Nouveaux contes berbères (Basset)/109
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La pomme de jeunesse (199).
(Mzab).
Il existait autrefois un roi qui avait cinq filles et pas de fils. Elles grandirent, il chercha à les marier, mais il ne voulut pas les donner aux gens de sa ville. Un jeune homme vint d’un pays éloigné et se tint sous le château, au-dessous de la chambre où était la plus jeune fille. Elle vit sa tournure et l’aima. Elle alla dire à son père : « Je ne mangerai plus de nourriture, je suis malade. » Il lui demanda : « Dis-moi ce que tu as. — Je suis grande et Dieu a créé la femme pour l’homme, si tu meurs sans que je sois mariée, tu iras en enfer. — Je n’ai trouvé personne de convenable, dit le père, je suis roi et je n’ai pas d’égal. » Elle reprit : « J’ai vu un jeune homme qui me plaît. — Amène-le. — Il viendra demain. »
Lorsque le jeune homme arriva, elle cacha des serviteurs au-dessous de la demeure royale. Ils sortirent, le firent entrer ; elle l’embrassa, l’emmena dans sa chambre, regarda sa figure et lui dit : « Assieds-toi, à terre pour que je te voie ; je veux me marier avec toi. — Je ne suis qu’un mendiant, dit le jeune homme, donne-moi du pain à manger. » Elle reprit : « Si tu ne m’épouses pas, mon père te coupera la tête », et dit à son serviteur : « Sors. » Elle coucha avec le jeune homme qui lui dit : « Je ne t’épouserai pas avant que ton père ne vienne. »
Elle retourna chez elle, laissant l’étranger et revint la nuit ; elle le trouva assis et lui demanda : « Que décides-tu ? — Je t’épouserai demain. — Dis-moi, d’où es-tu ? — Je suis le fils d’un roi. » Elle ajouta : « Conseille-moi pour mes sœurs aînées qui ne sont pas mariées, tandis que je vais t’épouser. — Appelle ton père. — Dieu soit loué ! dit le roi en arrivant, puisque tu es content de nous. » Le jeune homme lui demanda : « Donne-moi ta fille pour femme. — Conseille-moi, dit le roi. » L’étranger reprit : « Va et attends jusqu’à demain. » Le prince alla dormir.
Le lendemain, le jeune homme lui dit : « Fais sortir les habitants de la ville ; tu te tiendras avec les clercs à l’entrée de la porte ; pare tes filles et qu’elles choisissent elles-mêmes leurs maris. » Les gens se mirent à défiler ; la fille aînée frappa l’un d’eux à la poitrine avec une pomme et l’on dit : « Une telle va se marier. — Bravo. » Chacune des filles désigna ainsi son mari ; la plus jeune garda le sien (200).
Peu de temps après, le roi reçut la visite de ses gendres qui lui dirent : « Que veux-tu que nous te donnions ? — Je vais voir ce que désirent mes filles, répondit-il. Revenez dans six jours. » Lorsqu’ils vinrent voir leurs femmes, le roi leur dit : « Je vous demanderai une chose dont on m’a parlé. — Laquelle ? Nous sommes anxieux. — Une pomme, celui qui en respire l’odeur redevient jeune de vieux qu’il était. — C’est difficile, reprirent-ils, nous ne savons où cela se trouve. — Si vous ne me l’apportez pas, je ne vous donnerai pas mes filles. » Ils se turent, puis se consultèrent l’un l’autre. Le plus jeune leur dit : « Cherchez le moyen de satisfaire le roi. — Conseille-nous, toi. « Beau-père, demain nous t’apporterons la pomme. » Ses beaux-frères ajoutèrent : « Sors, demain nous nous rencontrerons hors de la ville » (201).
Le lendemain, ils se réunirent tous les cinq. Quatre d’entre eux dirent à l’étranger : « Conseille-nous là-dessus, sinon nous te tuons. — Coupez-vous les doigts », répondit-il. Le premier commença, les trois autres en firent autant. Le plus jeune les prit et les mit dans sa gibecière, puis il ajouta : « Attendez près de la ville, que je sois revenu » (202).
Il partit dans le désert et arriva près de la ville de l’Ogresse, il y entra et la trouva en train de moudre. Il s’avança par derrière, têta sa mamelle et dit : « J’ai été allaité comme par Aïssa et Mousa (Jésus et Moïse), indique-moi la pomme qui rend la jeunesse au vieillard qui la sent. — Te voici de la famille des Ogres (203), répondit-elle, coupe un poil du cheval de leur roi, quand tu iras dans l’intérieur du jardin, jette ce poil dans le feu ; tu trouveras un arbre dont tu cueilleras cinq fruits ; en les arrachant, ne prononce pas une parole, et, en t’en retournant, garde le silence, c’est le fruit le plus petit qui possède le pouvoir magique. »
Il emporta les pommes et revint à la ville où il trouva ses compagnons ; il cacha dans son sein le fruit merveilleux et donna les autres à ses beaux-frères, un à chacun. Ils entrèrent chez le roi qui se réjouit de les voir, leur donna des sièges, les fit asseoir et leur demanda : « L’apportez-vous ou non ? — Nous l’apportons », répondirent-ils. Il dit à l’aîné : « Donne-moi ta pomme le premier. » Il prit un miroir dans sa main gauche, le fruit dans sa main droite, l’approcha de ses narines et le flaira, mais sans résultats. Il le jeta à terre ; les autres lui donnèrent leurs pommes sans plus de succès : « Vous m’avez trompé, leur dit-il, cela ne produit pas l’effet que je vous avais indiqué. »
S’adressant alors à l’étranger : « Donne-moi ta pomme. » L’autre répondit : « Je ne suis pas du pays, je ne te donnerai pas mon fruit. À présent, d’ailleurs je n’ai rien. — Donne-le moi pour voir », répliqua le roi. Le jeune homme le lui donna en disant : « Prends un miroir dans ta main droite et la pomme dans la main gauche. » Le roi l’approcha de ses narines et en regardant sa barbe, il vit qu’elle devenait noire ; il lui poussa des dents blanches, il redevint jeune. « Tu es mon fils, dit-il au jeune homme, et à ses sujets : Quand je mourrai, il me succédera sur le trône. » Son gendre resta quelque temps avec lui, et après la mort du prince, il régna à sa place et ne donna pas les autres filles du roi à ses compagnons.