Notice chronologique sur les œuvres d’Arago/7

Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciencesGide ; WeigelXIII : Tables (p. cxlix-ccxxxv).

VII. — Les Mémoires scientifiques.

Les recherches les plus délicates et les plus abstraites de M. Arago sont décrites dans la partie de ses Œuvres qui porte le titre de Mémoires scientifiques, Cependant il ne faudrait pas croire que ces Mémoires contiennent la plus grande partie de ses découvertes. Dans tous ses autres écrits, et principalement dans ses Notices, on trouve aussi, je crois l’avoir démontré dans les pages qui précèdent, un grand nombre de recherches originales et de découvertes importantes qui suffiraient à la gloire de beaucoup de savants illustres. Il ne prenait pas la plume seulement dans le but d’exposer d’une manière compréhensible pour les personnes non initiées aux procédés et au langage de la science, en un mot pour vulgariser des choses restées comme enveloppées dans une mystérieuse obscurité ; il voulait surtout résoudre des questions tout à fait nouvelles, ou du moins éclairer des sujets encore confus pour les savants eux-mêmes les plus compétents ; il ne se contentait pas de raconter, il créait. D’ailleurs, lorsqu’il avait fait une découverte, il ne jugeait pas nécessaire de donner à son exposition la forme pompeuse ou solennelle d’un Mémoire ; une note modeste, composée de quelques lignes, lui suffisait parfaitement ; il se contentait même d’une analyse faite par une main amie dans une collection scientifique quelconque ou dans un ouvrage d’enseignement. Des Mémoires n’ont été écrits par l’illustre physicien et astronome que lorsqu’il s’est agi de faits considérables, d’une exposition difficile, et touchant aux parties les plus ardues de la science.

Le premier volume des Mémoires scientifiques est entièrement consacré à l’optique. Il renferme dix-sept Mémoires et cinquante-cinq notes additionnelles. Des Mémoires, cinq sont consacrés à l’étude de la polarisation de la lumière, sept à la photométrie, trois à la réfraction, deux aux interférences, les notes sont relatives à ces mêmes sujets et à quelques questions traitées déjà dans l’Astronomie populaire ou dans le tome IV des Notices scientifiques (tome VII des Œuvres), volume qui présente le complément des nombreux et glorieux travaux de M. Arago sur cette branche des sciences.

Le premier Mémoire détaillé que l’illustre physicien ait écrit sur les phénomènes de la polarisation est celui relatif aux couleurs des lames minces ; il a été lu le 18 février 1811 a l’Institut ; mais il ne fut publié qu’en 1817 dans le troisième volume des Mémoires de la Société d’Arcueil, et encore une partie en a-t-elle été perdue, à cause de l’occupation de l’imprimerie où le Mémoire se composait par les Cosaques, lors de l’invasion des armées étrangères. Ces faits sont rapportés dans le § 9 du chapitre xiv de la Notice sur la polarisation de la lumière (tome VII des Œuvres, page 413). J’ai reproduit exactement le texte du tome III des Mémoires d’Arcueil. Tout ce qui est imprimé jusqu’à la page 31 a été écrit par M. Arago en 1811 ; ce qui vient ensuite a été écrit en 1817 pour remplacer la partie du Mémoire brûlée par les Cosaques.

Le principal résultat de ce Mémoire consiste dans la démonstration de ces trois faits : 1° les anneaux réfléchis et transmis, formés entre deux lentilles de verre commun, ont la même intensité et sont polarisés dans le même sens ; 2° sous l’angle de 35° les rayons polarisés perpendiculairement au plan de réflexion ne forment point d’anneaux ; 3° les pouvoirs réfringents des corps entre lesquels la lame mince est comprise ont une grande influence sur le phénomène des anneaux. M. Arago a établi la conformité de ces faits avec la théorie des anneaux fondée sur la doctrine des interférences selon les idées de Young, et l’opposition qu’ils présentent avec le système de l’émission de la lumière.

Une des plus belles découvertes de M. Arago est celle des propriétés nouvelles qu’acquiert un faisceau de lumière polarisée lorsqu’on le fait passer à travers certaines substances, et particulièrement à travers des lames cristallines de quartz, de mica, de gypse, etc., convenablement taillées. Ce faisceau donne de brillantes couleurs en se réfléchissant sur les miroirs diaphanes ; il fournit deux images ayant des teintes complémentaires, quand on l’étudie au moyen d’un prisme biréfringent. Ce genre de phénomènes appartient aujourd’hui à une branche de l’optique qui a pris le nom de polarisation colorée ou chromatique et qu’a fondée M. Arago ; il a suggéré à l’illustre physicien l’idée de construire le polariscope et le polarimètre, instruments à l’aide desquels il est facile de découvrir la polarisation de toute lumière et de mesurer son intensité. Ces précieux instruments lui ont permis d’obtenir sur la constitution physique du Soleil, des planètes, de tous les astres qui peuplent l’univers, des connaissances imprévues.

Le Mémoire dans lequel est contenue la description de cette découverte a été lu à l’Institut le 11 août 1811 ; des extraits en parurent immédiatement dans le Moniteur et dans le Bulletin des sciences, et le texte original fut imprimé en 1812 dans les Mémoires de la première classe de l’Institut. J’ai reproduit ce texte sans aucun changement.

Dans le § 8 du chapitre xiv de la Notice sur la polarisation (tome VII des Œuvres), M. Arago a fait l’histoire de sa découverte, et j’ai placé alors en note l’article du Moniteur du 31 août 1811.

Je dois ajouter que l’on trouve dans ce même Mémoire du 11 août 1811 les premières observations de M. Arago sur la polarisation atmosphérique. En 1813, 1834 et 1850 l’illustre physicien est revenu sur ce sujet dans des notes que j’ai insérées dans le tome VII des Œuvres (pages 430 et 435) et dans le premier volume des Mémoires scientifiques dont j’écris maintenant l’histoire (page 548). Il avait fait en 1812, 1814 et 1815 une série d’expériences restées inédites, ayant pour but de rechercher l’angle sous lequel l’atmosphère polarise la lumière et le point où la polarisation est nulle dans l’azimut opposé au Soleil ; j’ai extrait ces expériences de ses registres et je les ai insérées aux pages 549 à 560 de ce volume.

J’ai publié, immédiatement après le Mémoire du 11 août 1811, l’extrait d’un registre dont plusieurs feuillets sont paraphés par Bouvard et Burckhardt ; ce sont des notes restées inédites qui avaient donné lieu à une discussion de priorité entre M. Arago et M. Biot dans la séance du 20 mars 1812, relativement à la découverte des phénomènes de polarisation que présentent la lumière réfléchie ou transmise par des verres rayés, les rayons lumineux qui frappent ou traversent des verres ou des lames cristallines superposés et divers autres corps.

C’est dans le même registre que se trouvaient les notes que j’ai placées sous les numéros I à VI et la note VIII (pages 335 à 356 et 358 à 362) dans l’Appendice ; elles ont été écrites en 1811 et 1812 et elles se rapportent aux mêmes phénomènes.

Les notes historiques sur les anneaux colorés placées sous le numéro IX sont extraites d’un registre contenant les recherches faites en 1814 et 1815 par M. Arago, pour déterminer l’angle de polarisation complète des diverses substances réfléchissantes.

Les notes X à XIV remontent à la même époque ; mais elles se trouvaient écrites sur des feuilles volantes.

Le troisième et le quatrième Mémoire sur plusieurs nouveaux phénomènes d’optique, lus à l’Académie des sciences les 14 et 28 décembre 1812, étaient restés inédits ; mais tous les feuillets en avaient été paraphés par Delambre. Je les ai imprimés en suivant fidèlement les manuscrits. Ils présentent l’ensemble des expériences faites par l’illustre physicien pour découvrir, par un emploi judicieux des lois de la polarisation alors connues, des données positives sur la constitution des corps cristallisés et des moyens de décider entre la théorie de l’émission, qui régnait encore presque sans contestation, et celle des ondes, qu’il croyait mieux exprimer la vérité. Cette question était alors l’objet presque constant de ses préoccupations.

Dans un carnet contenant les observations sur la polarisation de l’atmosphère qu’il a faites en 1815, se trouve la note insérée dans l’Appendice sous le numéro VII (page 356) et qui explique dans la théorie des ondes la cause des anneaux colorés.

La précaution que prenait à cette époque M. Arago de faire parapher ses Mémoires par l’un des secrétaires perpétuels de l’Académie des sciences se rapporte à l’espèce d’antagonisme qui existait alors entre lui et M. Biot ; j’en ai déjà cité un exemple un peu plus haut. M. Biot, dans une note publiée au bas d’un Mémoire sur la polarisation inséré en 1812 dans les Mémoires de l’Académie, s’est exprimé à cet égard en ces termes : « Lorsque je voulus m’occuper de ce genre de phénomènes, j’invitai M. Arago, en présence du Bureau des Longitudes, à faire parapher ses Mémoires par MM. les secrétaires perpétuels de l’Institut, afin de constater invariablement les fails ou les théories qu’il pourrait avoir dès lors découverts. Cette demande parut de toute justice, et M. Arago lui-même sembla y accéder ; mais il a négligé depuis de remplir cette formalité. »

Depuis que j’ai terminé la publication des Œuvres et en faisant le rangement de tous les matériaux que j’ai eu à compulser, j’ai retrouvé dans une enveloppe quelques feuillets entièrement de la main de mon illustre maître, tous paraphés par Delambre. Quoiqu’ils ne portent pas de date, ils remontent évidemment à 1812 ou à 1813 ; ils sont relatifs aux anneaux colorés, aux couleurs des lames minces et aux couleurs irisées ; je ne dois pas les laisser inédits. M. Arago a dit du reste quelques mots en 1817, à la fin du Mémoire (page 34) que j’ai extrait du tome III des Mémoires de la Société d’Arcueil, des faits consignés dans ce Mémoire oublié. Les notes II à V de l’Appendice sont relatives à ces mêmes faits et présentent sans doute les éléments qui lui ont inspiré son travail. Voici comment l’illustre physicien s’exprime dans ces pages restées inédites, et qui ont reçu une authenticité particulière par les paraphes de Delambre :

J’ai décrit en détail, dans un Mémoire antérieur, les propriétés diverses dont jouissent les rayons à axes colorés, tant par rapport à la double réfraction qu’ils éprouvent quand ils traversent un rhomboïde de spath calcaire, que par rapport aux lois qu’ils suivent dans leur réflexion sur les corps. J’ai montré non-seulement ensuite que le nombre, la position et la couleur de ces divers axes dépend, dans chaque rayon de lumière, de la nature, de la position et de l’épaisseur du corps cristallisé au travers duquel le rayon est passé ; mais encore que le rayon, une fois modifié, ne perd aucune de ses propriétés, quels que soient le nombre de réflexions qu’on lui fait éprouver, la nature et l’inclinaison des milieux au travers desquels il se réfracte, pourvu toutefois que la position de ces corps ne soit pas celle dans laquelle, en vertu de l’existence des axes, le rayon doit se décomposer.

« L’analyse succincte que je viens de présenter d’une partie de mon premier travail aura le double avantage d’indiquer à quel point j’avais laisse la question et de contribuer de plus à jeter quelque jour sur les phénomènes analogues dont je me propose aujourd’hui d’entretenir la Classe. Je commencerai d’abord par ceux qui se rapportent plus directement à la question des anneaux colorés.

« Puisque les rayons qui forment les anneaux n’ont pas besoin de se réfléchir pour se polariser complètement, il était naturel de penser que les couleurs qu’on aperçoit autour du point de contact d’une lentille de verre et d’un miroir métallique seraient elles-mêmes complétement polarisées dans un seul sens, quoique d’autres expériences eussent montré que les miroirs métalliques réfléchissent en même temps les rayons qu’ils polarisent en deux sens diamétralement opposés. C’est en effet là ce que des observations directes m’avaient appris depuis longtemps ; mais une circonstance de ce phénomène tout aussi étrange que la polarisation des rayons m’avait échappé, parce que je n’avais pas assez attentivement examiné ce qui se passe en dessous de l’angle qui correspond à la disparition d’une des suites. L’observation qui a ramené mon attention sur ce premier objet est, si je ne me trompe, assez extraordinaire pour mériter d’être rapportée.

« Les artistes appliquent presque toujours un vernis formé en grande partie d’une dissolution de gomme laque dans l’alcool sur leurs ouvrages en cuivre, ce qui les empêche de se ternir. Mais lorsque avec un pinceau ils déposent le vernis sur la plaque encore chaude, l’alcool s’évapore et la gomme laque forme un enduit d’une épaisseur insensible, sur lequel on aperçoit distinctement des couleurs. Dans les couvercles de lunettes ces couleurs sont quelquefois disposées en anneaux réguliers, ce qui tient aux sillons circulaires que le polissoir avait formés lorsqu’on tournait la pièce, et aux couches inégales de gomme laque qui sont venues les remplir.

« J’avais pensé à profiter des couleurs tranchées que j’apercevais sur le couvercle d’une des lunettes de l’Observatoire, pour rechercher si elles se comporteraient dans les phénomènes de la double réfraction comme celles qu’on forme artificiellement lorsqu’on place une lentille de verre sur un miroir métallique. Ces couleurs, comme celles des anneaux ordinaires, changent de teinte avec l’inclinaison, parce que les rayons traversent alors des épaisseurs différentes du milieu diaphane ; mais elles présentent de plus un phénomène extrêmement remarquable, car par un temps serein le couvercle change de teinte dans une direction et sous une inclinaison déterminées avec l’heure du jour, et dans un instant quelconque avec l’azimut dans lequel le corps est placé. Pour abréger je ne rapporterai que les expériences que j’ai faites au coucher du Soleil.

« Je vise au couvercle à l’œil nu, sous un angle très-aigu et dans la direction du Soleil couchant : le couvercle est d’un vert sale tirant sur le bleu.

« Toutes les autres circonstances étant les mêmes, je me tourne vers le sud, ou plus exactement vers un point de l’horizon éloigné du Soleil de 90° environ. La plaque de cuivre, qui d’abord était verte, passe au pourpre très-vif.

« Lorsque le couvercle est éclairé par les rayons qui partent des points de l’atmosphère diamétralement opposés au Soleil, Il est de nouveau vert bleuâtre.

« À 90° de là, ou vers le nord, la couleur qu’on aperçoit est une seconde fois le pourpre vif.

« Les teintes qui sont visibles dans les positions intermédiaires sont des mélanges de vert et de rouge dans lesquels chacune de ces couleurs prédomine successivement.

« Dans les mêmes circonstances une seconde plaque de cuivre était rouge à l’ouest, vert foncé au nord, rouge à l’est et vert foncé au sud.

« Sous l’inclinaison de 35° environ, mon premier couvercle de lunette était jaune verdâtre, dans la direction du Soleil couchant et dans la direction diamétralement opposée. Au nord et au sud on ne voyait point de couleurs.

« Sous une obliquité moins grande encore, le couvercle conservait la même teinte pourpre dans toutes les directions ; seulement elle était moins vive quand les rayons que le couvercle réfléchissait vers l’œil partaient du nord ou du sud.

« Ainsi, en résumant, les couleurs sur un métal, vues perpendiculairement, étaient les mêmes dans tous les azimuts. Sous l’inclinaison de 35° environ, elles étaient très-visibles et de même genre dans l’azimut du Soleil et dans son opposé, mais à 90° on n’en voyait point de traces ; plus obliquement, elles changeaient de teinte suivant le point du ciel qui envoyait des rayons sur le miroir, avec cette loi remarquable que les couleurs de l’est et de l’ouest étaient complémentaires des couleurs du nord et du sud.

« Ces phénomènes, n’étant visibles que par un temps serein, doivent tenir aux propriétés des rayons polarisés, car j’ai reconnu que l’atmosphère modifie la lumière qu’elle réfléchit comme tous les corps diaphanes, mais dans le seul cas où le ciel n’est pas couvert. Du reste, les changements de couleurs dont je viens de parler ne dépendent pas de ces propriétés d’une manière tellement immédiate qu’on ne soit forcé, pour les expliquer complètement, d’apporter quelques modifications à des lois qui jusqu’à présent avaient été généralement adoptées.

« Les expériences que je viens de rapporter ont été faites à l’œil nu, et ne réussissent que par un temps serein ; dans celles qui vont suivre je me suis aidé d’un cristal doué de la double réfraction, et j’ai de plus reconnu qu’il n’est pas nécessaire que la lumière incidente soit polarisée. En examinant les anneaux du miroir de cuivre à l’aide du rhomboïde de carbonate de chaux et sous des incidences peu éloignées de la perpendiculaire, on voit dans toutes les positions du cristal deux images qui sont à peu près également vives et formées du même arrangement de couleurs. À mesure que les rayons lumineux qui forment ces anneaux s’inclinent de plus en plus à la surface du couvercle, l’une des images s’affaiblit par degrés et finit même par disparaître complètement, lorsque toutefois la section principale du cristal est perpendiculaire ou parallèle au plan de réflexion. Si, le rhomboïde restant dans l’une quelconque de ces deux positions, on incline encore davantage le couvercle aux rayons de lumière, l’image qui d’abord avait disparu se montrera de nouveau, mais avec cette particularité remarquable, que la couleur de chacun des anneaux qui la composent sera complémentaire de celle des anneaux correspondants dans l’image qui avait été toujours visible. Ainsi dans le premier cas, ou sous l’incidence presque perpendiculaire, les rayons qui forment les bandes ont tous les caractères de la lumière directe, puisqu’ils se partagent toujours en deux faisceaux semblables dans leur passage au travers d’un cristal doué de la double réfraction. Sous une inclinaison qui n’est pas très-éloignée de 30°, ces rayons sont polarisés, puisqu’ils n’éprouvent pas la double réfraction dans quatre positions du rhomboïde de carbonate de chaux. Dans les inclinaisons plus petites, la lumière des bandes a la propriété des rayons à axes colorés, car en traversant le cristal de carbonate calcaire, elle se divise en deux faisceaux qui sont teints de couleurs complémentaires.

« Pour m’assurer que ces phénomènes ne dépendent pas de quelque propriété particulière et inconnue de la légère couche de gomme laque dont le cuivre était recouvert, j’ai formé des couleurs semblables en déposant divers fluides sur toutes sortes de miroirs, car le progrès de l’évaporation les amenait en peu de temps aux épaisseurs qui conviennent à la production des différentes bandes. L’huile de sassafras, dont je me suis le plus souvent servi, donne, entre autres fluides, des couleurs très-vives, et qui se prêtent par conséquent avec beaucoup de facilité aux observations qu’on peut en faire sous diverses inclinaisons. Or, dans leur passage au travers d’un cristal convenablement disposé, ces couleurs, comme celles du cuivre verni, se décomposent en deux images semblables, lorsque les rayons qui les forment se réfléchissent sous des inclinaisons peu éloignées de la perpendiculaire. Si l’inclinaison diminue, l’une des Images s’affaiblit par degrés, et l’on arrive bientôt au terme où elle disparait complétement ; plus obliquement, cette image se présente de nouveau, mais sa couleur dans toutes ses parties est complémentaire de celle du premier faisceau. Du peste, chaque quart de révolution du cristal, les images échangent en quelque sorte leurs teintes ; celle qui était rouge devient verte, et réciproquement l’image verte passe au rouge.

