ! Il est arrivé ?

{{Personnage|Lau rence|c}}

Oui, d’Angleterre.

Maxime

Ce n’est pas possible ! J’arrive du bureau des passeports, on ne lui en a pas délivré.

Robert, sans bouger de place.

Yes ! on ne donne plus de passeports pour l’Angleterre.

Maxime, lui serrant la main.

Essoufflez-vous donc ! Tu vas très bien ?… Oui… Allons, tant mieux !

Laurence, le faisant retourner vers elle.

Pardon ! Est-ce vous, monsieur Duvernet, qui nous avez envoyé ces bijoux ?

Maxime

Quels bijoux ?

Léonie

Est-ce vous, monsieur Duvernet, qui nous avez envoyé ce bouquet ?

Maxime

Quels bijoux ? Quel bouquet ?

Laurence, lui montrant le coffret.

Ceux-ci !

Léonie, lui montrant le bouquet.

Celui-ci !

Maxime

Ces diamants ! ces fleurs !

Léonie

Vous n’avez peut-être pas remarqué quelles sont ces fleurs ?

Maxime

Des boutons de fleurs d’oranger ! (Riant.) Ah ! ah !

Laurence

Vous riez ?

Maxime

Je ne sais qui peut vous avoir envoyé ce bouquet, mais je vous jure que ce n’est pas moi.

Léonie

Qui cela peut-il être, alors ?


Scène IX

Les mêmes, Roquefeuille.
Roquefeuille, entrant précipitamment et s’annonçant.

C’est moi !

Léonie

Comment, c’est vous ?

Roquefeuille

Eh ! parbleu ! oui, c’est moi !… Robert est-il prêt ?

Laurence

Ah ! vous êtes l’auteur d’une pareille mystification ?

Roquefeuille

Quelle mystification ?

Léonie

J’aurais dû m’en douter !

Roquefeuille, ahuri.

Mais quoi ? (Léonie lui montre le bouquet.)

Léonie

Vous avez l’impertinence de m’adresser un bouquet de fleurs d’oranger à moi, madame de

Vanvres ?

Roquefeuille

Des fleurs d’oranger ! à vous, encore ! Merci ! Quelle plaisanterie ! J’aurais compris une caisse d’oranges.

Léonie

Ainsi, ce n’est pas vous ?

Maxime

Je vous jure…

Laurence, à Roquefeuille.

Ni vous ?…

Roquefeuille

Mais, sac à papier ! dépêchons-nous donc ! Où est Robert ?

Laurence et Léonie

Chut !

Roquefeuille

Dieu me pardonne ! je crois qu’il dort !

Léonie

Il en a tout à fait l’air !

Roquefeuille

Il a bien choisi son temps ! Je viens de la mairie, nous n’avons pas une minute à perdre. Réveillez-le, réveillez-le ! Il ne peut paraître dans ce costume devant les autorités !

Laurence

Mais, comment ?

Roquefeuille, exaspéré.

Eh ! c’est votre affaire, sac à papier ! Depuis ce matin, je ne fais que monter et descendre des escaliers, et courir de l’église à la mairie, et de la mairie à l’église ! C’est le maire qui me renvoie à son vicaire, et l’adjoint qui me renvoie à son bedeau. Et les voitures et les cochers, et la marmaille !… Monsieur le marié !… monsieur le marié !… Oui ! oui ! je t’en moque !… le marié !… Tâche de m’y prendre !… va !…

Maxime

Mais alors, mais alors !… Madame consent !… Vous consentez donc ?…

Léonie

Hein ?

Maxime

Mais ce mariage !… cette église, cette mairie ! C’est pour nous !

Léonie

Pour nous !

Maxime

Dame !

Roquefeuille

Tiens ! c’est vrai, il ne sait rien, lui !… Laissons-lui son erreur !… le malheureux !

Maxime, à Léonie.

Ah ! madame !… si vous consentez… un mot… un seul mot !…

Roquefeuille, faisant passer Léonie.

Allez vous habiller !

Maxime

En mariée ?…

Léonie

Point, monsieur, en demoiselle de noces !

Roquefeuille, lui donnant le bouquet.

Alors, gardez le bouquet pour que l’illusion soit complète ! (Léonie hausse les épaules.)

Léonie

Ah ! vous êtes un impertinent. (Elle sort.)

Maxime

Mais, je n’y comprends rien ! Mais si ce n’est pas moi, qui marie-t-on ici ?

