Musiciens Anglais Contemporains/Edward Elgar

Traduction par Louis Pennequin.
Le Temps Présent (p. 1-26).

EDWARD ELGAR




À la fin du dix-neuvième siècle, nous étions presque tous résignés en Angleterre à croire, comme nos amis allemands nous l’avaient si souvent affirmé, que nous sommes un peuple anti-musicien. Il est vrai que nous pouvions présenter un glorieux passé. Nous pouvions nous souvenir qu’au temps de la reine Elisabeth, pour ne pas remonter jusqu’à l’antiquité, nos compositeurs sur le virginal[1] étaient réputés les premiers de l’Europe et que nos madrigalistes étaient dignes d’être comparés aux grands compositeurs de France, de Flandre et d’Italie. Nous pouvions rappeler aussi la grande figure de Purcell[2], dont le génie musical, de l’aveu des critiques de tous les pays, est reconnu de premier ordre. Mais, dans les temps modernes, nous sentions qu’il était vain à nous de réclamer la parité avec les nations du continent.

Nous avions, cependant, des compositeurs honorés chez nous dont nous aimions et admirions la musique — Parry[3], dont les oratorios, animés du souffle puissant de Haëndel et de Mendelssohn, délectent les oreilles accoutumées aux grands effets choraux — Stanford[4], dont les symphonies, les quatuors et les cantates unissent la douce mélancolie de l’Irlande, son pays natal, à la science et à la méthode de Schumann et de Brahms — Sullivan[5], dont les opéras-comiques ont fait les délices de Londres pendant plus de vingt ans. Mais il était impossible de nous dissimuler plus longtemps que notre musique n’a pas un caractère cosmopolite. Nous pouvions nous délecter sous les brumes de notre île, mais nous ne pouvions prétendre participer à la grande confraternité internationale de l’art.

Un proverbe dit que c’est avant le point du jour qu’il fait le plus obscur. C’est au moment où les espérances des dilettantes les plus chauvins de l’Angleterre étaient devenues presque vaines qu’une voix nouvelle s’est levée qui, si je ne fais erreur, est destinée à porter le renom de notre pays à travers le monde et à donner aux oreilles étrangères une signification rénovée de la musique anglaise.

Il serait difficile de me rappeler avec précision le jour où je connus le nom d’Edward Elgar[6], mais je me souviens très bien de l’occasion qui me fit entendre sa musique pour la première fois. C’est à un Festival des Trois Chœurs qui, à cette époque de transformation, a conservé si fortement son caractère intime et particulièrement anglais. Le Festival des Trois Chœurs est une ancienne institution qui date du commencement du dix-huitième siècle. À cette époque, il est à peine nécessaire de le dire, nos dilettantes provinciaux avaient rarement l’occasion, depuis devenue fréquente, d’entendre de la bonne musique, notamment à l’ouest de l’Angleterre dans les trois cités de Hereford, Worcester et Gloucester, si anciennes et semblables à des sentinelles avancées sur la lisière du pays de Galles. C’est en l’année 1724 que le premier Festival des Trois Chœurs fut organisé. Les trois maîtrises réunirent leurs forces chorales pour donner une série de concerts sacrés dans la cathédrale de Gloucester. Depuis lors et chaque année, des festivals semblables ont eu lieu à tour de rôle dans l’un des trois sanctuaires. Tous les trois ans, les vieilles cités endormies se réveillent et se parent soudain d’une animation extraordinaire. Leurs hôtels regorgent de clients, les habitants donnent l’hospitalité à leurs amis, et les notables du comté, venus de tous les districts environnants, s’y trouvent rassemblés. Les rues vénérables usées par le temps, — d’ordinaire si calmes, — sont pleines d’une vie active. Mais autour de la cathédrale le mouvement affairé est réduit au silence. Là, où les vieilles tours grises dominent un gazon soigneusement entretenu, règne une paix tranquille. Les ormes séculaires semblent soupirer leurs pieux secrets et le repos religieux n’est troublé que par les cris des choucas[7] volant autour du clocher de la cathédrale. À l’intérieur de l’église la paix est encore plus profonde. Une douce lumière pénètre dans la nef imposante d’où de hauts piliers s’élancent, semblables aux arbres d’une forêt vierge, et plongent leur sommet majestueux dans une demi-clarté. Au bas, le service s’accomplit dans le calme de la vénération, pendant que le chant de l’orgue monte sous les arches élevées et que des voix d’enfants, des recoins de la cathédrale, se font entendre comme un chœur d’anges invisibles.