« Comme le passage des rayons colorés d’une image dans l’autre, pendant le mouvement du cristal, ne se fait pas d’une manière brusque, il arrive un moment où les rayons rouges qui sont passés de la première image dans la seconde, par exemple, neutralisent complètement les rayons verts que cette dernière mage avait conservés ; un moment après la première image disparaît ou devient blanche elle-même, lorsque les rayons verts que la seconde lui envoie sont en nombre suffisant pour neutraliser la partie de rayons rouges qui n’étaient pas encore passés dans le second faisceau. Cette expérience montre d’abord que les couleurs des deux suites sont bien exactement complémentaires, et ensuite que ces couleurs se correspondent parfaitement. Cette dernière circonstance tient uniquement, dans ce cas, à ce que les couleurs occupent sur les miroirs dus espaces assez larges.

« Pour analyser complètement ce phénomène, il était naturel que je cherchasse à répéter les observations précédentes à l’aide des anneaux colorés proprement dits. Pour cela j’ai placé un miroir de verre sur un miroir métallique, et j’ai examiné, à l’aide d’un cristal de carbonate calcaire, les anneaux de diverses couleurs dont le point de contact était entouré. Or, depuis l’incidence perpendiculaire jusqu’à l’angle de 35°, les deux séries, à la différence près d’intensité, se ressemblent parfaitement. Passé cette inclinaison, les images sont dissemblables ; celle qui d’abord avait disparu se montre et augmente d’intensité à mesure que l’inclinaison diminue, tandis que l’autre s’affaiblit graduellement et à tel point qu’on n’en voit que de très-légères traces lorsque la ligne visuelle fait un très-petit angle avec la surface sur laquelle se forment les anneaux. Si le miroir et la lentille sont très-rapprochés, le centre commun des anneaux est noirâtre ; dans les angles très-petits, cette tache se répartit inégalement entre les deux faisceaux, en sorte qu’une des images est noire au centre et entourée d’un cercle blanc, tandis que dans l’autre suite le centre commun des anneaux est blanc et entouré d’une bande noire assez foncée.

« Si au lieu de serrer fortement le miroir de verre sur le miroir métallique on se contente de les poser simplement l’un sur l’autre, le centre commun des anneaux sera de différentes couleurs, suivant l’inclinaison et le degré de rapprochement des miroirs. Or, dans une position quelconque, les centres des deux suites qu’on apercevra avec un cristal de carbonate de chaux auront des teintes complémentaires lorsque la ligne visuelle fera avec la surface des miroirs un angle très-aigu.

« Les couleurs des deux images qu’on voyait sur le couvercle de cuivre étaient complémentaires et paraissaient se correspondre parfaitement ; les anneaux correspondants des deux séries dont je viens de parler ont des diamètres un peu inégaux, car sans cela on les verrait successivement disparaître, pendant chaque quart de révolution du rhomboïde de carbonate de chaux.

« Au lieu de placer la lentille objective sur un miroir métallique, je l’ai quelquefois pressée sur une plaque de verre très-épaisse ; mais les anneaux formés de cette manière, examinés à l’aide d’un rhomboïde de carbonate de chaux, ont toujours donné deux Images entièrement semblables, soit relativement à la grandeur, soit relativement aux couleurs ou à la disposition des divers anneaux : l’une des deux séries est seulement d’autant plus faible que l’angle de réflexion approche davantage de 35°.

« L’inversion de couleurs que l’on observe dans l’une des deux séries d’anneaux, en dessous de l’angle qui correspond à leur polarisation complète, semble, d’après les expériences précédentes, devoir dépendre de quelque modification particulière et inconnue que les métaux impriment aux rayons de lumière. Je m’étais en effet arrêté d’abord a cette idée, mais j’ai aperçu depuis des phénomènes analogues sur des corps autres que des métaux.

« Le charbon de terre, par exemple, est quelquefois teint de couleurs très-vives, et qui se comportent dans les phénomènes de la double réfraction comme si ces couleurs étaient appliquées sur un miroir de métal ; tandis que les anneaux qu’on forme artificiellement en plaçant un miroir de verre sur une plaque de charbon de terre polie ressemblent sous tous les rapports aux anneaux qui entourent le point de contact de deux lentilles de verre.

« J’ai soumis aux mêmes épreuves les couleurs qu’on aperçoit sur les facettes de quelques cristaux de fer oligiste, sur les minerais de plomb sulfuré, sur le cuivre pyriteux, sur l’acier recoit à différents degrés, etc., et toujours avec des résultats, sinon identiques, du moins analogues à ceux que je viens de décrire.

« Je me suis uniquement proposé aujourd’hui de faire connaître ce phénomène en général ; dans un autre Mémoire, j’indiquerai de quels principes il me semble dépendre ; j’aurai alors l’occasion d’indiquer avec détail les modifications que la nature de la lame mince et celle du corps sur lequel elle repose doivent apporter soit dans la teinte particulière dont chaque image doit se colorer, soit dans la valeur de l’angle sous lequel deux faisceaux lumineux commencent à ne plus se ressembler. Je me déterminerai d’autant plus volontiers a traiter cette question avec quelque développement, qu’elle se rattache aux propriétés les plus remarquables de la lumière, et que de plus il n’est pas impossible qu’elle conduise à des moyens de déterminer, dans le plus grand nombre de cas, la nature et les propriétés de ces vapeurs légères qui colorent quelques substances naturelles et sur lesquelles la chimie n’a point de prise à cause de leur excessive ténuité.

« Avant de passer à la seconde classe de phénomènes dont il doit être question dans ce Mémoire, je vais rapporter une expérience qui présente un changement brusque de couleur tout aussi extraordinaire au premier aspect que les changements dont j’ai déjà parlé, mais qui s’explique très-naturellement par une hypothèse qui, à la est en contradiction manifeste avec la douzième proposition du second livre de l’Optique de Newton.

« En parlant des couleurs qu’une mince couche de gomme laque forme sur un miroir de cuivre, j’ai déjà remarqué que, par un temps couvert et sous une inclinaison déterminée, elles étalent les mêmes dans tous les azimuts. Supposons maintenant que, l’œil restant fixe par rapport au miroir, on fasse tomber l’ombre d’un corps opaque quelconque sur sa surface et de manière que ce corps intercepte surtout les rayons lumineux qui étaient situés dans le plan d’incidence. La partie du couvercle sur laquelle tombera l’ombre changera de couleur subitement : si elle était verte d’abord, elle sera rouge maintenant, et réciproquement, si elle, était rouge à une forte lumière, elle passera au vert lorsque l’ombre du corps la couvrira. Le changement transforme, dans tous les cas, une couleur déterminée quelconque en sa complémentaire. Pour faire commodément cette expérience, il suffit de recevoir successivement sur le miroir la lumière qui passe au travers des carreaux de vitre d’une fenêtre et l’ombre des barreaux.

« En examinant les couleurs à l’aide d’un cristal de carbonate de chaux, on aperçoit, comme je l’ai déjà dit, deux images qui sont semblables ou complémentaires, suivant que les rayons réfléchis forment de grands ou de petits angles avec la surface du miroir, tandis qu’il existe une inclinaison intermédiaire pour laquelle il n’y a qu’un seul faisceau. Or, les rayons qu’on voit dans l’ombre se comportent de la même manière ; si l’on interpose le corps opaque dans le moment où le cristal de spath calcaire présente deux images semblables, elles changeront de couleur l’une et l’autre à la fois, et seront par conséquent encore semblables dans l’ombre ; si l’interposition a lieu dans ces inclinaisons où les deux images sont diversement colorées, l’mage qui était rouge devenant verte, l’image verte passera au rouge, et dès lors elles seront tout aussi dissemblables qu’à une forte lumière ; enfin, sous l’inclinaison où au grand jour on n’aperçoit qu’un seul faisceau, on n’en verra de même qu’un après l’interposition du corps opaque, mais leurs teintes seront complémentaires.

« Si les deux surfaces qui comprennent la lame mince étaient l’une et l’autre parfaitement polies, on ne verrait point de lumière lorsque le corps opaque serait situé dans le pion d’incidence. Dans la supposition contraire, les rayons qui tombent latéralement sur le miroir pourront être réfléchis vers l’œil. Or le couvercle de cuivre présente quelques légères rugosités, puisqu’il n’a été poli que sur le tour, tandis que la surface supérieure de la gomme est bien unie. Les rayons qui forment les anneaux après l’interposition du corps opaque viennent donc du miroir ou de la surface inférieure de la gomme laque ; mais les couleurs qu’on aperçoit en plein jour étant différentes de celles-là, ne pourront, par suite, être réfléchies que par la surface supérieure de la lame mince.

« J’ai décrit avec beaucoup de détail les changements de couleur qu’on observe dans les anneaux lorsqu’on les examine à l’aide d’un rhomboïde de carbonate de chaux et en dessous de l’angle qui correspond à leur polarisation complète, soit que les anneaux soient formés artificiellement à l’aide d’une lentille placée sur un miroir métallique, ou par une légère couche de liquide déposée sur le miroir. Dans ces deux cas, on trouve une inclinaison sous laquelle les rayons des anneaux sont complètement polarisés ; mais lorsque ces anneaux sont produits par une légère couche d’oxyde placée sur un métal, Ils présentent l’inversion de couleur, et cependant ils ne disparaissent sous aucun angle, ce qui tient, dans ce cas, à la petite différence des forces réfractives des milieux superposés.

« Les anneaux produits par une légère couche de gomme laque déposée sur un métal, présentent le changement de couleur dont j’ai parlé, tout aussi bien que ceux qu’on formerait en plaçant une lentille de verre sur le même miroir ; mais si la lentille, au lieu de reposer immédiatement sur le métal, ne touche que la couche extrêmement mince de gomme laque dont il est recouvert, les anneaux se comportent comme ceux qu’on forme entre deux lentilles de verre superposées c’est ainsi, par exemple, aussi, que les anneaux formés artificiellement sur une légère couche d’oxyde déposée sur un métal ressemblent aux anneaux ordinaires, et cela quelle que soit la ténuité de l’oxyde, tandis qu’avec un liquide déposé sur cet oxyde, on aperçoit également l’inversion de couleur. Du reste, la circonstance de ce phénomène sur laquelle il est bon que j’insiste, c’est que dans les deux suites les anneaux ne se correspondent pas parfaitement, puisqu’en faisant tourner le cristal dont on se sert dans l’observation, aucune d’elles ne s’évanouit ; c’est par cette raison que, sous certains angles, les centres des deux images ont la même teinte ; mais, dans ce cas, leurs étendues diffèrent beaucoup l’une de l’autre.

« On aperçoit des anneaux autour du point de contact de deux miroirs superposés, soit que l’Intervalle qui les sépare soit entièrement vide ou qu’il soit rempli d’air ou de tout autre fluide ; bien entendu que, dans ces différents cas, les anneaux de même rang ont des diamètres inégaux. J’ai recherché si les anneaux qui se forment sur une couche de liquide comprise entre un miroir de verre et un miroir métallique, ne se comporteraient point comme ceux qu’on aperçoit sur une lame d’air : en faisant cette expérience, je commençais a me placer dans la position où l’on ne voyait qu’une seule image avec le rhomboïde ; mais à peine le liquide s’était-il insinué entre les deux miroirs, qu’on voyait deux images, quoique le cristal fût resté dans la même position. Ceci me semble tenir à ce que l’angle sous lequel la lumière se polarise à la surface de séparation de deux milieux dont les forces réfringentes diffèrent peu, est beaucoup plus aigu que celui sous lequel on observe la polarisation complète à la surface commune a l’un quelconque de ces liquides et à l’air. Aussi les anneaux formés dans le vide ou sur la lame d’air sont-ils polarisés à très-peu près sous le même angle, comme je m’en suis assuré. »

Sur les mêmes matières j’ai aussi retrouvé les pages suivantes écrites comme les précédentes par M. Arago, mais non paraphées par Delambre je ne crois pas non plus devoir les laisser inédites ; elles complètent l’exposition d’une série de recherches qui, selon l’expression même de mon illustre maître (tome VII des Œuvres, page 413), n’ont pas été citées par les physiciens autant qu’elles auraient pu l’être, si les notes sur lesquelles je n’ai que trop tardivement mis la main et que je reproduis ici eussent été publiées en 1811 ou 1812, époque où elles ont été composées.

« Les couleurs des lames minces de tous les corps de la nature ayant été assimilées par Hooke et Newton à celles des anneaux colorés ordinaires, il était naturel que je cherchasse si une de ces lames, déposée sur un métal et examinée ensuite avec un rhomboïde de carbonate de chaux, offrirait au-dessous d’une certaine inclinaison deux images diversement colorées. On conçoit d’ailleurs facilement que, pour tenter cette expérience avec quelque chance de succès, il est indispensable que le corps mince et le métal soient parfaitement en contact. Les couleurs qu’on aperçoit sur le cuivre verni, par exemple, se prêtent parfaitement à ce genre d’observation.

« On sait, en effet, que pour empêcher ce métal de se ternir à l’air, les artistes le recouvrent d’un enduit particulier dont les éléments principaux sont, si je ne me trompe, l’alcool et la gomme laque ; mais cette opération se faisant à chaud, l’alcool s’évapore, et la gomme laque, en se déposant, donne des couches d’épaisseurs différentes et qui par conséquent sont diversement colorées. Dans les couvercles de lunettes ces couleurs sont ordinairement disposées en anneaux concentriques, parce que la gomme a rempli les sillons presque circulaires que le polissoir avait formés sur le métal pendant qu’on le tournait ; dans d’autres pièces ces couleurs ne présentent aucune forme régulière.

« Je me suis servi, le plus souvent, dans mes essais de couvercles de lunettes ; or, l’examen que j’ai fait des couleurs m’a appris qu’elles sont polarisées sous une inclinaison déterminée ; qu’au-dessus les rayons présentent des traces de polarisation partielle, mais que les deux images sont semblables, tandis que, dans les inclinaisons plus obliques, les deux faisceaux ont des teintes complémentaires.

« En appliquant le même moyen d’observation à l’examen des couleurs qui se forment sur certaines facettes des cristaux de fer spéculaire, sur le cuivre pyriteux, sur l’acier recuit a différents degrés, etc., etc., on apercevra des phénomènes analogues aux précédents, mais qui cependant en diffèrent par plusieurs circonstances essentielles ; ainsi sous un angle bien aigu les deux images que fournira le rhomboïde seront bien dissemblables, mais leurs teintes ne seront exactement complémentaires que fort rarement ; les couleurs de la gomme laque dans l’expérience précédente et celle des anneaux qu’on forme artificiellement en posant une lentille de verre sur un métal sont polarisées sous l’angle de 35° environ ; ici les couleurs naturelles qu’on aperçoit sur les facettes des cristaux fournissent toujours deux images, etc., etc.

« Cette propriété dont jouissent les couleurs déposées sur un mêlai semblait devoir conduire à un moyen de déterminer par une expérience simple la nature de ces vapeurs légères qui colorent un grand nombre de substances naturelles et qui, par leur excessive ténuité, échappent aux moyens d’analyse des chimistes ; mais les expériences que j’ai faites dans ce but m’ont appris que le changement de couleur peut aussi s’observer sans l’intervention d’aucune substance métallique.

« Ainsi le charbon de terra présente quelquefois dans ses feuillures des couleurs très-vives ; la substance qui les produit est extrêmement mince, ainsi qu’on peut s’en assurer en raclant légèrement la surface du charbon ; or, ces couleurs, polarisées sous un angle que je n’ai pas déterminé bien exactement, donnent deux images complémentaires dans les inclinaisons plus obliques.

« En rapprochant ce résultat de celui que j’avais obtenu en examinant les anneaux qui entouraient le point de contact d’une lentille de verre et d’une plaque polie de charbon de terre, il était naturel de penser que la force réfringente de la lame mince, comparée à celle des deux corps contigus, pouvait contribuer à produire le phénomène du changement de couleur ; or, je me suis assuré en effet, en déposant une légère couche d’huile de sassafras ou d’alcool sur la plaque de charbon, que les couleurs qu’on aperçoit sous des angles assez aigus se décomposent, en traversant un rhomboïde, eu deux images complémentaires.

« On prouvait d’ailleurs, en faisant tourner le rhomboïde, que les anneaux de teintes complémentaires dans les deux suites n’ont pas des diamètres parfaitement égaux, car la totalité des rayons de l’image ordinaire passant à l’image extraordinaire et réciproquement, après chaque quart de révolution du cristal, il devrait arriver un instant où les deux teintes se neutraliseraient en se superposant.

« Newton s’est assuré, par un moyen dont j’ai déjà eu l’occasion de parler, que, si l’on introduit de l’eau entre deux lentilles de verre, on obtient des anneaux plus petits que ceux que fournissait ce même intervalle rempli d’air ; mais pour être autorisé à conclure de cette expérience qu’une lame d’eau isolée donnerait en effet des anneaux colorés plus petits qu’une couche d’air de même épaisseur et également isolée, il faudrait, ce me semble, prouver préalablement que les densités, les forces réfringentes, les opacités et en général les qualités quelconques des milieux qui comprennent la lame mince ne peuvent modifier la grandeur des anneaux.

« Il est vrai que cette recherche présente beaucoup de difficultés, car comment être assuré, par exemple, qu’après avoir placé une lentille sur un miroir plan de métal, on a obtenu le même degré de rapprochement que lorsque, dans un essai comparatif, on déposera cette même lentille sur un miroir de verre ; je ne sais si je me trompe, mais il me semble que l’expérience que j’ai rapportée tout à l’heure pourra conduire à la solution de cette question importante et curieuse. Nous avons vu en effet que les anneaux qui entourent le point de contact d’une lentille et d’un miroir de métal, décomposés avec un rhomboïde, ont fourni dans les inclinaisons obliques deux images qui n’étaient pas semblables : l’une d’elles étant assimilée à la série qu’un apercevrait par réflexion sur deux lentilles de verre, l’autre devrait être comparée aux anneaux transmis par les mêmes lentilles, mais placées dans un degré de rapprochement un peu différent de celui qui fournissait la première image réfléchie. Dans cette dernière expérience la lumière complémentaire de celle que la lame réfléchit passe au travers des lentilles et forme les anneaux qu’on aperçoit par transmission. Lorsque l’appareil renferme un miroir de métal, cette dernière portion de lumière doit être absorbée, soit en totalité, soit en partie ; si l’absorption est partielle, on pourrait admettre à la rigueur que la portion que le miroir réfléchit forme la seconde suite que nous découvre le rhomboïde ; mais il est clair que dans ce cas les anneaux complémentaires devraient se correspondre parfaitement, et c’est ce qui n’arrive point. Il se présente un autre moyen d’expliquer la seconde suite d’anneaux et qui consiste à supposer qu’elle est formée aux dépens de la portion de lumière incidente qui n’est pas dans son premier passage au travers de la lame mince, et qui, en revenant du miroir métallique qui la réfléchit, rencontre la lentille supérieure et forme des anneaux transmis. Mais on voit que dans cette nouvelle hypothèse, pour expliquer la non correspondance des anneaux, il faudrait encore admettre que les couleurs formées sur la lame sont en partie modifiées par la nature des milieux en contact avec elle.