Roquefeuille

Cela ne te regarde pas ! (À Laurence.) Dépêchez-vous, je vais faire patienter M. le maire !… (Montrant Robert.) Habillez-le !… (À Maxime.) Allons, marche !

Laurence

Mais, mon ami…

Roquefeuille

L’habit noir, c’est de rigueur ! Un mariage, grand deuil ! (Il entraîne Maxime.)


Scène X

Laurence, Robert.
Laurence

Une heure ! Je n’ai plus qu’une heure, et Robert qui dort ! Comment lui faire quitter ce costume pour endosser l’habit noir ? (Elle s’approche et l’appelle doucement.) Robert, mon ami, Robert ! (Il ronfle légèrement.) Oh ! (Appelant de nouveau.) Robert !

{{PersonnageD|Robe rt|c|se réveillant et se levant.}}

Ah ! je crois, parbleu ! que je dormais ! Quel grossier personnage je fais !

Laurence

Il n’y a pas grand mal, mon ami, surtout si vous êtes fatigué !

Robert

C’est mon excuse, si je puis en invoquer une !

Laurence

Avez-vous besoin de quelque chose ?

Robert

J’aurais besoin de mon lit. (Il s’assied sur le canapé.)

Laurence, à part.

De son lit ! (Haut.) Ne croyez-vous pas que cela vous ferait du bien de quitter ces vêtements si lourds ?

Robert

Je le croirais assez volontiers ; mais, vous l’avouerai-je, je me sens si à l’aise dans cette excellente causeuse, que le moindre mouvement m’effraie.

Laurence

Qu’à cela ne tienne ! Ne suis-je pas là ?

Robert

Je ne veux pas abuser.

Laurence

Au contraire, c’est un plaisir pour moi. Entre jeunes époux, ces petits soins ne sont-ils pas une preuve de tendresse qu’on aime à se donner ?

Robert, incrédule.

Oh ! oh !

Laurence

Vous en doutez ? Votre femme n’est-elle plus votre ménagère ?

Robert

C’est très joli, ce que vous dites là, ma chère Laurence, et je vous fais mon sincère compliment, si vous voyez encore la vie éclairée des reflets de la lune de miel ! Mais…

Laurence

Mais ?…

Robert

Vous êtes en retard ; les années se sont écoulées, et ce qui paraissait jadis un jeu charmant et plein de poésie, risquerait fort aujourd’hui de devenir un non-sens ridicule.

Laurence

Est-ce vous que j’entends ?

Robert

Je vous étonne.

Laurence

Mais oui, je l’avoue… Et ce que vous me disiez, il y a trois jours à peine… (Elle s‘assied sur la causeuse près de Robert.)

{{PersonnageD|Rob ert|c|se levant aussitôt.}}

Pardon !

Laurence

Ah !… vous me quittez ?…

Robert

Non… mais si on nous surprenait, on nous prendrait peut-être pour des amoureux !

Laurence

Eh bien, mon ami ?

Robert

Eh bien, ce serait un peu ridicule !

Laurence

Ridicule ! que vous aimiez votre femme et que votre femme vous aime ?

Robert

Ai-je dit cela ? En ce cas, je me serai fait bien mal comprendre.

Laurence, ranimée.

Ah !

Robert

Je vous aime, ma chère Laurence, je vous aime raisonnablement et sérieusement, comme on doit aimer sa femme, après trois ans de mariage.

Laurence

C’est-à-dire que l’amour ne résiste pas à trois ans de mariage, n’est-ce pas ?

Robert

Cela dépend du régime auquel on l’a soumis, ma chère !… Il ressemble assez à l’eau que vous placez sur le feu. Plus le feu est ardent, plus vite l’eau se perd en vapeur ! Ainsi l’amour…

Laurence

En sommes-nous là ?

Robert

Pas encore !

Laurence

Pas encore est plein de promesses !

Robert

Mais c’est le sort qui attend l’homme assez fou pour croire la jeunesse éternelle ; ne luttons donc pas, et obéissons aux lois de la nature.

Laurence

C’est charmant ! C’est-à-dire que…

Robert

C’est-à-dire qu’à l’automne de la vie, il ne faut demander ni la poésie du printemps, ni les ardeurs de l’été.

Laurence, troublée.

