Observations sur quelques grands peintres/Avant-propos


AVANT-PROPOS.


En commençant ces Observations, je ne m’attendois pas sans doute qu’un jour elles formeroient un volume et paroîtroient en public. Dans de longues soirées d’hiver, j’avois rassemblé quelques idées pour me rendre compte des caractères distinctifs du talent de plusieurs peintres célèbres ; je me hasardai de les lire à la Société libre des sciences, lettres et arts, dont j’ai l’honneur d’être membre ; elle pensa qu’elles pouvoient être lues en séance publique : elles y furent favorablement accueillies : ce succès m’excita à continuer ; j’avois commencé par des croquis, j’ai cherché depuis à finir davantage, à faire des portraits sur de plus grandes toiles, j’ai ajouté des accessoires. Peut-être mon travail pourra éclairer les amateurs et devenir utile aux jeunes artistes, en leur montrant les différentes manières qui ont également conduit à la célébrité, en leur prouvant que pour arriver à la gloire, les chemins ne sont pas les mêmes.

J’ai parlé surtout des grands peintres dont le talent avoit une physionomie et une originalité plus prononcées, et qui étoient supérieurs et sans rivaux dans une partie : j’aurois pu m’occuper d’autres encore ; peut-être le ferai-je quelque jour ; j’aurois pu joindre à cette suite Murillo et quelques autres étrangers très-fameux ; je ne l’ai pas fait, parce que j’ai craint de ne pas avoir vu assez de leurs ouvrages pour en parler dignement.

Beaucoup d’articles qui composent ce volume ont déjà été imprimés dans différens journaux, et particulièrement dans le Journal des Arts et dans le Moniteur ; cela les rendra sans aucun intérêt pour bien des lecteurs ; j’ai pensé cependant que quelques personnes qui les avoient lus séparément ne seroient pas fâchées de les voir réunis. D’ailleurs une partie de ces Observations n’a point encore été imprimée, et la plupart de celles qui le sont, ont été retouchées depuis. Dans l’ordre que j’ai mis en plaçant mes peintres, je n’ai point suivi celui des temps, et je ne les ai point classé par École ; cet arrangement m’a paru froid et monotone. Les contrastes et une sorte d’harmonie ont été mes seuls guides ; quelquefois j’ai opposé les genres et quelquefois les divers degrés de talent.

Lorsque le public a pu voir la superbe collection de statues et de tableaux acquise par nos victoires, cet ouvrage étoit à l’impression, et c’est avec regret qu’on n’a pu appuyer les opinions qui y sont émises par la description de plusieurs chefs-d’œuvres exposés maintenant à nos yeux, précieux trophées qui attestent la gloire d’un Héros, dont les innombrables triomphes enrichissent chaque jour son Empire.