Morceaux choisis (Lévy-Bruhl)/Chapitre I

Gallimard (p. 9-27).

CHAPITRE PREMIER

LES LOIS DE LA MENTALITÉ PRIMITIVE

L’Étude comparative des mentalités.

Que les fonctions mentales supérieures doivent être étudiées par la méthode comparative, c’est-à-dire sociologique, ce n’est pas là une idée nouvelle. Auguste Comte l’avait déjà nettement énoncée, dans le Cours de Philosophie positive. Il partageait l’étude de ces fonctions entre la biologie et la sociologie. Sa célèbre formule « il ne faut pas définir l’humanité par l’homme, mais, au contraire, l’homme par l’humanité », veut faire entendre que les plus hautes fonctions mentales restent inintelligibles, tant que l’on étudie seulement l’individu. Pour les comprendre, il faut considérer le développement de l’espèce. Dans la vie mentale de l’homme, tout ce qui n’équivaut pas à une simple réaction de l’organisme aux excitations qu’il reçoit est nécessairement de nature sociale.

(F. M., page 4.)

Types sociaux et types mentaux.

Les séries de faits sociaux sont solidaires les unes des autres, et elles se conditionnent réciproquement. Un type de société défini, qui a ses institutions et ses mœurs propres, aura donc aussi, nécessairement, sa mentalité propre. À des types sociaux différents correspondront des mentalités différentes, d’autant plus que les institutions et les mœurs mêmes ne sont au fond qu’un certain aspect des représentations collectives, que ces représentations, pour ainsi dire, considérées objectivement. On se trouve ainsi conduit à concevoir que l’étude comparative des différents types de sociétés humaines ne se sépare pas de l’étude comparative des représentations collectives et des liaisons de ces représentations qui dominent dans ces sociétés.

Des considérations analogues n’ont-elles pas dû prévaloir chez les naturalistes lorsque, tout en conservant l’idée de l’identité des fonctions essentielles chez tous les êtres vivants, ou du moins chez tous les animaux, ils se sont décidés à admettre des types fondamentaux différents les uns des autres ? Sans doute la nutrition, la respiration, la sécrétion, la reproduction sont des processus qui ne varient pas dans leur fond, quel que soit l’organisme où ils se produisent. Mais ils peuvent se produire sous un ensemble de conditions histologiques, anatomiques, physiologiques, nettement différentes. La biologie générale a fait un grand pas lorsqu’elle a reconnu qu’elle ne devait pas, comme le croyait encore Auguste Comte, chercher dans l’analyse de l’organisme humain de quoi rendre plus intelligible l’organisme de l’éponge. On a cessé désormais d’embarrasser l’étude proprement biologique par des idées préconçues sur la subordination des êtres les uns aux autres, toutes réserves faites sur la possibilité de formes originaires communes, antérieures à la divergence des types.

Pareillement, il y a des caractères communs à toutes les sociétés humaines, par où elles se distinguent des autres sociétés animales : une langue y est parlée, des traditions s’y transmettent, des institutions s’y maintiennent. Par conséquent, les fonctions mentales supérieures y ont partout un fonds qui ne peut pas ne pas être le même. Mais, cela admis, les sociétés humaines, comme les organismes, peuvent présenter des structures profondément différentes les unes des autres et, par suite, des différences correspondantes dans les fonctions mentales supérieures. Il faut donc renoncer à ramener d’avance les opérations mentales à un type unique, quelles que soient les sociétés considérées, et à expliquer toutes les représentations collectives par un mécanisme psychologique et logique toujours le même. S’il est vrai qu’il existe des sociétés humaines qui diffèrent entre elles par leur structure comme les animaux sans vertèbres diffèrent des vertébrés, l’étude comparée des divers types de mentalité collective n’est pas moins indispensable à la science de l’homme que l’anatomie et la physiologie comparées ne le sont à la biologie.

Est-il besoin de dire que cette étude comparée, ainsi conçue dans sa généralité, présente des difficultés actuellement insurmontables ? Dans l’état présent de la sociologie, on ne saurait songer à l’entreprendre. La détermination des types de mentalité est aussi ardue que celle des types de société, et pour les mêmes raisons. Ce que je vais tenter ici, à titre d’essai ou d’introduction, c’est l’étude préalable des lois les plus générales auxquelles obéissent les représentations collectives dans les sociétés inférieures, et plus spécialement dans les sociétés les plus basses que nous connaissions. Je m’efforcerai de constituer, sinon un type, du moins un ensemble de caractères communs à un groupe de types voisins les uns des autres, et de définir ainsi les traits essentiels de la mentalité propre aux sociétés inférieures.

