Michel Lévy frères, libraires éditeurs (p. 235-251).

XVIII

Le soir de ce jour, au lever des premières étoiles, la jeune et belle Agnès se promenait seule sous les arbres de la terrasse, comme une femme qu’une pensée d’amour malheureux condamne à l’isolement.

Le rusé docteur prit l’allure d’un homme qui se laisse conduire par le hasard, et retint un léger cri de surprise en rencontrant Agnès.

— Ah ! pardon, mademoiselle, dit-il, si je vous interromps dans vos rêveries. Dans les ténèbres de ces arbres, on ne reconnaît personne, pas même ceux qu’on aime à rencontrer… Je venais respirer ici un peu de fraîcheur… J’ai laissé M. Lebreton dans la chambre de sa fille… Nous allons au mieux… Cet excellent père est enchanté de causer avec sa chère Louise, et Mlle Rose fait sa partie dans le trio de l’alcôve, avec une joie folle qui lui donne de l’esprit.

— Rose a bien raison d’être joyeuse, dit Agnès ; cette pauvre fille est morte de fatigue. Les malades ont le tort de tuer ceux qui se portent bien.

— Et vous aussi, mademoiselle, reprit le docteur, vous vous êtes dévouée à votre cousine avec un zèle qui vous honore.

— Oh ! docteur, j’ai fait ce que toute autre femme aurait fait à ma place. Les femmes naissent sœurs de charité ou gardes-malades. Elles se dévouent dans les hôpitaux et aux armées, au lit des blessés et des malades ; elles meurent sur le champ de bataille de l’épidémie sans se plaindre ; on n’a pas besoin de leur adresser des proclamations excitantes ou de leur jouer des fanfares belliqueuses pour animer leur courage. Leurs modestes exploits s’accomplissent dans l’ombre, et un sourire du ciel leur tient lieu de médailles d’honneur, de grades et de décorations. Messieurs les hommes, voilà ce qui fait notre infériorité.

— Elle est adorable ! dit le docteur en joignant ses mains et comme en a parte.

— Cette guérison est un bienfait pour tout le monde, reprit Agnès ; elle nous guérit tous, mais elle va bientôt nous affliger d’une absence.

— Je ne comprends pas bien, mademoiselle.

— Vous avez la surdité de la modestie, docteur.

— Du moins je n’ose comprendre.

— Ah ! je vous croyais plus courageux.

— Vous me donnez de la hardiesse, et alors j’essayerai de dire que la convalescence de Mlle Louise et… mes… loisirs me retiendront encore quelques jours dans cette résidence délicieuse, cet Éden de la grande banlieue de Paris.

Un rayon d’étoile perça une éclaircie des arbres et illumina la figure d’Agnès. La joie aurait pu remplacer ce rayon, tant elle parut éclatante et naturelle au regard du docteur.

Le moment conseillait les hardiesses, la volupté courait dans l’air de la nuit ; un parfum de fleurs enivrait les sens ; les harmonies qui descendent des étoiles chantaient l’hymne suave des hyménées illégitimes ; l’ivresse qui vient de la femme bouleversait la raison.

Et l’amour-propre, le plus inexorable des amours, achevait la défaite du docteur.

Agnès marchait lentement, la tête basse comme une victime résignée, qui n’a plus d’autre ressource que la générosité de l’homme. Mais l’homme, placé devant ces faiblesses, n’est jamais généreux : il croit à Don Juan, cet infernal gomorrhéen, ce hideux ennemi des femmes que la comédie honore trop, en nous le présentant comme un moissonneur de rosières ; il croit à tous les airs d’opéra-comique dont on l’a bercé :

Enfant chéri des dames,
Je fus en tout pays
Fort bien avec les femmes,

Mal avec les maris.
 
 

Pourquoi me piquer de constance

Quand je vois de nouveaux appas ?
 
 

J’ai longtemps parcouru le monde,
Et l’on m’a vu de toute part
Courtiser la brune et la blonde,
Aimer, soupirer au hasard ;

et l’homme se laisse facilement emporter par le Charme de ces premières leçons, professées par un ténor léger. Seulement, quand il échoue devant une brune ou une blonde, il ne s’en vante pas, ou quelquefois se venge par la calomnie de l’échec reçu.

— Rentrer à Paris maintenant, reprit le docteur, pour trouver quoi ? un désert. Rentrer dans cette foule, où manque la femme ; dans ce vide, où règne le néant ; dans cette vie fausse, pire que la mort ! non ; un charme divin me retient ici, et je reste. Le bonheur, ce trésor introuvable, je le vois luire dans ces ténèbres, et je ne veux pas m’en éloigner. Une seule fois, on trouve ce que le cœur cherche ; il ne faut pas attendre la seconde qui ne vient jamais.