C’est dans une circonstance pareille que j’eus l’occasion d’entendre pour la première fois la musique d’Edward Elgar, et certainement aucun endroit ne pouvait être en harmonie plus complète avec le caractère mystique et religieux de son petit oratorio The Light of life (La Lumière de la vie). C’est au Festival de Worcester de 1896 que j’entendis son œuvre pour la première fois et j’eus conscience qu’une voix nouvelle venait de s’élever en Angleterre. L’œuvre entière me charma par son sentiment intime et par son indépendance à l’égard des conventions de la musique sacrée anglaise. La Méditation d’orchestre, en particulier, par quoi l’œuvre débute, me parut différente de tout ce qu’un compositeur anglais avait écrit jusqu’à ce jour, — différente par le maniement de l’orchestre et différente aussi par la manière d’exprimer l’émotion.

Après s’être révélé par La Lumière de la vie, Elgar devint sinon précisément célèbre, du moins un musicien avec qui il fallait désormais compter. On se demandait qui était ce néophyte, où il avait appris l’art de la composition, et l’histoire de ses premières années commença à intéresser le monde musical anglais.

Né en 1857, d’un père organiste à l’église catholique de Saint-Georges, à Worcester, bon violoniste et gérant d’un magasin de musique, l’enfant avait passé ses premières années dans la contemplation des superbes collines de Malvern, qui élèvent leur gracieux profil au-dessus de la vallée de la Severn. Autour de Worcester, le paysage n’a pas l’aspect sauvage du pays de Galles, contrée voisine aux landes arides et aux montagnes rocailleuses. Les collines de Malvern, bien qu’étant les plus hautes du sud de l’Angleterre, n’ont rien de terrifiant pour l’esprit de l’enfant. Là, la nature se montre sous un jour aimable et souriant ; la brise qui parcourt la vallée de la Severn promène dans les autres districts de l’Angleterre. Au milieu de scènes pour lesquelles sa nature pensive et concentrée doit avoir éprouvé une sympathie vive, bien qu’inconsciente, l’enfant parvint à l’adolescence. Son père lui enseigna le violon et l’orgue, puis, peu à peu le jeune Elgar acquit la pratique d’autres instruments en même temps que la connaissance des formes diverses de la musique. Nous savons qu’il tenait la partie de basson à un quintette d’instruments à vent et qu’il composa plusieurs morceaux du genre, qu’il conduisait l’orchestre dans une société privée d’amateurs à Worcester et qu’il jouait du violon à l’orchestre du Festival annuel des Trois Chœurs. Il n’avait toutefois reçu qu’une éducation musicale irrégulière. Jamais il n’avait franchi le seuil d’une académie, il n’avait jamais pris les leçons d’un professeur ni écrit un exercice de contrepoint. Son père, qui devinait la vocation de son fils, désirait l’envoyer à Leipzig et, res angusta domi, des difficultés de la vie ménagère empêchèrent seules l’exécution de ce dessein. Lorsqu’il eut atteint sa vingtième année, désirant faire sa carrière comme violoniste, Elgar vint à Londres où il suivit une série de leçons de Pollitzer[8]. Mais son projet ne réussit pas et il revint sous les saints ombrages de Worcester, dans la calme solitude des collines de Malvern, pour y poursuivre sa vie paisible dans l’étude. Là, les partitions de grands maîtres ouvertes devant lui, son talent se forma peu à peu.

En 1885, il succède à son père comme organiste à l’église Saint-Georges de Worcester, où il compose une grande quantité de musique pour le service catholique. En 1889, après son mariage, il tourne une fois encore ses pas vers Londres, espérant obtenir dans la métropole une renommée plus grande qu’une ville de province ne pouvait lui donner. Mais la citadelle n’était pas encore prêt à être renversée. En vain il assiège éditeurs et directeurs de théâtre ; le désappointement et la désillusion l’attendaient à chaque pas. Après deux années d’efforts infructueux, il se résigna à revenir à Worcester.

En 1896, comme nous l’avons vu, la fortune lui sourit et l’exécution de son oratorio La Lumière de la vie le fit remarquer comme un compositeur dont on pouvait attendre de grandes œuvres. Peu de temps après, sa réputation grandissante fut renforcée par l’exécution à Hanley[9], ville importante près de Birmingham, d’une grande cantate King Olaf (le Roi Olaf), œuvre d’une fraîcheur d’inspiration et d’une force rythmique remarquables, et, bientôt il fut chargé d’écrire une cantate pour le Festival de Leeds de 1898.

Caractacus[10], qui est le titre de l’œuvre nouvelle, obtint un grand succès dû à sa technique plutôt qu’à l’inspiration. Le compositeur, qui avait conscience d’être le point de mire de l’Angleterre, avait mis une grande recherche à cet ouvrage où limæ labor[11], un travail ardu apparaît à chaque page de la partition. À cette occasion, on remarqua qu’aucun compositeur anglais n’avait jamais assimilé la méthode de Wagner plus entièrement qu’Elgar ; mais après avoir admiré sa manière de disposer la trame enchevêtrée des motifs directeurs, on reconnut qu’après tout les scènes de son exclusive inspiration laissaient seules sur la mémoire une impression profonde. Un duo d’amour plein de sentiment lyrique, une marche d’une vigueur vibrante bien qu’avec une pointe de vulgarité, et surtout la lamentation qu’exhale un roi vaincu au milieu de ses soldats tombés à la bataille, étaient les passages où, d’une façon certaine, la réelle personnalité d’Elgar avait rejeté loin derrière elle le manteau wagnérien dont ailleurs elle s’était couverte.