Afin de mieux dégager ces traits, je comparerai cette mentalité à la nôtre, c’est-à-dire à celle des sociétés issues de la civilisation méditerranéenne, où se sont développées la philosophie rationaliste et la science positive. Il y a un avantage évident, pour une première ébauche d’étude comparative, à choisir les deux types mentaux, accessibles à nos investigations, entre lesquels la distance est maxima. C’est entre eux que les différences essentielles seront le mieux marquées, et qu’elles auront, par conséquent, le moins de chances d’échapper à notre attention. En outre, c’est en partant d’eux que l’on pourra le plus aisément aborder ensuite l’étude des formes intermédiaires ou de transition.

(F. M., pages 19-21.)

Traduction, c’est trahison.

Quand les observateurs ont noté les institutions, les mœurs, les croyances qu’ils avaient sous les yeux, ils se sont servis — pouvait-il en être autrement ? — des concepts qui leur paraissaient correspondre à la réalité qu’ils avaient à exprimer. Mais, précisément parce que c’étaient des concepts, entourés de l’atmosphère logique propre à la mentalité européenne, l’expression déformait ce qu’elle prétendait rendre. Traduction équivalait à trahison. Les exemples se présentent en foule. Pour désigner l’être, ou plutôt les êtres invisibles qui constituent, avec son corps, la personnalité du primitif, presque tous les observateurs ont employé le mot « âme ». On sait les confusions et les erreurs qu’a engendrées cet usage d’un concept que les primitifs ne possèdent pas. Toute une théorie, jadis très en faveur, et qui garde encore aujourd’hui nombre de partisans, repose sur le postulat implicite qu’un concept « âme » ou « esprit », semblable au nôtre, existe chez les primitifs. De même pour les expressions « famille », « mariage », « propriété », etc. Les observateurs ont dû s’en servir pour décrire des institutions qui présentaient des analogies, frappantes semblait-il, avec les nôtres. Pourtant, ici encore, une étude attentive montre que les représentations collectives des primitifs n’entrent pas sans se fausser dans le cadre de nos concepts.

Les observateurs appellent couramment du nom de « monnaie » les coquillages dont les indigènes se servent pour leurs échanges, dans certaines régions, en Mélanésie entre autres. Récemment, M. Richard Thurnwald a fait voir que ce Muschelgeld (numéraire en coquillages) ne correspond pas exactement à ce que nous désignons par « monnaie ». Pour nous, il s’agit d’un intermédiaire (métal ou papier, peu importe ici), qui rend possible d’échanger n’importe quoi contre n’importe quoi. C’est un instrument universel d’échange. Mais les Mélanésiens n’ont guère de concept général de cette sorte. Leurs représentations restent plus concrètes. Les indigènes des îles Salomon, comme leurs voisins, emploient des coquillages pour leurs achats, mais toujours avec une spécification bien définie. « Cette monnaie, écrit M. Thurnwald, sert essentiellement à deux fins principales : 1o à se procurer une femme (en mariage) ; 2o à acquérir des alliés pour faire la guerre, et à payer la compensation due pour les morts, que ceux-ci aient été tués par simple meurtre ou dans un combat.

« Nous comprenons par là que la « monnaie » ne sert pas, à proprement parler, à des fins économiques, mais qu’elle est destinée à l’accomplissement de certaines fonctions sociales. »

(M. P., pages 506-507.)

L’illusion animiste.

…La théorie vraisemblable et séduisante, mais peu exacte, selon laquelle, par un usage spontané et inévitable de l’analogie anthropomorphique, les primitifs verraient partout dans la nature des volontés, des esprits, des âmes semblables à la leur.

Sans doute, il faut tenir compte de la masse énorme de faits recueillis et classés par M. Tylor, par M. Frazer, et par leurs disciples et collaborateurs, et leur accorder que, d’après ces faits, rien n’est donné, dans les représentations collectives des primitifs, comme mort, inerte, sans vie. Il est abondamment prouvé que tous les êtres et tous les objets, même inanimés, même inorganiques, même fabriqués par la main de l’homme, sont pensés comme capables d’exercer et de subir les actions les plus variées. Le mineur malais croit que le minerai d’étain se laissera découvrir par certaines personnes et ne se révélera jamais à certaines autres[1] ; et nous avons vu tout ce que signifient pour les Zuñis, d’après Cushing, les moindres détails de la forme donnée aux objets familiers. Mais il ne suit pas de là que le minerai d’étain ni les ustensiles domestiques aient une âme, conçue par analogie avec l’âme humaine. Il est légitime seulement de conclure que les représentations des êtres, des objets et de leurs rapports, pour la mentalité primitive, sont mystiques, et qu’elles sont régies par la loi de participation. Il se peut qu’à un certain stade du développement de cette mentalité les individus d’un groupe social donné tendent à la fois à prendre une conscience plus nette de leur propre personnalité, et à supposer hors d’eux-mêmes, chez les animaux, les arbres, les rochers, etc., ou chez les dieux et les esprits, des personnalités analogues. Mais ni cette représentation, ni cette analogie généralisée ne sont le produit naturellement primitif de cette mentalité.

