Deom Frères, Éditeurs (p. 56-71).


POUR RÉGINE !




E ncore deux ans et Pierre sera reçu médecin !

Et comme les derniers refrains du jour se perdaient dans l’atmosphère rafraîchie et embaumée de foin coupé et de fleurs agrestes d’un soir de juillet, comme l’horizon achevait de s’empourprer par le soleil couchant, monsieur et madame Lefort devisaient ensemble, dans le coquet jardinet, assis sur un banc rustique fait de branches de bouleaux.

Lui, ancien militaire, les cheveux blancs, taillés en brosse et raides comme des piquants de hérisson, se frottait les mains d’aise et fumait comme une locomotive. Elle, une bonne vieillotte grassette, rougeaude comme une cerise de France, se bourrait le nez de râpé, en faisant entendre, de temps en temps, un « hum » de contentement.

— Edem ! mon vieux, deux ans encore et notre Pierre s’appellera Monsieur le Docteur. Il s’établira dans notre village de Ste-Angèle de Laval et il épousera Régine. Nous finirons paisiblement nos jours, chez lui. Toi, tu feras sauter les petiots sur tes genoux, moi, je les dorloterai et nous serons heureux.

Mais si nous allions faire la partie de bézigue, qu’en dis-tu ?

— Bien pensé ! Marceline. Entrons, je te parie que je vais te faire rester sur la clôture.

— Encore des vantardises, mais c’est toujours toi qui y restes sur la clôture.

Et les vieux Lefort, bras dessus bras dessous, comme une paire d’amoureux oubliés par les ans, entrèrent dans la maison en se taquinant innocemment et en faisant entendre des éclats de rire cassés.

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Pierre n’était pas un cancre, mais sa nature imaginative et rêveuse se montrait rebelle et paresseuse à l’enseignement sec et aride qui fait partie de l’éducation des collèges.

Les mathématiques, la physique, le latin, le grec l’ennuyaient. En revanche, l’astronomie, la botanique, la rhétorique, la philosophie, en un mot, tout ce qui parle à l’âme et la porte plus haut vers Dieu le charmaient, l’enthousiasmaient, l’exaltaient. Au lieu de faire des thèmes et des versions, et plus tard, plutôt que de résoudre les grands problèmes des Laplace et des Archimède, ou bien d’étudier la composition de l’hydrogène et de l’oxygène, il griffonnait des ébauches de monuments ou de panneaux décoratifs. Aux congés de sortie, parfois, lorsque les élèves allaient prendre leurs ébats sur la grève, lui s’écartant de ses confrères, se fourrait jusqu’aux coudes les deux mains dans la glaise et façonnait, d’une façon tantôt grotesque, tantôt plus heureuse, des fleurs, des animaux, dont, pour la plupart, on n’eût pu spécifier l’espèce.

Le plus souvent, cependant, le maître d’études avec ses pieds énormes comme des battoirs et sa tonsure grande comme une soucoupe, était l’infortunée victime de ce sculpteur en herbe qui se plaisait à donner au pauvre surveillant des dimensions affreuses.

Pauvre homme ! qui tout en accomplissant son devoir, du reste, amoncelait pensums sur pensums sur la tête du collégien se révoltant contre cette avalanche de leçons surnuméraires.

Enfin, la rhétorique, la philosophie, la physique passèrent et le baccalauréat fut décroché avec peine.

Pour suivre le goût de ses parents qui voulaient faire de lui un médecin et qu’il ne voulait pas contrarier, le finissant entra à l’Université Laval de Montréal.

Mais le pauvre garçon avait trop compté sur ses forces. Il ne fut pas long avant de s’apercevoir que la médecine et lui s’accordaient à peu près comme chien et chat.

Les parents, là-bas, économisaient. Afin de défrayer les frais de pension et de cléricature, il fallait retrancher. On n’était pas riche. Le père fuma moins, la mère diminua la dose de tabac à priser. On se gêna un peu, en disant : « Il faut bien faire des sacrifices, puisque c’est pour Pierre ».

