Napoléon et la conquête du monde/II/30

H.-L. Delloye (p. 412-413).

CHAPITRE XXX.

LA MONARCHIE UNIVERSELLE.



La monarchie universelle ! Combien ont prononcé ces mots qui ne comprenaient pas l’idée qu’ils renferment. Combien le sont balbutiées et répétées froidement ces paroles : enfants, hommes, pédants et rois, qui ne savaient ce que c’était que la monarchie universelle, pas plus que l’infini et que Dieu, dont à chaque instant leurs bouches murmurent les noms.

Ainsi, quand, dans ses conquêtes, un homme avait réuni quelques lambeaux d’empires, et s’était dressé jusque-là d’être maître de quelque coin un peu élargi du globe, il se reposait alors, haletant et essoufflé, dans sa puissance jusqu’à sa mort prochaine. Et les historiens aveugles criaient à haute voix leur mot mystérieux, monarchie universelle, en face de cette monarchie incomplète.

Deux seules intelligences avant Napoléon avaient sondé les abîmes de ce mot : Alexandre de Macédoine, qui, parvenu jusqu’aux bords de la mer des Indes, pleurait amèrement, et s’en prenait aux dieux de ce que les espaces lui manquaient.

L’autre, cet être abstrait, peuple et siècles à la fois, Rome ! Rome, dont aucun des enfants, pas même César, ne comprit ce mot, mais qui, en réunissant toutes les pensées de ses Romains dans tous les âges, avait incessamment rêvé la domination de l’univers.

Et lui, le troisième, le dernier dans le temps, mais le premier ou plutôt le seul, Napoléon avait conçu cette idée, il se l’était incarnée, et il créa la monarchie universelle.