Nouvelles poésies (Van Hasselt)/La Fête des fleurs

Odes
Nouvelles PoésiesBruylant et Cie (p. 74-78).


La fête des fleurs.





C’hoari awalc’h a vo enan,
xxxxMar vo biken war ann bed-man.
Chanson bretonne.





Quelle fête sur la terre !
Quelle fête dans les cieux !
La nature est un parterre.
Tout sourit au cœur, aux yeux.
Oh ! la joie est bien complète.
Primevère et violette,

Toute fleur est en toilette
Comme un jour de bal joyeux.

Si la rose à peine lace
Son corsage de satin,
L’églantine se prélasse
Dans les brises du matin.
La luzerne a son aigrette,
Et la fraîche pâquerette,
Ajustant sa collerette,
Prend son air le plus mutin.

Des essaims de chèvrefeuilles
Vont courant le long du mur ;
Le narcisse aux larges feuilles
Suit leurs traces d’un pied sûr,
Cependant que sous vos branches,
Aubépines toutes blanches,
On voit rire les pervenches,
Rire avec leurs yeux d’azur.

Marguerites orgueilleuses
Qui marchez si fièrement,
Au collier des scabieuses

Voyez luire un diamant ;
Et, sans craindre l’œil des faunes,
Les jonquilles, sous les aunes,
Mettre leurs mantilles jaunes
Pour vous suivre prestement.

Puis voilà les digitales
Qui, dans l’ombre des bouleaux,
Font bruire leurs crotales
En chantant : « Honneur et los ! »
Et rassemblent, dans les prées,
Les clochettes affairées
Aux timbales azurées,
Les muguets aux blancs grelots.

Pourquoi donc, joyeuse bande,
Pour sourire aux bleux ruisseaux,
Pour danser la sarabande
Aux musiques des oiseaux,
Tout ce luxe qu’on déploie,
Or, satin, velours et soie,
Gaze et moire qui chatoie,
Et dentelle aux fins réseaux ?


— « Ouvre donc les yeux, poëte,
« Toi qu’une ombre fait rêver.
« Depuis l’aube l’alouette
« Nous invite à nous lever.
« Car là-bas la rose ouverte
« De sa pourpre s’est couverte ;
« Sur son trône d’herbe verte
« Elle tient son grand lever.

« Hier c’étaient les fiançailles
« De la rose et du printemps.
« À tantôt les épousailles
« Au milieu des chœurs chantants.
« La forêt est la chapelle.
« Toute fleur s’est faite belle
« Pour la noce qui l’appelle.
« Adieu donc, car il est temps. » —

Fleurs charmantes, fleurs joyeuses,
Oh ! courez au fond des bois
Dans vos rondes gracieuses
Rire aux gammes du hautbois ;
Car aux brises parfumées
Les bouvreuils, sous les ramées,

Sèment leurs chansons aimées
Et les perles de leur voix.

Pour vous, belles ingénues,
L’aube éveille les oiseaux
Et dévide dans les nues
Les fils d’or de ses fuseaux.
Mai pour vous, ô fleurs bénies,
Sous ses branches rajeunies
Fait chanter ses symphonies
Et les hymnes des ruisseaux.

Souriez, charmante foule,
Aux beaux jours sans lendemain.
Fleurs fragiles, l’homme foule
Tant d’espoirs dans son chemin.
Le printemps c’est l’allégresse.
Mais, que passe la jeunesse,
Plus de rose qui renaisse
Au jardin du cœur humain.



Mai 1854.