Odor di femina/Madelon me pose un lapin

G. Lebaucher, libraire-Éditeur (p. 17-23).

MADELON ME POSE UN LAPIN


Comme je ne pouvais pas avoir tous les jours ma jolie fermière sous la main, tout en gardant mes entrées chez elle, je faisais courir l’œil sur les faneuses occupées en ce moment au foin. C’étaient des jeunes filles et des jeunes femmes, les vieilles ne sont plus assez alertes pour ce travail fatiguant. Aussi le joyeux bataillon était-il fort gai. Il y en avait une surtout dans le nombre très délurée, brune piquante, qui épandait le foin avec sa fourche de bois, avec un entrain surprenant par ce soleil de plomb, qui cuisait les faneuses, malgré le large chapeau de paille grossière, qui abritait leur figure.

Elle poussait ses compagnes, les culbutant sur le foin épandu, où elles roulaient tête sur cul, montrant des coins de chairs nues aussitôt recouvertes. Quand l’une d’elles tombait malencontreusement, les jupes renversées, comme elles n’ont pas de pantalon, elle montrait tout, les jambes, les cuisses, les fesses, que leurs compagnes s’amusaient à venir pincer jusqu’au vif, à la grande hilarité des hommes, qui fauchaient plus loin, et qui se haussaient sur la pointe des pieds pour mieux voir, tout cela en ma présence, car j’encourageais du regard ces jeux qui ne manquaient pas de piquant avec l’imprévu des découvertes. Les culbutées se relevaient couvertes de confusion, et lançaient des regards furibonds à la vigoureuse fille, qui se tenait sur ses gardes pour éviter la réciproque.


Je leur fis signe de se mettre à plusieurs, pour rendre fèves pour pois à la robuste Madelon. Tout à coup, pendant qu’elle surveillait du coin de l’œil ses voisines de gauche, quatre faneuses venant par derrière, se précipitent sur elle, sans qu’elle s’y attende, et, dans une poussée véhémente, elles l’envoient rouler à mes pieds, les jupes sens dessus dessous, nue des genoux à la ceinture, montrant son gros derrière brun comme sa figure. Les faneuses étaient tombées sur l’objet en montre, les unes maintenaient la fille renversée, les autres se vengeaient sur les grosses fesses, et sur les cuisses, qu’elles giflaient et pinçaient jusqu’au sang en chantant :


Tiens donc bon belle Madeleine,
Tiens donc bon belle Madelon.


Une même, plus enragée que les autres, s’attaquant à la perruque, lui arracha cinq ou six poils noirs.

Ça ne dura qu’un moment ; dès que la culbutée fut debout, voyant une grosse fille rousse, qui enroulait les poils arrachés autour de son doigt, elle bondit sur elle, l’empoigne à bras le corps, la renverse dans son bras gauche, lui passe brutalement la main sous les jupes, qui remontèrent jusqu’à mi-cuisses, et tandis que la fille, ainsi empoignée, criait miséricorde elle lui secoua vivement la toison, lui arrachant une touffe de poils roux, qu’elle brandit en s’écriant :

— Je les voulais pour remplacer ceux qu’elle m’a volés, mais ça n’irait pas avec mes poils noirs, cette queue de vache qu’elle a sur le ventre.

Toute la galerie de rire, et moi aussi, mais je leur défendis de s’amuser ainsi, des culbutes tant qu’elles voudraient, pourvu qu’elles fissent leur besogne, mais il ne fallait pas que ça dégénérât en crépage de chignons, ni que ça durât toute la journée.

Je me demandais comment je pourrais entretenir dans un coin cette belle faneuse si délurée, qui certainement avait vu le loup, comme on dit dans le pays. C’était une fille d’un village voisin, en service chez un de mes fermiers, chez lequel elle gagnait de petits gages, comme la plupart de ces filles, pour amasser une petite dot de quelques centaines de francs, qu’elles mettent des années à gagner.

Celle-ci était la promise, c’est le terme consacré, d’un valet de ferme en service dans son village, qui venait la faire danser le dimanche, seul jour qu’ils eussent de libre. Ils attendaient d’avoir amassé chacun de leur côté un petit pécule pour s’établir. En attendant ils prenaient des acomptes sur l’avenir, disait-on. C’était assez commun dans le pays, et pourvu qu’il n’y eût pas d’accident trop apparent, tout était pour le mieux, on n’en jasait pas trop.

