Oeuvres de Walter Scott, trad Defauconpret/Tome I/2/1

CHANT PREMIER.

i à xvi.

Le poète annonce qu’il va raconter la naissance et les aventures de sir Tristrem, telles qu’elles lui ont été communiquées par Thomas d’Erceldoune. Il déplore la dégénération de son siècle, comparable au changement que doit produire l’approche de l’hiver sur l’aspect des champs et des bois.

Tout à coup, sans transition, le narrateur commence le récit d’une guerre entre deux Chefs féodaux, le duc Morgan et Roland Rise, seigneur d’Ermonie. Ce dernier est victorieux : une trève de sept ans est conclue ; Roland se rend à la cour de Marc, roi de Cornouailles.

Dans un tournois qui a lieu à la cour du roi de Cornouailles, Roland remporte la gloire de la journée, et en même temps gagne le cœur de la princesse Blanche-Fleur, sœur du roi Marc. La princesse découvre son amour à ses précepteurs. Ici le poète place un éloge obscur de la bravoure et des qualités aimables de Roland Rise.

La princesse Blanche-Fleur se rend en secret à la chambre du chevalier blessé, et sir Tristrem doit sa naissance à cette clandestine entrevue. Bientôt un vassal fidèle informe Roland que ses domaines sont envahis par le duc Morgan, malgré la trêve. La princesse ne veut pas laisser partir son amant sans elle ; elle l’accompagne quand il retourne à la défense de ses États. Ils fuient avec mystère ; ils s’arrêtent dans un château appartenant à Roland, et reçoivent la bénédiction nuptiale. Cependant le duc Morgan s’avance à la tête d’une puissante armée.

xvii à xxx.

Une grande bataille est livrée : Roland a d’abord l’avantage ; mais le duc reçoit des renforts ; et, malgré des prodiges de valeur, Roland est vaincu et tué par trahison. C’est au milieu des cruelles douleurs de l’enfantement que Blanche-Fleur apprend la mort de son époux : elle met Tristrem au monde. La malheureuse mère, après l’avoir recommandé aux soins de Rohan, seigneur dévoué à son époux, expire au milieu des sanglots et des lamentations de ses femmes. Avec l’enfant, Rohan a reçu une bague de Blanche-Fleur, destinée à prouver la parenté de Tristrem avec le roi Marc.

Rohan, pour plus de sûreté, fait passer son pupille pour son fils, et change son nom par l’inversion des deux syllabes qui, le composent. On appelle donc Tristrem, Tremtris.

Cependant le duc Morgan devient le maître absolu des domaines d’Ermonie, et Rohan lui rend un hommage contraint et simulé. Il s’occupe de l’éducation de Tristrem, dont le poète décrit les détails depuis l’enfance du héros jusqu’à sa quinzième année. Tristrem devient habile dans l’art des ménestrels, dans celui de la chasse, et dans tous les exercices de la chevalerie.

Un navire norwégien arrive. La cargaison consiste en un trésor et en faucons. Tristrem apprend que le capitaine défie tout le monde au jeu d’échecs, en pariant vingt shillings. Rohan et ses fils, avec Tristrem, se rendent à bord du vaisseau norwégien. Tristrem joue aux échecs avec le capitaine, et lui gagne six faucons et cent livres sterling. Rohan retourne à terre, laissant à bord Tristrem, qui continue une partie d’échecs, sous la surveillance de son précepteur. Le capitaine, pour ne pas payer ce qu’il a perdu, renvoie le précepteur seul dans un bateau, et met à la voile en emmenant Tristrem.

xxxi à L.

Le vaisseau norwégien est battu par une cruelle tempête, et les matelots l’attribuent à l’injustice dont ils se sont rendus coupables.

En réparation, ils paient à Tristrem ce qu’il a gagné, et le déposent à terre dans un pays inconnu. Tristrem se recommande à la Providence, et la supplie d’être son guide et sa protection.

Le narrateur interrompt ici son récit pour nous garantir l’authenticité de tout ce que Thomas a vérifié par des recherches minutieuses. Il décrit ensuite l’habillement de Tristrem. Ayant réparé ses forces avec quelques alimens que les Norwégiens avaient laissés en le débarquant, Tristrem traverse une forêt dans laquelle il rencontre deux pèlerins ; il leur demande où il est ; en réponse à cette question, les pèlerins lui apprennent qu’il est en Angleterre. Tristrem leur offre une récompense de dix shillings, s’ils consentent à le conduire à la cour du roi. Les pèlerins consentent volontiers à lui servir de guides.