(F. M., pages 106-107.)

Tout en observant, parfois avec une sagacité surprenante, les mœurs, par exemple, des animaux dont ils se nourrissent, et qu’il faut donc savoir dépister et capturer, ils se préoccuperont surtout de leurs dispositions, et des moyens de se les rendre favorables. De même, à l’égard des espèces végétales, et d’une façon générale, de tous les êtres ou objets de la nature, dont les dispositions peuvent avoir une influence sur leur sort.

La tentation est grande, d’exprimer ces tendances et ces habitudes des primitifs en termes animistes. Ce langage est si commode ! Ils l’adoptent eux-mêmes si volontiers, dès qu’ils sont entrés en contact avec des religions où des esprits, des démons, des divinités, plus ou moins nettement individualisés, sont l’objet d’un culte ! Ils trouvent là des cadres tout faits, où leurs représentations, généralement floues et indistinctes, s’insèrent sans difficulté. Mais en se coulant ainsi dans une forme nettement définie qui leur était étrangère, elles risquent de se dénaturer. À travers la plupart des témoignages dont nous disposons, cette déformation apparaît. Un explorateur de Bornéo, par exemple, écrivait récemment : « Les indigènes de Bornéo ont, en gros, les mêmes représentations fondamentales, malgré toutes les différences de tribu et de race qui les séparent. Selon eux, la nature entière, hommes, bêtes, végétaux, les feuilles sèches sur le sol, l’air, le feu et l’eau, tout est animé, tout peut éprouver plaisir et peine.

« L’indigène de Bornéo évite avec soin, avec un sentiment de délicatesse, d’irriter les âmes des choses. Si la faim le force à mettre la main sur les êtres qui l’entourent, il cherche à les apaiser par des sacrifices… »

Dans ce passage, dont on trouverait l’analogue chez beaucoup d’autres observateurs des sociétés dites primitives, on peut, sans trop de peine, séparer le fait, qui est exact, du schème animiste où l’auteur le fait entrer. Il a constaté, dans toutes les tribus qu’il a visitées, le souci de se concilier la faveur des êtres et des objets à qui l’on a affaire, même de ceux que nous appelons inanimés. Partout on a besoin de les sentir « bien disposés » ; autrement on se croirait en imminence de malheur. Il dit avec raison que ces représentations fondamentales sont communes aux tribus du plus bas degré de l’échelle, et à celles qui ont subi plus ou moins profondément l’influence des Malais ou des Chinois. Mais lorsqu’il leur prête à tous l’idée de « démons et d’esprits qui pensent et sentent comme des êtres humains », cette interprétation animiste de leurs représentations, justifiée dans certains cas par le langage des indigènes eux-mêmes (en admettant qu’ils ne s’expriment pas par complaisance en termes empruntés), ne convient plus en d’autres, où les dispositions des êtres et des objets ne leur apparaissent pas sous cet aspect exclusivement psychique.

(S. N., pages 80-81.)

Les représentations collectives.

Les représentations appelées collectives, à ne les définir qu’en gros et sans approfondir, peuvent se reconnaître aux signes suivants : elles sont communes aux membres d’un groupe social donné ; elles s’y transmettent de génération en génération ; elles s’y imposent aux individus et elles éveillent chez eux, selon les cas, des sentiments de respect, de crainte, d’adoration, etc., pour leurs objets. Elles ne dépendent pas de l’individu pour exister. Non qu’elles impliquent un sujet collectif distinct des individus qui composent le groupe social, mais parce qu’elles se présentent avec des caractères dont on ne peut rendre raison par la seule considération des individus comme tels. C’est ainsi qu’une langue, bien qu’elle n’existe, à proprement parler, que dans l’esprit des individus qui la parlent, n’en est pas moins une réalité sociale indubitable, fondée sur un ensemble de représentations collectives. Car elle s’impose à chacun de ces individus, elle lui préexiste et elle lui survit.

De là sort aussitôt une conséquence fort importante sur laquelle les sociologues ont insisté avec raison, et qui avait échappé aux anthropologistes. Pour comprendre le mécanisme des institutions (surtout dans les sociétés inférieures), il faut d’abord se défaire du préjugé qui consiste à croire que les représentations collectives en général, et celles des sociétés inférieures en particulier, obéissent aux lois de la psychologie fondée sur l’analyse du sujet individuel. Les représentations collectives ont leurs lois propres, qui ne peuvent se découvrir — surtout s’il s’agit de primitifs[2] — par l’étude de l’individu « blanc, adulte et civilisé ». Au contraire, c’est sans doute l’étude des représentations collectives et de leurs liaisons dans les sociétés inférieures qui pourra jeter quelque lumière sur la genèse de nos catégories et de nos principes logiques.

(F. M., pages 1-2.)

Pourquoi les représentations primitives nous paraissent vagues.