Mais l’étude de la physiologie et de la charpente humaine se mariaient mal avec la fièvre artistique qui, de plus en plus, prenait possession de tout l’être du jeune homme.

Les dictionnaires de médecine et les traités de pathologie traînaient souvent des semaines, recouverts de poussière, sur la bibliothèque formée de trois planches reliées entre elles par des cordes.

Le jeune étudiant restait-il à rien faire, durant tout ce temps, ou courait-il les tavernes ? Non pas.

Se confinant, chaque jour, dans sa chambrette, il dévora un nombre incalculable d’ouvrages sur la peinture, la poésie, la sculpture, la poésie, la sculpture surtout. Les arts et la littérature absorbaient tout son temps.

Et Régine ? Régine que Pierre aimait de plus en plus, à mesure que la distance et les mois le séparaient de la charmante enfant.

Régine, poésie vivante elle-même, occupa avec l’amour de la sculpture, toutes les pensées de l’étudiant.

La jeune fille n’avait que vingt ans. Elle était brune, elle était belle. Ses membres souples, sa démarche dégagée, ses formes riches, tout captivait et retenait chez elle. Ses yeux avaient le ton chatoyant de l’acajou le plus pur. Plus appétissante qu’une grenade entr’ouverte, sa bouche voluptueuse découvrait des dents qui brillaient comme des parcelles de neige crystallisées par le soleil du midi.

Vierge de tout autre amour profane, son cœur s’était donné tout entier et sans retour à celui qui lui avait appris que, sur la terre, il existe un autre sentiment, aussi doux, pour le moins, que la piété filiale.

Femme, elle aima comme jamais femme ne sut aimer : de toute la passion de son âme plus pure que l’éclat de son front.

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Les époux Lefort venaient de terminer leur première partie et le vieil Edem était resté perché sur la clôture.

— Chacun son tour, mon père !

Levant les yeux, les deux vieux parents virent, devant eux, Pierre, Pierre en personne, qui les regardait d’un air embarrassé et avec un regard de tristesse.

Les premiers embrassements finis, la mère demanda :

— As-tu soupé, Pierre ?

— Non, mère.

Aussitôt, Mme Lefort étendit, sur la table, une nappe aussi blanche que les fleurs du pommier au printemps, elle servit une boulette de beurre plus jaune que l’or des moissons, un pain frais, du lard marbré de viande ; elle sortit du buffet un pot de conserves aux abricots, réservées pour les grandes circonstances de l’année, à Noël, au Jour de l’An, aux Rois, à Pâques, et lorsque Pierre, le cher enfant, venait voir ses parents.

L’étudiant, durant son souper, dût répondre à mille questions, dont quelques-unes l’embarrassaient extraordinairement ; par exemple, lorsque M. Lefort lui demanda si l’étude ne le fatiguait pas trop, si ses professeurs étaient contents de lui et satisfaits de son travail.

Pierre venait d’avaler sa dernière gorgée de café, lorsque, fatigué, harassé, torturé de cet interrogatoire et de la position fausse dans laquelle il se trouvait, dit avec effort :

Mon père, je veux abandonner la médecine.

Le vieillard sursauta sur sa chaise ; sa femme laissa tomber, par terre, sa tabatière et ouvrit la bouche avec ébahissement en ne pouvant articuler aucun son. Le sol se fût entr’ouvert sous leurs pieds qu’ils n’eussent pas été plus ahuris.

— Et pourquoi, s’écria le père ?

— Pour me faire sculpteur.

— Mon fils badine, sans doute, pensa M. Lefort, et il se prit à rire à gorge déployée.

— En voilà une bonne, par exemple ! ajouta-t-il, en donnant une tape amicale et pleine de bonhomie sur l’épaule de son fils.

Mais voyant qu’une larme venait de rouler sur la joue de son enfant, il demanda :

— Que veut dire cet air étrange, dans toute ta personne ? Voyons, dis-moi, as-tu jamais réellement songé à abandonner la carrière que nous t’avons préparée depuis ta naissance ?