Ah ! Robert, que me dites-vous là ?…

{{Personnage|Rober t|c}}

Ce que vous m’avez fait comprendre, si vous ne me l’avez dit, il y a trois jours. J’ai réfléchi, et j’ai vu combien vous étiez sage !

Laurence

Mais non !

Robert, riant.

Mais si !

Laurence

Êtes-vous sûr d’avoir bien compris ?

Robert

Parfaitement ! Décidément, vous aviez raison ! Ces vêtements sont d’un poids… Aussi vais-je suivre votre avis, et en changer !… (Il entre à gauche.)


Scène XI

Laurence, puis Roquefeuille.
Laurence, seule.

Il ne m’aime plus ! Je n’en puis plus douter maintenant ! On ne raisonne pas ainsi quand on aime ? Il ne m’aime plus !…

Roquefeuille, entrant.

Êtes-vous prête ?

Laurence

Pas encore !

Roquefeuille

Ne plaisantons pas ; les voitures me suivent. Je suis en nage !

Laurence

Robert est passé dans sa chambre ; il va trouver son habit préparé sur son lit, entre ses gants et sa cravate blanche. J’ai caché les autres vêtements.

Roquefeuille

Bien, bien ! encore une demi-heure ! Vous savez… le maire… ses actionnaires… Pas de dividende ! il faut qu’il soit exact ! Je vais le faire patienter, il me fera patienter, nous nous ferons patienter. Mais, sac à papier ! si on m’y reprend à marier quelqu’un !

Laurence

Nous marier !… Ah ! mon ami ! si Robert n’allait plus vouloir se marier, maintenant qu’il ne m’aime plus !

Roquefeuille

Comment ?

Laurence

Une fois à la mairie, s’il allait dire : « Non ! »

Roquefeuille

Non tout sec, comme ça ?

{{Personnage|La urence|c}}

Je n’y avais jamais pensé. Mais c’est une peur horrible qui me vient tout à coup !

Roquefeuille, effrayé.

Mais non !… mais non ! Quelle idée ! En voilà une idée, par exemple !

Laurence

Chut ! il vient !

Roquefeuille

Vous voyez bien, il a ses gants noirs, son habit blanc… c’est-à-dire non… Enfin, peu importe, il est habillé, nous sommes sauvés !


Scène XII

Les précédents, Robert, en robe de chambre et en pantoufles.
Robert, entrant.

Là !

Roquefeuille et Laurence

Ah !

Robert

Le fait est qu’on est ainsi plus à l’aise !

Laurence, stupéfaite.

En robe de chambre ?

Robert

En robe de chambre, oui !

Roquefeuille

Et en pantoufles ?

Robert

Et en pantoufles. Tiens, le voilà ? Bonjour ! J’ai même eu assez de peine à les trouver.

Laurence

Mais, mon ami, il est impossible que vous restiez ainsi !

Roquefeuille

C’est impraticable !

Robert

Impraticable, pourquoi ?

Laurence

Mais, s’il vient une visite ?…

Roquefeuille

Oui… plusieurs visites, une foule de visites ?

Robert

Je ferai fermer la porte.

Laurence

Vous allez étouffer !

Roquefeuille

Il va étouffer ! Il fait une chaleur…

Robert

Je ferai ouvrir la fenêtre !

Laurence

C’est impossible !

Roquefeuille

Impossible ! Il fait un froid…

Robert, sèchement.

Impossible ! Je ne vous comprends pas, ma chère Laurence : vous m’engagez à quitter mes vêtements de voyage pour me reposer, je vous écoute ; je me coule dans ma robe de chambre, je me glisse dans mes pantoufles, et vous n’êtes pas satisfaite ? En vérité, que voulez-vous donc ? Que je mette une cravate blanche et un habit noir ?

Roquefeuille

Mais, justement… Voilà… ce qu’on voudrait !

Robert

Vous ne me persuaderez jamais que ce soit une tenue de maître de maison. Alors, mettez une robe décolletée et allumez les lustres !

Laurence, à part.

Que faire, mon Dieu !

Roquefeuille, à Laurence.

Et le maire qui croque le marmot ! Il faut avouer…

Laurence

Jamais ! Ce serait tout risquer.

Robert

Mais qu’avez-vous donc ?

Laurence

Moi, je…

Roquefeuille

Oh ! une idée ! — Parbleu, oui !

Robert

Eh bien ?

Roquefeuille

Eh bien, oui, mon ami, j’ai perdu !

