Oeuvres complètes de Démosthène et d'Eschine/Avertissement du traducteur


AVERTISSEMENT
DU TRADUCTEUR
SUR CETTE NOUVELLE ÉDITION.



Je n’avais négligé aucun soin, j’avais pris toutes les peines convenables dans ma première traduction de Démosthène et d’Eschine, soit pour l’exactitude du sens, soit pour l’élégance du style ; mais les observations d’amis sévères et mes propres réflexions m’y ont fait apercevoir des défauts que j’ai tâché de faire disparaître dans un second travail. Je ne me suis pas contenté de corriger quelques phrases défectueuses dans les discours ; je les ai travaillées de nouveau en les revoyant sur le texte. C’est surtout Isocrate qui m’a fait connaître tout l’art des phrases de Démosthène, et qui m’a appris avec quel soin elles doivent être travaillées pour ne rien perdre de leur naturel et de leur élégance, de leur simplicité et de leur noblesse, de leur précision et de leur harmonie.

J’ai toujours été persuadé, et je le suis encore, qu’on doit traduire exactement, sans se permettre de rien retrancher de son auteur ou d’y rien ajouter ; mais il ne faut pas porter trop loin cette exactitude ; il ne faut pas que l’attention à observer la lettre aille jusqu’à ruiner l’esprit. La vraie fidélité du traducteur est de rendre beautés pour beautés, et c’est à quoi il ne parviendra jamais par une exactitude trop scrupuleuse. J’avouerai ici, avec franchise, que, par un trop grand attachement à la lettre, le style de ma première traduction manquait, en général, d’élégance et de grâce, de cette aisance et de cette légèreté qui font lire les ouvrages avec plaisir, qui font que tout attache et rien n’arrête. Le lecteur jugera par lui-même si mes derniers efforts sont plus heureux que les premiers. La traduction de Démosthène est la partie de tout mon travail, sur les orateurs d’Athènes, que j’affectionne davantage, parce que ce grand homme a porté l’éloquence à un point de perfection qui doit le faire goûter dans tous les pays et dans tous les siècles.

Je dois reconnaître ici les nouvelles obligations que j’ai à M. l’abbé Arnaud et à M. Sélis, qui, tous deux, m’ont été fort utiles par la délicatesse et la sévérité de leur goût. Je m’empresse de rendre un nouvel hommage d’estime, de respect et de reconnaissance, au prélat distingué à qui j’ai l’honneur d’être attaché particulièrement. Il a revu, avec tout l’intérêt qu’il prend à ma personne et à mes ouvrages, les principaux discours que je redonne aujourd’hui au public. Je dois aussi avertir qu’il en a traduit un lui-même ; c’est la seconde philippique ou première olynthienne : j’ai adopté sa traduction, qu’il m’a abandonnée, et, sans vouloir prévenir le goût des lecteurs instruits, j’ose assurer qu’ils en seront contens.

Le plus fort de mon travail, dans ma nouvelle traduction, a porté sur le style ; mais il s’est trouvé aussi quelques sens que j’avais manqués, et que j’ai rétablis. Je me flatte donc que cette seconde traduction sera en même temps et plus exacte et plus élégante.

Comme les préliminaires généraux étaient assez multipliés et assez étendus, j’ai pris le parti de les réunir en un seul volume, afin qu’ils n’embarrassent pas les autres, et en même temps pour la plus grande commodité des personnes qui voudront les consulter. Il n’est pas besoin que j’avertisse des changemens que cet ordre, qui m’a paru le meilleur, a occasionnés dans les premiers volumes. J’ai revu avec soin tous ces préliminaires, et j’y ai fait, soit pour le fond des choses, soit pour le style, plusieurs corrections qui m’ont paru nécessaires.