Maison d’éditions et d’impressions Anct AD. Hoste, S. A. (p. 245-246).

XCV.

DANS LA FORÊT.

Ô la rue où les chars font grincer leurs ferrailles !
Ô mon cœur amoureux de silence et de paix !
Mon cœur malade et las, il faut que tu t’en ailles,
Pour retrouver l’espoir à l’ombre des forêts.

J’irai dans les taillis, dès l’aube et sur la mousse,
J’attendrai, palpitante, épiant le chemin,
Ton regard de lumière et ta voix claire et douce,
Ta main joyeuse et franche et qui prendra ma main.

Et tu viendras t’asseoir, ton blond chapeau de paille
Roulera sur ma robe et, froissant une fleur,
À te sentir si près de mon cœur qui tressaille,
Je pâlirai soudain d’une heureuse pâleur.

Alors, tout simplement, tu me diras ta vie
Et moi, je te dirai simplement mon passé.
Tu n’auras d’autre soin, je n’aurai d’autre envie
Que de guérir ce cœur que la vie a blessé.


Et, la main dans la main, nous resterons des heures,
En silence, à rêver aux lendemains joyeux.
Si pour les jours perdus, désespéré, tu pleures,
D’un long baiser fervent je te clôrai les yeux.

Les pesants chariots font grincer leurs ferrailles,
Un orgue geint sa plainte, un chien hurle à la mort.
Ô cœur malade et las ! il faut que tu t’en ailles
Vers l’ombre des forêts où la douleur s’endort.