Robert

Perdu ? Perdu quoi ?

Roquefeuille

Une gageure que j’avais faite avec ces dames, et que tu m’as fait perdre !

Robert

Explique-toi !

Roquefeuille

Tu as à moitié deviné. Je voulais te faire quitter tes vêtements de voyage, non pas pour la robe de chambre, mais pour l’habit noir de cérémonie. J’avais parié avec ces dames arriver à ce résultat sans te prévenir. J’ai perdu !

Robert

Voyez-vous ! Et quelle était la raison de cette mascarade ?

Roquefeuille

On te la dira quand tu seras déguisé.

Robert

Non, avant, ou je ne me déguise pas !

Roquefeuille

Quel entêté ! Avant, soit ! Tu es le témoin de ton ami Maxime, qui se marie dans une demi- heure à la mairie du 9e arrondissement.

Laurence, bas.

Par exemple !

Roquefeuille, bas.

Chut !… Il n’y a que ça !

Robert

Il se marie ?

Roquefeuille

Il se marie. Ah ! je le crois bien, le gaillard ! Tout le monde se marie, il se marie !

Laurence, même jeu.

Mais…

Roquefeuille, même jeu.

Chut !… Il n’y a que ça !

Robert

Madame de Vanvres s’est décidée avec… ?

Roquefeuille

Non, sans enthousiasme !

Robert

Et c’est dans une demi-heure ?

Roquefeuille

Dans une demi-heure !

Laurence, bas.

Mon Dieu ! vous…

Roquefeuille, bas.

Je vous dis qu’il n’y a que ça !

Robert

Que ne le disiez-vous plus tôt, ma chère ?

Laurence

Moi ! vous dire que…

Roquefeuille

Et le pari ?

Robert

Le pari, c’est juste !… Allons ! tant mieux ! voilà notre ami Maxime le plus heureux des hommes !

Roquefeuille

Après toi !

Robert

Après moi ?

{{Personnage|Roquefeuil le|c}}

Allons, vite ! cet habit, cette cravate !…

Robert

Noire, n’est-ce pas ?

Roquefeuille

Blanche ! malheureux !

Robert

Tu crois qu’une cravate longue…

Roquefeuille

Blanche ! blanche ! blanche ! Un témoin, c’est presque un mari !

Robert

Sois tranquille ! Dans cinq minutes, vous aurez un témoin irréprochable ! (Il sort à gauche.)


Scène XIII

Laurence, Roquefeuille.
Roquefeuille

C’est fait ! (Il tombe sur une chaise.)

Laurence

Mais, y pensez-vous ? Lui dire que Léonie va se marier ?

Roquefeuille

Je n’avais que ce moyen-là.

Laurence

Mais elle ne veut pas !

Roquefeuille

Il faut qu’elle le veuille !

Laurence

Mais pensez donc…

Roquefeuille

Je ne pense pas, je ne pense pas ! Depuis ce matin, je ne sais plus ce que je fais… et vous le voyez bien, puisque je viens de marier quelqu’un… moi !

Laurence

Mais…

Roquefeuille

Ne dites pas mais… Vous m’avez rendu fou avec votre mariage. Et puisque c’est comme ca, eh bien, oui ! je traînerai madame de Vanvres à l’autel, j’y traînerai Robert et je m’y traînerai moi-même, ou nous dirons tous pourquoi !…

Laurence

Il n’y a pas un instant à perdre ! Il faut prévenir Léonie, au moins.

Roquefeuille

Prévenez-la, ne la prévenez pas, ça m’est égal !… Je cours à l’église faire patienter le suisse !

{{Personnage|Lauren ce|c}}

Un instant !

Roquefeuille, sans l’écouter.

Je redoute le suisse ! (Léonie entre.) Ah ! madame de Vanvres ! victoire ! Il s’habille en marié ! Voilà pourtant le plus beau jour de la vie ! Sac à papier ! comment donc est le plus laid ? (Il se sauve.)


Scène XIV

Laurence, Léonie, Robert.
Léonie

Il s’habille en marié ?

Laurence

Pas positivement !

Léonie

Que veux-tu dire ?

Laurence

Mais c’est le même costume.

Léonie

Le même costume ?

Laurence

Ma chère Léonie ! ma seule, mon unique amie ! mon sort est entre tes mains !

Léonie

Parle !

