Nous tous/La Fourmi et la Cigale

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Nous tousG. Charpentier et Cie, éd. (p. 245-247).
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LXXXVIII

LA FOURMI ET LA CIGALE


Laure, belle entre les grasses,
Qui porte avec mille grâces
Les diamants,
Sans jamais en être vaine,
Trouve qu’elle a trop de peine
Et trop d’amants.

Elle dit : Je me fatigue
De tout ce luxe prodigue,
De tous ces ors.
Tout cela, c’est trop d’affaire,
Et je ne sais plus que faire
De mes trésors.


Chacun a la fantaisie
De goûter à l’ambroisie
De mes baisers.
Ils arrivent des deux pôles,
Et les lys de mes épaules
En sont usés.

Ils me disent trop de phrases.
D’ailleurs, j’ai trop de topazes
Et de rubis.
Faut-il donc les mettre en poudre,
Ou, plus simplement, les coudre
Sur mes habits ?

Telle se désole, en prose,
Laure, pareille à la rose
Qui resplendit.
Elle se moque d’un prince
Et d’un banquier. Mais la mince
Irma lui dit :


Je n’ai rien dans mon armoire,
Car les satins et la moire
Se vendent cher,
Et si, l’hiver, je frissonne,
C’est que j’ai sur ma personne
Trop peu de chair.

Si les faiseurs de tapages
Ont mis trop d’or sur les pages
De ton roman,
Ne jette pas tout, ma belle,
Dans les boîtes de Poubelle,
Et donne-m’en !


8 mars 1884.