D’un certain point de vue, les primitifs sont métaphysiciens. Ils le sont même avec plus de spontanéité et de constance que la plupart d’entre nous. Mais il ne suit pas de là qu’ils le soient comme nous.

Dans nos rapports avec les diverses forces physiques qui agissent sur nous, et dont nous nous sentons dépendre, nous avons l’habitude invétérée de nous reposer, avant tout, sur la connaissance la plus étendue et la plus exacte possible des lois de la nature. « Savoir pour prévoir afin de pouvoir » : nous nous réglons sur cette maxime, sans même y penser, tant nous sommes dressés par notre éducation à mettre notre confiance en la science, et à profiter en toute sécurité des avantages que ses applications nous procurent.

Les habitudes, et par suite l’attitude mentale des primitifs, sont différentes. Rien ne les avertit de l’intérêt qu’ils auraient à essayer de connaître les lois des phénomènes naturels : l’idée même leur en manque. Ce qui s’empare d’abord de leur attention, ce qui l’occupe à peu près exclusivement, dès que quelque chose l’a éveillée, et la retient, c’est la présence et l’action des puissances invisibles, des influences plus ou moins définies qu’ils sentent s’exercer autour d’eux, et sur eux.

Pour se protéger et se défendre, ils possèdent des traditions transmises par les ancêtres. Leur confiance en elles paraît inébranlable. Ils ne cherchent pas plus loin, moins par paresse d’esprit que par respect religieux et par crainte du pire. En pareille matière, plus encore qu’en aucune autre, toute innovation pourrait être dangereuse. Ils n’oseraient s’y risquer. Il ne leur vient pas à l’esprit qu’une connaissance plus complète et plus exacte des conditions où s’exerce l’action des puissances invisibles leur suggérerait peut — être des méthodes de défense plus efficaces.

De là, dans la plupart de ces représentations, un vague qui d’abord déconcerte. Elles obsèdent souvent l’esprit du primitif ; au cours de la journée, elles ne quittent le premier plan de sa conscience que pour y reparaître bientôt. Parfois elles terrorisent ses nuits. Il craint de sortir de sa hutte quand il fait noir. Chaque fois qu’il va entreprendre, soit un voyage, soit une chasse, une guerre, une plantation, un mariage, etc., sa première pensée est pour ces puissances et ces influences, qui le feront réussir ou échouer. Et pourtant, si nous voulons déterminer avec quelque précision comment il se les définit, sous quels traits, avec quels attributs il les voit, en général nous n’y parvenons guère. Ces représentations, telles du moins que nous les saisissons, restent floues, indécises. Il ne semble pas qu’il ressente le besoin de s’en former de plus nettement dessinées.

(S. N., pages XVI-XVII.)

Représentations plus vécues que pensées.

Dans les sociétés du type le plus éloigné du nôtre que nous connaissions, les représentations collectives où s’exprime la mentalité du groupe ne sont pas toujours, à parler rigoureusement, des représentations… À ce stade, il faudrait… parler, plutôt que de représentations collectives, d’états mentaux collectifs, d’une intensité émotionnelle extrême, où la représentation est encore indifférenciée d’avec les mouvements et les actes qui rendent effective pour le groupe la communion où il tend. La participation est si réellement vécue qu’elle n’est pas encore proprement pensée.

On ne sera donc pas étonné que MM. Spencer et Gillen n’aient découvert, par exemple, chez les Australiens qu’ils ont étudiés, « pas la plus légère trace ni indication de quoi que ce soit qu’on puisse décrire comme un culte des ancêtres… », peu de traditions sur l’origine des animaux, peu de mythes, pas d’objets de culte à proprement parler, pas de personnification des forces naturelles ni des espèces animales ou végétales, etc.

(F. M., pages 426-427.)

Talents pratiques des primitifs.

Dans la pratique, les primitifs ont à poursuivre, pour vivre, des fins que nous comprenons sans peine, et nous voyons que, pour les atteindre, ils s’y prennent à peu près comme nous le ferions à leur place. De ce que, dans ces circonstances, ils agissent comme nous, nous sommes tentés de conclure aussitôt, sans plus ample informé, que leurs opérations mentales sont, en général, semblables aux nôtres. Une observation et une analyse plus attentives nous font seules apercevoir les différences.

Les Fonctions mentales dans les sociétés inférieures ont essayé de montrer comment la mentalité primitive, souvent indifférente à la contradiction, est néanmoins très capable de l’éviter, dès que les besoins de l’action l’exigent[3]. De même, des primitifs qui ne prennent aucun intérêt apparent aux liaisons causales les plus évidentes, savent fort bien les utiliser pour se procurer ce qui leur est indispensable, par exemple de la nourriture, ou tel ou tel engin. En fait, il n’existe guère de société si basse où l’on n’ait trouvé quelque invention, quelque procédé d’industrie ou d’art, quelque fabrication à admirer : pirogues, poteries, paniers, tissus, ornements, etc. Les mêmes hommes qui, presque dénués de tout, semblent être situés au bas de l’échelle, obtiendront, dans la production d’un certain objet, des résultats d’une délicatesse et d’une exactitude surprenantes. L’Australien saura tailler le boomerang. Le Boschiman et le Papou se révéleront artistes dans leurs dessins. Le Mélanésien trouvera pour ses pièges à poissons les dispositions les plus ingénieuses, etc.

