Monsieur le Marquis de Pontanges/Ch. 47

Monsieur le Marquis de Pontanges
Œuvres complètes de Delphine de GirardinHenri PlonTome 2 (p. 431).


XV.

UN QUASI-DUEL.


À six heures du matin, M. de Marny fut réveillé par Melchior Bonnasseau.

— Tu te bats ce matin ? dit celui-ci en entrant.

— Moi ?… répondit Lionel en ouvrant les yeux.

— Hier, j’ai reçu un mot de toi qui me parle d’une affaire. Je ne suis rentré que fort tard, voilà pourquoi je ne suis pas venu plus tôt… mais avec qui te bats-tu ?

— Avec M. Dulac.

— Ferdinand, ton ami !… Quelle idée !… Allons… allons… c’est absurde… Je n’en suis pas. Qu’est-il donc survenu entre vous ?

— J’ai à me plaindre de sa conduite.

— Il est railleur, il est malin, je le sais ; mais, que diable ! vous êtes amis, et l’on ne se coupe pas la gorge avec un ami pour rien.

Lionel était singulièrement embarrassé ; il n’avait plus du tout de colère, et ne trouvait pas un seul mot à dire contre l’homme avec qui il allait ferrailler. Ce qu’il y avait de plaisant, c’est l’effort de M. Bonnasseau pour apaiser la colère que Lionel n’avait pas :

— Calme-toi, mon cher, calme-toi… Songe que s’il arrivait un malheur, tu serais au désespoir. C’est ton ami… depuis trois mois vous ne vous quittez pas… Je vais l’aller trouver… De grâce, attends ici que je revienne ; jure-moi sur ton honneur de ne faire aucune démarche sans moi… Attends, je reviens à l’heure même… Lionel, sois raisonnable ; calme-toi… fais cela pour moi, mon cher… Mais dis-moi quel sujet ?

— C’est mon secret, dit Lionel en feignant un air courroucé.

— Soit ! reprit Melchior ; mais laisse-moi arranger cette affaire… c’est tout ce que je te demande.

M. Bonnasseau sortit… et Lionel, voyant qu’il était six heures un quart, se rendormit.