Dans leur route, ils rencontrent une compagnie de chasseurs : Tristrem est scandalisé de la maladresse avec laquelle ils mettent en quartiers les cerfs qu’ils ont tués. — Pourquoi, leur dit-il, écorcher si follement votre gibier ? C’est un martyre. — Un officier ou un ancien répond à Tristrem : Nous suivons la méthode de tout temps adoptée dans notre pays ; mais nous consentirons à en apprendre une meilleure, si vous voulez bien découper un cerf pour notre instruction.

Tristrem se met à l’ouvrage, et découpe en effet le cerf d’après les règles de l’art ; puis il enseigne aussi aux chasseurs la fanfare de triomphe appelée la mort. Tout ceci se passe en Cornouailles. Le roi Marc apprend bientôt qu’il est arrivé un savant chasseur dans ses États : c’est une découverte importante dont il se réjouit ; l’air nouveau le charme surtout. Il veut voir Tristrem, qui s’est acquitté d’un devoir en instruisant l’ignorance.

li à lxxiii.

Tristrem est présenté au monarque, à qui il raconte son éducation ; mais comme le nom de Rohan, père supposé de notre héros, est inconnu au roi de Cornouailles, il ne découvre pas son neveu dans le jeune chasseur. Tristrem est admis au banquet royal, servi avec magnificence.

Après le repas, un ménestrel est introduit, ce qui donne à Tristrem l’occasion de montrer son talent sur la harpe ; et le musicien de Cornouailles lui cède la palme. Tristrem devient le favori de Marc ; on le comble de prévenances et de riches bienfaits à la cour.

Cependant Rohan, désespéré de la perte de son fils supposé, le cherche dans différens pays, sans renouveler même ses vêtemens, qui tombent en haillons. Il rencontre enfin un des deux pèlerins qui ont conduit Tristrem à la cour de Cornouailles.

Le pèlerin raconte à Rohan la faveur dont Tristrem jouit auprès du roi ; et, à sa requête, il le conduit aussi à la cour. En arrivant, Rohan se voit repoussé d’abord par le portier, ensuite par l’huissier de service, à cause de son vêtement sale et déchiré. Il triomphe de leurs refus par des récompenses libérales, et parvient enfin à être introduit chez Tristrem, qui d’abord ne peut le reconnaître.

Une explication a lieu : Tristrem, désolé de sa méprise, présente Rohan au roi Marc comme son père, et lui raconte en même temps la cause de leur séparation. Rohan est conduit au bain. On le revêt de riches habits par ordre du roi Marc. Il paraît aux yeux de toute la cour ; chacun admire son air majestueux. Hôte du banquet royal, il est placé à la droite du monarque.

lxxiii à xc.

Rohan révèle au roi le secret de la naissance de Tristrem, lui montre la bague de Blanche-Fleur, témoignage irrécusable que cette malheureuse mère lui a légué à son lit de mort. Tristrem est reconnu neveu du roi.

Tristrem ayant reçu les félicitations des courtisans, désire ardemment connaître les particularités de la mort de son père. Rohan lui apprend la perfidie du duc Morgan, et la mort tragique de Roland et de Blanche-Fleur. Alors Tristrem annonce au roi que son intention est de se rendre à Ermonie pour y venger la mort de son père.

Après avoir vainement cherché à dissuader son neveu d’une si dangereuse entreprise, Marc y donne enfin son assentiment. Il confère à Tristrem l’honneur de la chevalerie, et lui confie une troupe choisie de mille hommes, qui mettent à la voile avec le héros. Ils arrivent au château de Rohan, et en forment la garnison. Fatigué de rester inactif dans une forteresse, sir Tristrem se décide à se rendre, déguisé, à la cour du duc Morgan.

Il entre chez le duc pendant qu’il est à table. Avec sir Tristrem sont quinze chevaliers qui portent chacun, comme un présent destiné au duc, une hure de sanglier. Cependant Rohan, inquiet pour son fils adoptif, se met à la tête des soldats de Cornouailles et de ses propres vassaux.