« C’est ainsi, par exemple, qu’une portion du couvercle, qui est rouge à l’œil nu, donne, à partir de la perpendiculaire et quand on l’examine avec le rhomboïde, deux images rouges dont les intensités sont d’autant plus inégales qu’on s’approche davantage de l’angle de 35° environ ; à cette limite on ne voit qu’une image ; plus obliquement on en aperçoit de nouveau deux : celle qui était rouge conserve cette même teinte, tandis que l’image qui vient de se montrer se colore en vert. Si l’on porte lu vue sur une bande verte, on observera précisément le contraire ; car au-dessous d’une certaine inclinaison l’image qui avait disparu se montrera de nouveau, mais avec une forte teinte rouge.

« En rapportant tout à l’usure les expériences analogues que j’ai faites sur les anneaux qui entourent le point de contact d’une lentille de verre et d’un miroir de métal, je me suis contenté de dire que les deux images ne sont pas semblables, et j’ai de plus prouvé que les anneaux complémentaires dans les deux suites ne se correspondent pas parfaitement en grandeur. Ici je dois dire au contraire que les mêmes moyens d’observations peuvent servir à démontrer que les bandes colorées dans les deux images ont des diamètres parfaitement égaux et que leurs teintes sont bien exactement complémentaires ; en sorte que si, après être arrivé à une de ces inclinaisons pour lesquelles les images sont dissemblables, on fait tourner le rhomboïde sur lui-même, on les verra successivement disparaître l’un et l’autre. Il est clair du reste que cette disparition d’une des images doit être soigneusement distinguée de celle qui a lieu sous l’angle de 35° ; dans ce dernier cas les rayons des anneaux étant polarisés ne donnent qu’une image, mais dans les seules positions où la section principale du cristal qu’on emploie est perpendiculaire ou parallèle au plan de réflexion ; l’autre disparition, n’ayant lieu que parce que deux images se superposent, ne s’observera au contraire que dans le cas où la section principale du rhomboïde ne sera ni perpendiculaire ni parallèle au même plan. Sous l’angle de 35°, les rayons passant tous à l’image ordinaire, par exemple, l’autre faisceau n’existe pas, tandis qu’ici la disparition d’une des images n’a lieu que parce que ses couleurs sont entièrement neutralisées par les rayons complémentaires que le mouvement du cristal amène du second faisceau dans le premier.

« J’ai déjà eu précédemment l’occasion de parler des couleurs qu’offrent les huiles essentielles lorsqu’on les dépose sur un métal et que l’évaporation les a amenées à une grande ténuité ; on peut par ce moyen répéter fort commodément les expériences précédentes. L’évaporation, ne se faisant pas d’une manière régulière dans toute l’étendue de la lame, produit des courbes bizarres diversement nuancées et qui changent de forme à chaque instant ; or, en examinant le miroir avec un cristal et sous un angle un peu aigu, on apercevra ces figures irrégulières dans l’une et l’autre image, mais elles auront des teintes complémentaires ; ici, comme avec la couche de gomme laque, un déplacement de quelques degrés dans la section principale fera passer l’une des images au blanc parfait. »

Pour que tous les écrits de M. Arago sur la théorie des anneaux colorés se trouvent dans les œuvres de mon vénéré maître, je dois encore ajouter qu’en rendant compte, dans les Annales de chimie et de physique, ainsi qu’il l’a fait pendant plusieurs années, des séances de l’Académie des sciences, il a ajouté les réflexions suivantes à l’analyse d’un rapport (22 janvier 1816) d’Ampère et de Poisson sur un Mémoire de M. Pouillet, intitulé : « Expériences sur les anneaux colorés qui se forment par la réflexion des rayons à la seconde surface des lames épaisses, et sur un nouveau phénomène qui s’y rapporte » :

« Newton a assigné les lois du phénomène des anneaux colorés par rapport à l’ordre des couleurs, aux diamètres des divers anneaux et aux épaisseurs qui les produisent ; c’est sur ces lois qu’est fondée la théorie connue des accès de facile réflexion et de facile transmission. Dans cette théorie, les modifications que la lumière éprouve n’ayant lieu qu’à la première et à la seconde surface du verre, il était naturel de penser qu’il se produirait des phénomènes analogues lorsqu’on supprimerait la matière comprise entre les deux surfaces et qu’on la remplacerait par de l’eau, de l’air ou par toute autre substance. M. Pouillet a vérifié cette conjecture en plaçant devant un miroir métallique une lame mince de mica qui remplaçait la première surface de verre ; et alors il a vu en effet se former des anneaux semblables à ceux qu’avaient présentés les expériences faites avec un miroir de verre étamé par derrière ; il en a mesuré les dimensions dans diverses positions de la lame, et elles se sont toujours accordées avec celles qu’on déduirait de formules fondées sur la théorie des accès. Le duc de Chaulnes avait déjà observé la formation des anneaux dans des circonstances analogues ; mais faute d’en avoir mesuré les dimensions, il les avait présentés comme une exception à la théorie newtonienne. « M. Pouillet a reconnu qu’il n’est pas nécessaire que le rayon traverse la matière même de la lame qu’on place devant le miroir métallique pour former des anneaux. Si l’on y pratique un trou au travers duquel on fait passer la lumière, la portion qui est réfléchie irrégulièrement par le miroir et qui vient passer une seconde fois par le trou produit des anneaux colorés comme dans le cas précédent, ce qui montre que l’action inconnue qui émane des bords de l’ouverture fuite à la lame s’exerce à une distance sensible sur la lumière. La figure de cette ouverture peut être telle qu’on voudra ; on peut même la remplacer par le simple bord d’une lame opaque ; il se formera toujours des anneaux dont les diamètres suivent la loi ordinaire. L’auteur ne se prononce pas dans son Mémoire sur l’identité ou la différence de ces bandes avec celles que produit la diffraction.

« Jusqu’ici le Mémoire de M. Pouillet pourrait être considéré comme le complément du travail que le duc de Chaulnes avait inséré dans le Recueil de l’Académie pour 1755 ; mais l’expérience de la lame opaque présente un résultat nouveau. En effet, cet académicien rapporte qu’après avoir substitué un morceau de mousseline très-claire à la lame de talc, les anneaux circulaires étaient remplacés par des bandes colorées disposées dans le même ordre, mais qui étaient sensiblement carrées, quoique leurs angles fussent un peu arrondis ; et qu’une lame de rasoir, placée dans le rayon incident, fournissait seulement plusieurs traits diversement colorés. Du reste, Herschel a reconnu depuis longtemps que, pour produire des anneaux très-vifs avec un miroir métallique parfaitement poli, il suffit de jeter un peu de poussière dans le faisceau de lumière incidente. »

Je croyais également perdu le Mémoire dans lequel M. Arago avait démontré la loi importante qu’il a découverte en 1812 de l’égalité des quantités de lumière polarisée des faisceaux réfléchis et transmis. Mon illustre maître croyait se souvenir d’avoir communiqué ce Mémoire à la Société philomatique, mais faute d’une publication faite par lui-même à cette époque lointaine, il avait dû se borner, en 1851, à invoquer comme prise de date la mention que M. Biot avait faite de la loi en question en l’attribuant son autour (voir tome VII des Œuvres, page 379). Du reste, le savant physicien l’avait lui-même énoncée en indiquant le principe de la démonstration, dans sa Notice sur la polarisation (voir le même volume, page 324).

Dans la même enveloppe qui contenait les pages précédentes, j’ai eu le bonheur de retrouver le Mémoire original, entièrement écrit de la main de M. Arago ; ce Mémoire, d’ailleurs très-court, est d’autant plus précieux qu’il renferme la description du polariscope primitif de l’illustre physicien et celle de ses premières expériences photométriques. Ce Mémoire est ainsi conçu :

« Les physiciens sont convenus, dans ces derniers temps, de désigner par le nom de rayons polarisés ces rayons qui, en traversant un cristal dont la section principale est convenablement placée, ne donnent qu’une seule image ; par opposition, on appelle lumière ordinaire celle qui, dans son passage au travers d’un rhomboïde, donne constamment deux faisceaux également vifs ; enfin, la lumière partiellement polarisée sera celle qui se décomposera en deux images inégalement intenses ; ainsi, d’après les expériences de Malus, la lumière qui se réfléchit perpendiculairement sur un miroir de verre a les propriétés de la lumière ordinaire celle qui se réfléchit sous l’angle de 35° est entièrement polarisée ; enfin, dans les incidences qui précèdent et dans celles qui suivent celle-là, les rayons ne sont polarisés que partiellement.

« Deux rayons entièrement polarisés sont dits polarisés dans le même sens, lorsqu’un traversant un même rhomboïde, ou, ce qui revient an même, deux rhomboïdes placés par rapport aux rayons d’une manière analogue, ils fournissent le même faisceau émergent ; mais si, des deux rayons polarisés, l’un ne donne que le faisceau ordinaire, par exemple, en traversant le cristal, tandis que le second fournit l’image extraordinaire en traversant un cristal semblablement placé, on dira qu’ils sont polarisés en sens contraires. On établit la même distinction entre les rayons qui n’ont été que partiellement polarisés, Ceci posé, les rayons qu’un miroir de verre réfléchit sous l’angle de 35° étant polarisés dans un sens, il sera facile de trouver une des deux positions d’un rhomboïde dans laquelle cette lumière ne fournit qu’une image ; si l’on examine ensuite la lumière qui passe sous la même inclinaison de 35°, le rhomboïde n’ayant pas changé de position par rapport au miroir, on trouvera, ainsi que Malus l’a reconnu le premier, qu’elle n’est que partiellement polarisée, et que de plus l’image la plus faible correspond à celle qui était seule visible quand on examinait les rayons réfléchis ; aussi, si dans ce dernier cas on ne voyait que l’image ordinaire, lorsqu’on analysera la lumière transmise le faisceau extraordinaire sera le plus faible, et réciproquement, en sorte que les rayons réfléchis et transmis sont polarisés en sens contraires. Au reste, la polarisation partielle que présente la lumière transmise ne semble pas très-considérable, et c’est sans doute pour cela qu’elle avait échappé aux premières recherches de Malus. Dans les expériences dont je vais rendre compte, je me suis proposé de comparer la quantité de lumière qui se polarise par réflexion à celle qui, sous la même incidence, éprouve la modification contraire en traversant le miroir ; la certitude du résultat auquel je suis arrivé devant dépendre de la méthode d’observation que j’ai employée, il sera d’abord convenable que je l’explique succinctement.

« Bouguer a démontré, par une expérience très-simple, que l’œil le moins exercé aperçoit la différence d’intensité de deux lumières très-rapprochées, lors même qu’elle n’est que de 1/64e de l’une d’entre elles. Supposons maintenant que ce 64e de lumière blanche soit décomposé en deux faisceaux complémentaires, l’un rouge, par exemple, et l’autre verdâtre ; que la portion rouge puisse être transportée sur l’une des images et la portion verte sur l’autre ; dans ce nouvel état, les deux lumières diffèrent moins l’une de l’autre, absolument parlant, que lorsqu’elles étaient blanches, et cependant l’expérience m’a appris que la différence des deux lumières s’aperçoit bien plus aisément par le contraste des teintes que par la seule inégalité d’éclat ; c’est ainsi, par exemple, que dans des circonstances où les images comparées paraissaient presque parfaitement égales, Il me suffisait de partager la différence entre les deux, mais à l’état de lumière colorée, pour bien distinguer l’une de l’autre.

« Après m’être assuré de la sensibilité de ce moyen photométrique, il ne me restait plus qu’à l’appliquer à la solution de la question que j’ai indiquée plus haut. Voici mon appareil. « Je prends une petite lunette prismatique ; j’en ôte l’oculaire et je ramène le prisme de cristal de roche près de l’œil ; la lumière qui passe au travers de la petite ouverture que je laisse à l’objectif se décompose en deux images circulaires en partie superposées les deux lunules ou croissants qui débordent sont également vifs si la lumière incidente n’est pas modifiée ; ils ont des intensités différentes si les rayons étaient polarisés ; dans ce dernier cas, et comme je l’ai montré dans une autre circonstance, si je place une plaque de cristal de roche devant l’objectif, les deux croissants se teindront de couleurs très-vives complémentaires, et qui changeront si l’on fait tourner la lunette.

« Supposons maintenant qu’à l’aide de ce dernier appareil on examine la lumière réfléchie par un miroir de verre ; les deux lunules seront colorées et le reste du champ sera blanc ; qu’on intercepte ensuite la lumière qui tombait sur la première surface du miroir, en sorte que l’objectif ne soit plus maintenant éclairé que par la portion de lumière qui a traversé la glace, les croissants seront encore colorés, mais les teintes seront opposées aux premières ; ainsi celui qui était rouge par les rayons réfléchis deviendra vert par la lumière transmise, et réciproquement, celui qui d’abord était vert se colorera maintenant en rouge. Les couleurs que fournit la lumière réfléchie sont extrêmement vives ; celles qu’on aperçoit à l’aide des rayons transmis le semblent beaucoup moins.

« Pour savoir si cette différence doit être attribuée à ce que la lumière transmise serait composée d’une moins grande quantité de rayons polarisés, ou si elle dépend seulement des rayons non polarisés qu’elle contient, le moyen qui se présente immédiatement c’est de recevoir à la fois, dans la lunette, les rayons réfléchis et les rayons transmis, en ayant toutefois l’attention de rendre les deux faisceaux incidents également vifs. Ces deux classes de rayons donnant des teintes complémentaires, comme nous l’avons dit plus haut, ces teintes se neutraliseront complètement si le faisceau transmis et le faisceau réfléchi contiennent le même nombre de rayons polarisés ; dans tout autre cas les lunules seront colorées, et l’ordre de la distribution des teintes indiquera quel est celui des deux faisceaux qui se compose d’un plus grand nombre de rayons polarisés. Or, cette expérience est très-aisée à faire. Pour cela, je me suis placé avec mon appareil à un ou deux pieds d’une muraille uniformément éclairée. Après m’être assuré que les rayons qu’elle réfléchissait ne présentaient pas la moindre trace de coloration, j’ai placé un miroir de verre à faces parallèles devant l’objectif. Lorsque j’interceptais la lumière transmise, je voyais les lunules très-vivement colorées ; cette lumière transmise me donnait elle-même des couleurs très-apparentes, mais complémentaires des autres lorsque j’arrêtais avec un écran les rayons qui se réfléchissaient dans le premier cas ; lorsque enfin les deux faisceaux pouvaient pénétrer également dans la lunette, les deux croissants ne présentaient pas la plus légère trace de coloration, or, ceci ne peut évidemment arriver qu’en tant que le faisceau transmis et le faisceau réfléchi contiennent précisément les mêmes quantités de rayons polarisés. Par conséquent, si les couleurs semblent moins vives quand on examine séparément la lumière transmise que quand on reçoit aussi isolément et dans les mêmes circonstances le faisceau réfléchi, c’est que dans le premier cas elles sont affaiblies par la grande quantité de lumière blanche non modifiée qui se partage également entre les deux images.

« On voit, du reste, que la conséquence curieuse à laquelle ce résultat conduit, c’est que s’il existait un corps qui, sous l’angle de la polarisation complète, réfléchit la moitié de la lumière incidente, l’autre moitié transmise serait aussi entièrement polarisée, mais en sens contraire ; en sorte qu’un tel corps présenterait les phénomènes de la polarisation d’une manière tout aussi remarquable par transmission que par réflexion. Dans tous les cas la quantité de lumière qu’un miroir quelconque réfléchit sous l’angle de la polarisation complète, est précisément égale à la différence d’Intensité des deux images en lesquelles se décompose la lumière transmise en traversant un rhomboïde convenablement placé.

« On conçoit d’ailleurs, sans que je le dise, que si l’un des deux faisceaux incidents contient une certaine quantité de rayons polarisés, lu neutralisation des couleurs dont j’ai parlé tout à l’heure n’aura plus lieu ; c’est là ce qui arriverait si, au lieu de recevoir un rayon direct sur le plan de verre, on se servait, comme dans l’appareil de Malus, de lumière préalablement réfléchie par un miroir de métal, car cette lumière contiendrait une certaine quantité de rayons polarisés par réflexion. C’est par la même raison que, par un temps serein, on ne peut pas se servir pour faire cette expérience de la lumière que l’atmosphère réfléchit ; mais lorsque le ciel est uniformément couvert de nuages, on observera très-commodément la neutralisation de teintes dont j’ai parlé tout à l’heure en dirigeant la lunette à travers le plan de verre, vers un point du ciel, et recevant en même temps la portion de lumière que le miroir réfléchit. Quelquefois on apercevra des couleurs, quoique les faisceaux incidents et réfléchis paraissent également vifs à l’œil nu ; mais pour s’assurer qu’elles ne tiennent pas à l’inégalité d’intensité des deux faisceaux polarisés en sens contraires, il suffit de renverser l’appareil, car alors les couleurs changeront aussi de place. Ainsi supposons que la lunette soit dirigée à l’orient, par exemple, et que le faisceau incident qui partant de l’ouest est réfléchi par le miroir soit plus vif que le faisceau transmis, les couleurs des deux segments seront distribuées dans le même ordre que si le seul faisceau réfléchi pénétrait dans l’appareil ; mais si l’on dirige ensuite la lunette vers l’ouest et que le miroir diaphane soit placé devant l’objectif de manière que la lumière réfléchie parte de l’orient, les couleurs des segments seront complémentaires de celles qu’on apercevait d’abord. Ainsi, dans le premier cas, les couleurs tenaient à ce que le faisceau incident qui se réfléchit était le plus vif, puisque, lorsque ce même faisceau traverse le verre, les teintes changent de nature.

« Malus s’était contenté de dire que sous l’angle de 35° la quantité de lumière qui se polarise par réfraction est proportionnelle à celle qui se réfléchit, ce qui est évident de soi-même ; mon expérience prouve que ces quantités sont parfaitement égales, non-seulement sous l’angle de 35°, mais encore sous toutes les inclinaisons où la lumière réfléchie n’est que partiellement polarisée. Il faudra donc désormais attribuer à la force qui polarise les rayons la propriété curieuse d’imprimer des modifications opposées à des quantités égales de molécules qui d’ailleurs suivent des routes différentes. J’indiquerai dans une autre circonstance les applications nombreuses qu’on peut faire de ce résultat.