Jusque-là, Elgar n’était connu du public anglais que comme écrivain de cantate. Il avait, il est vrai, déjà composé des morceaux d’orchestre de divers genres, des ouvertures et des sérénades qui avaient été exécutées en province, mais étaient demeurées presque inaperçues. Il se révélait, à présent, comme un maître de l’orchestre ; il posait les fondements de la renommée qui, si je ne fais erreur, immortalisera son nom lorsque ses œuvres chorales seront déjà tombées dans l’oubli.

Enigma Variations (Variations Énigmes), l’œuvre suivante d’Elgar, eut la bonne fortune d’être présentée au monde musical sous l’égide du célèbre chef d’orchestre Hans Richter[12], qui les fit exécuter pour la première fois en juin 1899 à la salle Saint-James, à Londres, actuellement détruite. L’énigme prête son nom aux Variations, parce que la mélodie qui en est le thème n’est elle-même, selon Elgar, que le contrepoint ou l’accompagnement d’une autre mélodie, celle-ci annoncée comme bien connue de l’auditeur, mais dont le compositeur n’a pas pris le soin de nous indiquer la source. Le fait que son cher secret a été conservé pendant douze années prouve incontestablement qu’il est de faible importance pour la compréhension de son œuvre. Il est beaucoup plus intéressant de connaître la manière suivant laquelle a été traité le thème effectif. Si on pense à toutes les banalités soporifiques sous forme de variations qui nous ont été servies pendant ces dernières années, on doit être reconnaissant à Elgar d’avoir infusé une vie nouvelle dans la formule musicale qui, de tout ce qui existe dans ce genre, est peut-être, à la fois, la plus démodée et la plus académique. Toutefois, faire de la ’’musique à programme avec une série de variations assurément a quelque chose de piquant. Il est vrai que Richard Strauss[13] avait déjà écrit Don Quichotte, qui est sans conteste un poème symphonique sous forme de variations, et on sait que Johannes Brahms[14] avait dans la tête un programme tout fait pour ses variations sur le Choral de saint Antoine, d’Haydn, qui, de l’avis de certains critiques, sont réputées être la peinture musicale des tentations du saint.

Mais les Variations d’Elgar ont peu à voir avec ces deux œuvres. La sienne est un tribut musical à un groupe d’amis dont le caractère respectif est présenté à tour de rôle. On pourrait dire même que le compositeur a vu le thème de ces Variations à travers le tempérament de chacun de ses amis. C’est en un sens un tableau de genre, quelque chose comme le célèbre Hommage à Delacroix[15] où l’on voit élèves et amis se serrer autour d’un maître aimé. Et avec quelle mäestria Elgar a su reproduire la figure de ses dramatis personæ ! Ce ne sont que des esquisses, il est vrai, mais jetées avec quelle admirable certitude du trait ! Nous les voyons défiler l’une après l’autre, celle-ci pensive et mélancolique, celle-là noble et fière, l’une pleine de vie et de passion, l’autre de tendresse et d’amour. À chaque variation, Elgar a inscrit un nom de convention ou des initiales dont la plupart ont pu être dévoilés. Ici, on reconnaît distinctement la silhouette gracieuse de son épouse ; là, on découvre un juste hommage adressé sous le nom de Nimrod (Nemrod), à son ami Alfred Jaeger que depuis la mort a ravi jeune, musicien zélé et l’un des premiers écrivains qui ont annoncé au monde sceptique de la musique le génie naissant d’Elgar. Mais que l’on reconnaisse ou non le trait caractéristique de chaque individualité, on ne peut jamais douter de la vérité et de la ressemblance. L’œuvre entière est une galerie de portraits vivants encadrés avec toute la richesse de l’harmonie moderne et d’une orchestration d’un éblouissant éclat. Le succès obtenu par les Variations fut très grand. L’œuvre fut exécutée à un grand nombre de concerts dans tout le Royaume-Uni, et Elgar prit une place définitive au premier rang des musiciens anglais.

Les Variations ont été suivies de plusieurs autres pièces instrumentales qui montent chez le compositeur une égale maîtrise de l’orchestre moderne, bien que l’individualité du caractère y soit un peu moins frappante. L’ouverture Cockayne[16] est un essai ingénieux pour mettre en musique la vie de Londres. Le brouhaha des rues est imité avec habileté ; mais la note plus fouillée de la vie de la métropole a échappé au compositeur, et son œuvre, bien qu’écrite avec un « métier accompli », est un peu insignifiante et même d’un effet général un peu vulgaire.