— Oui, mon père et j’y suis décidé, irrévocablement décidé.

— Allons donc ! mon fils, c’est impossible. Tu oublierais tous les sacrifices que nous nous sommes imposés pour faire de toi un homme comme il faut, pour te préparer une carrière sinon brillante, du moins convenable. Et cela pour des idées, pour des chimères, pour te faire tripoteur de terre glaise. Ah ! c’est très mal ce que tu viens de dire là et tu nous as fait bien de la peine.

— Oui, bien de la peine, répéta la mère comme dans un écho.

— Écoutez, mon père, répondit Pierre, et vous aussi, ma mère, vous ne sauriez croire toute la reconnaissance infinie que je ressens pour vos bontés et pour les soins continuels et les sacrifices énormes que vous vous êtes imposés pour moi et pour mon éducation. Mais je suis sûr que vous ne voudriez pas faire le malheur de ma vie. Eh bien ! je n’aime pas la médecine, je serais malheureux, parce que ce sont les beaux-arts qui m’attirent et pas autre chose. Je me sens poussé par une force irrésistible qui me crie : « Marche ! » C’est là que t’attendent le succès, la gloire. Vous le dirai-je, mon père, je désire, je veux partir pour la France.

Car, que ferai-je ici, chez un peuple qui laisse crever de faim ses artistes, ses littérateurs. Que ferai-je chez un peuple qui est encore dans les langes des beaux-arts et qui n’aime rien de ce qui n’est pas de l’argent. Je ferais des chefs-d’œuvres, on ne me comprendrait pas. Mes statues seraient condamnées à dormir un éternel sommeil dans les coins de mon atelier. Je veux me faire sculpteur, je veux devenir célèbre, mon père, je veux que notre nom soit connu et glorifié de tous !

— Superbe ! répliqua le père, ironique, mais où trouveras-tu de l’argent ? On ne traverse pas l’Océan à pied sec comme les Israélites la Mer Rouge.

— Je suis jeune, je travaillerai. Un paquebot part dans quelques jours pour l’Europe. À bord, je m’engagerai pour faire n’importe quoi. Quand on a l’amour au cœur, l’énergie dans le caractère et confiance en soi, on arrive toujours à bon port.

— Et tu es complètement décidé ?

— Absolument. Il y a deux mois que j’y songe.

— Tu ne nous en as jamais rien dit ?

— Je n’ai jamais osé avant ce jour.

— Pierre ! s’écria le père, d’une voix courroucée qui contrastait étrangement avec son calme habituel, si tu fais cela, je ne te reconnais plus pour mon enfant !

— Edem ! gémit madame Lefort, en tendant vers lui ses mains suppliantes.

— Paix, femme !

Pierre se levant, dit :

— Il est dur, pour moi, mon père, d’agir ainsi, mais je sens, là, quelque chose qui me dit que là-bas est ma vocation et que je dois m’y rendre, dussé-je y mourir.

— C’est bien, Pierre, le rêve de ma vie avait été de faire de toi un médecin, mais puisque tu préfères nous abandonner, va, je ne te reconnais plus. Adieu et bonne chance ! Tu ne chercheras pas à me revoir avant ton départ.

Bonsoir !

Pierre de la nuit, ne dormit pas.

Il s’entretint longuement avec sa mère, et lorsque de bonne heure, le matin, il descendit, il la trouva mettant la dernière main à sa malle de voyage :

— Mon fis, lui dit-elle, en l’apercevant, quoiqu’il advienne, pour moi, tu es toujours mon fils !

— Mère, dit Pierre, en l’attirant dans ses bras, assurez à Régine que je l’aime toujours et à mon père que je ne me montrerai pas ingrat Adieu, priez pour moi.

Il partit.

Lorsque le père, vit, par la fenêtre de sa chambre, son fils s’en aller avec une démarche lourde et comme accablé sous le poids du chagrin, maintenant qu’il était seul et ne craignait plus de se trahir, il s’affaissa sur son fauteuil et sanglota comme un enfant.