— Ah monsieur, dit Agnès avec l’ingénuité attachée à son nom : une femme serait heureuse si elle pouvait croire à la sincérité des paroles qui charment son oreille ! si elle pouvait croire que le charme de l’esprit a une source secrète au fond du cœur !

— Mais, mademoiselle, dit le docteur avec ce feu que donne le désir et qui ressemble trop à la flamme sainte de l’amour ; mais, je vous le jure, c’est mon cœur qui parle en ce moment, et qui, par malheur, ne peut avoir d’autre organe que ma bouche ! C’est tout ce que mon âme a de plus pur qui s’exhale vers vous, comme l’encens vers la divinité ! Vous aussi, Agnès, vous êtes l’idéal de mes rêves : vous êtes l’ange de mes visions. Un regard de vous me mettrait sur le trône du monde, un sourire de vos lèvres me ravirait au ciel. Laissez-moi vous dire « je vous aime, » sans me repousser comme profane, et je me croirai digne d’être aimé un jour.

Le docteur tomba aux pieds d’Agnès, prit sa main droite, et la couvrit de baisers.

La jeune fille détourna la tête, comme pour ne pas voir l’énorme faute qu’elle commettait.

Ses yeux infaillibles avaient vu passer une ombre sur la lizière du quinconce, et cette ombre errante portait avec elle son nom.

— Relevez-vous, dit Agnès avec la voix de l’abattement langoureux ; allez rejoindre mon oncle. Votre absence pourrait éveiller des soupçons… Si vous saviez de combien de jaloux je suis entourée… Oh ! vous saurez tout un jour… et vous me plaindrez…

— Et je vous consolerai, adorable Agnès, dit le docteur en se penchant sur la joue de la jeune fille.

Il savoura un baiser qui ne lui fut pas disputé, et marcha d’un pas de conquérant vers la maison.

— Est-il homme ! dit Agnès, à voix basse, en suivant des yeux le docteur avec un sourire de lutin.

Rose, toujours aux aguets dans les grandes occasions, se glissa sous les arbres de la terrasse, et, avant de parler, elle fit un geste de désolation.

Agnès la pressa vivement de parler.

— En voici bien d’un autre ! dit Rose ; nous sommes à la veille d’un autre malheur.

— Qu’y a-t-il donc ? parlez ! demanda Agnès.

— Il y a que M. Octave est fou. Si j’avais pu lui mettre une chaîne au cou, comme à notre chien de garde, je l’aurais renfermé dans la basse-cour… M. Octave veut tuer le docteur.

— Oh : ce n’est que cela ? dit Agnès rassurée ; ce n’est rien : Octave ne tuera personne. C’est moi qui ai mis une chaîne au cou du docteur, et nous ne le craignons plus.

— Mais vous ne comprenez pas alors la folie d’Octave, mademoiselle ?

— Oui, je la comprends. Il redoute encore un mari dans le docteur…

— Vous n’y êtes pas, mademoiselle.

— Eh bien ! expliquez-vous mieux, Rose.

— Ah ! pour le coup, je n’ai pas la langue de M. Octave, moi ; vous croiriez que je vous parle chinois. Il n’y a que lui qui puisse vous expliquer tout cela… Ce que je puis vous dire de plus clair, le voici. M. Octave sait tout ce qui se passe ; il rôde nuit et jour aux environs ; je crois qu’il a des ailes comme un oiseau ou un démon. Vous ne sauriez croire tout ce qu’il devine, en suivant le mouvement de la lumière et des ombres sur les rideaux de la chambre de Mlle Louise ! Il n’en saurait pas davantage s’il était avec nous…

— Mais enfin, interrompit Agnès, que veut-il ?

— Il veut rencontrer le docteur, lui faire une querelle d’Autrichien, se battre avec lui et le tuer.

— Par jalousie ?

— Oui… non… mon Dieu ! je ne sais plus ce que je dis ! je perds aussi la tête, moi !… Mais ces choses n’arrivent que dans les maisons riches ! on vit tranquillement avec les pauvres… On est heureux pour rien dans les chaumières… il n’y a pas de monsieur Auguste chez les paysans… Ce matin, une pauvre paysanne est venue m’offrir des fraises. « Combien ? ai-je dit. — Trente sous. » Votre oncle passait : « Donnez un louis à cette femme… » Je trouve cela charmant de la part de M. Lebreton ; il s’est souvenu que Mlle Louise avait demandé des fraises… Vous dire la joie de cette paysanne est chose impossible ; elle a baisé mes mains, la pièce d’or, la porte ; elle était folle, mais d’une bonne folie ; elle a crié que ce louis assurait son bonheur pour toujours. Ses larmes de joie m’ont fait pleurer… Et nous, nous qui avons des millions, tout notre bonheur consiste à passer pour heureux : et quand nous pleurons, c’est de tristesse ; et quand nous sommes fous, c’est de désespoir !