La découverte de ces belles fesses n’était pas faite pour dissiper l’envie que j’avais de les revoir, et quand, à l’entrée de la nuit, les ouvrières rentraient de l’ouvrage, je l’abordai lui parlant de son futur établissement. Comme elle modelait son pas sur le mien, et que ses compagnes avaient pris de l’avance, j’en profitai pour lui déclarer mes intentions à brûle pourpoint.

— Sais-tu, belle Madelon, que tu as là une fière beauté, lui dis-je en palpant le gros objet par-dessus le simple jupon d’indienne, sous lequel je sentais un ballonnement dur et élastique.

— Parguienne, comme toutes les filles, répondit-elle sans s’émouvoir du compliment non plus que du contact.

— Et cependant, ma fille, je paierais cher pour la revoir sans témoins, cette merveille, et la caresser, comme l’ont fait tantôt tes compagnes. Je donnerais bien un beau louis d’or, pour voir et tâter ton gros derrière.

— Dam ! not’ maître, s’il ne faut que ça pour vous faire plaisir, je puis ben vous le montrer en payant, puisque vous l’avez déjà vu gratis. Mais à c’t’ heure, je ne vois pas où je pourrais contenter votre fantaisie.

Elle disait cela du ton le plus naturel du monde, sans le plus léger trouble apparent. Je pris les devants, lui indiquant la grange au foin, où j’allais l’attendre. Il y avait deux issues, je devais entrer par l’une, elle devait venir par l’autre. Elle m’y retrouva deux minutes après. La grange était éclairée par une faible clarté, qui entrait par deux ouvertures.

Je m’avançai vers l’arrivante. Elle se prêta de la meilleure grâce à mon inspection, se laissant trousser par derrière, me permettant d’examiner, de palper, de manier ses belles fesses potelées, humides, d’une envergure remarquable dans la posture penchée qu’elle avait prise sur mon désir, dures au contact et recouvertes d’une peau épaisse, résistante. J’avais gagné dans cette excitante inspection une violente érection, surtout dans le contact du bijou, que je trouvai brillant et suant après le pénible labeur de la journée.

Après toutes ces caresses consenties, voulues, reçues sans la moindre résistance, sur tous ses charmes nus, je pensais qu’elle ne résisterait pas davantage pour la consommation de l’œuvre de chair, et je la culbutai sur le foin, me disposant à empaumer le bijou, dont je venais de constater l’état de rut avancé. Mais elle s’était relevée, bondissant sur les pieds, mue comme par un ressort, me repoussant énergiquement, se refusant absolument à la chose, et je m’aperçus bien que je n’en serais pas le maître, même en essayant de violence, que je n’aurais jamais voulu employer.

— Ce n’est pas dans nos conventions cela, not’ maître, me dit-elle, je vous ai laissé faire tout ce que vous m’aviez demandé, vous avez vu, tripoté, caressé tout à votre aise mon cul et autre chose qui n’était pas dans nos entendus, mais pour cette affaire, elle est bien trop dangereuse, et elle pourrait gâter la mienne auprès de mon galant.

— Mais, belle Madelon, je sais ce qui convient aux filles, et jusqu’où on peut aller. Tu n’as pas attendu d’ailleurs jusqu’ici pour te le laisser mettre, ça se voit à l’ouverture qui est faite.

— Oui dà, not’ monsieur, mais c’était mon futur époux, et il est aussi sage que prudent.

— Je le serai bien, moi aussi.

Je vis bien que, malgré mon insistance je n’aurais pas le dernier mot, je lui glissai néanmoins le louis promis, car elle avait tenu sa parole à la lettre, la fûtée commère. Elle le prit en me remerciant, puis elle se sauva en courant jusque chez elle, craignant d’être tancée, pour son retard.

Je maugréais, en m’en retournant, de ma naïveté, moi le Parisien roublard, de m’être ainsi laissé monter un bateau par une délurée de la trempe de cette paysanne, qui avait accepté si délibérément de me laisser découvrir et tripoter ses fesses à mon gré pour de l’argent.

Bon, pensai-je, à cette réflexion, il n’y avait qu’à y mettre le prix, nous l’y mettrons.

  1. Aurait été imprimé en réalité à Paris, mais inscrit Montréal en contrefaçon. Voir Histoire du livre et de l’imprimé au Canada