Dans l’ouverture In the South (Dans le Midi), Elgar a voulu transporter en musique ses impressions personnelles ressenties en Italie. Arrivé à ce point de sa carrière, il paraît avoir subi l’influence de Richard Strauss, de qui on suit la trace à la fois dans la phraséologie et dans les détails du dessin orchestral de cette ouverture.

Plus originale, quoique d’une couleur moins vive, est l’Introduction et Allegro pour instruments à cordes, pour laquelle Elgar a fait un usage ingénieux de la forme du concerto du dix-huitième siècle, tout en lui infusant l’idée et les émotions du vingtième.

Mais, en Angleterre, ce n’est pas par des œuvres instrumentales que l’on peut faire impression sur l’esprit de la masse. La science de l’orchestre est de trop récente culture. C’est seulement depuis ces trente dernières années que la société anglaise a appris de Richter, Manns[17], Hallé[18] et d’autres chefs d’orchestre comment on doit comprendre la musique symphonique. Et il faut remarquer que c’est une élite musicale qui se presse autour de ces maîtres. Dans notre pays, le sommet de l’art musical est resté pour le plus grand nombre, comme au temps de Haëndel et de Mendelssohn, — l’oratorio — ou, du moins, il l’était encore il y a dix ans, car, depuis le commencement du vingtième siècle, nous avons vu en Angleterre de grands changements s’opérer dans le goût musical.

La forteresse du conservatisme fut emportée par Elgar avec son Dream of Gerontius (Songe de Gérontius). Exécuté au Festival de Birmingham en 1900, mais mal exécuté, l’oratorio fut assez froidement reçu. Toutefois, à chaque exécution nouvelle le succès de l’ouvrage fut accentué et on doit confesser que la carrière triomphante de l’œuvre en Allemagne et surtout l’éloge adressé à l’auteur par le célèbre compositeur allemand Richard Strauss, après une exécution de l’oratorio à Dusseldorf, agirent dans un sens très favorable sur l’opinion anglaise. À présent, le succès du Songe de Gérontius, en Angleterre, ne peut plus être contesté. Cet oratorio est exécuté non seulement dans les grands festivals, mais dans chaque ville qui possède un chœur et un orchestre capables de s’attaquer aux difficultés réellement formidables de la partition.

Le succès obtenu par le Songe de Gérontius dans la puritaine Angleterre a toujours été pour moi un sujet de surprise, car l’œuvre est essentiellement catholique. Il est vrai qu’il y a trente ans un succès non moins décisif accueillit un autre oratorio catholique The Redemption, La Rédemption, de Gounod. Mais le sujet traité par le compositeur s’adressait également aux chrétiens de toute secte et de tout église, et rien dans la manière dont il était présenté ne pouvait choquer la susceptibilité protestante.

Le Songe de Gérontius, au contraire, n’est pas purement catholique, mais absolument anti-protestant de sentiment, et le fait que le sujet n’a pas nui au succès de l’œuvre en Angleterre est la preuve que les préventions protestantes sont moins vives dans le Royaume-Uni qu’elles l’étaient autrefois. Le poème du cardinal Newman[19] qu’Elgar a mis en musique est remarquable, soit qu’on le considère comme une œuvre d’imagination, soit qu’on le définisse un statut poétique du dogme catholique destiné à instruire le fidèle sur ce que l’Église enseigne de la vie au-delà de la nôtre. Il fait la description de la mort d’un croyant, de la comparution de son âme devant le tribunal de Dieu et de son immersion salutaire dans les eaux purifiantes du purgatoire. Il est écrit avec la précision d’un langage soigneusement choisi, ce qui est rare dans la poésie anglaise, surtout lorsqu’il s’agit d’un sujet qui, d’ordinaire, est enveloppé de mystère, et la valeur littéraire de son auteur ne pourra être contestée par ceux-là même à qui son but est le moins sympathique.

Il est manifeste que le tempérament d’Elgar a été touché profondément par le poème. Pour lui la composition du Songe de Gérontius est un acte de foi et on sent à chaque pas dans la partition sa conviction fervente. Toutes les ressources de l’art musical concourent à accroître la poignante du poème. La terreur angoissée de l’agonisant a pour contraste imposant l’accent solennel du prêtre qui murmure une prière au lit de mort. Un autre contraste frappant résulte du dialogue placide entre l’âme de Gérontius et son ange gardien interrompu, pendant leur envolée vers le tribunal suprême, par un chœur véhément de démons en furie. À ce passage succède le chœur des anges autour du trône de Dieu qu’une surélaboration de détails empêche seule d’atteindre à la sublimité, et l’œuvre finit dans une exquise sérénité par le chant de l’ange gardien au moment où l’âme rachetée est plongée dans l’onde du purgatoire.