Laurence

Apprends donc… (Robert entre en grand costume.)

Robert, saluant.

Madame !…

Laurence, à part.

Pour cette fois, c’est fini !

Robert, à Léonie.

Vous voyez que je ne vous ai pas gardé rancune de vos torts envers moi ?

Léonie

Je le vois… à quoi ?

Robert

Vous n’avez donc pas remarqué cette tenue digne et solennelle ?

Léonie

En quoi, je vous prie, cette tenue digne et solennelle est-elle une preuve que vous avez oublié mes torts ?

Laurence, bas, à Léonie.

Tais-toi !

{{PersonnageD|Léonie|c| étonnée.}}

Hein ?

Robert

Comment ! vous raillez encore à ce moment suprême ?

Léonie

Quel moment suprême ?

Robert

Mais il n’y a donc rien de sacré pour vous ?

Léonie

Qu’est-ce qui n’est pas sacré ?

Robert

Ah ! par exemple, c’est trop fort ! Si c’est ainsi que vous récompensez votre témoin…

Léonie

Quel témoin ?

Laurence, bas.

Silence ! malheureuse ! Je n’ai pas eu le temps de te dire que tu te mariais dans dix minutes.

Léonie, abasourdie.

Moi ?


Scène XV

Les mêmes, Maxime.
Maxime

Ah ! Robert en habit noir !

Robert

Oui, mon cher, et à cause de toi !

Maxime

À cause de moi ?

Robert

Allons-nous recommencer ?… Ils sont fous, ma parole d’honneur !…

Léonie, bas, à Laurence.

Ceci passe la permission, et c’est abuser étrangement…

Laurence, bas.

Entends-moi !

Robert

Je suis le témoin de madame de Vanvres, que tu épouses dans sept minutes.

Maxime

Tu dis ?

Robert

Le bonheur lui a mis la cervelle à l’envers !

Maxime, à Léonie.

Ah !… vous consentez, madame ! La joie, le saisissement…

{{Personnage|Léon ie|c}}

Permettez, permettez !…

Laurence

Léonie !…

Maxime

Madame !…

Robert

Comment, encore des hésitations ? Quand vous serez parfaitement décidés, vous me ferez prévenir ! (Il rentre à gauche.)


Scène XVI

Laurence, Léonie, Maxime.
Léonie, à Laurence.

Mais sais-tu que tu me mets dans une affreuse position !

Laurence

C’était le seul moyen de lui faire endosser l’habit noir !

Maxime

Mon mariage dépend de l’habit noir de Robert !

Léonie

Me voici bel et bien compromise !

Maxime

Un mot, madame, et je vous rends l’honneur !

Léonie

Laissez-moi tranquille ! Il s’agit bien de vous !

Laurence

Il le faut ! En te voyant consentir à ton mariage, il sera forcé de consentir au sien.

Maxime

Qui il ?

Léonie

Cela ne vous regarde pas. Écoute, Laurence, je consens à une transaction, je vous accompagne à la mairie, mais ne m’en demande pas davantage !

Laurence

Ce n’est pas assez !

Maxime, sans savoir ce qu’il dit.

Ce n’est pas assez !

Laurence

Si tu dis non, il dira non aussi.

Maxime, abasourdi.

Il dira non aussi !


Scène XVII

Les mêmes, Roquefeuille.
Roquefeuille

Partons ! partons ! Le maire s’impatiente et le suisse ne veut rien entendre.

Léonie

Il faut absolument que j’épouse M. Duvernet !

Roquefeuille

Deux mariages ! Très bien ! Plus on est de fous plus on rit. En route !

Maxime

Ah çà ! mais quel est donc le second mariage ? Est-ce le tien ?

Roquefeuille

Pas de mauvaise plaisanterie !

Maxime

Cependant !…

Roquefeuille

Cela ne te regarde point. Partons ! partons !

Laurence

Ma chère Léonie !…

Maxime

Madame !…

Léonie

Eh bien ?

Laurence

Eh bien ?

Roquefeuille

Allons donc ! qu’est-ce que cela vous fait ?

Léonie, tendant la main à Maxime.

Ce n’est pas pour vous, au moins, monsieur !

Roquefeuille

Et d’un !… À l’autre !

Laurence

Appelez Robert.

Roquefeuille

Robert ! Robert !

Léonie

Aurait-il encore pris la fuite ?