Les travaux en cours sur la technologie des primitifs nous aideront sans doute efficacement à déterminer les stades du développement de leur mentalité. Dès à présent, et bien que le mécanisme de l’invention, peu connu pour nos sociétés, le soit encore moins pour celles-là, il est permis de formuler une remarque générale. La valeur exceptionnelle de certaines œuvres ou de certains procédés des primitifs, qui contraste si fort avec la grossièreté et le caractère rudimentaire du reste de leur culture, n’est pas le fruit de la réflexion ni du raisonnement. S’il en était ainsi, on ne constaterait pas de telles disparates, et cet outil universel leur aurait rendu le même service plus souvent. C’est une sorte d’intuition qui a conduit leur main, guidée elle-même par une observation aiguë d’objets qui présentaient pour eux un intérêt particulier. Cela suffit pour aller loin. L’agencement délicat d’un ensemble de moyens appropriés à la fin poursuivie n’implique pas nécessairement l’activité réfléchie de l’entendement, ni la possession d’un savoir capable de s’analyser, de se généraliser, et de s’adapter à des cas imprévus. Ce peut être simplement une habileté pratique, formée et développée par l’exercice, conservée par lui, et assez comparable à celle d’un bon joueur de billard qui, sans savoir un mot de géométrie ni de mécanique, sans avoir besoin de réflexion, a acquis l’intuition rapide et sûre du mouvement à exécuter, pour une position donnée des boules.

(M. P., pages 517-518.)

Intelligence au cran d’arrêt.

L’indigène a de chaque plante, de chaque animal qui l’intéresse, une image minutieusement exacte, plus précise dans le détail que celle du meilleur chasseur ou planteur de race blanche.

La richesse même des particularités concrètes dans cette image a pour conséquence une action inhibitrice qui rend malaisé pour l’indigène de passer de l’image spéciale à une idée générale, comme nous le faisons si facilement. Cette différence des opérations mentales se reflète dans le langage… Dans beaucoup de langues primitives, la surabondance luxuriante du vocabulaire, touchant les êtres vivants sur qui l’intérêt des indigènes se concentre, est à la fois le signe que, sur ce domaine au moins, leur pensée est peu conceptuelle, et un obstacle à ce qu’elle le devienne davantage. Ils sont ainsi peu portés à comparer pour classer, et pour substituer aux images spécifiques proprement dites, des idées générales et abstraites, moins riches de détails, mais plus maniables. Admirablement renseignés, de leur point de vue, ils en savent certainement plus sur les plantes et les animaux de leur région, que nos paysans sur la flore et la faune de leur canton. Mais ce savoir reste collé à ses objets particuliers et, par suite, inorganisé, non systématique, fragmentaire. Quand l’Australien se trouve en présence de traces, d’apparences, de signes, qu’il a appris à interpréter, les conclusions qu’il en tire sont en général infaillibles. Mais cette extraordinaire aptitude acquise a sa rançon. Il la paie de l’absence à peu près complète d’idées générales sur lesquelles l’esprit aurait pu exercer son activité et qui, incorporées à la langue sous forme de concepts, seraient devenues le plus précieux des patrimoines pour les générations futures. Sans la merveilleuse adaptation de ces Australiens à leur milieu, il leur aurait été très difficile, peut-être impossible, d’en tirer de quoi vivre. Mais, précisément, parce qu’elle est si exacte, elle a mis leur intelligence, pour ainsi dire, au cran d’arrêt.

(My. P., pages 50-51.)

Puissance de l’émotion.

Un shaman eskimo, Aua, a fait à M. Kn. Rasmussen un intéressant récit de sa propre vie. Il s’est prêté avec autant de dévouement que d’intelligence, à l’effort du célèbre explorateur pour pénétrer jusqu’au fond de la mentalité eskimo. Pour exprimer la prédominance des éléments émotionnels dans les représentations des puissances invisibles, il a trouvé une formule saisissante : « Nous ne croyons pas : nous avons peur ! » Et il la développe dans les termes suivants : « Toutes nos coutumes viennent de la vie et sont tournées vers la vie (répondent à des besoins de la pratique). Nous n’expliquons rien, nous ne croyons rien (point de représentations provenant d’un besoin de connaître ou de comprendre)… Nous craignons l’esprit de la terre qui fait les intempéries, et qu’il nous faut combattre pour arracher notre nourriture à la mer et à la terre. Nous craignons Sila (le dieu de la lune). Nous craignons la disette et la faim dans les froides maisons de neige… Nous craignons Takanakapsaluk, la grande femme qui réside au fond de la mer, et qui règne sur les animaux marins.