« Les lames très-minces polarisant la lumière des anneaux de la même manière par réflexion que par réfraction, il était curieux de chercher comment elles agiraient sur la lumière blanche qu’elles réfléchissent et sur celle qui les traverse. Or, je me suis assuré par le moyen d’observations dont je viens de parler que les lames très-minces se comportent comme les plaques épaisses de verre, en sorte que sous toutes les incidences elles polarisent la même quantité de lumière par réflexion que par réfraction. »

Continuant à accumuler des preuves de la vérité de la théorie des ondulations, de la fausseté du système de l’émission ; constatant que toutes les découvertes nouvelles faites dans l’optique créaient des difficultés presque insurmontables à la théorie newtonienne ; observant en fait que, de toutes les conséquences générales déduites de l’hypothèse de Newton, la seule qu’on eût vérifiée jusqu’alors était la loi du rapport constant des sinus des angles d’incidence et de réfraction, mais que cette loi pouvait s’expliquer dans d’autres systèmes ; M. Arago résolut de chercher si certaines conclusions tirées de cette même loi dans la théorie de l’émission ne seraient pas en contradiction avec l’observation. Or, le pouvoir réfringent de tout corps, c’est-à-dire le rapport de la puissance réfractive à la densité, devrait rester constant quand la densité change et dépendre de la nature du corps et non pas de son état, si la théorie de l’attraction newtonienne était vraie. Le pouvoir réfringent d’un corps à l’état gazeux devrait donc être le même que le pouvoir réfringent de ce corps à l’état liquide. À cette conclusion, les faits bien interrogés pouvaient répondre péremptoirement. M. Arago institua, en collaboration avec un physicien et géomètre habile, son beau-frère M. Petit, des expériences décisives, étendues en outre à l’examen des pouvoirs dispersifs. Les résultats furent contraires à l’hypothèse newtonienne ; ils sont décrits dans le Mémoire sur les puissances réfractives et dispersées de certains liquides et des vapeurs qu’ils forment, lu à l’Académie des sciences le 11 décembre 1815, que j’ai imprimé, d’après le texte paru en 1816 dans les Annales de chimie et de physique, en y ajoutant seulement une note dictée par M. Arago en 1851 dans le but de mettre en évidence le fait capital de l’inégalité des pouvoirs réfringents et de la variation du rapport du pouvoir dispersif au pouvoir réfringent, lorsqu’un corps passe de l’état liquide à l’état gazeux.

Les belles découvertes faites par M. Arago dans ses recherches sur les couleurs des lames minces et sur la lumière polarisée ont évidemment engagé Fresnel à lui faire part des premiers résultats que ce dernier avait obtenus a son début dans une voie où il devait acquérir une gloire immortelle.

J’ai dit plus haut (page xli) comment avaient commencé les relations de ces deux grands hommes. Fresnel tout jeune encore, était simple ingénieur des ponts et chaussées dans une petite ville de Normandie, et il avait trouvé, sans connaître les travaux des savants qui l’avaient précédé dans la carrière, les véritables explications de l’aberration et de la diffraction. Il avait fait part des résultats qu’il avait obtenus à M. Arago, qui, par ses découvertes récentes sur l’optique, avait conquis une grande place dans l’admiration et la confiance des jeunes gens. M. Arago dut répondre à Fresnel que, dans l’explication de l’aberration, il avait été devancé par Bradley, et dans celle de la diffraction, par le docteur Thomas Young ; « mais, lui ajoutait-il, loin de vous décourager de cette rencontre de votre esprit avec celui de deux hommes supérieurs, trouvez-y une raison d’appliquer votre pénétration à de nouvelles recherches sur la diffraction, où de magnifiques découvertes attendent encore les hommes qui voudront interroger la nature avec sagacité ; déjà d’ailleurs vous avez vu ce fait absolument nouveau, que des bandes colorées extérieures ne cheminent pas en ligne droite à mesure qu’on s’éloigne du corps opaque. Continuez à travailler en vous mettant d’abord au courant de cette branche de l’optique par la lecture de l’ouvrage de Grimaldi, de celui de Newton, du Traité anglais de Jordan et des Mémoires de Bourgham et de Young, qui font partie de la collection des Transactions philosophiques. »

Fresnel fut effrayé d’avoir tant de livres à lire, et puis la difficulté de se les procurer était grande pour un homme éloigné de Paris ; les travaux de Young étaient d’ailleurs les seuls qui le préoccupaient fortement ; il écrivit à M. Arago la lettre suivante :

Mathieu, le 12 novembre 1815.

« Monsieur,

« Ce que vous me dites du système du docteur Young me fait désirer de connaître plus précisément en quoi je me suis rencontré avec lui. Vous concevez quelles peuvent être à ce sujet les petites inquiétudes de mon amour-propre. Je voudrais bien savoir s’il s’explique nettement sur la manière dont il conçoit l’influence que les rayons lumineux exercent les uns sur les autres. Il me semble que s’il avait là-dessus les mêmes idées que moi, il aurait dû être conduit aux mêmes formules, et en conclure aussi que les franges extérieures cheminent suivant des hyperboles. Car, je dois le dire, ce n’est point l’observation, mais la théorie qui m’a conduit à ce résultat que l’expérience a ensuite confirmé… Des anomalies m’avaient bien fait soupçonner auparavant que ces franges ne se propageaient pas suivant une ligne droite ; mais je pouvais attribuer d’aussi légères différences à l’inexactitude de mes observations. Ce n’est qu’après avoir trouvé la formule qui représente le phénomène que j’ai construit un micromètre et que j’ai pu donner à mes expériences un assez haut degré de précision pour m’assurer de ces déviations. Mon micromètre étant très-incommode, je n’ai pu faire qu’un petit nombre d’observations. Comme je me dépêchais, je ne me suis pas donné le temps de réfléchir sur les circonstances les plus propres à faire ressortir la courbure des franges extérieures. D’ailleurs je ne faisais guère ces expériences que pour vérifier ma formule. Mais ce que vous m’avez écrit à ce sujet me fait sentir combien il est important de rendre ces déviations plus sensibles par de nouvelles observations. Je commencerai demain ces expériences, si le temps le permet. Ma chambre n’étant pas assez longue, je serai obligé de porter la lentille dans la cour, et je recevrai par le trou du volet la lumière qu’elle m’enverra ; j’espère que la lumière étrangère qui s’y mêlera ne m’empêchera pas de bien distinguer les franges en les regardant comme je fais à travers une loupe. C’est par ce moyen que je suis parvenu à les suivre jusqu’à leur naissance en approchant la loupe du corps opaque. Je ne mets rien entre elle et le corps qui porte ombre ; je le regarde directement au travers de la loupe.

« J’avais d’abord placé un verre dépoli pour recevoir l’ombre du fil, et je la regardais par derrière avec une loupe ; mais je m’aperçus que ce verre était inutile et qu’on voyait les mêmes franges en le supprimant. Je me suis assuré qu’elles ont la même largeur en me servant d’un verre dont une moitié seulement était dépolie ; je le plaçai au foyer de la loupe, et les franges que j’apercevais au travers de la partie polie me parurent être bien dans le prolongement de celles qui se peignaient sur la partie dépolie.

« C’est en partant de cette observation que je suis parvenu à distinguer les franges de l’ombre d’un fil éclairé par une étoile. Mais comme la lumière des étoiles est très-faible, il faut employer une lentille peu convexe, et l’on ne peut plus distinguer aussi bien les fils du micromètre. Cependant, comme on peut s’éloigner Indéfiniment dans ce cas du fil qui porte ombre sans que la lumière diminue, on parviendrait, je crois, par des observations de ce genre, à mettre bien en évidence le chemin curviligne que suivent les franges extérieures, et d’autant mieux que l’hyperbole se changeant alors en parabole, la courbure est plus prononcée.

« La formule qui donne la largeur de la première frange devient lorsque le point lumineux est infiniment éloigné ; cette largeur est donc alors en raison inverse du carré de la distance au fil. À une distance de 8 mètres, la partie sombre de la frange ne s’étend pas encore assez pour qu’on ne puisse être sûr de la mesure à moins d’un demi-millimètre près, comme je m’en suis assuré. En faisant une autre observation à 2 mètres, on trouverait 0m.0072 pour la distance de la courbe à la ligne droite partant du bord du fil ; ce qui donnerait une différence de près d’un millimètre et demi sur la largeur totale de l’ombre à cette distance, où les mesures peuvent être encore bien plus exactes qu’à 8 mètres. Je désirerais bien que vous fissiez une série d’observations de ce genre en vous servant d’une étoile, pendant que je vais faire celles que vous m’avez indiquées au moyen d’un point lumineux artificiel.

« Mon congé est expiré de la fin d’octobre, et j’ai reçu une lettre de mon ingénieur en chef qui m’oblige à partir pour Rennes, ma nouvelle résidence. Je vais cependant rester encore quelques jours à Matthieu pour faire ces expériences. Je vous prie de m’adresser toujours vos lettres ici jusqu’à ce que j’aie l’honneur de vous écrire de Rennes.

« Je suis avec la plus haute considération, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

« Fresnel. »

On voit par cette lettre que la proposition d’une collaboration vient de Fresnel ; elle fut acceptée par M. Arago. Dans le tome Ier des Annales de chimie et de physique, ce dernier exposa le résultat des premières expériences qu’ils firent ensemble pour mesurer l’influence exercée sur les bandes diffractées par des lames de diverses épaisseurs. La théorie de Fresnel rendait compte dès cette époque de la découverte faite par M. Arago de la disparition des bandes intérieures de l’ombre par l’interposition d’un verre diaphane dans un seul des faisceaux lumineux qui s’interfèrent. J’ai inséré les deux notes qui expliquent ces faits dans le tome VII des Œuvres, pages 99 et 432.

Dès 1816 les deux physiciens se lièrent d’une étroite amitié, ainsi que le témoigne leur correspondance. M. Arago s’expliqua nettement devant tous les savants influents sur la haute valeur des travaux d’un ingénieur qu’il ne fallait pas laisser plus longtemps se consumer dans d’obscures et astreignantes fonctions ; il finit par obtenir en 1819 que Fresnel serait appelé à Paris comme secrétaire de la Commission des phares. C’est a cette époque qu’ils publièrent dans le tome X des Annales du chimie et de physique leur beau Mémoire sur l’action que les rayons de lumière polarisée exercent les uns sur les autres. J’ai reproduit sans aucun changement ni addition ce Mémoire qui devrait servir de modèle aux savants qui ont à publier des Recherches faites en commun ; j’ai du reste dit son importance à propos de l’histoire de la Notice sur la polarisation (page cv).

M. Arago avait aussi obtenu de l’Académie des sciences qu’elle mettrait au concours, pour le grand prix des sciences physiques, l’examen général des phénomènes de la diffraction de la lumière ; il savait que Fresnel était le seul physicien qui pût se tirer glorieusement des difficultés énormes du sujet. Ce fut pour lui une grande satisfaction d’être nommé rapporteur de la commission qui décidait que le prix était décerné au Mémoire de son ami. Mais le rapport qu’il lut à l’Académie n’était pas un acte de camaraderie. La postérité a sanctionné le jugement que l’amitié la plus affectueuse et la plus dévouée avait porté. Le rapport fut publié dans le tome XI des Annales de chimie et de physique, avec cinq notes additionnelles ; j’ai inséré textuellement le tout sous les numéros xv a xx de l’Appendice. Ces pages contiennent l’histoire d’une des plus belles conquêtes de la physique moderne.

Cependant les conséquences que M. Arago croyait pouvoir conclure des découvertes de Fresnel qui apportaient un puissant appui aux déductions tirées de ses propres recherches, ne passèrent pas sans de vives contestations. Un physicien illustre, M. Biot, avec lequel on a déjà vu qu’il était en dissentiment sur le fond de l’optique elle-même, avait imaginé que les phénomènes de polarisation colorée découverts par M. Arago pouvaient s’expliquer pour un certain état des molécules lumineuses émises par les corps, état transitoire entre l’état ordinaire et celui de la polarisation fixe. Mais Fresnel avait démontré que les faits constatés dans ses expériences contredisaient nettement les lois que M. Biot prétendait établir dans sa théorie de la polarisation mobile ; il en était de même des expériences faites en commun par M. Arago et Fresnel et décrites dans le Mémoire de 1819 dont nous avons parlé plus haut. Il fallait faire admettre par les physiciens, contrairement à l’opinion de M. Biot, que la polarisation colorée s’expliquait par les interférences. Deux Mémoires de Fresnel présentés à l’Académie des sciences en 1816 et en 1818 établissaient cette vérité ; ils avaient été renvoyés à l’examen de MM. Arago et Ampère. M. Arago lut son rapport le 4 juin 1821 au sein de l’Académie ; M. Biot le combattit et une lutte vive s’engagea ; cependant les conclusions furent adoptées dans la séance de l’Académie du 11 juin. J’ai imprimé sous les numéros xxi et xxii de l’Appendice le rapport de M. Arago et la réponse qu’il fit à M. Biot, d’après le texte publié dans le tome XVII des Annales de chimie et de physique. J’ai pris soin d’ailleurs de placer en notes au bas des pages les passages des remarques critiques de M. Biot, que M. Arago attaque particulièrement.

À la même époque M. Arago montra que l’action chimique de la lumière produit le phénomène des interférences ; il fit sur ce sujet une très-belle expérience consistant à fixer sur du chlorure d’argent les effets des interférences des rayons chimiques. Il se contenta de communiquer la découverte au Bureau des Longitudes (séance du 22 août 1821) ; mais Fresnel le décrivit en détail en 1822 dans le supplément de la chimie de Thomson ; j’ai imprimé cette description sous le numéro xxvii de l’Appendice.

Fresnel a démontré que les phénomènes de la réfraction, de la diffraction, de la polarisation et enfin de la double réfraction s’expliquent complètement par la théorie des ondes ; il est entré dans tous les détails des phénomènes, et ses patientes études ont amené la découverte d’une foule de faits nouveaux démontrés soit par ses formules, soit par des observations directes, se vérifiant toujours les unes par les autres. M. Arago a fait en 1822 un dernier rapport à l’Académie des sciences sur un très-beau Mémoire de son ami, relatif aux phénomènes de la double réfraction dans les cristaux à deux axes. Je l’ai inséré sous le numéro xxiii de l’Appendice du volume dont je fais l’histoire.

Tels sont, en y ajoutant leur collaboration dans la question de l’amélioration des phares, les relations scientifiques qu’ont eues Fresnel et M. Arago. J’ai dû les rapporter en détail et date par date, parce qu’elles forment une des plus brillantes pages de la vie de mon illustre maitre. Ami de Malus, de Fresnel, de Young, c’est-à-dire, des trois législateurs de l’optique renouvelée par de magnifiques découvertes dont il pouvait revendiquer une part importante, ayant eu le privilège de leur survivre à tous trois, il s’imposa le devoir d’écrire leurs biographies. Ayant concouru successivement, avec l’actif dévouement dont il donna tant de preuves, à leur élection à l’Académie des sciences, il eut encore la douloureuse satisfaction de prononcer leurs éloges devant ce corps savant. D’ailleurs il avait ressenti la joie d’effacer entre eux tous les germes de dissentiments qui eussent pu provenir de la rivalité de leurs travaux.

Le 29 mars 1827, Young, qui douze ans auparavant avait élevé des réclamations de priorité contre Fresnel, écrivait à M. Arago :

« En vous envoyant mon article annuel pour les additions de la Connaissance des Temps, j’ai aussi le bonheur et le plaisir de vous informer que le conseil de la Société royale nous a tous honorés en décernant à notre ami Fresnel la médaille de Rumford, qui n’a été accordée qu’une fois depuis la mort de Malus. Dans cette détermination, le plus zélé soutien de notre cause a été M. Herschel. J’ai été obligé de garder le silence, comme trop directement intéressé dans la question, mais de fait il n’y a pas eu d’opposition. La valeur de la médaille est de 1, 500 fr. ; il y sera joint une somme de 1, 250 fr. que j’aurai à transmettre à Fresnel ; elle provient de l’accumulation des intérêts de la valeur des médailles qui n’ont pas été décernées. Pensant que cette circonstance pourra rendre notre système un peu plus populaire qu’il ne l’a été jusqu’à ce jour, je me suis résolu à insérer dans nos Astronomical and Nautical Collection une traduction du Traité que Fresnel a publié dans le supplément de la chimie de Thomson, et je pense que notre ami n’en sera pas mécontent. »

Quelle haute estime avaient les uns pour les autres ces grands hommes qui continuaient dans notre siècle les Huygens et les Euler !

Par une triste coïncidence, ainsi qu’il était arrivé lorsque la médaille de Rumford avait été décernée à Malus, cette fois encore cette médaille devait être déposée au bord d’une tombe. Young écrivit, le 2 septembre 1827, à M. Arago :

« A mon retour de Liverpool, il y a quelques jours, j’ai trouvé sur ma table votre très-obligeante lettre m’annonçant le succès de vos démarches en ma faveur et ma nomination comme un des huit membres associés de l’Académie. Si quelque chose pouvait ajouter à la valeur d’une distinction aussi flatteuse, ce serait la conscience de la devoir principalement à la bonne opinion d’un juge aussi bienveillant et aussi instruit que vous. Je dois cependant avouer que je n’ai pas lu sans quelque confusion mon nom à la tête d’une liste dans laquelle celui d’Olbers était le troisième ; mais je suis d’autant plus obligé à l’Académie de sa partialité en ma faveur.

« Je déplore profondément l’événement fatal qui, pour la seconde fois, frappe le savant auquel la médaille de Rumford est attribuée. Vous ne me dites pas jusqu’à quel point notre pauvre ami a compris les sentiments qui nous animaient quand nous lui avons décerné cette récompense, et le plaisir que nous avions désiré lui procurer. ni s’il a été satisfait que j’aie essayé de traduire son Traité en anglais. J’ai donné des ordres pour que l’argent qui lui était dû soit envoyé à son frère son héritier. »

Tels ont été les liens étroits qui ont réuni Fresnel, Young et M. Arago. Les œuvres de mon vénéré maître mollirent leur amour commun pour les sciences ; leur vive amitié mutuelle égalait leur zèle et leur dévouement à enrichir les connaissances humaines de nouvelles vérités.

