Odes (Horace, Leconte de Lisle)/I/2

1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
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Ode II. — À AUGUSTUS CÆSAR.


Le Père a jeté assez de neige et d’âpre grêle sur la terre, et, de sa droite flamboyante foudroyant les citadelles sacrées, assez épouvanté la Ville.

Il a épouvanté les nations. Elles ont craint qu’il revînt, le siècle désastreux de Pyrrha se lamentant de prodiges inconnus, quand Proteus mena tout son troupeau visiter les hautes montagnes ;

Quand la race des poissons s’arrêta au faîte des ormes où fut le séjour accoutumé des colombes, et quand les daims tremblants nagèrent dans la mer partout répandue.

Nous avons vu le Tibéris jaune, ses eaux étant violemment repoussées du rivage Étrusque, venir renverser les monuments d’un roi et le temple de Vesta ;

Et, plaignant trop Ilia et se vantant d’être son vengeur, ce fleuve-époux, malgré Jupiter, déborder, vagabond, sur la rive gauche.

On saura que les citoyens ont aiguisé le fer par lequel les Perses ennemis eussent dû plutôt périr. La Jeunesse, épuisée par le crime des pères, apprendra ces combats.

Quel Dieu le peuple appellera-t-il à l’aide de l’Empire qui croule ? Par quelle prière les vierges saintes fatigueront-elles Vesta indifférente à leurs chants ?

À qui Jupiter donnera-t-il la tâche d’expier le crime ? Nous te supplions de venir, tes blanches épaules couvertes d’une nuée, Augure Apollo !

Ou, si tu le préfères, viens, riante Érycina, qu’entourent de leur vol le Jeu et le Désir ! Ou toi, Père ! regarde ta race oubliée et tes descendants.

Hélas ! sois rassasié d’un si long jeu, toi que réjouissent les clameurs, les casques éclatants et le regard farouche du piéton Marse sur l’ennemi ensanglanté !

Ou toi, viens, fils ailé de Maia, qui, changeant de figure, prends sur la terre celle d’un jeune homme, et qui souffres qu’on te nomme le vengeur de Cæsar !

Tardif, retourne dans le ciel ; mêle-toi longtemps, joyeux, au peuple de Quirinus ; qu’un souffle trop rapide ne t’emporte pas irrité de nos vices.

Ici, plutôt, tu te plairas aux grands triomphes, ici, tu aimeras à être nommé père et prince, et tu ne permettras pas que les Mèdes impunis poussent leurs chevaux là où tu commandes, Cæsar !