Notes et Sonnets/Non, je n’ai point perdu

SONNET


Non, je n’ai point perdu mon année en ces lieux :
Dans ce paisible exil mon âme s’est calmée ;
Une Absente chérie, et toujours plus aimée,
A seule, en les fixant, épuré tous mes feux.


Et tandis que des pleurs mouillaient mes tristes yeux,
J’avais sous ma fenêtre, en avril embaumée,
De pruniers blanchissants la plaine clair-semée :
— Sans feuille, et rien que fleur, un verger gracieux !

J’avais vu bien des fois Mai, brillant de verdure,
Mais Avril m’avait fui dans sa tendre peinture ;
Non, ce temps de l’exil, je ne l’ai point perdu !

Car ici j’ai vécu fidèle dans l’absence,
Amour ! et sans manquer au chagrin qui t’est dû,
J’ai vu la fleur d’Avril et rappris l’innocence.

Liége.