Nourritures terrestres/Hymne en guise de conclusion


Mercure de France (p. 207-208).

HYMNE

en guise de conclusion



à M. A. R. G.

… Elle tourna les yeux vers les naissantes étoiles : « Je connais tous leurs noms, dit-elle ; chacune en a plusieurs ; elles ont des vertus différentes. Leur marche, qui nous paraît calme, est rapide et les rend brûlantes. Leur inquiète ardeur est cause de la violence de leur course, et leur splendeur en est l’effet. Une intime volonté les pousse et les dirige ; un zèle exquis les brûle et les consume ; c’est pour cela qu’elles sont radieuses et belles.

Elles se tiennent l’une à l’autre toutes attachées, par des liens qui sont des vertus et des forces, de sorte que l’une dépend de l’autre et que l’autre dépend de toutes. La route de chacune est tracée et chacune trouve sa route. Elle ne saurait en changer sans en distraire chacune autre, chacune étant de chaque autre occupée. Et chacune choisit sa route selon qu’elle devait la suivre ; ce qu’elle doit, il faut qu’elle le veuille, et cette route, qui nous paraît fatale, est à chacune la route préférée, chacune étant de volonté parfaite. Un amour ébloui les guide ; leur choix fixe des lois, et nous dépendons d’elles ; nous ne pouvons pas nous sauver. »