Octobre en fleur/4/069
LXIX.
FLEUR CUEILLIE.
Après la trahison et l’atroce avanie,
Ô chair endolorie ! ô cœur martyrisé !
Subirez-vous encor la cruelle agonie
D’un amour sans baiser ?
Il a cueilli mon cœur comme une fleur des landes,
Tremblante, épanouie à la brise du soir.
Comme un roi nonchalant, dédaigneux des offrandes,
Il a cueilli sans voir.
Alentour de ses doigts roulant la tige frêle,
N’a-t-il pas respiré mon cœur sauvage et pur,
Où l’émouvant parfum de la terre se mêle
Aux fraîcheurs de l’azur ?
Mais il a rejeté la fleur dans la poussière.
Elle se flétrira sans rêve et sans espoir,
En regardant en vain pleuvoir sur la bruyère
L’or tragique du soir.
Et voici la rosée en pleurs qui désaltère,
Mais mon cœur va mourir, mon cœur déraciné.
Il a jeté la fleur, ne sachant trop qu’en faire —
Et mon cœur est fané.