« Nous craignons la maladie que nous rencontrons tous les jours tout autour de nous. Nous craignons non pas la mort, mais la souffrance. Nous craignons les esprits malins de la vie, ceux de l’air, de la mer, de la terre, qui peuvent aider de méchants shamans à faire du mal à leurs semblables. Nous craignons les âmes des morts, et celles des animaux que nous avons tués.

« C’est pour cela que nos pères ont hérité de leurs pères toutes les antiques règles de vie qui sont fondées sur l’expérience et la sagesse des générations. Nous ne savons pas le comment, nous ne pouvons pas dire le pourquoi, mais nous observons ces règles afin de vivre à l’abri du malheur. Et nous sommes si ignorants, en dépit de tous nos shamans, que tout ce qui est insolite nous fait peur. Nous craignons ce que nous voyons autour de nous : nous craignons aussi toutes les choses invisibles qui nous entourent également, tout ce dont nous avons entendu parler dans les histoires et les mythes de nos ancêtres. C’est pourquoi nous avons nos coutumes, qui ne sont pas les mêmes que celles des blancs. Les blancs vivent dans un autre pays, et il leur faut d’autres règles de vie. »

(S. N., pages XX-XXI.)

La catégorie affective du surnaturel.

Nos langues, nos grammaires, notre philosophie, notre psychologie, notre logique traditionnelles nous ont habitués à ne considérer la généralité que dans les idées. Elle apparaît dans les opérations qui forment les concepts, les classent et en établissent les rapports. De ce point de vue, l’appréhension et l’appréciation de la généralité appartiennent à l’intellect, et à lui seul. Mais pour une mentalité autrement orientée, qui ne serait pas régie, comme la nôtre, par un idéal aristotélicien, c’est-à-dire conceptuel, et dont les représentations seraient souvent d’une nature essentiellement émotionnelle, la généralité ne résiderait-elle pas ailleurs que dans les idées ? Elle ne serait pas alors proprement « connue », mais plutôt « sentie ». L’élément général ne consisterait pas en un caractère constant, objet de perception intellectuelle, mais plutôt en une coloration, ou, si l’on veut, une tonalité commune à certaines représentations, que le sujet saisirait aussitôt comme leur appartenant à toutes.

Pour désigner à la fois la nature émotionnelle et la généralité de cet élément, d’ailleurs inséparable des autres dans ces représentations, ne pourrait-on dire qu’elles ressortissent à une catégorie affective ? « Catégorie » ne serait pris ici ni au sens aristotélicien ni au sens kantien, mais simplement comme principe d’unité dans l’esprit, pour des représentations qui, tout en différant entre elles par tout ou partie de leur contenu, l’affectent cependant de la même manière. En d’autres termes, quelle que soit la puissance invisible, quelle que soit l’influence surnaturelle dont le primitif soupçonne ou perçoit la présence ou l’action, à peine y est-il attentif qu’une vague émotionnelle, plus ou moins forte, envahit sa conscience ; toutes les représentations de ce genre en sont semblablement imprégnées. Chacune d’elles prend ainsi une tonalité qui replonge aussitôt le sujet dans un état affectif dont il a déjà eu maintes fois l’expérience. Il n’a donc pas besoin d’un acte intellectuel pour le reconnaître. La catégorie affective du surnaturel est entrée en jeu.

Tel est, semble-t-il, le sens profond des témoignages si nombreux où les primitifs nous disent, sous des formes variées : « Le fond de nos idées des puissances invisibles, c’est la crainte qu’elles nous inspirent. » — « Nous ne croyons pas ; nous avons peur. » Ce qu’ils veulent caractériser ainsi, c’est l’élément fondamental et général de leurs représentations relatives aux êtres du monde surnaturel. Cet élément n’est pas lui-même représenté au sens propre du mot ; il est senti, et aussitôt reconnu.

Il y aurait sans doute lieu de rechercher si cette catégorie affective appartient exclusivement à la mentalité primitive, ou si elle ne correspond pas plutôt à une attitude constante de l’homme en présence du surnaturel. Plus facile à discerner chez les primitifs, à cause du rôle si fréquent et si considérable que ces représentations émotionnelles jouent dans leur vie, elle se retrouve aussi, quoique moins apparente, dans les autres sociétés. Là où le mode de pensée conceptuel s’est développé et imposé, les éléments intellectuels ont pris une place de plus en plus importante dans les représentations relatives au monde surnaturel. Une floraison de croyances est apparue alors, et souvent elle a fructifié en dogmes. Mais la catégorie affective du surnaturel subsiste cependant. Le fond émotionnel de ces représentations n’est jamais entièrement éliminé. Recouvert, enveloppé, transformé, il reste toujours reconnaissable. Aucune religion ne l’a ignoré. Initium sapientiæ timor Domini.