Il faut maintenant franchir un intervalle de près de dix ans, pour trouver M. Arago de nouveau et activement occupé de recherches sur l’optique. Pendant ce temps il a été détourné des travaux où il avait jeté tant d’éclat, pour d’autres labeurs où il a aussi fait faire à la science des progrès mémorables. La découverte de l’aimantation momentanée du fer doux, de l’aimantation durable de l’acier par l’action du courant voltaïque, et même par l’électricité ordinaire, le magnétisme de rotation, l’étude attentive des phénomènes du magnétisme terrestre, la découverte des variations diurnes de l’inclinaison et de l’intensité magnétiques et celle des agitations produites sur l’aiguille aimantée par les aurores boréales, se sont succédé coup sur coup. M. Arago consacra aussi beaucoup de temps à ses célèbres Notices sur la machine à vapeur et sur l’état thermométrique du globe, et à plusieurs autres écrits. Mais les conséquences qu’il était possible de tirer de l’application des lois de la polarisation à la solution d’un grand nombre de questions d’optique et d’astronomie, devaient reprendre dans ses méditations une place capitale. En 1833, il lut à l’Académie des sciences son Mémoire fondamental sur la loi dite du carré des cosinus, c’est-à-dire sur la loi suivant laquelle un faisceau de lumière polarisée se partage entre l’image ordinaire et l’image extraordinaire, quand il traverse un cristal doué de la double réfraction. Ce Mémoire resta inédit, mais M. Babinet en fit connaître la substance dans le Supplément du Traité de la lumière de sir John Herschel, que M. Quetelet publia à la fin de 1833. J’ai imprimé le Mémoire de mon illustre maître d’après son manuscrit entièrement écrit de sa main, et j’ai placé à l’Appendice, sous le numéro xxiv (pages 452 à 468), le texte de la note de M. Babinet, qui constitue une prise de date pour M. Arago ; j’ai inséré en outre avant cette note quelques lignes de M. Quetelet, extraites du même ouvrage et constatant que cet astronome a vu en 1833, entre les mains du savant directeur de l’Observatoire de Paris, un photomètre construit par Gambey, pour la mesure de la lumière des étoiles, d’après les principes posés dans le Mémoire sur la loi du carré des cosinus.

Aussi, quoique ce ne soit qu’à partir de 1850 que M. Arago ait rédigé et présenté successivement à l’Académie des sciences ses sept Mémoires sur la photométrie, il ne peut s’élever aucun doute sur l’époque très-reculée à laquelle ont été commencées les expériences qui leur servent de base et sur la libérale communication de ses appareils aux physiciens ; j’ai d’ailleurs extrait de ses registres les descriptions des expériences originales, et je les ai insérées dans diverses notes de l’Appendice.

Le manuscrit du premier Mémoire sur la photométrie était en partie de la main même de M. Arago, en partie de celle de M. Terrien ; il a été écrit ou dicté par mon illustre maître à la fin de 1849 ; il est consacré a l’exposition générale des méthodes photométriques nouvelles créées par l’illustre physicien, et à la démonstration expérimentale de la loi du carré des cosinus. L’introduction et les conclusions ont seules paru dans le tome XXX des Comptes rendus de l’Académie des sciences.

Sous le numéro xxv, j’ai inséré dans l’Appendice (pages 468 à 481) des notes et des mesures faites par M. Arago, en avril, juillet, août, octobre et novembre 1815, pour déterminer sous quels angles divers corps réfléchissent la moitié de la lumière incidente, ou transmettent autant de lumière qu’ils en réfléchissent, et pour trouver sous quel angle un faisceau lumineux transmis et un faisceau réfléchi reçoivent des polarisations équivalentes ; ces notes et ces mesures sont extraites d’un registre entièrement écrit par M. Arago, et font voir que le savant directeur de l’Observatoire a poursuivi les mêmes recherches pendant plus de trente-cinq ans.

Le manuscrit du deuxième Mémoire sur la photométrie est, comme le précédent, en partie de la main de M. Arago, en partie de celle de M. Terrien, il remonte au commencement de 1850 ; le tome XXX des Comptes rendus de l’Académie des sciences n’en donne qu’un résumé très-succinct. Ce Mémoire est consacré à la description des expériences qui ont servi à construire la table des quantités de lumière réfléchie et de lumière transmise par une lame de verre à faces parallèles. La table jusqu’alors inédite qui s’y trouve insérée est écrite de la main de M. Laugier. J’ai fait dessiner, d’après l’instrument construit par M. Duboscq, les figures du photomètre dont mon illustre maître est l’inventeur et qu’il décrit dans ce Mémoire ; j’ai rédigé la légende de ces figures qui n’avaient encore été publiées dans aucun ouvrage, quoique l’appareil eût été présenté à l’Académie des sciences en 1845, ainsi qu’il résulte d’une note du tome XXI des Comptes rendus des séances que j’ai reproduite à la suite de ma rédaction.

Dans le premier Mémoire sur la photométrie, la loi du carré des cosinus n’avait été vérifiée expérimentalement que pour des rayons lumineux marchant confondus ; elle est ici démontrée pour des rayons restant continuellement séparés, et sa généralité absolue est ainsi établie.

À la fin de son Mémoire, M. Arago montre qu’il n’aurait pas pu résoudre les problèmes qu’il s’était proposés en se servant des appareils jusqu’alors connus, et particulièrement du photomètre de Leslie. Il fait voir que cet instrument, tout à fait insuffisant pour la mesure des intensités relatives de vives lumières, pourrait servir à étudier les réflexions comparatives de la lumière et de la chaleur. J’ai imprimé dans l’Appendice, sous le numéro xxvi, une Note restée inédite, mais écrite par M. Arago lui-même en 1839 sur ce sujet, et l’extrait d’une lettre qu’il a adressée à M. de Humboldt en 1850.

La nature des sources lumineuses a préoccupé longtemps l’illustre physicien, et on en trouve la preuve dans la note insérée sous le numéro xxviii (page 492), note écrite de sa main en 1830, mais restée inédite, que lui a inspirée un Mémoire de M. Thénard sur la lumière qu’on croyait communément faire jaillir de l’air et de l’oxygène par la compression seule de ces gaz. La complexité des phénomènes que présentent la plupart des lumières terrestres l’avait fait renoncer à l’idée d’éclairer son photomètre avec aucun des appareils ordinairement employés, et c’est ce qu’il explique dans ses deux premiers Mémoires sur la photométrie (pages 174 et 185), ainsi que dans la Note numéro xxix, dictée en 1850. Dans cette Note se trouvent rappelés divers résultats déjà publiés en 1822 dans le tome XIX des Annales de chimie et de physique, sur les intensités relatives de diverses sources lumineuses. Quelques résultats nouveaux s’y trouvent aussi consignés en ce qui concerne la comparaison de la lumière du Soleil et des lumières artificielles, notamment celle du gaz d’éclairage. Au même sujet se rattache aussi par plusieurs points la Notice sur l’action calorifique et l’action chimique de la lumière, insérée dans le tome VII des Œuvres (page 530), et dont j’ai dit l’histoire précédemment (page cxi). Si nous insistions davantage à cet égard, nous quitterions le domaine des sciences pures pour entrer dans celui des applications, que M. Arago n’avait pas en vue dans ses Mémoires ; nous dirons seulement, parce que l’occasion ne s’en présentera plus, qu’en 1820 il a publié, dans le tome XV des Annales de chimie et de physique, une courte Note que nous n’avons pas retrouvée à temps pour pouvoir l’insérer dans les Œuvres, mais qu’il serait sans utilité de reproduire ici : dans cette Note il combattait, par quelques chiffres extraits des registres des expériences faites à l’hôpital Saint-Louis, les personnes qui s’opposaient encore cette époque à l’extension de l’éclairage par le gaz extrait du charbon de terre. Quel est le progrès qui n’a pas rencontré des objections ? Les hommes de vraie science n’y voient pas de prétexte pour s’arrêter, ils y puisent seulement des motifs pour chercher à découvrir de nouvelles améliorations.

Le manuscrit du troisième Mémoire sur la photométrie est entièrement de la main de M. Terrien ; ce Mémoire a été dicté au commencement de 1850. J’ai dû y introduire, d’après les registres d’observations, la plupart des données numériques qui s’y trouvent, et que M. Arago faisait laisser en blanc pendant ses dictées, remettant à plus tard pour remplir les vides que présentait la rédaction au moment de son improvisation.

Ce Mémoire était resté inédit ; le tome XXX. des Comptes rendus de l’Académie des sciences en avait seulement indiqué la substance. Il résulte de ce travail que la méthode photométrique de M. Arago peut s’appliquer à la mesure des quantités de lumière réfléchie et transmise sous toutes les incidences ; que la loi de Bouguer relative à la diminution de la part de lumière pour la réflexion sur les métaux à mesure que l’angle avec la surface est plus petit, se trouve complètement vérifiée, mais que ce physicien s’est trompé en estimant très-considérables les pertes éprouvées dans la réflexion totale et dans les réflexions à la première et à la seconde surface du verre dans les incidences où il ne s’opère qu’une réflexion partielle ; enfin la grande sensibilité du polariscope est mise en évidence au moyen d’une application simple de la loi du carré des cosinus.

L’étude de la constitution physique du Soleil par les méthodes photométriques de l’illustre directeur de l’Observatoire de Paris, forme le sujet du quatrième Mémoire sur la photométrie. Ce Mémoire a été dicté en 1850, et présenté le 29 avril de cette année à l’Académie des sciences ; mais une analyse très-succincte en a seule été publiée. Le manuscrit qui m’a servi à faire faire l’impression est presque tout entier de la main de M. Terrien ; seulement, en 1852, en réponse à quelques critiques de M. Faye, sur la possibilité de l’existence d’une troisième atmosphère solaire, M. Arago a dicté à M. Goujon une intercalation aux pages 243 et 244.

Ce Mémoire fait voir que les nombres donnés par Bouguer et admis par Laplace pour les intensités comparatives du centre et du bord d’un disque solaire sont absolument erronés et doivent être rejetés de la science ; il rend compte de l’existence des facules et du pointillé à la surface du Soleil, à l’aide de lois expérimentales relatives au rayonnement des flammes.

Les principes exposés dans le livre XIV de l’Astronomie populaire complètent en partie ce Mémoire ; il faut encore y joindre les trois notes insérées sous les numéros xxx à xxxii dans l’Appendice (pages 501 à 504) ; la première, qui est extraite d’une lettre adressée, en 1847, à M. de Humboldt, et qui a été publiée dans le tome III du Cosmos, montre que les expériences de M. Arago sur les intensités relatives de diverses parties du disque solaire, sont bien antérieures a la date de la présentation à l’Académie du quatrième Mémoire sur la photométrie ; la même conséquence se déduit des deux autres Notes qui ont été écrites par M. Arago vers 1833, mais qui étaient restées inédites.

La fin du Mémoire est consacrée a l’action photométrique comparative des rayons qui partent de la région centrale et de ceux qui partent des bords du disque solaire ; elle est en grande partie la reproduction d’une Note que M. Fizeau a adressée, le 27 avril 1850, à mon illustre et vénéré maître, Note dans laquelle il est rendu compte des expériences faites par MM. Fizeau et Foucault, en 1844 et 1845, pour prendre des images photographiques du Soleil. C’est une des images ainsi obtenues qui est reproduite par la figure 163 de l’Astronomie populaire, (tome II, page 176). M. Arago avait indiqué dès la publication de la découverte de MM. Niepce et Daguerre, cette application des procédés photographiques, et dans les derniers temps de sa vie il avait éprouvé un véritable bonheur, en voyant un savant illustre avec qui il avait eu naguère de vives discussions, sur lesquelles je dirai plus loin quelques mots, lui rendre à cet égard dans une occasion solennelle une justice éclatante. Sir David Brewster, dans un discours prononcé le 2 août 1850, à l’ouverture de la vingtième session de l’Association britannique pour l’avancement des sciences, s’était exprimé, en effet, en des termes flatteurs que M. Arago a pris soin de conserver pour être mis à la suite du manuscrit de son Mémoire, et que je crois devoir reproduire. Voici les paroles du célèbre physicien d’Édinburgh ; elles font ressortir le mérite d’une découverte de M. Arago à laquelle on n’avait peut-être pas attaché dans l’origine une suffisante importance :

« Le fait de photographie le plus important que j’aie maintenant à mentionner, c’est la singulière accélération du procédé de M. Niepce, qui lui permet de prendre l’image d’un paysage éclairé par la lumière diffuse, dans une seule seconde, ou au plus dans deux secondes. Par ce procédé, il a obtenu instantanément une image du Soleil sur l’albumine ; ce qui confirme la remarquable découverte, faite précédemment par M. Arago, au moyen d’une plaque d’argent que les rayons qui proviennent de la partie centrale du disque du Soleil ont une plus forte action photogénique que ceux qui partent des bords. Cette intéressante découverte est une des observations photométriques que ce savant éminent s’occupe maintenant à publier. Menacé d’un malheur que le monde civilisé déplorera, la perte de cette vue qui a découvert tant de brillants phénomènes, et qui a pénétré si profondément les mystères du monde matériel, Il complète à l’aide d’autres yeux que les siens ses belles recherches qui doivent immortaliser son nom et ajouter à la gloire scientifique de sa patrie. »

M. Arago termine son quatrième Mémoire sur la photométrie par cette conclusion remarquable, que le décroissement observé du centre vers le bord dans les images photographiques du Soleil doit surtout être attribué à une différence des propriétés que présenteraient les rayons émanés des différents points de l’astre. Par une sorte de prévision du parti que la science tirerait un jour de l’analyse spectrale, il donne en outre le conseil de rechercher si, comme cela semble résulter d’expériences faites par M. Forbes en 1836 pendant une éclipse annulaire, les rayons qui partent du bord et du centre du disque solaire fournissent des spectres dont les raies se correspondent exactement ; enfin, il a soin d’ajouter encore qu’il restera à comparer les propriétés calorifiques des diverses parties du disque solaire. Ce dernier problème l’a beaucoup occupé, ainsi qu’il résulte d’une Note présentée à l’Académie des sciences en 1852, et que j’ai placée dans l’Appendice sous le numéro xxxiii (pages 505 à 509).

L’idée d’obtenir des notions positives sur la constitution physique du Soleil par l’étude des propriétés intimes de la lumière qui en émane, me paraît incontestablement appartenir à mon vénéré maître. Voici comment il la formulait en 1840 dans une célèbre lettre adressée à son illustre ami M. de Humboldt, que j’ai insérée en tête du volume des Mélanges (tome XII des Œuvres, page 39) :

« À l’aide d’un polariscope de mon invention, je reconnus avant 1820 que la lumière de tous les corps terrestres incandescents, solides ou liquides, est de la lumière naturelle, tant qu’elle émane des corps sous des incidences perpendiculaires. La lumière, au contraire, qui sort de la surface incandescente sous un angle aigu, offre des marques manifestes de polarisation. Je ne m’arrête pas à te rappeler Ici comment je déduisis de ce fait la conséquence curieuse que la lumière ne s’engendre pas seulement à la surface des corps ; qu’une portion naît dans leur substance même, cette substance fût-elle du platine. J’ai seulement besoin de dire qu’en répétant la même série d’épreuves et avec les mêmes instruments sur la lumière que lance une substance enflammée, on ne lui trouve, sous quelque inclinaison que ce soit, aucun des caractères de la lumière polarisée ; que la lumière des gaz, prise à la sortie de la surface enflammée, est de la lumière naturelle, ce qui n’empêche pas qu’elle ne se polarise ensuite complètement, si on la soumet à des réflexions ou à des réfractions convenables. De là une méthode très-simple pour découvrir à quarante millions de lieues de distance la nature du Soleil. La lumière provenant du bord de cet astre, la lumière émanée de la matière solaire sous un angle aigu, et nous arrivant sans avoir éprouvé en route des réflexions ou réfractions sensibles, offre-t-elle des traces de polarisation, le Soleil est un corps solide ou liquide. S’il n’y a, au contraire, aucun indice de polarisation dans la lumière du bord, la partie incandescente du Soleil est gazeuse. C’est par cet enchaînement méthodique d’observations que je montrai comment on pouvait arriver à des notions exactes sur la constitution physique du Soleil. Fourier, à qui J’avais expliqué ma méthode, me fit l’honneur de la citer avec clarté, avec exactitude, en 1824, dans l’Éloge de William Herschel. »

Pour compléter les idées qu’il y a lieu de se faire sur l’état de cette partie de la science, à l’époque de la mort de M. Arago, le lecteur devra d’ailleurs se reporter au livre XIV de l’Astronomie populaire, consacré à l’étude du Soleil.

Le manuscrit du cinquième Mémoire sur la photométrie est encore de la main de M. Terrien. Ce Mémoire, présenté à l’Académie des sciences le 20 mai 1850, était aussi resté inédit ; les expériences photométriques qu’il renferme ont été faites par MM. Laugier, Goujon et Charles Mathieu. Il traite d’abord de la mesure de l’intensité de la lumière de l’atmosphère terrestre frappée directement par les rayons émanés du Soleil ; il sera nécessaire de réunir un assez grand nombre de déterminations semblables pour pouvoir déduire quelque conséquence des apparitions des planètes en plein jour.

La seconde partie du même Mémoire est consacrée à apprécier l’influence qu’un mouvement modéré exerce sur la visibilité d’une lumière faible se projetant sur un fond fortement lumineux. L’observation citée à la page 257, et relative à l’apparition d’ombres très faibles pendant le mouvement, se trouvait consignée dans un registre écrit en 1815 ; j’ai placé dans l’Appendice, sous le numéro xxxix, le texte extrait de ce registre. On y lit cette remarque : « On devra examiner la liaison qu’il peut y avoir entre cette expérience et l’observation des étoiles en plein jour. Le grand avantage qu’offrent les forts grossissements, dans l’observation des petits objets ou des objets très-faibles, ne tiendrait-il pas principalement à la circonstance que les forts grossissements augmentent le mouvement apparent ? » Cette phrase donne une date certaine à la théorie exposée dans le livre V de l’Astronomie populaire consacré à la visibilité des étoiles. À plusieurs reprises d’ailleurs, M. Arago avait communiqué ses idées sur ce sujet divers savants, et j’ai inséré dans l’Appendice, sous les numéros xxxiv, xxxv, xxxvi et xl, quatre extraits de lettres écrites en 1847 à M. de Humboldt, et que ce dernier a publiés dans les notes du tome III du Cosmos.

M. Arago avait eu trop d’occasions de constater que les différences de constitution dans les yeux des observateurs faisaient varier les conditions de la visibilité des objets célestes, pour ne pas porter son attention sur les phénomènes physiologiques présentés par l’organe de la vue. Les Notes xxxvi à xxxviii de l’Appendice sont relatives à ce sujet ; elles datent de 1824, 1834, 1846 et 1847. Une autre Note qui contient l’exposition d’expériences importantes sur la cause qui modifie l’œil pour l’adapter à la vision des objets diversement éloignés, Note écrite en 1817 à propos d’un Mémoire de M. Brewster, se trouve aussi dans le tome II des Mémoires scientifiques (pages 696 et suivantes). Plusieurs fois l’illustre astronome eut la vue atteinte d’affections plus ou moins graves qui l’inquiétèrent, et finirent par lui donner le pressentiment qu’il ne mourrait qu’aveugle. Dans un discours rapporté plus haut, M. Brewster a dit que malheureusement les craintes de mon vénéré maître se sont réalisées. Comme Galilée et Jean-Dominique Cassini, il dut recourir à des yeux étrangers, non-seulement pour achever quelques-unes de ses belles recherches, mais encore pour guider ses pas pendant les derniers temps de sa vie.

