Nouveaux contes berbères (Basset)/102
102
Les deux frères, la marmite et le bâton (185).
(Mzab).
Il y avait deux frères l’un était pauvre, l’autre avait du bien : le premier avait quatre filles, le riche était sans enfants. Le pauvre coupait du bois qu’il vendait à la ville et apportait à ses enfants de quoi manger. Un jour, c’était jour de fête, il n’avait chez lui rien à manger, il partit couper du bois. Un jujubier sauvage lui dit : « Que me veux-tu aujourd’hui ? c’est fête et j’invoque Dieu ! — J’ai faim, dit le bûcheron, donne-moi de quoi manger, sinon je te coupe. — Prends cette marmite, répondit le jujubier, garde-la ; elle te nourrira jusqu’à ta mort. Quand tu voudras quelque chose, dis-le lui, elle te le donnera. »
Le bûcheron emporta la marmite chez lui, la tourna par terre et lui dit : « Donne-moi du bien. — Voilà, dit-elle. » Il vit beaucoup d’argent et acheta des habits pour ses enfants. Une de ses filles alla chez son oncle et lui dit : « Il y a chez nous une marmite remplie de richesses. » Le frère alla chez le bûcheron : « Donne-moi la marmite que tu possèdes, pour que je nourrisse mes hôtes. — Je ne te la donnerai pas, car c’est elle qui fait vivre mes enfants. — Si tu ne me la donnes pas, je te tue. » Le bûcheron eut peur, la lui donna et se mit à pleurer. « Demeurez en paix, dit-il, à ses enfants, je vais errer dehors, vous ne le saurez qu’à mon retour. »
Il partit, resta dehors pendant trois mois sans revenir à la ville. La fête arriva, il alla au jujubier sauvage, apporta une hache tranchante et le frappa. Une femme en sortit, le salua et dit : « Pourquoi n’es-tu pas rassasié ! — Me voici, répondit-il, la marmite que tu m’as donnée m’a été prise par mon frère, je n’ai pas pu l’en empêcher. — Attends-moi ici, dit-elle, » puis elle rentra dans l’arbre et apporta un grand bâton. « Quand tu seras près de la ville, tu t’arrêteras jusqu’à ce que les gens soient dans la mosquée, alors lâche ton bâton et dis lui : « Prends mon droit à ceux qui m’ont lésé. »
Le bûcheron prit le bâton dans sa main, alla à la porte de la mosquée, lorsque les gens sortirent de la prière, le bâton lui échappa et frappa tous les assistants sans exception. Chacun s’en retourna à la mosquée et les chefs dirent : « L’injustice est descendue dans la ville. Dieu pèse sur nous, que celui qui a été lésé se présente, nous lui rendrons son dû. — Le propriétaire du bâton est à la porte de la mosquée et pleure, dit quelqu’un. — Entre, lui dit-on, indique-nous celui qui t’a pris ton bien. — C’est mon frère qui m’a enlevé de force ma marmite. — Demande ce que tu veux. — Rendez-moi ma marmite et partagez la fortune de mon frère entre lui et moi, car j’ai des enfants et il n’en a pas. » On lui donna ce qu’il voulait et l’on invoqua Dieu qui envoya une forte pluie parce que la justice avait triomphé (186).