(S. N., pages XXXIV-XXXVI.)

La loi de participation.

Ce que nous appelons expérience et consécution de phénomènes ne trouve pas, chez les primitifs, des esprits simplement prêts à les recevoir, et disposés à en subir passivement l’impression. Au contraire, ces esprits sont occupés d’avance par un grand nombre de représentations collectives, en vertu desquelles les objets, quels qu’ils soient, êtres vivants, objets inanimés, ou instruments sortis de la main de l’homme, ne se présentent à eux que chargés de propriétés mystiques. Par suite, indifférents le plus souvent aux rapports objectifs, ces esprits sont surtout attentifs à des liaisons mystiques actuelles ou virtuelles. Ces liaisons préformées ne tirent point leur origine de l’expérience présente, et contre elles l’expérience ne peut rien.

N’essayons donc plus de rendre compte de ces liaisons soit par la faiblesse d’esprit des primitifs, soit par l’association des idées, soit par un usage naïf du principe de causalité, soit par le sophisme post hoc, ergo propter hoc ; bref, de vouloir ramener leur activité mentale à une forme inférieure de la nôtre. Considérons plutôt ces liaisons en elles-mêmes, et cherchons si elles ne dépendent pas d’une loi générale, fondement commun de ces rapports mystiques que la mentalité des primitifs appréhende si souvent entre les êtres et les objets. Or il y a un élément qui ne fait jamais défaut dans ces rapports. Sous des formes et à des degrés divers, tous impliquent une « participation » entre les êtres ou les objets liés dans une représentation collective. C’est pourquoi, faute d’un meilleur terme, j’appellerai loi de participation le principe propre de la mentalité « primitive » qui régit les liaisons et les préliaisons de ces représentations.

Il serait difficile de donner, dès à présent, un énoncé abstrait de cette loi. Pourtant, à défaut d’une formule satisfaisante, on peut tenter une approximation. Je dirais que, dans les représentations collectives de la mentalité primitive, les objets, les êtres, les phénomènes peuvent être, d’une façon incompréhensible pour nous, à la fois eux-mêmes et autre chose qu’eux-mêmes. D’une façon non moins incompréhensible, ils émettent et ils reçoivent des forces, des vertus, des qualités, des actions mystiques, qui se font sentir hors d’eux, sans cesser d’être où elles sont.

En d’autres termes, pour cette mentalité, l’opposition entre l’un et le plusieurs, le même et l’autre, etc., n’impose pas la nécessité d’affirmer l’un des termes si l’on nie l’autre, ou réciproquement. Elle n’a qu’un intérêt secondaire. Parfois, elle est aperçue ; souvent aussi, elle ne l’est pas. Souvent elle s’efface devant une communauté mystique d’essence entre des êtres qui cependant, pour notre pensée, ne sauraient être confondus sans absurdité. Par exemple, « les Trumai (tribu du nord du Brésil) disent qu’ils sont des animaux aquatiques. — Les Bororó (tribu voisine) se vantent d’être des araras (perroquets) rouges. » Cela ne signifie pas seulement qu’après leur mort ils deviennent des araras, ni non plus que les araras sont des Bororó métamorphosés, et doivent être traités comme tels. Il s’agit de bien autre chose. « Les Bororó, dit M. von den Steinen, qui ne voulait pas le croire, mais qui a dû se rendre à leurs affirmations formelles, les Bororó donnent froidement à entendre qu’ils sont actuellement des araras, exactement comme si une chenille disait qu’elle est un papillon[4]. » Ce n’est pas un nom qu’ils se donnent, ce n’est pas une parenté qu’ils proclament. Ce qu’ils veulent faire entendre, c’est une identité essentielle. Qu’ils soient tout à la fois les êtres humains qu’ils sont, et des oiseaux au plumage rouge, M. von den Steinen le juge inconcevable. Mais, pour une mentalité régie par la loi de participation, il n’y a point là de difficulté.

Au point de vue dynamique, de même, la production des êtres et des phénomènes, l’apparition de tel ou tel événement, résultent d’une action mystique qui se communique, sous des conditions mystiques elles-mêmes, d’un objet ou d’un être à un autre. Elles dépendent d’une participation qui est représentée sous des formes très variées : contact, transfert, sympathie, action à distance, etc. Dans un grand nombre de sociétés de type inférieur, l’abondance du gibier, du poisson ou des fruits, la régularité des saisons et celle des pluies, sont liées à l’accomplissement de certaines cérémonies par des personnes déterminées, ou à la présence, à la santé d’une personne sacrée, qui possède une vertu mystique spéciale. Ou bien encore, l’enfant nouveau-né subit le contre-coup de tout ce que fait son père, de ce qu’il mange, etc. L’Indien, à la chasse ou à la guerre, est heureux ou malheureux, selon que sa femme, restée dans son campement, s’abstient ou non de tels ou tels aliments ou de tels ou tels actes. Les relations de ce genre sont innombrables dans les représentations collectives. Ce que nous appelons rapports naturels de causalité entre les événements passe inaperçu, ou n’a qu’une importance minime. Ce sont les participations mystiques qui occupent la première place, et souvent toute la place.