Le Songe de Gérontius a apporté une sève nouvelle à la nature quelque peu épuisée de l’oratorio anglais. Son pittoresque plein de vie, sa puissance dramatique, son orchestration brillante et sonore ont résonné comme l’appel d’une trompette d’airain à des oreilles habituées à l’harmonie monotone de l’école de Mendelssohn qui avait dirigé presque seule la musique sacrée anglaise jusqu’à l’apparition d’Elgar.

Au Songe de Gérontius succédèrent The Apostles, les Apôtres (1903) et The Kingdom, le Royaume (1906), œuvers d’un style moins original et dont aucune n’a obtenu en Angleterre un succès égal à celui du précédent oratorio. Le premier ouvrage raconte, d’après le texte des Évangiles, la vocation des apôtres et la part prise par chacun d’eux à la vie et à la Passion du Christ. Dans le second, la fondation de l’Église chrétienne est rapportée suivant les Actes des Apôtres.

Le plan général de ces oratorios suit presque pas à pas celui de la Rédemption, de Gounod. Le compositeur s’est efforcé de faire ressortir les incidents dramatiques et pittoresques du récit et un grand nombre de scènes sont traitées d’une façon magistrale. Toutefois, l’un et l’autre ouvrage présentent le défaut d’unité et de cohésion. Chacun d’eux est moins un ensemble artistique qu’une suite de scènes sans lien et l’emploi habile fait par Elgar d’un système de thèmes directeurs ne parvient pas à donner une suffisante continuité à la structure des oratorios. On doit admettre que les Apôtres et le Royaume donnent lieu à beaucoup de belle musique, surtout lorsqu’il s’agit de traduire l’émotion ressentie — comme dans les scènes entre Marie-Magdeleine et Judas Iscariote des Apôtres et dans la méditation de la vierge Marie du Royaume qui sont à la fois d’une haute originalité et d’un sentiment profond — mais, on constate dans le style de chaque oratorio l’absence du souffle épique qui devrait animer des œuvres d’une envergure si ambitieuse.

Après avoir écrit le Royaume, Elgar abandonne l’oratorio pour revenir à la composition orchestrale où il avait recueilli ses plus brillants succès. Ces dernières années ont été principalement consacrées à la composition de trois œuvres importantes — deux symphonies et un concerto de violon — dans lesquelles le compositeur a élevé son inspiration à une hauteur plus grande que celle qu’il avait atteinte jusque-là. Ces trois œuvres, aussi étroitement liées par la forme que par le sentiment, sont le produit d’un état continu d’esprit d’Elgar qui, tour à tour allant de l’oratorio à la symphonie, de l’objectif au subjectif, était aiguillonné par la recherche excitante de son expression intime. Dans ces deux symphonies et son concerto de violon il a écrit l’histoire de son âme, le récit de ses luttes, de ses illusions et de ses aspirations, et, on ne peut s’empêcher de constater que ce désir ardent de description de soi-même est venu juste au moment favorable. Combien de compositeurs ont épuisé leurs forces à décrire en musique leur âme avant d’avoir réussi par l’expérience à la description raisonnée d’un sujet plus matériel ? D’autres, pour une attente trop longue, ont laissé pénétrer le maniérisme dans le naturel et étouffer le caractère par la convention. Chez Elgar, le désir se fit jour au moment où son pouvoir d’expression avait acquis sa pleine maturité. Dans les trois ouvrages qui portent si haut sa carrière la manière et le sujet sont si étroitement liés et réagissent l’une sur l’autre si harmoniquement que sa musique peut être regardée comme un exemple parfait du mot célèbre de Buffon : « Le style est l’homme même[20]. »

La première symphonie en la bémol a été exécutée pour la première fois en décembre 1908, le concerto de violon en en novembre 1910 et la seconde symphonie en mi bémol en mai 1911. Pendant cette période il n’a composé rien autre d’important et c’est pourquoi nous pouvons avec raison considérer les deux symphonies et le concerto comme un grand ouvrage en trois parties, une trilogie symphonique, une trinité artistique, — trois dans un et un dans trois. Je dois avouer qu’Elgar n’a fait lui-même aucune allusion à l’existence d’une relation quelconque entre ces trois compositions qui ont été exécutées et publiées séparément, et c’est peut-être une fantaisie due à mon imagination de prétendre qu’elles sont unies par un lien psychologique. Toutefois, après avoir entendu plusieurs fois chacune d’elles et après les avoir étudiées avec sympathie, ardeur et déférence, je persiste à croire que ce lien existe, avec ou sans l’aveu du compositeur.

Pour résumer la tendance générale de la trilogie je citerai les trois parties qui la composent et qui personnifient lutte — contemplation — joie — suivant le développement d’une âme artiste et tel qu’une si large peinture n’a peut-être pas été tentée par un musicien de notre temps.

