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Nous tousG. Charpentier et Cie, éd. (p. 200-202).
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LXXIII

AVE


Espoir des rêves flottants
Dans l’hiver et le printems,
C’est en vain que tu diffères ;
Et rien qu’en disant un : Oui,
L’Académie aujourd’hui
Fera deux bonnes affaires.

Jamais le frisson des bois
Emplis de chants et de voix,
La terre de pleurs trempée
Et les beaux couchants ardents
N’ont mieux rayonné que dans
Les vers de François Coppée.


Ce pâle enfant de Paris
Dans les gais sentiers fleuris
De l’églogue et dans le drame,
Avec l’esprit et l’humour,
A gardé le chaste amour
Et le respect de la femme.

L’Académie a raison
En cueillant la floraison
De son renom populaire,
Et gagne à s’associer
Ce poète aux yeux d’acier
Dont la prunelle est si claire.

Tout jeune à la Muse offert,
Il a vécu, vu, souffert ;
Il caresse un chant magique
Et sait, par des mots vainqueurs,
Faire vibrer dans nos cœurs
L’épouvantement tragique.


Pour Ferdinand de Lesseps,
C’est la pourpre, et non le reps,
Qu’il faut sous ses pas étendre.
L’Orient au ciel de feu,
Jadis, en eût fait un dieu,
Comme il a fait d’Alexandre.

Car par les isthmes ouverts
Il fait passer les flots verts ;
Et ce Titan philosophe,
Qui brave les cieux tonnants,
Déchire les continents
Comme on déchire une étoffe.

Il fait des flots ses vassaux ;
Et pour le vol des vaisseaux
Délivrant la mer profonde,
Sa grande Rébellion
Met ses griffes de lion
Sur la figure du monde.


22 février 1884.