— Tout cela est très-bien, dit Agnès en trépignant, mais tu oublies…

— Oui, oui, mademoiselle… il faut faire ici acte d’autorité ; celui qui ne craint pas les hommes craint les femmes : M. Octave qui n’a peur de personne aura peur de vous ; il faut que vous lui parliez ferme, et je vais vous le conduire ici. Attendez-moi un instant.

Agnès profita de ce repos pour se recueillir, et se demander si cette réalité fiévreuse n’était pas un rêve sans sommeil.

Octave arriva bientôt comme un fantôme des nuits ; la flamme de ses yeux éclairait sa chevelure en désordre et la pâleur de son visage ; il redevint homme en saluant Agnès avec respect, puis le démon reprit ses droits.

— Vous savez tout, mademoiselle, dit-il d’une voix sourde.

— Je ne sais rien, répondit Agnès.

— Mademoiselle ignore tout, ajouta Rose ; elle sait seulement que vous voulez tuer ce pauvre docteur, rien que cela.

— Oui, dit Octave d’un ton ferme; il me tuera ou je le tuerai. L’un de nous deux est de trop. Je lui ferai un affront sanglant, ce soir encore, ou demain. Je ne vis plus.

— Allons, M. Octave, dit Agnès avec une de ces voix qui adoucissent les bêtes fauves, soyez raisonnable. Vous avez ici des amitiés qui s’intéressent à vous, qui vous sont dévouées par reconnaissance, qui savent de quelle, noble passion vous êtes animé ; et qui, par de bons offices, peuvent vous aplanir tous les obstacles. On vous sert à votre insu, croyez-le bien. Mais n’affligez pas ceux qui vous servent et vous serviront.

— C’est ce que je lui ai dit vingt fois, dit Rose.

— Eh bien ! je dirai à ces excellents cœurs, répondit Octave, à ces amitiés dévouées, que mes bras, mon sang, ma vie, ma reconnaissance sont à elles ; mais que rien ne peut changer ma malheureuse nature, et qu’il m’est impossible de subir plus longtemps, sur cette terre, les tortures de l’enfer.

— Voulez-vous parler des tortures de la jalousie ?

— D’une jalousie absurde, interrompit Octave, d’une jalousie inventée pour moi ou par moi, d’une jalousie qui n’a pas de nom, tout ce que vous voudrez, cela m’est égal ; c’est une chose qui m’étouffe, me glace les lèvres, me brûle le front, me met du fiel sur la langue, m’incendie la racine des cheveux… Tant que ce médecin sera dans cette chambre, je souffrirai ces tortures. Je suis décidé à ne plus souffrir. Je veux tuer ou être tué.

— Mais vraiment, dit Agnès, votre raison est altérée… Ce médecin fait son devoir.

— Oh ! je connais les jeunes médecins !… Voyez, mademoiselle, ne me forcez pas aux explications… Pourquoi n’y a-t-il pas de médecins femmes pour les jeunes femmes ?… Un homme a toute sorte de droit de curiosité sacrilège, sous prétexte de maladie !… C’est révoltant !… la sainte pudeur est violée pour une migraine !… Louise n’avait pas besoin de médecin. L’été guérit tout. Le soleil est le vrai docteur. Cet homme n’a pas le droit de toucher à un cheveu de cette jeune fille. Mon sang brûle et se glace en songeant… Oui, oui, je suis fou, mais je sens que ma folie raisonne juste, et que demain les yeux de cet homme cesseront de voir ce qu’ils auront vu. Alors, la respiration me reviendra au cœur. L’haleine de la vie me manque en plein air !… Il y est ! il y est encore en ce moment ! il y est toujours ! Le spectacle lui plaît ! Oh ! c’est intolérable ! Je vais l’attendre… Mais ne vous effrayez point, mademoiselle ; je respecte la maison ; il n’y aura point de scandale, point de bruit. Tous les matins, il va faire sa promenade au bord de l’eau. C’est là que nous nous rencontrerons, demain. Je l’attendrai toute la nuit.

— Il le fera comme il le dit, murmura Rose.

Agnès comprit que tout raisonnement était inutile, et qu’il fallait venir en aide à cet intraitable désespoir, qui, d’ailleurs, prenait sa source dans une passion surhumaine, mais digne d’intérêt, aux yeux d’une femme surtout.