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Les débuts furent pénibles.

Pierre mangea de la vache enragée.

Il connut les jours sans pain, les nuits sans abri, l’isolement, presque le désespoir.

Mais il s’était dit : « Je veux ».

De domestique, le jeune homme passa élève avec l’affection et l’estime de ses maîtres. Grâce à un travail sans trêve ni merci, à un grand désir d’arriver et à des aptitudes exceptionnelles, Pierre avança à pas de géant dans la voie du succès.

Au premier concours d’élèves auquel il prit part, il arriva second, et au concours subséquent, il sortit premier d’emblée. Les professeurs le félicitèrent et lui promirent un brillant avenir. Journaux et revues parlèrent avec enthousiasme du talent du jeune Canadien-français. Il était lancé.

Pierre avait d’abord écrit à son père. Pas de réponse. Il écrivit alors à celle qui ne se montrerait pas insensible : sa mère.

Celle-ci lui parla de la maison, de Régine et des moindres détails de la vie de famille, qui, insignifiants pour tout étranger, sont d’un prix inestimable pour ceux qu’ils doivent nécessairement toucher de si près ?

M. Lefort avait d’abord fait demander Régine pour faire avec elle la partie de piquet. Au fond, il pensait retrouver en elle une partie de son fils, qu’il s’obstinait, aux yeux de tous, à regarder comme un étranger.

Le vieillard en était venu à nourrir une affection toute paternelle pour Régine Il voulut la voir tous les jours ?

Le père Edem ne parlait jamais de son fils. Une certaine fierté naturelle le lui défendait. Il voulait se montrer brave.

Au reste, il savait que les femmes en parlaient, elles.

Et alors, son plus grand plaisir était de s’asseoir, près de la table, dans la vaste cuisine au plancher jauni.

Là, il paraissait absorbé dans la lecture d’un livre.

Le lorgnant du coin de l’œil, les deux femmes voyaient bien que le pauvre vieux était parfois un quart d’heure arrêté à la même page. Un jour, même, le livre était demeuré ouvert, la tête en bas, et une larme avait gonflé le mot « cœur » sur lequel elle était tombée.

Au lieu de lire, il écoutait, puisant dans les paroles, qu’il entendait résonner à son oreille comme une musique délicieuse, un baume qui cicatrisait la plaie saignante qui torturait son cœur de père.

— Régine, l’aimes-tu donc toujours, mon… lui demanda un soir, M. Lefort ?

— certainement, répondit la jeune fille, tout interloquée, et vous ?

Le père ne répond pas. Il se lève et s’en va dans sa chambre, en n’ayant garde de montrer sa figure. Il pleurait.

Cependant, les hivers ont succédé aux étés et les étés aux hivers. Pierre est parti depuis trois ans, et de trois mois on n’a pas eu de ses nouvelles.

La maisonnette est bien grande, bien triste, bien désolée.

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Pâques !

Les cloches dans les cieux carillonnent avec allégresse. Ce ne sont plus ces accents pénibles, languissants, comme chargés de brouillard et d’humidité, qui, durant tout le temps du Carême et surtout durant la Semaine Sainte transpercent jusqu’aux os.

Non. En ce jour, les heureuses messagères de la bonne nouvelle, joyeuses, alertes, matinales, entonnent de leurs plus belles voix dans le clocher de la modeste et coquette église du village : « Alléluia ! Alléluia ! le Christ est ressuscité ! Alléluia ! »

Les petits oiseaux, les charmants petits oiseaux encore un peu frileux, se serrant les uns contre les autres, un peu partout, sur les rameaux de chênes, de hêtres, de bouleaux, d’érables, sur les clôtures, sous les rigoles, répètent en chœur : Alléluia ! Alléluia ! et font entendre à la nature ravie et épanouie un concert incomparable, dont le dernier écho se perd dans le cœur des villageois.

