RETOUR À OSAKA


Comme nous l’avions projeté, c’est par la rivière que nous descendons à Osaka, dans un de ces longs bateaux plats à toit de paille que l’on nomme dans le pays « Sanji kokous founé » bateau qui porte 30 kokous de riz. Sur un autre sont chargées les caisses de bibelots. Le courant aidant, nous glissons doucement sur ce fleuve presque sans eau ; nos bateliers poussent de fond, avec de grandes perches, en chantant continuellement ; nous, assis sur nos plaids, dont nous avons recouvert les nattes du bateau, nous fumons, en causant de notre séjour à Kioto, de ce que nous trouverons à Osaka, puis, le bercement du bateau aidant, nous nous laissons aller, pendant quelques heures, à un sommeil fréquemment troublé par les morsures des insectes qui pullulent dans notre barque.

Nous déjeunons dans l’un des petits villages qui bordent la route et, vers cinq heures du soir, nous longeons les grises murailles du château d’Osaka, dernier rempart du Taïkoun, pendant la révolution de 1867, rempart qu’il ne défendit même pas contre l’armée bien inférieure en nombre du mikado, car, dès qu’il la vit apparaître, enseignes déployées, il fit incendier le château et se rendit prisonnier aux troupes de Satsuma, n’osant pas combattre la bannière de son maître.

Une heure après, environ, nous débarquions, fatigués du voyage ; le télégraphe ne fonctionnait pas encore entre Kioto et Osaka, et cependant un marchand, sachant déjà notre arrivée, avait voulu être le premier à nous prévenir que pendant notre absence il avait beaucoup récolté pour nous, et qu’il comptait sur notre visite pour le lendemain.

Effectivement nous lui achetâmes une grande partie de sa provision et entre autres objets, quatre coupes en verre émeraude avec un dragon, à trois griffes, en relief dans le fond ; un nautilus en verre, retenu par trois chaînettes de suspension : les seuls objets en verre que j’aie trouvés au Japon, de fabrication indigène.

En nous rendant chez lui, nous passâmes pour la vingtième fois peut-être devant une petite boutique de bric-à-brac sous l’auvent de laquelle, un grand tigre en bois où des traces de dorure et de peinture noire laissaient deviner les zébrures de la peau de l’animal, semblait servir d’enseigne au magasin. Bien des fois en passant nous lui avions frappé familièrement sur la croupe avec nos cannes, ne songeant nullement à acheter ce morceau de bois que son propriétaire voulait nous vendre pour 50 francs.

Aujourd’hui, après avoir enfin trouvé le chemin de l’Europe qui accapara tout, il est devenu, qui sait pourquoi ? le chef-d’œuvre de la sculpture japonaise du XVIIe siècle.

Ce jour fut employé ainsi que le suivant à revoir tous nos vendeurs et à leur donner six semaines pour nous trouver encore et toujours de beaux objets.

Nous devions employer ce laps de temps à parcourir Yokohama et Yédo.