J’analyserai maintenant chaque œuvre en détail. Elgar n’a pas attaché de programme défini à sa première symphonie ; mais, en admettant qu’elle soit « un coup d’œil du compositeur sur la vie », elle suggère l’impression effective d’une allusion autobiographique. La lutte d’une âme pour parvenir à la lumière, le combat entre l’esprit et la matière — voilà ce que la symphonie dépeint avec les couleurs les plus riches et les plus vives que l’orchestre moderne puisse fournir et que la science jalouse d’un compositeur profondément versé dans l’histoire du progrès musical a pu seule choisir.

La première partie est toute de lutte et agitation. Elle débute un peu à la manière de la grande symphonie en ut de Schubert, par un appel à l’Idéal, sous la forme d’une mélodie pleine de noblesse et de largeur, qui parcourt l’œuvre entière. L’exhortation à une vie plus pure contraste avec l’image des vices du monde, la char et le démon. Des appels de sirène semblent par leur lancinance pousser le héros à sa perdition. La volupté l’entoure de ses filets, l’invocation à l’Idéal souvent interrompue lutte à travers le dédale d’harmonies variées contre le thème sombre et obsédant du mal. L’antagonisme des passions est représenté avec une étonnante vigueur et une verve inépuisable anime toute cette partie qui se déroule sur un mouvement tourmenté.

Le scherzo semble nous transporter dans le monde plus rude du travail. La musique respire vie intense et énergie débordante. On se croirait jeté au milieu de la lutte de l’homme pour l’existence et une mélodie au rythme étrange, d’une insistance pesante et saccadée, nous dépeint le héros qui s’arme pour accomplir sa tâche de vie. Puis, par une transition heureuse le scherzo se fond, pour ainsi dire, dans un adagio d’une remarquable beauté qui traduit par la musique les aspirations les plus profondes et les plus pures de l’âme humaine. Une émotion vive et une expression de sublimité dominent toute cette partie. Le thème principal s’élance et lutte au milieu des difficultés, semblable à l’audacieux qui escalade un roc escarpé ; puis, il plane majestueux comme s’il était porté par les ailes de la Foi. Dans cette partie symphonique le compositeur se montre inspiré avec une exaltation particulière. Puis, il semble se mouvoir dans un ravissement extatique à travers un monde dont l’air est de plus en plus raréfié jusqu’à ce que, enfin, l’atmosphère devienne si pleinement chargée de mysticisme que l’auditeur doive comme saint Paul dans sa vision étrange « être ravi dans le Paradis et y entendre des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à l’homme d’exprimer ».

La partie finale est à plusieurs égards la plus remarquable et sans contexte celle qui, à une première impression, produit le plus grand effet. Dans l’introduction, d’un sentiment étrange et d’une couleur fantastique, le héros semble plongé dans la léthargie de ses premières luttes et de ses ambitions juvéniles traversent son esprit vague et sont impuissants à le déterminer à l’action. Mais, après un effort suprême il sort de sa torpeur pour se jeter une fois encore dans les combats. À partir de là, la musique ne respire qu’énergie et activité fébriles. La gradation se précipite : puis, l’horizon paraît s’élargir et l’air se purifie. Le thème magnifique de l’Idéal transfiguré et glorifié reparaît semblable à un arbre florissant qui étend ses larges branches et l’œuvre finit dans l’éclat d’une splendeur triomphante.

Le concerto de violon appartient au même ordre d’idée et de sentiment que la première symphonie si le milieu est différent. D’une allure moins impétueuse il est écrit dans un ton plus contemplatif. Ainsi qu’il convient à une œuvre où le soliste joue le rôle principal le compositeur exprime ici, non des émotions généralisées en prenant un homme comme type de sa race, mais seulement ses efforts privés et ses aspirations individuelles. Dans le monde de l’Art il est quelquefois difficile de dire à quel point la cause peut être séparée et distinguée de l’effet. La forme du concerto a-t-elle été choisie par Elgar parce que ; selon lui, elle était la plus favorable à ce qu’il avait à dire ou le choix du compositeur a-t-il déterminé le caractère même de sa musique ? C’est un problème que peut-être Elgar lui-même aurait peine à résoudre. En tout cas, par la manière de traiter sinon par le caractère, le concerto est un contraste admirable avec la symphonie. L’élévation et la largeur du style plein de noblesse, que montre l’œuvre symphonique, se changent en une note plus personnelle et plus intime. L’auditeur semble entrer en confidence avec le compositeur et assister au récit de ses joies et de ses peines intimes, de ses émotions et de ses aspirations les plus secrètes. La première partie du concerto ressemble mutatis mutandis trait pour trait au mouvement correspondant de la symphonie. C’est la peinture de passions opposées, du conflit de sentiments soumis à une haute tension — non, il est vrai, avec la stature de la symphonie, — mais, si moins imposante aussi profondément sentie et aussi sincère. Sur cette tempête d’émotion les premières notes de l’andante tombent semblables au voile de la rosée. La paix semble descendre du ciel et envelopper le monde de son étreinte sereine. On se croirait transporté dans une région azurée d’air pur sous un rayonnement sans nuage. On croit voir les formes diaphanes des bienheureux errer à travers les champs d’asphodèles sous la clarté d’un ciel inconnu de la terre. La profonde et calme beauté de ce morceau rend le langage impuissant à l’exprimer. La musique a le charme voilé et exquis d’une frise de Puvis de Chavannes[21], d’une vision des Champs-Élysées d’où les passions et la discorde terrestre sont bannies pour l’éternité.