C’est pourquoi la mentalité des primitifs peut être dite prélogique à aussi juste titre que mystique. Ce sont là deux aspects d’une même propriété fondamentale, plutôt que deux caractères distincts. Cette mentalité, si l’on considère plus spécialement le contenu des représentations, sera dite mystique, — et prélogique, si l’on en regarde plutôt les liaisons. Prélogique ne doit pas non plus faire entendre que cette mentalité constitue une sorte de stade antérieur, dans le temps, à l’apparition de la pensée logique. A-t-il jamais existé des groupes d’être humains ou préhumains dont les représentations collectives n’aient pas encore obéi aux lois logiques ? Nous l’ignorons : en tout cas, c’est fort peu vraisemblable. Du moins, la mentalité des sociétés de type inférieur, que j’appelle prélogique, faute d’un nom meilleur, ne présente pas du tout ce caractère. Elle n’est pas antilogique ; elle n’est pas non plus alogique. En l’appelant prélogique, je veux seulement dire qu’elle ne s’astreint pas avant tout, comme notre pensée, à s’abstenir de la contradiction. Elle obéit d’abord à la loi de participation. Ainsi orientée, elle ne se complaît pas gratuitement dans le contradictoire (ce qui la rendrait régulièrement absurde pour nous), mais elle ne songe pas non plus à l’éviter. Elle y est le plus souvent indifférente. De là vient qu’elle est si difficile à suivre.

Ces caractères ne s’appliquent, comme il a été dit, qu’aux représentations collectives et à leurs liaisons. Considéré comme individu, en tant qu’il pense et qu’il agit indépendamment, s’il est possible, de ces représentations collectives, un primitif sentira, jugera, se conduira le plus souvent de la façon que nous attendrions. Les inférences qu’il formera seront justement celles qui nous paraissent raisonnables dans les circonstances données. S’il a abattu deux pièces de gibier, par exemple, et s’il n’en trouve qu’une à ramasser, il se demandera ce que l’autre est devenue, et il la cherchera. Si la pluie le surprend et l’incommode, il se mettra en quête d’un abri. S’il rencontre une bête féroce, il s’ingéniera pour lui échapper, etc. Mais de ce que, dans les occasions de ce genre, les primitifs raisonneront comme nous, de ce qu’ils tiendront une conduite semblable à celle que nous tiendrions (ce que font aussi, dans les cas les plus simples, les plus intelligents des animaux), il ne suit pas que leur activité mentale obéisse toujours aux mêmes lois que la nôtre. En fait, en tant que collective, elle a des lois qui lui sont propres, dont la première et la plus générale est la loi de participation.

(F. M., pages 76-80.)

Pourquoi étudier les primitifs ?

1o Les institutions, les pratiques, les croyances des « primitifs » impliquent une mentalité prélogique et mystique, orientée autrement que la nôtre.

2o Les représentations collectives et les liaisons de ces représentations qui constituent cette mentalité sont régies par la loi de participation, et, comme telles, indifférentes à la loi logique de contradiction.

De là une conséquence que je me suis efforcé de mettre en lumière. Il est vain de prétendre expliquer les institutions, les mœurs, les croyances des primitifs en se fondant sur l’analyse psychologique et logique de l’ « esprit humain », tel que nous le constatons dans notre société. Une interprétation ne sera satisfaisante que si elle prend pour point de départ la mentalité prélogique et mystique d’où dépendent les différentes formes d’activité chez ces primitifs.

Mais ce n’est pas seulement à l’étude des sociétés inférieures que peut servir la connaissance de la mentalité prélogique et mystique. Les types ultérieurs de mentalité dérivent de celui-là. Ils doivent reproduire encore, sous une forme plus ou moins apparente, une partie de ses traits. Pour les comprendre, il est donc nécessaire de se reporter d’abord à ce type relativement « primitif ». Un vaste champ s’ouvre ainsi aux recherches positives sur les fonctions mentales dans les diverses sociétés, et sur notre logique elle-même.

(F. M., pages 425-426.)

  1. Skeat, Malay Magic, p. 25.
  2. Par ce terme, impropre, mais d’un usage presque indispensable, nous entendons simplement désigner les membres des sociétés les plus simples que nous connaissions.
  3. Les Fonctions mentales dans les sociétés inférieures, p. 79.
  4. K. von den Steinen, Unter den Naturvölkern Zentral-Brasiliens, pp. 305-306.