Radieux, prenant part à l’allégresse universelle, le soleil vient de surgir derrière une colline hérissée de sapins qui semblent s’embraser. La neige fondante ou glacée, frappée par des rayons de feu se crystallise en étincelant comme des rubis, des diamants, et comme mille et mille pierres précieuses aux teintes opalines. C’est un entrecroisement, une bataille de flèches d’or.

On revient de la messe basse.

Du côté du fleuve, quelques naïfs remontent la grève, en serrant précieusement contre leur poitrine, des bocaux remplis d’eau qu’ils sont allés puiser avant le lever du soleil. Maintenant, les maladies peuvent venir en foule assiéger leurs foyers ; une seule goutte de cette eau miraculeuse les guérira de tous maux.

Baignée dans un flot de lumière, une maison gaillarde, proprette se dessine au premier plan, à quelques pas du temple saint.

Jetons un œil indiscret à travers les carreaux étroits aux rideaux en mousseline bien blanche, retenus en triangle par deux boucles de rubans rose quelque peu fanés.

Le poêle, vieux d’un demi-siècle, ronronne comme un angora qui réchaufferait avec délices ses flancs au soleil du midi, en faisant la sieste sous la tonnelière. Empressée, allant, venant du poêle à la table et de la table au poêle, la mère Marceline coupe, taille, hache, casse, fricasse. Un fumet chatouillant s’échappe de tendres tranches de jambon fumé qui rôtissent en chantonnant dans le fourneau et qui ressemblent à de pittoresques flots à demi noyés dans des lacs aux œufs d’or.

Debout, près de la fenêtre, M. Lefort a suspendu son petit miroir.

— Dis donc, vieille, demande l’époux de la mère Marceline, as-tu de l’eau chaude, je veux me faire la barbe ?

— Eh oui ! mon vieux, et rase-toi, comme il faut, car tu sais que c’est aujourd’hui le jour de Pâques et que chaque année, Monsieur le Curé vient ce jour-là, prendre le dîner avec nous.

Tout à coup, par la minuscule porte circulaire du poêle, une grosse flammèche s’élança avec un bruit sec sur la catalogne recouvrant le plancher.

— Nous allons avoir de la visite, observa madame Lefort.

— Monsieur le Curé, sans doute, répartit monsieur Lefort, en promenant sa savonnette sur sa vieille peau tanée par le soleil et le labeur des champs.

— S’il était ici ! pensa la mère.

Regardant distraitement au dehors, elle poussa un cri, en s’écriant :

— Edem ! Vois !

Le cœur de la mère avait parlé.

— Eh bien ! quoi ? fit le père.

— Ne vois-tu pas qui se dirige de ce côté en compagnie de Régine ?

— Mon Dieu ! s’écria-t-il, en laissant tomber son blaireau.

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Et maintenant, ils n’étaient plus qu’à un arpent de la maison. Se détachant du fond blanc de la route, percé çà et là de ronces printanières, ils formaient un couple ravissant que l’ange de l’amour semblait avoir entouré d’une auréole éblouissante.

Pierre avait appris la grande affection de son père pour Régine. L’ayant rencontrée à son retour de la messe, il l’avait suppliée de l’accompagner chez lui.

Régine avait accepté cette prière comme une faveur.

Pierre frappa.

La mère et le fils se tinrent longtemps étroitement embrassés.

Puis, le jeune homme voulut s’élancer vers son père. Mais, ce dernier, par son silence et sa froideur, tint son fils à distance.

Les deux femmes joignirent leurs mains, levèrent vers lui des yeux suppliants.

Tout à coup, madame Lefort, attirant Régine, l’a fait s’agenouiller avec elle devant le père, et chacune prend une de ses mains tremblantes et froides comme le vent du Nord, et qu’elles arrosent de leurs pleurs.

— Edem, implore la mère, nous t’en supplions, ne te montre pas insensible ! Le Christ est ressuscité, notre enfant nous est ressuscité. Je t’en supplie, pour Régine, pardonne !

Pour Régine !

Pour Régine !

Le père, ouvrant tout grands ses deux bras, s’écrie, tandis que deux larmes de béatitude coulent de ses yeux :

— Mon fils ! embrasse-moi !