Le sixième Mémoire sur la photométrie est consacré à la constitution physique des étoiles, à la mesure des intensités relatives de leur lumière, à la graduation expérimentale du polarimètre, et à la description du colorigrade et du cyanomètre de M. Arago ; il était resté complètement inédit. Le manuscrit est écrit en partie de la main de M. Terrien, en partie de celle de M. Goujon ; une autre partie m’en a été dictée. Les mesures photométriques qui y sont rapportées sont principalement dues à M. Laugier.

J’ai fait dessiner le polarimètre et le cyanomètre dont j’ai donné la description et les figures d’après des instruments que m’a prêtés M. Duboscq.

Ces instruments étaient déjà depuis longtemps livrés à un grand nombre de cabinets de physique par M. Duboscq et son beau-père M. Soleil. Le fait a été constaté en 1845, devant l’Académie des sciences, à l’occasion d’une protestation de M. Arago contre un Mémoire de M. Peltier sur la cyanométrie et la polarimétrie atmosphériques cette protestation est insérée dans l’Appendice sous le numéro xliv.

D’ailleurs, M. Arago avait construit un cyanomètre dès 1815, ainsi que cela résulte d’une communication insérée en janvier 1817 par M. Biot dans le Bulletin de la Société philomatique. Ce fait est rappelé par mon vénéré maître dans une Note insérée dans le tome VII des Œuvres (page 445), que j’ai déjà, mentionnée précédemment (page cvi) Dans cette même Note se trouve consignée (pages 442 et 443) un moyen auquel M. Arago attachait de l’importance pour déterminer les pouvoirs dispersifs comparatifs de toutes sortes de substances. Les physiciens qui savent les avantages que l’on a tirés dans ce but de l’emploi des raies de Frauenhofer, comprendront que M. Arago ait tenu à l’honneur d’avoir le premier eu l’idée de se servir, pour la détermination des pouvoirs dispersifs, des spectres interrompus.

Les expériences qui ont servi à la graduation expérimentale du polarimètre ont été exécutées par M. Laugier, sous la direction de M. Arago. Le cyanomètre, je viens de le constater, a été construit, pour la première fois, en 1815 ; le polarimètre a été présenté en 1845 à l’Académie des sciences. Le 11 novembre 1850, M. Arago a aussi communiqué à l’illustre corps savant une note sur la graduation de cet instrument, qui n’est que l’extrait d’un passage de son sixième Mémoire sur la photométrie.

Avant de graduer exactement son polarimètre, M. Arago se contentait de déterminer les positions dans lesquelles il fallait mettre les plaques de glace pour neutraliser la polarisation de la lumière sous toutes les inclinaisons de la surface réfléchissante.

J’ai placé dans l’Appendice, sous les numéros xli et xlii, le relevé des observations faites à ce sujet par l’illustre physicien en 1814 et 1815 ; elles présentent la détermination de l’angle de neutralisation de la lumière polarisée sous diverses inclinaisons et par diverses substances et la mesure de l’angle de polarisation complète. On voit par ces documents avec quelle persévérance M. Arago a poursuivi ses recherches sur le même sujet pendant près de quarante années.

La propriété de polariser plus ou moins la lumière étant une propriété spécifique, et la détermination de l’angle de polarisation complète ou de polarisation maximum étant une chose facile d’après les expériences de M. Arago, l’illustre physicien a proposé de s’en servir pour reconnaître la nature des corps réfléchissants. C’est à un tel essai qu’ont été soumis des diamants présentés en 1843 à l’Académie des sciences ; la Note qui concerne cette application de la polarisation est placée dans l’Appendice sous le numéro xliii.

Le septième Mémoire sur la photométrie est consacré à la solution de divers problèmes d’astronomie et de météorologie par l’emploi des méthodes et des appareils décrits antérieurement ; il a été communiqué le 17 juin 1850 à l’Académie des sciences, mais le compte rendu de la séance n’en indique que très-succinctement la substance. Le manuscrit qui a servi à l’impression est en partie de la main de M. Arago lui-même, en partie de celle de M. Terrien ; quelques passages m’ont aussi été dictés par mon illustre maître, et j’ai fait tous les calculs dont les résultats s’y trouvent relatés.

Dès 1833 M. Arago avait prévu, en rédigeant son Mémoire sur le carré du cosinus, les applications qui su trouvent maintenant réalisées. La mesure de la hauteur et la détermination de la nature des nuages, l’étude de la lumière cendrée, la comparaison du bord lumineux de la Lune aux taches sombres qu’on a appelées des mers, les observations de la lumière de Jupiter et de ses satellites, sont autant de sujets dont il s’occupait depuis l’époque où il avait inventé sa lunette polariscope.

J’ai réuni, dans les Notes xlviii et xlix de l’Appendice, les observations que mon illustre maître a faites sur la lumière de la Lune et que j’ai retrouvées dans ses registres ; quelques-unes remontent à 1811. L’idée de rechercher dans la lumière cendrée une sorte de mesure de l’état plus ou moins nuageux de l’atmosphère terrestre a été soumise en 1833 à l’Académie des sciences.

À la fin de la Note numéro xlv de l’Appendice se trouvent (pages 558 et 560) les observations faites en 1842 sur la polarisation de l’atmosphère terrestre éclairée par la Lune.

Les observations de la polarisation de la lumière des halos et d’arcs remarquables apparus sur les nuages, que l’on doit au savant physicien, sont placées sous les numéros xlvi et xlvii dans l’Appendice.

Quoiqu’il eût eu recours à des collaborateurs très-habiles et très-actifs pour essayer de suppléer à l’état de sa vue devenant tous les jours plus alarmant, et tâcher d’achever un grand nombre de recherches entreprises depuis longtemps, M. Arago ne se faisait plus guère d’illusion, vers la fin de 1850, sur l’impossibilité où il serait de mener à terme tous les travaux qu’il avait entrepris ; il sentait sa santé et ses forces dépérir ; il résolut de publier les projets d’expériences qu’il avait conçus et de léguer à ses successeurs l’achèvement de son œuvre. Il dicta en conséquence à M. Terrien son Mémoire intitulé « Projets d’expériences destinées à compléter les résultats déjà obtenus en 1815 et années subséquentes, relativement au maximum de densité de l’eau, à la réfraction de l’eau sur diverses pressions, à l’influence de la température sur la réfraction des corps, et à la réfraction de l’hydrophane imbibée de divers liquides. » Le préambule de ce Mémoire, avec une analyse sommaire des matières qui s’y trouvent contenues, a seul été publié dans le compte rendu de la séance du 5 août 1850 de l’Académie des sciences. Je n’ai eu qu’à faire dessiner deux figures pour compléter le texte que j’ai imprimé. J’ai relevé d’ailleurs dans les registres d’observations tous les résultats d’expériences et toutes les notes qui m’ont paru se rattacher aux divers sujets dont il est question dans le Mémoire, et je les ai insérés dans l’Appendice sous les numéros l à liii ; il en résulte que les premières expériences de mon illustre maître sur la réfraction de l’eau à diverses températures remontent, non pas seulement à 1815, comme il avait cru s’en souvenir, mais bien à 1811. Les expériences sur la réfraction de l’hydrophane imbibée de divers liquides ont été communiquées le 15 septembre 1830 au Bureau des Longitudes.

Les Notes li et lii relatives aux diverses influences qui agissent sur la réfraction et aux phénomènes de polarisation observés avec un prisme de verre, exigent que je donne ici quelques explications. M. Arago attachait une grande importance aux changements moléculaires que la compression, la trempe ou d’autres actions mécaniques pouvaient produire dans la constitution intime du verre, changements mis en évidence par des phénomènes de réfraction et de polarisation singuliers. Les deux Notes li et lii, consignées dans les registres d’observations a des époques que je ne saurais préciser, montrent ses préoccupations et décrivent des faits curieux sur lesquels M. Brewster a de son côté appelé l’attention du monde savant dans plusieurs circonstances. Les prétentions de l’illustre physicien d’Édinburgh sur quelque invention en cette matière ont à plusieurs reprises amené de vives critiques de la part de mon vénéré maitre. Dans le tome II des Mémoires scientifiques (pages 694 a 700) se trouvent six pages ou la question est vivement discutée à propos des effets que le fluide qui humecte la cornée peut produire sur les observations astronomiques. Voici encore sur ce sujet une Note publiée en 1816 dans le tome Ier des Annales de chimie et de physique, et qui m’avait échappé, lorsque j’ai arrêté la composition des volumes des Mémoires :

« Dans une lettre de M. Brewster communiquée à l’Académie des sciences par M. Biot, on lit que : « le verre, le muriate de soude, le spath fluor et les autres corps qui ne possèdent pas la double réfraction ou qui la possèdent imparfaitement peuvent recevoir la structure qui la donne au moyen d’une compression ou d’une dilatation mécanique. Si une plaque de verre est courbée par l’effort de la main, le côté concave acquiert la structure d’une des deux classes de cristaux doués de la double réfraction, et le côté convexe acquiert la structure de l’autre classe : ces deux structures sont séparées par une ligne noire, c’est-à-dire où la double réfraction est nulle. »

« J’ai transcrit fidèlement les expressions de la lettre de M. Brewster, quoique je ne devine pas ce qu’il entend par double réfraction imparfaite. C’est incontestablement une chose très-curieuse que la chaleur, une pression mécanique, etc., donnant au verre ce genre de structure qui le rend propre à dépolariser diversement les rayons de différentes couleurs, et qui appartient, comme on le sait, aux cristaux doués de la double réfraction : mais de ce que deux corps ont l’un et l’autre une même propriété particulière, est-on en droit d’en conclure qu’une seconde propriété, qui pourrait bien ne pas dépendre de la première, doit également leur être commune ? Avant de dire que quelques diamants ont la double réfraction, ne faudrait-il pas avoir aperçu une double image en regardant au travers de leurs faces ? Dans l’état actuel de nos connaissances, il est évident que tout cristal doué de la double réfraction doit dépolariser la lumière qui le traverse, du moins dans certaines circonstances ; mais la proposition réciproque est loin d’être certaine. J’avais insisté sur cette distinction en 1811, dans le Mémoire où, pour la première fois, je décrivis les phénomènes de la dépolarisation que présentent le mica, le sulfate de chaux, le cristal de roche et même le verre[1]. Les expériences que M. Biot a faites depuis à l’aide de couches épaisses de certains liquides me semblent en démontrer la nécessité. M. Brewster avait récemment adopté cette manière de voir : j’ignore si de nouvelles expériences l’ont fait changer d’avis ; mais toujours est-il certain que dans les ouvrages anglais les plus récents (voyez a Journal of Science and the Arts, edited at the Royat Institution of great Britain, 1816, page 118) on présente de simples observations de dépolarisation de la lumière comme des preuves de l’existence de la double réfraction dans certains corps, tels que le muriate de soude, le fluate de chaux, l’alun et le diamant, à travers lesquels, du moins que je sache, on n’a jamais aperçu de double image.

« M. Brewster annonce qu’il a construit un dynamomètre chromatique qui mesure les forces par le développement des teintes, comme aussi un nouveau thermomètre et un hygromètre. Il ajoute que son Mémoire sur ce sujet a été adressé à sir Joseph Banks, vers le 20 janvier 1816.

« Le muriate de soude, le spath fluor, la gomme copal, le diamant, etc., peuvent recevoir la structure doublement réfringente par l’effet de la chaleur propagée. L’obsidienne possède naturellement les divers ordres de franges qui s’observent dans les verres échauffés ou rapidement refroidis.

« Les cristallins des animaux ont la propriété de la double réfraction ceux des poissons la possèdent d’une manière très-curieuse : les portions intérieure et extérieure ont la structure d’une classe de cristaux, et la portion centrale a la structure de l’autre classe. Les figures qu’on aperçoit, par les moyens connus, avec la lumière polarisée, ne sont pas les mêmes dans les différents diamètres de la sphère cristalline ; d’où il résulte que sa construction générale n’est pas symétrique. Les yeux des quadrupèdes donnent des figures différentes ; la cornée a une cristallisation dirigée vers le sommet.

« En coagulant des gelées animales dans des caisses de bois ou de verre, l’auteur leur a donné, d’une manière permanente, la structure des cristaux doublement réfringents, et elles ont produit de très-belles couleurs.

« L’aberration de sphéricité dans les lentilles peut être corrigée, du moins à très-peu près, à l’aide d’une différence de densité que M. Brewster dit être parvenu à leur donner.

« M. Brewster avait déjà publié en 1815, dans les Transactions philosophiques, un Mémoire étendu sur la dépolarisation que la lumière éprouve en traversant différents corps des règnes minéral, animal et végétal. Des extraits de ce travail ont été insérés depuis dans presque tous les journaux anglais ( voyez, par exemple, les Annales de Thomson). Peut-être ne sera-t-il pas hors de propos de remarquer à cette occasion que, du vivant de Malus, c’est-adire en 1811, il a paru dans le Moniteur (voyez aussi l’Analyse des travaux de la première Classe de l’Institut pour l’année 1811) un Mémoire de ce célèbre physicien dont M. Brewster n’a pas eu connaissance, puisqu’il ne le cite nulle part, qui est aussi relatif à la dépolarisation de la lumière, et dans lequel se trouvent consignés la plupart des résultats que le savant écossais donne comme nouveaux. Le peu d’attention que les physiciens accordent généralement à l’histoire de la science fournit maintes occasions de faire de semblables remarques. »

Cette Note est très-modérée dans la forme. Dans la Notice sur les phares (tome III des Notices scientifiques, tome VI des Œuvres) se trouve l’examen de la réclamation que M. Brewster avait élevée contre Fresnel à propos des phares lenticulaires. Ici la polémique a pris les allures les plus vives. Cet examen, fait par M. Arago, avait paru en 1828 dans les Annales de chimie et de physique ; la Notice sur les phares la reproduit dans son entier, à l’exception des lignes suivantes, mises dans les Annales au bas d’une page :

« J’avais jugé convenable de montrer, par quelques citations, à quel point M. Brewster, si riche d’ailleurs de son propre fonds, éprouve le besoin de s’associer aux découvertes des vivants et des morts ; mais la liste est devenue trop longue pour une note ; je la supprime donc, en prévenant néanmoins M. Brewster qu’elle est tout à fait à sa disposition et que je la soumettrai au public dès qu’il en témoignera le moindre désir. »

Mais entre des hommes qui avaient concouru à enrichir la science de brillantes découvertes, les dissentiments ne pouvaient résister à l’épreuve du temps. Dans les premiers jours de 1849, M. Arago usa de son influence dans l’Académie des sciences pour faire élire M. Brewster, en remplacement de Berzelius, l’un des huit associés étrangers de ce corps savant. Voici la lettre de remercîment que M. Brewster, fit parvenir à l’illustre secrétaire perpétuel de l’Académie :

« Mon cher Monsieur,

« Je vous remercie de votre aimable billet du 6 janvier, par lequel vous m’annoncez mon élection comme un des huit associés de l’Institut. Il n’est pas nécessaire que je vous dise combien j’attache de prix à cet honneur, et parce qu’il donne à mes travaux scientifiques l’approbation de l’Académie la plus distinguée du monde, et parce que je le dois à la recommandation de M. Biot et de vous-même dont les brillantes découvertes dans le même champ où il a été de mon lot de travailler, ont formé avec celles de Fresnel une époque dans l’histoire des sciences physiques.

« Je vous prie de bien vouloir présenter à l’Académie des sciences mes plus vifs remerciements pour l’éminente distinction dont elle vient de m’honorer.

« Croyez-moi, mon cher Monsieur, toujours tout à vous.

« D. Brewster. »

St-Leonard’s Collége, St-Andrews, 20 janvier 1849.

Ainsi l’histoire des sciences dira que si des hommes comme MM. Biot, Brewster et Arago ont eu parfois à combattre leurs opinions, ils n’en éprouvaient pas moins les uns pour les autres des sentiments d’une profonde estime qu’ils aimaient à se témoigner mutuellement, aussitôt après que le bruit de leurs querelles s’était apaisé.

Le dernier Mémoire que contient le premier volume des Mémoires scientifiques a été dicté en 1853 pour être communiqué à l’Académie des sciences ; la mort a frappé l’illustre savant avant que ce dernier désir pût etre satisfait.

J’ai imprimé ce Mémoire d’après le manuscrit écrit de la main de M. Goujon ; je n’ai eu qu’à y ajouter les figures et la description de l’appareil à interférences de mon vénéré maître appareil dont M. Duboscq a bien voulu à ma prière faire monter un modèle dans ce but. Cet appareil est propre à la détermination des indices de réfraction de tous les corps dans des circonstances où les moyens ordinaires de mesure seraient insuffisants ; il a été imaginé afin de lever toutes les objections que pouvait laisser l’emploi d’un appareil plus simple dont M. Arago s’était servi avec Fresnel, en 1818, pour comparer, au moyen des interférences, les indices de réfraction de l’air sec et de l’air humide.

Les résultats obtenus dans les expériences faites en commun par Fresnel et M. Arago, ont été publiés en 1822 dans le supplément à la chimie de Thomson. J’ai inséré dans l’Appendice, sous le numéro liv, le passage de cet ouvrage qui relate les faits en question.

La Note numéro lv relative au moyen imaginé par M. Arago pour augmenter l’intensité de la lumière dans l’étude des phénomènes d’interférences, se compose d’une autre citation de l’ouvrage de Thomson et d’un passage dicté en 1853 par M. Arago pour être joint à la description de son appareil d’interférences. La Note se termine par une remarque sur l’utilité de l’emploi d’un compensateur que présente l’instrument, et sur lequel M. Arago est revenu dans son Mémoire sur les affinités des corps pour la lumière. (Voir tome II des Mémoires scientifiques, page 724.)


Le deuxième volume des Mémoires scientifiques (tome XI des Œuvres) renferme des Mémoires ou Notes sur des sujets plus variés que le premier, mais la plupart des questions qui s’y trouvent traitées n’ont occupé M. Arago que pendant un temps généralement assez restreint, et elles ne demanderont pas isolément de très-grands détails historiques ; leur nombre assez considérable, trente-neuf sujets y sont traités, exigera, cependant que quelque développement soit donné à la revue que je dois en faire.

Les expériences exécutées en 1822 à Montlhéry et à Villejuif, sur la proposition de Laplace, par une commission du Bureau des Longitudes composée de MM. de Prony, Bouvard, Arago, Mathieu, et à laquelle ont été adjoints MM. de Humboldt et Gay-Lussac, dans le but de déterminer la vitesse du son dans l’air, ont été exposées dans un Mémoire rédigé par M. Arago. Ce Mémoire a paru dans la Connaissance des temps pour 1825 et dans le tome XX des Annales de chimie et de physique ; l’Annuaire du Bureau des Longitudes de 1823 en a donné un extrait. C’est M. Arago qui a tiré des expériences entreprises sur la propagation du son les conséquences qu’elles comportent. J’ai reproduit intégralement ce Mémoire en tête du deuxième volume des Mémoires scientifiques.