Sir Tristrem adresse à Morgan un salut ambigu qui amène celui-ci à lui demander son nom et ses projets. Sir Tristrem se déclare. D’après une provocation pleine de colère et d’aigreur, le duc porte la main sur notre héros. Tristrem tire son épée ; en ce moment arrive Rohan avec son armée ; un combat a lieu ; Morgan est tué ; ses partisans sont vaincus et prennent la fuite. Sir Tristrem recouvre les domaines paternels, qu’il donne à Rohan, en s’en réservant la suzeraineté. Il prend congé de ce brave défenseur, et retourne en Cornouailles.

xci à cx.

À son arrivée à la cour, sir Tristrem trouve tout le pays en émoi, à cause d’un tribut réclamé de Marc par le roi d’Angleterre. Ce tribut consiste en un paiement de trois cents livres d’or, trois cents livres d’argent, trois cents livres de cuivre ; plus, chaque quatrième année, trois cents enfans[1].

Au moment où sir Tristrem se montre, Moraunt, ambassadeur irlandais, chevalier et champion célèbre, fait la demande de ce tribut. Marc explique à son neveu la cause de son chagrin, et proteste contre l’injustice d’une semblable réclamation. Sir Tristrem se propose de la faire refuser.

Le conseil de la nation s’assemble ; on y discute l’affaire : sir Tristrem y prend la parole, déclare, sur son titre de chevalerie, qu’il défendra les libertés de Cornouailles. Cette proposition est acceptée à contre-cœur par le conseil national. Tristrem en personne remet à Moraunt la déclaration qu’aucun tribut n’est dû au roi d’Angleterre. Moraunt réplique en donnant un démenti à Tristrem ; ils échangent les gages du défi, et Tristrem et son adversaire s’embarquent pour une petite île, afin d’y combattre. Là Tristrem abandonne son navire au gré des flots, disant qu’un seul suffira pour ramener le vainqueur.

    1. s1 ##

Les deux chevaliers en viennent aux mains : ils fondent l’un sur l’autre ; le cheval de Moraunt est tué. Tristrem met pied à terre ; le combat est renouvelé à pied ; Tristrem est blessé dangereusement à la cuisse ; mais il assène un coup terrible à Moraunt, et lui fend le crâne ; son épée est brisée ; un fragment de la lame reste dans la blessure.

Tristrem se félicite d’avoir tué le miroir de la chevalerie d’Irlande[2]. Il retourne en Cornouailles, et les suivans de Moraunt emportent son corps. Le héros offre son épée à l’autel. Il est proclamé prince héréditaire de Cornouailles, et successeur de son oncle ; mais sa blessure, causée par une arme empoisonnée, empire de jour en jour ; tous les remèdes sont inefficaces : l’odeur de la gangrène éloigne tout le monde de sa présence, excepté son fidèle serviteur Gouvernayl.

    1. s2 ##

CHANT SECOND.

i à xv.

TRISTREM, abandonné de tous, demande au roi Marc un navire pour s’embarquer et quitter le pays de Cornouailles. Marc lui accorde à regret sa requête. Tristrem met à la voile avec Gouvernayl, son seul serviteur, et avec sa harpe, sa seule consolation. Il part de Carlion, et

  1. Ici commence la ressemblance entre le poème de Thomas et la prose française où Moraunt est appelé Morhault. – « Quand le roy de Cornouailles entend que ceulx d’Irlande sont venus quérire le treu, si commencent le deuil et le cry, sus et, jus. » — Ed.
  2. L’Amorant d’Irlande fut, en son temps, ung des bons chevaliers du monde. Il estoit grand et de si belle taille que chevalier pouvoit avoir. Les cheveux eust oncques crespés, le visage bel et plaisant ; moult chantoit bien ; les épaules eust droites et larges ; les bras et les poings eust longs, gros, carrez. Pas le bas estoit maigre, les cuisses et les jambes eust belles et grosses, à mesure armé et désarmé, estoit un des plus beaux chevaliers qu’on pouvoit veoir, et chevauchoit mieux que tout autre. Trop estoit bon ferreur de lance, et meilleur d’espée. Si hardy et si aspre estoit, qu’il ne craignoit rien à rencontrer. Tousjours cherchoit les plus périlleuses aventures : moult estoit craint et doubté par le monde. Doux et courtois estoit, fors aux demoiselles errantes, car il les hayoit à mort. Moult estoit aymé de bons chevaliers, gayères ne hantoit gens de religion. » (Manuscrit de la bibliothèque du duc Roxburgh) –Ed.