Nouveaux contes berbères (Basset)/65

Ernest Leroux, éditeur (Collection de contes et de chansons populaires, XXIIIp. 6-8).

65

La tortue, la grenouille et le serpent (129)
(Beni Menacer).

Autrefois la tortue épousa la grenouille ; un jour, elle se disputa avec elle ; la grenouille se sauva et se retira dans un trou : la tortue affligée sortit devant la porte de sa maison et se tint là, soucieuse.

À cette époque, les bêtes parlaient. Le gypaète passa près d’elle et lui dit : « Qu’est-ce qui t’a prise ? Tu es soucieuse ce matin. — Rien, dit la tortue, sinon que la grenouille est partie. » Le gypaète reprit : « Je vais la ramener. — Tu me rendras un grand service. » Le gypaète se mit en route et arriva au trou de la grenouille : il gratta à la porte. La grenouille l’entendit et demanda : « Qui ose frapper chez la fille des rois ? — C’est moi le gypaète, fils de gypaète, ne laissant se perdre aucune charogne. — Va t’en d’ici vers les cadavres ; moi, la fille du roi, je n’irai pas avec toi. » Il partit sur-le-champ.

Le lendemain, le vautour passa près de la tortue et la trouva soucieuse devant sa porte : il l’interrogea. Elle lui répondit : « La grenouille est partie. — Je vais te la ramener, dit le vautour. — Tu me rendras un grand service. » Il s’en alla et, arrivé à la maison de la grenouille, il se mit à battre des ailes. Elle lui dit : « Qui vient à l’aurore faire du tapage chez la fille des rois et ne la laisse pas dormir à son aise ? — C’est moi, le vautour, fils de vautour, qui enlève les poussins de dessous leur mère. » La grenouille reprit : « Va t’en d’ici, père du fumier ; ce n’est pas toi qui conduira une fille de roi. » Le vautour se fâcha et partit sur-le-champ mi-content : il s’en retourna dire à la tortue : « Elle refuse de revenir avec moi : cherche quelque autre qui puisse entrer dans son trou et la faire sortir ; alors je pourrai la ramener, même si elle ne veut pas marcher. »

La tortue alla chercher le serpent, et quand elle l’eut trouvé, elle se mit à pleurer. « C’est moi qui la ferai sortir, » dit-il. Le serpent aussitôt alla devant le trou de la grenouille : il gratta à la porte. « Comment appelle-t-on cet autre ? demanda-t-elle. — C’est moi, le serpent, fils du serpent : sors, ou j’entre. — Attends un peu, que je revête mes vêtements (de fête), que je ceigne ma ceinture, que je frotte mes lèvres avec du brou de noix, que je me mette du koh’eul aux yeux, puis je viendrai avec toi. — Hâte-toi, » dit le serpent, puis il attendit un peu. Ensuite il se fâcha, entra chez elle et l’avala.

Depuis ce temps-là jusqu’à maintenant, le serpent vit en guerre avec la grenouille : quand il la voit, il va à elle et la mange.