D’autres importantes questions de physique générale que M. Arago concourut également à résoudre, sont celles de la détermination des forces élastiques de la vapeur d’eau à des températures élevées et de la vérification, pour de très-fortes pressions, de la loi énoncée par l’abbé Mariotte relativement à la proportionnalité inverse du volume d’une masse gazeuse et de la compression à laquelle elle est soumise. La multiplicité des accidents auxquels donnaient lieu au commencement de ce siècle les machines à vapeur, dont l’usage s’était alors tout à coup répandu dans l’industrie française encore inhabile à les établir et à les surveiller, avait attiré fortement l’attention du gouvernement. L’Académie des sciences fut consultée en 1823 sur la nature des règlements préventifs qui pourraient prévenir les explosions des chaudières, sans entraver le développement que prenaient les manufactures employant la nouvelle force motrice. On ne tarda pas à reconnaître que des données scientifiques sérieuses manquaient pour résoudre les difficultés complexes de la question, et il fut décidé que des expériences à ce sujet seraient entreprises sous les auspices de l’Académie ; MM. Arago et Dulong furent chargés de les exécuter.

Dans un rapport qui fut adopté en 1829 par l’Académie, M. Dulong a exposé les résultats produits par les recherches qu’il a effectuées en collaboration avec son illustre ami et qui les occupèrent plusieurs années.

M. Arago a pris soin de dire, dans le texte que j’ai imprimé, le but des expériences et de décrire les appareils et les méthodes d’observation suivies. J’ai fait faire les dessins que j’ai publiés d’après les planches des Mémoires de l’Académie des sciences ; j’avais d’ailleurs vu les diverses parties des appareils à l’Observatoire, où ils étaient conservés du vivant de mon vénéré maître.

Le rapport de M. Dulong ayant été critiqué en Angleterre, en 1839, très-peu de temps avant la mort de cet illustre physicien, et sans qu’il eût pu répondre à son antagoniste, M. Arago a regardé comme un devoir de défendre son ami et collaborateur contre les imputations qui lui étaient adressées. La réponse de mon vénéré maître au membre de la Société des ingénieurs civils de Londres qui avait entrepris de diminuer l’importance du travail des savants français termine l’exposé que j’ai imprimé. Il est aujourd’hui bien établi que MM. Arago et Dulong ont été les première savants qui aient osé soumettre les gaz et les vapeurs à d’énormes pressions.

Après les Mémoires consacrés aux grandes expériences de physique générale auxquelles M. Arago a pris part, j’ai placé ceux qu’il a laissés sur l’astronomie théorique et pratique.

Tout le monde sait que le IVe volume de l’ouvrage célèbre intitulé Base du système métrique, renferme les observations et les mesures faites d’après l’ordre du Bureau des Longitudes par MM. Biot et Arago, de 1806 à 1808, pour achever le prolongement de la mesure de la méridienne de France, de Barcelone jusqu’aux îles Baléares, opération interrompue par la mort de Méchain.

On voit, par les nombreux détails donnés dans le compte rendu des observations que contient le IVe volume de la Base du système métrique, la part importante que M. Arago a prise dans ce travail, qui a fait si glorieusement honneur à l’astronomie française.

M. Biot revint en France lorsque les mesures spécialement ordonnées par le Bureau des Longitudes étaient terminées ; M. Arago resta seul pour exécuter des opérations géodésiques entre Formentera et Mayorque dans le but d’obtenir la mesure d’un arc de parallèle sous cette latitude.

L’introduction du IVe volume de la Base du système métrique a été écrite par M. Biot ; elle est suivie de la note suivante : « Ici se termine l’exposé de la partie des travaux primitivement ordonnés par le Bureau des Longitudes. M. Arago s’était propose d’y joindre le détail particulier de ceux qu’il a exécutés seul pour la mesure de l’arc de parallèle compris entre Formentera et Mayorque… ; il a jugé à propos de réserver cette partie historique pour servir d’introduction à l’exposé même de ses observations, qu’il destine au volume suivant. » Ce volume, qui devait être le Ve de la Base du système métrique, n’a pas été publié, mais le Mémoire que j’ai imprimé lui était destiné.

Tous les détails relatifs à la triangulation entre Formentera, Iviza et Mallorca (p. 71 a 93) ont été relevés dans les cahiers d’observations de M. Arago, où tous les calculs étaient effectués de sa main. Cette triangulation n’avait jamais été publiée.

Viennent ensuite divers documents relatifs a des communications faites, soit au Bureau des Longitudes, soit à l’Académie des sciences, en 1808, en 1836 et en 1841, sur le calcul de la vraie distance méridienne de Dunkerque à Formentera. Le livre XX de l’Astronomie populaire (tome III, pages 310 à 341) complète du reste cet exposé et donne la description des appareils employés et les résultats généraux obtenus.

On se rappelle que M. Arago ne revint en France de son opération à Mayorque et à Formentera qu’à travers de grands périls et après une dangereuse captivité. Le récit s’en trouve dans l’Histoire de ma jeunesse, qui complète le Mémoire sur la mesure de la méridienne de France.

MM. Arago et Biot firent aussi à Formentera de nombreuses observations barométriques et prirent la mesure de la longueur du pendule à secondes par la méthode de Borda, mais avec des appareils un peu différents et qui sont de leur invention ; la description en est donnée dans le livre XXIII de l’Astronomie populaire (tome IV, pages 50 à 59). Je dois seulement ajouter ici que les procès-verbaux des séances du Bureau des Longitudes mentionnent qu’avant son départ pour l’Espagne, le 16 août 1806, « M. Arago lut un Mémoire dans lequel il rendait compte de quelques erreurs auxquelles on est exposé dans la mesure du pendule invariable. » L’illustre astronome revint plus tard sur ce sujet ; car, dans le procès-verbal de la séance du 17 juillet 1816 du Bureau des Longitudes, il est constaté qu’il présenta une Note sur le raccourcissement des fils dans l’observation du pendule. « En amenant, dit ce procès-verbal d’après M. Arago, le plan dans l’appareil de Borda tangentiellement à la boule du pendule oscillant, il faut prendre garde de ne pas soulever cette boule, car le fil se raccourcit à l’instant et ne reprend pas sa longueur primitive lorsque le plan s’éloigne. »

Il ne m’a été remis ni manuscrits ni registres d’observations ou de mesures sur ces anciens travaux, non plus que sur quatre autres communications mentionnées en ces termes dans les mêmes procès-verbaux : « 11 novembre 1818, latitude de Dunkerque ; — 25 novembre 1818, latitude de Barcelone ; — 7 novembre 1821, compte rendu des observations faites sur les côtes de France et d’Angleterre par MM. Arago et Mathieu ; — 23 octobre 1822, compte rendu des opérations faites entre Blanc-Nez et Dunkerque. » J’ai seulement trouvé le court résumé imprimé de la page 107 à la page 114, et qui termine le Mémoire sur la méridienne.

J’ai imprimé le Mémoire sur les cercles répétiteurs d’après le texte de la Connaissance des Temps de 1816 publiée en 1813 ; il s’y trouve consigné quelques observations faites pendant la mesure de la méridienne d’Espagne et le résumé d’un grand nombre d’observations exécutées postérieurement, et desquelles il résulte que pour éliminer toute cause d’erreur dans les déterminations des latitudes par les cercles répétiteurs, il faut observer des étoiles situées au nord et des étoiles situées au sud du zénith ; viennent ensuite des remarques intéressantes sur les anomalies que présentent les changements de forme et d’étendue des images des étoiles dans les instruments ; enfin le Mémoire est terminé par le compte rendu des séries d’expériences faites pour mesurer la latitude de Paris et les résultats des observations du Soleil.

Au commencement de 1853, l’illustre astronome est revenu sur ce sujet dans diverses communications faites à l’Académie des sciences, et dont les résumés, dictés à M. Goujon, forment les Notes « sur la latitude de Paris, sur l’application de la télégraphie électrique au perfectionnement de la carte de France, sur l’emploi des cercles répétiteurs, des théodolites, des secteurs zénithaux, des lunettes zénithales, et sur les erreurs des observations » insérées de la page 138 à la page 148.

Le Mémoire sur l’attraction des montagnes est, à proprement parler, l’analyse critique d’un ouvrage dans lequel le baron de Zach pensait avoir démontré que le mont Mimet exerce sur le fil à plomb une action expliquant les erreurs constatées dans les observations de latitude aux environs de Marseille ; j’ai imprimé ce Mémoire d’après le texte de la Connaissance des Temps pour 1819 publiée en 1816.

La Note sur les opérations géodésiques exécutées en Italie par les ingénieurs géographes français, principalement par M. Gorabœuf, et celle sur les observations du pendule faites par M. Sabine, pendant le premier voyage du capitaine Parry, dans le but de déterminer l’accélération du pendule entre Londres et l’île Melville, ont été publiées en 1824 dans la Connaissance des Temps pour 1827 ; elles complètent la série des écrits de M. Arago relatifs à la mesure de la Terre.

Le Mémoire sur les étoiles multiples est la première publication de M. Arago sur la constitution physique des corps célestes, sujet qu’il a éclairé de tant d’observations et de vues nouvelles ; il a été imprimé en 1825 dans la Connaissance des Temps pour 1828. J’en ai reproduit le texte, quoique plus tard, en 1834, M. Arago ait inséré également sur les étoiles multiples, dans l’Annuaire du Bureau des Longitudes, une Notice scientifique qui. augmentée de quelques pages écrites en 1842. puis revenue et complétée en 1852. en est devenue le livre X de l’Astronomie populaire (tome I, pages 447 à 494). On peut voir par la comparaison du Mémoire de 1825 et du texte de l’Astronomie populaire combien en trente ans la science s’est enrichie de notions positives suc les satellites d’étoiles et les divers systèmes stellaires, et quelle est la part qui revient à M. Arago dans ces brillantes conquêtes de l’astronomie moderne.

La Note sur la parallaxe de la 61e du Cygne rend compte des incertitudes que la détermination de la distance de celle étoile à la Terre, distance dont M. Arago s’est occupé en 1812. 1815, 1825, 1834, 1838 et 1852, doit laisser aux astronomes. Cette Note a été dictée en 1852 ; elle devra être rapprochée d’une autre Note de l’Astronomie populaire (tome I, page 444) qui montre avec quelle noble loyauté l’illustre savant reconnaissait une erreur. Il avait conquis le droit, en agissant ainsi, de ne pas laisser des faits mal observés s’introduire dans la science et de rejeter, par exemple, l’observation de l’étoile paraissant se mouvoir d’un mouvement propre sur laquelle on trouvera une Note à la page 429.

La Note sur l’invention du micromètre oculaire, publiée en 1820 dans les Annales de chimie et de physique, critique les prétentions qu’un membre de la Société astronomique de Londres, le Dr Pearson, avait élevées sur l’invention d’un micromètre composé de prismes de cristal de roche situés au dehors d’une lunette année d’un grossissement variable ; elle démontre que M. Pearson avait vu un pareil instrument en 1819 a l’Observatoire de Paris, entre les mains de M. Arago, qui du reste avait présenté un micromètre prismatique oculaire à grossissement variable au Bureau des Longitudes dès 1814. Cet instrument est décrit dans le livre XIV de l’Astronomie populaire (tome II, page 77), livre où se trouve fondu, comme je l’ai dit précédemment, un Mémoire préparé en 1816 et 1820 sur les micromètres.

Sous ce titre : Sur quelques Instruments et Observations astronomiques, j’ai réuni treize Notes relatives soit à des perfectionnements introduits par l’illustre directeur de l’Observatoire de Paris dans divers instruments astronomiques, soit à quelques observations remarquables, savoir : vérification du mural par un appareil de réflexion placé devant l’objectif de la lunette de cet instrument (1812) ; — moyen de tirer partie des fragments d’un bon objectif achromatique (1816) ; — emploi d’un prisme pour rendre plus faciles les observations des étoiles (1819) ; — emploi d’une tourmaline pour enlever du champ d’une lunette la lumière nuisible à l’observation des petites étoiles (1823) ; — nécessité d’éclairer également les microscopes le jour et la nuit pour rendre les observations comparables (1828) ; — emploi d’une lunette sans grossissement pour l’observation des satellites de Jupiter (1835) ; — éclairement des fils des micromètres par la lumière produite par un couple voltaïque (1838) ; — évaluation de l’irradiation (1839) ; — erreurs causées par l’emploi des lunettes à court foyer (1840) ; — agrandissement des images des étoiles résultant d’un objectif réduit par un diaphragme (1840) ; — observation des étoiles doubles par un miroir mobile (1841) ; — inégalité des formes d’une image circulaire observée successivement par chacun des deux yeux (1844) ; — moyens d’éprouver une grande lunette (1844).

L’importance de toutes les questions si ingénieusement résolues par mon vénéré maître, et qui auraient pu donner lieu à de longs Mémoires de la part de beaucoup de savants, justifiera sans doute le soin que j’ai mis à faire le dépouillement de simples indications éparses dans diverses publications ou dans les procès-verbaux du Bureau des Longitudes ou de l’Académie des sciences.

C’est au même ordre de travaux que se rapportent les deux Notes présentées à l’Académie en 1847 sur l’éclairement des fils des réticules et des micromètres, puis sur la lumière électrique et sur le micromètre oculaire à double réfraction, que j’ai insérées à la suite des précédentes.

Afin d’avoir une histoire complète des travaux et des idées de M. Arago sur ce sujet, il faut d’ailleurs mentionner encore l’analyse critique du Traité de M. Brewster relatif aux instruments, analyse qu’il a publiée en 1814 dans le Bulletin de la Société philomatique, et une autre Note du même Bulletin sur une chambre obscure et un microscope périscopiques. J’ai imprimé ces deux documents aux pages 319 à 334 et 338.

Toutes les Notes que je viens de rappeler prouvent avec quel zèle et quelle persévérance l’illustre directeur de l’Observatoire de Paris s’est toujours occupé des questions d’astronomie pratique. Parmi toutes ces questions, une des plus importantes et des plus difficiles est certainement celle des erreurs personnelles des observateurs.

Sur ce sujet délicat, M. Arago a jeté une vive lumière, d’abord dans un Rapport lu en 1842 à l’Académie sur deux Mémoires, l’un de M. Eugène Bouvard, l’autre de M. Victor Mauvais, relatifs à l’obliquité de l’écliptique, ensuite dans un Mémoire spécial lu en février 1853 et imprimé dans les Comptes rendus sous ce titre : « Moyen très-simple de s’affranchir des erreurs personnelles dans les observations des passages des astres au méridien. » J’ai eu soin, en réimprimant ces deux documents, de citer en notes au bas des pages trois extraits des séances du Bureau des Longitudes de 1810, de 1813 et 1818 prouvant, la première, que dans des observations faites en commun avec MM. de Humboldt et Mathieu pour déterminer la latitude de Paris, l’influence personnelle des observations avait été constatée par M. Arago ; et les deux autres, qu’il avait expliqué, par la dispersion, les différences de l’obliquité aux solstices d’hiver et d’été, et qu’il avait appelé l’attention des astronomes sur la nécessité de tenir compte de l’influence exercée par les changements de température sur les distances focales des lunettes.

En 1813, M. Arago écrivit aussi dans un de ses registres une Note relative aux phénomènes de l’irradiation et aux apparences des images lumineuses, que j’ai imprimée à la page 335.

Le Mémoire inédit (pages 305 a 310) relatif l’influence des lunettes sur les images, dicté par M. Arago en mai 1853, quatre mois avant sa mort, se rapporte encore aux erreurs d’observations, à l’influence des aberrations de sphéricité et de réfrangibilité, et de celle de l’irradiation et de l’intensité lumineuse, à l’action des diaphragmes sur la grandeur des images. Il s’y trouve consigné un grand nombre d’observations dont quelques-unes remontent jusqu’à 1810. On voit par là combien ce sujet l’avait longtemps préoccupé, et on comprend l’importance qu’il y attachait quand on considère le grand nombre de mesures dont il a enrichi l’astronomie sur la forme et les dimensions des astres dont notre système solaire est formé. Or, les mesures qu’il avait entreprises, et qu’il a conduites à terme avec une persévérance admirable, ne pouvaient acquérir toute leur valeur qu’après une discussion attentive de toutes les causes d’erreur qui étaient de nature à les affecter.

Le Mémoire sur Mars est le seul des Mémoires que M. Arago se proposait d’écrire sur les corps planétaires, dont il ait eu le temps d’achever la rédaction au point de vue de l’exposé général des méthodes d’observation et des conséquences à attendre de ce genre de recherches. Cet exposé a été dicté à la fin de 1852 et au commencement de 1853 à M. Goujon, puis communiqué à l’Académie des sciences le 31 janvier 1853 ; un résumé très-sommaire en a été donné dans le compte rendu de la séance. Les pages 245 à 265 sont conformes au manuscrit. Le dépouillement des registres ainsi que le calcul des observations m’ont été confiés ; les résultats de mon travail remplissent les pages 266 à 304.

J’ai du commencer par relever les observations relatives à la détermination du zéro de la division de l’échelle de la lunette prismatique de Rochon employée par M. Arago, afin de connaître le nombre dont il fallait corriger les mesures enregistrées.

J’ai l’ait ensuite les moyennes de chaque série d’observations, et, corrigeant le résultat de l’erreur du zéro, je l’ai inscrit dans la table que j’ai publiée avec les remarques mentionnées dans les registres, et qui étaient de nature à expliquer la valeur des observations qui ont été faites en 1811, 1813, 1814, 1815, 1817, 1837, 1845, 1847. Le calcul de l’aplatissement de Mars était dès lors facile à faire dans chaque cas particulier.

Pour déterminer la valeur des parties de l’échelle de la lunette et conclure des nombres contenus dans les registres les valeurs absolues des diamètres de Mars, M. Arago a exécuté la mesure directe de signaux de dimensions connues, placés sur la façade du Luxembourg et observés de l’Observatoire. Il a aussi exécuté une triangulation destinée à déterminer exactement la distance de l’Observatoire au Luxembourg ; j’ai rapporté tous les détails de ces opérations. La valeur des parties de l’échelle étant obtenue, j’ai pu dresser enfin une table des grandeurs angulaires observées pour les diamètres de Mars pris dans différents sens.

Une autre série de mesures du diamètre polaire et du diamètre équatorial de la planète a été exécutée par M. Arago en 1815 avec son micromètre oculaire à grossissement variable ; j’en ai également relevé et calculé les résultats.

Enfin j’ai relevé avec soin toutes les observations consignées par M. Arago dans ses registres sur les taches que présente le disque de Mars, et j’ai fait faire les gravures des figures que plusieurs fois il avait dessinées lui-même immédiatement après ses observations.

Pour Mercure, Vénus, Jupiter et ses satellites, Saturne et son anneau, enfin Uranus, mon travail était désormais facile.

J’ai relevé avec soin toutes les Notes des registres concernant ces corps planétaires, j’ai fait les moyennes des observations corrigées de l’erreur du zéro, et enfin j’ai calculé les valeurs des diamètres d’après la valeur connue des parties de l’échelle. Cette portion de mon travail occupe les pages 342 à 428.