Du monde éthéré de l’andante nous redescendons encore une fois dans l’agitation de la vie réelle avec le finale, d’une énergie débordante, qui poursuit son cours valeureux dans le style le plus brillant. La note contemplative que j’ai déjà signalée comme caractéristique du concerto se fait toutefois encore sentir. Le morceau atteint le zénith de sa carrière fluctuante lorsque le violon solo module, presque inaperçu, une ardue et longue cadence accompagnée — non, le terme serait prétentieux et je préfère dire un soliloque — où rejetant au-dessous de lui les choses de la terre il semble s’élancer vers des régions merveilleuse de ravissement infini. On a la sensation de l’homme qui, au milieu de ses préoccupations vulgaires serait soudain transporté dans l’extase et, le voile des sens étant déchiré, se trouverait en face du grand mystère de l’Éternité. Mais, la vision s’évanouit peu à peu et nous nous retrouvons une fois de plus sur terre. Cet étrange intermède de contemplation mystique survit même au souvenir et l’œuvre s’achève par des accords d’une gravité sublime.

La seconde symphonie d’Elgar complète sa grande trilogie symphonique de la manière la plus désirable. La lutte et la contemplation font place à la joie et la symphonie en mi bémol est pleine de transports enivrants que nous ne trouvons pas dans les deux œuvres qui précèdent. En tête de sa partition le compositeur a inscrit en épigraphe les deux vers qui commencent le célèbre poème de Shelley[22] :

Rare, rare es tu[23]
Esprit du plaisir,

devise qui doit être prise dans son sens le plus général. La symphonie n’est, en aucune façon, une transcription musicale du poème. Shelley en main il serait vain d’essayer de calquer son poème stance à stance sur les quatre parties de la symphonie d’Elgar. C’est l’Esprit du plaisir lui-même qui inspire le compositeur, et, dans sa musique nous devons rechercher moins le poète désespérant que la vision de beauté qu’il poursuit et qui pénètre la symphonie en chacune de ses parties. C’est la beauté réelle, non la laideur qui retient le regard du musicien. Il chante la florissance non la décrépitude. Dans les passages même d’un sentiment plus profond, si nombreux dans le larghetto, le compositeur tire de la souffrance un élément de force et écarte la faiblesse qu’elle renferme ; puis, la magie de son art fait jaillir la beauté de l’épreuve de la douleur la plus vive.

L’allegro initial donne la note qui domine l’œuvre tout entière. Le printemps est le thème, printemps, rêve des artistes et que les musiciens chantent. Semblable à une source jaillissante, la musique verse soudain ses ondes successives qui montent jusques aux cieux. Son élan et son influence sont irrésistibles et tout ce que le printemps a pu suggérer à un poète la musique le traduit — la sève qui monte, le bourgeon qui pousse, la fleur qui s’ouvre et les froissements d’ailes des oiseaux sauvages en extase amoureuse sous le ciel clair de mars. Toutefois le morceau n’est pas que joie et ravissement. À moitié de son cours une ombre semble couvrir la scène et nous n’avons plus la vision printanière, pour ainsi dire, que « confusément et comme dans un miroir ». Mais le ciel s’éclaircit bientôt, le soleil recommence à briller et cette partie s’achève dans un pur rayonnement.

Le larghetto présente un contraste remarquable avec cette débauche de joie et de couleur. Le fait que la symphonie est dédiée à la mémoire du roi Edouard vii a amené certains critiques peu clairvoyants à insinuer que cette partie était destinée par le compositeur à une marche funèbre en l’honneur du roi défunt. Cependant, il n’en est rien puisque l’esquisse de la symphonie était entièrement écrite au commencement de l’année 1910, avant la mort du roi Edouard[24], et que de plus le larghetto n’a pas un caractère funèbre. Son allure sobre respire la force et la sérénité. Il est un regard tranquille et fier jeté sur le monde et, bien qu’il présente des moments d’émotion presque déchirante où l’on sent que le musicien n’a pas trouvé la voie qui mène à la force d’âme et au repos sans des efforts intérieurs bien au-dessus de la connaissance vulgaire de l’homme, il ne suggère jamais l’angoisse des regrets.