Roquefeuille

Je n’ai pas le temps de l’attendre, je cours à la mairie ; vous n’avez plus que quelques minutes ! En route ! (Il sort.)

Léonie, à Maxime.

Allons, mon cher monsieur, le bonheur vous a-t-il paralysé ? Trouvez-nous cet introuvable Robert !

Maxime

Robert ! Robert !


Scène XVIII

Laurence, Léonie, puis Baptiste et Thérèse.
Laurence, embrassant Léonie.

Ah ! c’est à toi que je devrai le bonheur !

Léonie

Puissé-je en dire autant !

Laurence

Il t’aime ! il te rendra heureuse !

Léonie

Dieu le veuille !

Laurence

Mais Robert ! où est Robert ? (Elle sonne. — Baptiste et Thérèse entrent.) Où est monsieur ?

Léonie

Avez-vous vu monsieur ?

THÉRÈSE

Mais, madame…

Laurence

Au dernier moment ! Courez ! cherchez !


Scène XIX

Les mêmes, Maxime.
Léonie

Eh bien ?

Maxime

Personne !

Léonie

Personne !

Laurence

C’est une fatalité !

Léonie

Et deux heures vont sonner !

Maxime

Robert !

Laurence

Robert !

Léonie

Monsieur Maubray !

Baptiste
et THÉRÈSE

Monsieur ! monsieur !


Scène XX

Les mêmes, Robert.
Robert

On m’appelle ?

Maxime

Nous le tenons.

Laurence

Enfin !

Léonie

Vite, donnez-moi votre bras et partons !

Robert

Le voilà ! (Deux heures sonnent.)

Laurence

Deux heures !

Tous

Deux heures !


Scène XXI

Les mêmes, Roquefeuille.
Roquefeuille, essoufflé.

Trop tard ! (Il tombe épuisé.)

Laurence

Tout est fini ! (Elle tombe sur le canapé.)

Roquefeuille

Le maire est parti en colère, il ne reviendra pas !

Maxime

Et dire que je touchais au port ! (Il tombe sur une chaise.)

Léonie

Pauvre Laurence ! (Moment de silence et d’embarras.)

Robert, tire des gants blancs de sa poche, les met lentement ; il s’approche de Laurence.

Mademoiselle ?

Tous

Hein ?

Robert

Mademoiselle Laurence de Croix veut-elle me faire l’honneur de m’accorder sa main ?

Laurence, se levant.

Robert… tu savais donc ?

Robert

Tout !

Laurence

Ah ! que je t’aime ! (Elle tombe dans ses bras.)

Roquefeuille

Bravo ! Supérieurement joué !

Maxime

Si j’y comprends quelque chose…

Laurence

Mon cher mari !

Robert, souriant.

Pas encore !…

Léonie

Mais, comment avez-vous deviné ?…

Roquefeuille

Oui, comment ?

Robert, tirant un journal de sa poche.

Ce journal que vous vouliez me cacher, et que Baptiste m’a déterré il y a trois jours, m’a mis sur la voie, et le maire, à qui Roquefeuille avait dû tout dire, m’a appris le reste !

Roquefeuille

Et tu as voulu prendre ta revanche ?

Robert

De vos mystères et de vos secrets !

Maxime

Quels mystères ? quels secrets ?

Laurence

Ainsi, ce départ ?

Robert

Comédie !

Laurence

Cette froideur ?

Robert

C’était là surtout qu’était la comédie ! Eh quoi ! petite tête folle, vous avez douté de moi un seul instant ? Vous avez pu croire que je ne vous aimais plus ?…

Laurence

Pardon !

Roquefeuille

Très bien ! très bien ! Mais, avec tout cela, M. le maire…

Robert

L’assemblée des actionnaires, c’était moi ! Le maire nous attend !

Roquefeuille

Encore ! (À Maxime.) Va toucher ton dividende ! (Il le conduit près de madame de Vanvres.)

Maxime

Espérons qu’un jour on me dira le mot !

Roquefeuille

Qu’est-ce que cela fait, puisque, comme dans les comédies, cela finit par un mariage.

Robert.

Par deux mariages !

Maxime, prenant la main de Léonie.

Le mien… et ?…

Robert, prenant la main de Laurence.

Et le mien !

Maxime.

Ah bah !

Roquefeuille.

Votre exemple me gagne… J’en ferais bien autant… si l’on pouvait se marier… sans prendre une femme !


FIN.