Les mesures de Mercure ont été faites pendant les passages de cette planète sur le Soleil en 1832 et 1848.

Les mesures des diamètres de Vénus ont été prises en 1810, 1812, 1813, 1814 et 1815.

M. Arago avait commencé en 1853 à dicter quelques Notes sur Jupiter, et il avait d’ailleurs communiqué une partie des résultats qu’il avait obtenus sur les éclats relatifs de la planète et de ses satellites au Bureau des Longitudes en 1820, 1842 et 1843. Pour les bandes, j’ai fait graver les figures que l’illustre astronome avait lui-même dessinées. Les mesures que j’ai trouvées dans les registres et que j’ai calculées se rapportent à 1810, 1841, 1812, 1813, 1816, 1815, 1817, 1819, 1820, 1835, 1837, 1842. Plusieurs des notes qui accompagnent les résultats des mesures sont très-détaillées.

Les mesures de Saturne et de son anneau sont précédées de Notes historiques écrites sur un des registres d’observations, de détails communiqués au Bureau des Longitudes ou à l’Académie des sciences en 1814, 1833, 1840 et 1842, de remarques sur la visibilité des satellites datant de 1840, enfin d’une Note dictée en 1851 sur les effets singuliers produits par l’aspect de l’étrange planète sur des personnes non habituées aux observations. Les mesures ont été prises en 1810, 1811, 1812, 1813, 1814, 1815, 1817, 1822, 1823, 1824, 1828, 1833, 1842, 1847. Quelques figures ont aussi été gravées d’après les croquis de M. Arago.

Sur Uranus, l’illustre astronome n’a fait que quelques observations en 1814.

Les mesures micrométriques dues à M. Arago et relatives aux six principales planètes, dont le tome IIe des Mémoires scientifiques présente, comme on vient de le voir, l’ensemble et les détails, sont au nombre de plus de 3, 000 ; elles étaient restées complètement inédites ; seulement, Laplace, dans la cinquième édition de l’Exposition du système du monde (1824), a publié les résultats suivants comme lui ayant été donnés par M. Arago : « Le diamètre moyen apparent de Vénus (page 34) serait de 31″. 30 le diamètre polaire de Mars serait au diamètre équatorial dans le rapport de 189 à 194 (page 36) ; le diamètre de Jupiter dans le sens des pôles est à celui de son équateur, à fort peu près, dans le rapport de 167 à 177 (page 38) ; le diamètre apparent de l’anneau de Saturne est égal à 71″.15, sa largeur apparente est de 10″. 74. » Dans les différents livres de l’Astronomie populaire consacrés aux planètes, on trouve d’ailleurs un historique de tous les travaux antérieurs à ceux de l’illustre directeur de l’Observatoire et des développements sur la constitution physique de ces astres.

M. Arago a commencé à s’occuper de l’étude des taches du Soleil en 1816 ; il a publié alors dans le tome III des Annales de chimie et de physique des considérations relatives à leur nature, à leur fréquence, à leur influence possible sur les météores terrestres ; j’ai reproduit textuellement ces considérations, et je les ai fait suivre des catalogues des taches solaires observées à Paris, que l’illustre astronome publia annuellement pendant neuf ans (1822 à 1830) dans les Annales de chimie et de physique ; j’ai terminé par la réimpression du rapport fait en 1845 à l’Académie des sciences sur le Mémoire de M. Laugier relatif aux conséquences que l’observation des taches permet de tirer pour la détermination exacte de la rotation du Soleil. Dans la Notice sur Herschel, publiée en 1842 dans l’Annuaire du Bureau des longitudes, M. Arago est entré dans de grands détails historiques et critiques sur ce sujet ; mais ces détails ont été intégralement extraits de cette Notice pour être introduits à leur place soit dans le livre XIV de l’Astronomie populaire soit dans la Notice sur Galilée insérée dans le tome III des Notices biographiques.

Les premiers travaux de M. Arago sur les comètes datent de 1805 ; ils se rapportent à une comète dont il avait alors calculé les éléments ; il eut la bonne fortune, en 1819, de faire remarquer la ressemblance des éléments de cet astre avec ceux de la comète découverte par Pons à Marseille en 1818. Cette comète était périodique ; elle a porté depuis le nom de comète d’Encke, M. Arago a publié à son sujet, de 1819 à 1823, dans les Annales de chimie et de physique, diverses Notes ; je les ai reproduites sous le numéro i dans les pages où j’ai réuni la partie des recherches et des écrits de mon vénéré maître sur les comètes qui n’ont pas pris place dans l’Astronomie populaire.

J’ai placé sous le numéro ii, et par ordre de date, les Notes successives que M. Arago a insérées soit dans les Annales de chimie et de physique, soit dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, soit enfin dans l’Annuaire du Bureau des Longitudes, sur la comète de 1759 ou de Halley ; ces Notes ont été écrites en 1818 et 1834 pour ce qui concerne les calculs du retour de cet astre dans le dix-neuvième siècle, retour arrivé en 1835 ; elles datent de 1835 et de 1836 pour tout ce qui est relatif à la vérification des théories que l’observation directe permit de faire et à la découverte des changements physiques que M. Arago constata le premier dans la constitution de la tête de la comète.

La Note numéro iii sur la chaleur des comètes et la nature de leur queue, avait paru en 1816 dans les Annales de chimie et de physique ; celle numéro iv sur la direction habituelle des queues cométaires, avait été imprimée en 1843 dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences.

C’est en 1819, pendant l’apparition de la comète brillante qui pendant cette année occupa si fortement tous les astronomes et le public, que M. Arago fit pour la première fois usage de la polarisation dans le but d’analyser la lumière des astres chevelus. Ses observations furent consignées en 1820 dans les Annales de chimie et de physique. Il a revu sa rédaction en 1852 et y a ajouté un extrait d’une Note historique publiée par M. de Humboldt dans le tome Ier du Cosmos. L’illustre astronome discute particulièrement la question de savoir si l’on a observé la comète pendant qu’elle s’est projetée sur le Soleil et si son noyau était diaphane ; il réfute aussi l’opinion que la queue de cette comète ait pénétré dans l’atmosphère terrestre et que le brouillard de 1783 ait été dû au passage d’un corps cométaire dans le voisinage de la Terre. Enfin la Note sur la brillante comète de 1819 se termine par la discussion d’une prétendue observation de phases que l’astre aurait présentées ; cette discussion avait été publiée en 1820 dans les Annales de chimie et de physique. Je ne dois pas manquer de rappeler que, sur tous ces sujets, M. Arago est revenu avec plus de détails dans le livre XVII de l’Astronomie populaire.

Les Notes vi à xiii relatives aux comètes de 1816, 1822, 1823, 1824, 1840, 1842, à la grande comète de 1843, enfin au dédoublement de la comète de six ans trois quarts, dite de Gambart ou de Biela, sont extraites des Annales de chimie et de physique ou des Comptes rendus de l’Académie des sciences ; elles ont été écrites immédiatement après que les observations qu’elles décrivent étaient effectuées. Elles compétent les travaux de l’illustre directeur de l’Observatoire de Paris sur les comètes. Quant à la Notice insérée dans l’Annuaire du Bureau des Longitudes pour 1832, elle a été refondue entièrement dans l’Astronomie populaire et profondément modifiée ; je n’ai pas dû la reproduire dans son premier état.

Pour les étoiles filantes, comme pour les comètes, j’ai réuni par ordre de date toutes les Notes de M. Arago qui n’avaient pas été insérées dans le livre XXVI de l’Astronomie populaire consacré aux météores cosmiques. Ces Notes sont principalement relatives à quelques météores remarquables observés à Worthing et à Cambridge en 1818 ; à des apparitions de bolides constatées à Richemond, à Rhodes, en diverses villes de France et d’Angleterre, à la Martinique, en 1822 ; à des phénomènes vus en diverses villes d’Europe, en 1814 et 1825 ; à des météores lumineux aperçus sur le disque du Soleil et pendant une éclipse en 1825 ; aux étoiles filantes périodiques du mois de novembre et à celles du mois d’août, observées en 1836 et 1837. Toutes ces Notes avaient été publiées dans les Annales de chimie et de physique ou dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences : elles sont complétées par un rapport fait en 1847 à l’Académie par l’illustre astronome sur un Mémoire de M. Édouard Biot concernant les étoiles filantes et les bolides observés en Chine à des époques reculées.

M. Arago s’est attaché avec insistance à montrer l’importance des météores cosmiques dans le système du monde. La plupart des astronomes, même les plus illustres et les plus hardis dans leurs conceptions sur la constitution de l’univers, avaient méconnu le rôle que les météores y jouent et les considéraient comme trop exclusivement terrestres.

Après les travaux de mon vénéré maître relatifs à l’astronomie, j’ai placé ses recherches sur diverses questions de physique qui n’avaient pas pris place dans d’autres parties de ses œuvres.

Je savais qu’il avait fait, entre 1819 et 1830, de nombreuses observations thermométriques dans le but de déterminer les variations diurnes et annuelles de la température dans les couches du sol les plus voisines de la surface ; j’avais même eu entre les mains le registre dans lequel ces observations étaient inscrites.

D’ailleurs, dans l’analyse de la séance de l’Académie des sciences du 15 août 1825, publiée dans le tome XXX des Annales de chimie et de physique, on lit ces lignes : « M. Arago communique des observations qu’il a faites, durant les dernières chaleurs, avec des thermomètres diversement enfoncés dans le sol du jardin de l’Observatoire royal. »

L’illustre physicien voulait, avant de publier ses observations, les faire corriger par le calcul d’une erreur dépendant de ce que les réservoirs et les tiges des instruments ne se trouvaient pas dans les mêmes conditions thermales.

Je n’ai pu retrouver le registre contenant toute cette série de recherches de l’illustre physicien, et j’ai dû me borner à publier un extrait de la Théorie mathématique de la chaleur de Poisson, à qui M. Arago avait communiqué quelques-uns des résultats qu’il avait obtenus. J’ai fait suivre cet extrait d’une Note historique sur la question, note publiée par M. Arago en 1818 dans les Annales de chimie et de physique.

On connaît l’importance que présente, dans la théorie du magnétisme terrestre, l’étude de la forme et du déplacement de l’équateur magnétique. Le rapport fait en 1831 par M. Arago sur le Mémoire de M. Morlet relatif à cette ligne complète les diverses discussions que contiennent sur le même sujet la Notice consacrée au magnétisme terrestre (tome IV des Œuvres, page 514), et le rapport si intéressant auquel a donné lieu le beau voyage de M. Duperrey (tome IX des Œuvres, pages 187 à 196).

Les physiciens n’ignoraient pas que M. Arago avait fait des observations journalières sur l’électricité atmosphérique, mais rien n’avait été publié sur les résultats qu’il avait obtenus. J’ai dépouillé le registre qui contenait les observations et j’en ai présenté le résumé. Ces observations étaient au nombre de près de 3, 000 et avaient été faites en 1829, 1830 et 1837. Leur discussion a fourni des renseignements intéressants tant sur la nature de l’électricité la plus habituelle de l’atmosphère que sur l’intensité et les variations du phénomène.

J’ai fait suivre cette étude de l’électricité atmosphérique de quelques Notes qui complètent les documents contenus dans le premier volume des Notices scientifiques (tome IV des Œuvres) entièrement consacré, comme on l’a vu, à l’électricité et au magnétisme.

Les douze premières Notes étaient restées inédites ; le manuscrit en est de la main de M. Arago ; elles décrivent ou indiquent divers phénomènes peu connus ou mal observés qu’il y aurait lieu de soumettre à un examen plus rigoureux.

Les Notes xiii, xiv, xv et xvi avaient été publiées en 1824 et 1826 dans les Annales de chimie et de physique ; elles sont relatives à des accidents singuliers produits par la foudre ou au phénomène de la grêle que ne peuvent prévenir des perches plantées dans les champs.

La Note xvii était restée inédite ; elle a été écrite en 1851 ; elle résume les faits découverts par l’illustre physicien en ce qui concerne la nature électrique des aurores boréales et leur relation avec les phénomènes du magnétisme terrestre.

Enfin la Note xviii, publiée en 1822 dans les Annales de chimie et de physique, démontre que les brouillards secs, n’exerçant aucune action sur l’aiguille aimantée, n’ont pas de connexion avec les aurores boréales.

Je dois ajouter, pour ne rien laisser dans l’oubli, que M. Arago, dans ses premières recherches sur l’aimantation. avait fait des expériences dans lesquelles il avait reconnu que les décharges électriques aimantent le fer ou l’acier en transmettant leur action à travers le bois, le verre et les autres substances isolantes, sans éprouver de changement sensible dans leur énergie. Après la découverte de l’influence que dans l’état de mouvement, toutes les substances, mais surtout les métaux, exercent sur l’aiguille aimantée, M. Savary reprit, avec l’assentiment de l’illustre directeur de l’Observatoire, l’examen de la question, et reconnut que certaines épaisseurs métalliques empêchaient l’action des décharges électriques de se transmettre à des aiguilles d’acier placées au centre de cylindres de cuivre, d’étain, d’argent, etc. Ce complément des recherches de mon vénéré maître n’a pas encore été terminé. Il reste à faire plus d’une découverte dans cette branche de la science, dont on lui doit la féconde création.

Sous le titre de Sur quelques phénomènes curieux, j’ai réuni plusieurs Notes éparses, publiées de 1820 à 1828 dans les Annales de chimie et de physique, sur certains états de l’air relatifs soit à des faits d’électricité, soit à des faits de sonorité qui auraient besoin d’être observés avec attention, sur la forme des nuages, sur des bruits souterrains, sur un singulier phénomène de végétation, sur une tempête extraordinaire.

Le Mémoire sur les dépressions de l’horizon de la mer avait paru en 1824 dans la Connaissance des Temps pour 1827 ; je l’ai réimprimé sans aucun changement ; il conclut que le seul moyen d’arriver à une grande précision dans les mesures des hauteurs à la mer, est de rapporter les astres à deux points opposés de l’horizon.

Les huit Notes réunies sous ce titre commun Sur divers phénomènes d’optique, se rapportent à des météores lumineux que M. Arago a eu l’occasion d’observer ou de signaler sans en poursuivre assidûment l’étude. À l’exception de la note numéro ii sur un antisoleil, d’une partie de la note numéro iv sur des arcs-en-ciel extraordinaires, de quelques parties de la note numéro v sur les dimensions des halos solaires et lunaires, de la note vi sur le nombre des couleurs primitives, elles avaient été publiées dans les Annales de chimie et de physique ou les Comptes rendus de l’Académie des sciences. J’ai extrait les notes restées inédites des registres d’observations de mon vénéré maître.

À peine entré à l’Observatoire de Paris, à sa sortie de l’École polytechnique, M. Arago devint le collaborateur de M. Biot pour un travail expérimental sur la réfraction des gaz, qui fut présenté au Bureau des longitudes le 6 décembre 1805. Le Mémoire rendant compte des recherches faites en commun par les deux physiciens, fut rédigé par M. Biot et lu le 26 mars 1806 à la Classe des sciences mathématiques et physiques de l’Institut sous le titre de Mémoire sur les affinités des corps pour la lumière et particulièrement sur les forces réfringentes des différents gaz.

Ce Mémoire débutait par une détermination, plus exacte qu’on ne l’avait encore eue jusqu’alors, du rapport du poids de l’air au poids du mercure, ce qui a fourni une valeur directe du coefficient de la formule barométrique servant au calcul des hauteurs.

En 1852, M. Arago a voulu reviser ses recherches anciennes, et il a dicté à M. Goujon et à moi un Mémoire que l’on peut regarder comme nouveau.

Le Mémoire rédigé par M. Biot est d’abord analysé ; viennent ensuite des détails sur des expériences entreprises en commun avec M. Alexis Petit et exécutées en 1813 sur l’oxyde de carbone, le gaz des marais, le gaz oléfiant, l’hydrogène sulfuré, les vapeurs de sulfure de carbone, d’éther muriatique et d’éther sulfurique, le cyanogène.

Le Mémoire sur les puissances réfractives et dispersives des liquides et de leurs vapeurs, dont j’ai fait l’histoire précédemment (page clxxvi), est aussi le fruit de cette collaboration de M. Arago et de M. Petit, son beau-frère.

La détermination des indices de réfraction par la méthode des interférences occupa activement M. Arago vers le même temps ; les recherches qu’il a entreprises à ce sujet sont en partie analysées dans un Mémoire déjà cité et dans une note de Fresnel extraite de la chimie de Thompson, mais j’ai dû ne pas laisser inédites diverses Notes écrites en 1816, 1817 et 1818, dont le manuscrit est de la main de M. Arago et qui rendent compte des expériences alors exécutées par mon vénéré maître.

Une Note, dictée en 1852. expose ensuite les conséquences des anciennes expériences exécutées sur l’air sec et sur l’air humide, indique comment l’appareil de l’illustre physicien pourrait servir de baromètre et de thermomètre, explique les modifications imaginées pour vérifier les premiers résultats avec un appareil de grandes dimensions muni d’un compensateur, donne enfin un extrait des recherches que M. Fizeau voulut bien entreprendre pour remplacer mon vénéré maître, alors privé de la vue et condamné à demander à d’autres physiciens de poursuivre ses expériences. Le Mémoire remis à M. Arago par M. Fizeau était resté inédit.

M. Arago n’a pas eu le temps de rédiger le compte rendu de ses expériences sur les pouvoirs dispersifs qui termine le second volume des Mémoires scientifiques ; j’ai dû placer seulement les unes à la suite des autres les Notes qu’il avait préparées ou que j’ai extraites de ses registres.

Les quatre premières pages ont été publiées en 1836 à propos d’une discussion qu’il eut avec M. Cauchy, lequel soutenait que les gaz ne dispersent pas la lumière.

J’ai placé ensuite des Notes relatives à des expériences faites en 1811, 1812 et 1813 sur la dispersion de la lumière de la Lune et de celle du Soleil par l’atmosphère terrestre, dispersion mesurée par la détermination de l’heure à laquelle l’interposition de prismes de verre commun suffit pour achromatiser les couleurs produites par l’air.

Une autre méthode, fondée sur le principe du diasporamètre de Rochon, a encore été appliquée par l’illustre astronome tant à la mesure du pouvoir dispersif de l’air qu’à celle du pouvoir dispersif de la vapeur du sulfure de carbone, du cyanogène et de l’hydrogène sulfuré. J’ai rapporté les résultats que j’ai pu tirer des registres d’observations.

On voit, d’après ces détails et d’après ceux que j’ai déjà donnés précédemment sur les méthodes complètement nouvelles dues à M. Arago pour la détermination des pouvoirs dispersifs comparatifs de toutes les substances, combien cette branche de la science est redevable à l’illustre physicien.

  1. Voir notamment pages 42, 50, 54, 64 du tome Ier des Mémoires scientifiques.