Le rondo qui prend la place du classique scherzo est dans son genre un problème. Si on le juge au point de vue exclusivement musical il produit un certain effet bien qu’il n’ait pas la distinction ordinaire du style d’Elgar. Mais, il est difficile de comprendre comment il se rattache au reste de l’œuvre, et pendant sa course rapide on a le sentiment inquiet de l’intérêt qui y repose caché quelque part et qui déroute tout esprit curieux.

Le finale superbe d’idée ne peut faire place à aucun doute et nous sommes introduits une fois encore dans le royaume étincelant de l’Esprit du plaisir. Là, nous retrouvons la splendeur qui illumine l’allegro initial, — non la même toutefois — car, la fraîcheur âpre et presque irritante du printemps fait place à une sensation plus chaude et plus moelleuse. L’été resplendissant semble répandre son effluve à travers la musique ; un battement plein de vie, symbole de la pulsation généreuse du cœur de la nature, règle le rythme étonnant et caractéristique du morceau tout entier. À partir de là, la symphonie poursuit son cours sans arrêt, la gradation succède à l’envi, la musique s’élève à des hauteurs de plus en plus vertigineuses jusqu’à ce que et finalement, après avoir atteint son faîte, elle retombe, pour ainsi dire, dans un océan de tranquillité, et l’œuvre finit dans une paix qui peut paraître divine après avoir traversé tant de tumulte et d’agitation.

J’ai parlé d’Elgar avec un enthousiasme qui pourra paraître excessif à ceux qui connaissent peu ou même pas du tout sa musique et qui professent qu’il est difficile de croire qu’une œuvre musicale digne d’attention puisse éclore en Angleterre. Le temps se charge de prouver si j’ai apprécié à sa valeur le génie du compositeur. Mais, en attendant, il m’est permis pour conclure de rappeler les paroles élogieuses que Richard Strauss lui adressait, au banquet donné en son honneur, après l’exécution du Songe de Gérontius au Festival du Bas-Rhin, à Dusseldorf, en mai 1902 :

« Je regrette que l’Angleterre n’ait pas encore repris sa place marquée parmi les peuples musiciens depuis sa période de grandeur dans l’art de la musique, au moyen-âge. Si elle a manqué de musiciens amoureux du progrès (Fortschritts-männer) la production d’une œuvre comme le Songe de Gérontius montre que la brèche est, à présent, comblée et qu’un jour de parité musicale entre l’Angleterre et le reste de l’Europe est près de poindre. Je propose à tous de boire au succès de la renaissance musicale anglaise et particulièrement à Edward Elgar, un musicien de la plus haute valeur à qui je suis fier de souhaiter la bienvenue comme à un compagnon de lutte pour la cause sacrée de l’Art ».


  1. Virginal, Harpsichorde primitif.
  2. Purcell, Compositeur de musique anglais (1658-1695).
  3. Parry, Compositeur de musique anglais. Né en 1848.
  4. Stanford, Compositeur de musique anglais. Né en 1852.
  5. Sullivan, Compositeur de musique anglais (1842-1900).
  6. Elgar (Edward), compositeur de musique anglais. Né à Broadheath, Worcestershire, le 2 juin 1857. Réside à Hereford, Plâs Gwyn (Maison Blanche, dans le dialecte gallois).
  7. Espèce de petite corneille
  8. Pollitzer. Violoniste hongrois qui résidait à Londres (1832-1900).
  9. Hanley, ville du Staffordshire.
  10. Caractacus, roi des Bretons, défait par les Romains (50 avant J.-C.) et emmené en captivité à Rome où il mourut.
  11. Citation du poète latin Horace.
  12. Richter (Hans), chef d’orchestre hongrois. Né en 1848, à Raeb, Hongrie.
  13. Strauss (Richard), compositeur de musique bavarois. Né à Munich en 1864.
  14. Brahms (Johannes), compositeur de musique allemand. Né à Hambourg en 1833 ; mort à Vienne en 1897.
  15. Delacroix (Eugène), peintre coloriste français (1799-1864). Hommage à Delacroix par Fantin-Latour, peintre français (1836-1904).
  16. Cockayne, pays de badauds. Expression appliquée par Elgar à Londres dont les habitants sont dits « Cockneys ».
  17. Manns (1825-1907). Chef d’orchestre prussien. Né à Stolzenberg, près de Stettin.
  18. Hallé (1819-1895). Chef d’orchestre allemand. Né à Hagen, en Westphalie.
  19. Cardinal Newman (1801-1890).
  20. Discours de réception de Buffon à l’Académie française (25 août 1753).
  21. Puvis de Chavannes, peintre français (1824-1898)
  22. Shelley, poète anglais (1792-1822).
  23. Rarely, rarely comest thou,
    Spirit of delight.

  24. Le roi Edouard vii est mort en mai 1910