— Monsieur Octave, dit-elle, voulez-vous m’écouter avec calme, un instant ?

— J’essayerai de vous obéir, dit Octave ; en essuyant la sueur qui ruisselait sur son visage.

— Je ne veux pas discuter avec vous. Je veux vous prouver que je suis votre amie depuis le jour où vous fîtes devant nous un acte de courage. Eh bien ! je vous promets que le docteur partira demain matin pour Paris… Êtes-vous content ?

— Mais le passé ! le passé ! qui l’anéantira, mademoiselle ?

— Ah ! monsieur Octaves, vous en demandez trop. Dieu même ne peut pas anéantir le passé. Votre exigence est exorbitante. Vous abusez de l’amitié.

— Pardon, mademoiselle, pardon, dit Octave d’une voix émue par les larmes. Oui, je conviens que je ne suis pas raisonnable… Excusez-moi… Vous êtes un ange de bonté… Mais ce que vous promettez sera-t-il ?…

— Ayez confiance en moi, interrompit Agnès ; le docteur partira demain.

— Par le premier convoi ?

— Oui.

— Mademoiselle… j’ai besoin de passer une nuit calme… Oh ! je vous en prie, écoutez-moi jusqu’au bout… La fièvre me brûle… et vous pouvez me guérir sans médecin… Il y a deux convois encore avant minuit ; faites-le partir ce soir.

Agnès fit un signe d’impatience, Octave tomba à ses genoux.

— Eh bien ! dit-elle, relevez-vous… il partira ce soir.

Octave prit la main droite d’Agnès et l’inonda de larmes.

— Maintenant, partez, monsieur Octave… Soyez sage, et comptez sur moi… Adieu… à demain, et bonne nuit.

Quand Octave fut éloigné, Rose poussa un soupir et dit :

— Si tous les hommes étaient comme celui-là, le monde entier serait bouleversé… Mais c’est égal, il a des folies adorables. Voilà un homme !

— Rose, dit Agnès, montez à la chambre de Louise ; mon oncle vous demandera : Où est Agnès ? vous répondrez négligemment : Mlle Agnès est triste ce soir ; elle se promène sur la terrasse… et vous ferez en sorte que le docteur puisse bien entendre ces derniers mots.

— Je comprends, dit Rose.

— Et elle s’éloigna lentement. Agnès se recueillit, selon son usage, pour méditer sur la scène inévitable qu’elle préparait.

Dix minutes écoulées, une silhouette noire se dessina sur les murs de la maison, et un homme entra dans le quinconce, avec cette allure indécise qui veut tromper sur l’intention.

Agnès vit l’ombre du docteur, et donna tout de suite à sa promenade un mouvement précipité. Son bras droit agitait un mouchoir, et le frôlement de sa robe annonçait une émotion intérieure arrivée au paroxysme. En apercevant le docteur à trois pas, elle retint un cri, comme une comédienne émérite, et ralentit sa marche subitement, comme si elle eût été honteuse d’être surprise dans un mouvement irrégulier.

— Je ne croyais pas avoir le bonheur de vous revoir aujourd’hui, dit le docteur ; le hasard m’a favorisé… Ai-je eu tort en vous abordant ?… Vous ne daignez pas me répondre ?… Vous aurais-je offensée à mon insu ?… Oh ! je vous en conjure, belle Agnès, répondez-moi.

Agnès avait repris sa marche précipitée, et le docteur l’accompagnait du même pas.

— Oh ! les hommes ! les hommes ! dit-elle en portant son mouchoir à ses lèvres comme pour le déchirer.

— Vous avez à vous plaindre de moi, demanda le docteur d’un ton suppliant.

Ô douleur non encore éprouvée ! reprit Agnès avec un accent tragique.

Le docteur se frappa le front, en entendant cette citation de Phèdre, et reconnut la jalousie.

— Elle est jalouse de sa cousine ! dit-il mentalement.

— Docteur, reprit Agnès, ai-je quelque pouvoir sur votre volonté ?

— Un pouvoir souverain, ma belle Agnès.

— Me jurez-vous de m’obéir ?

— Je le jure, à vos pieds divins.

— Sur l’honneur ?

— Sur l’honneur, et sur ma tête.

— Eh bien ! partez pour Paris, tout de suite ; je ne veux plus que vous remontiez… à… vous savez où !

— En voilà de l’amour ! pensa le docteur.

— Vous hésitez, monsieur ? dit Agnès d’un ton de reine absolue.

— Et que ferai-je ensuite, ma belle Agnès ?

— Vous m’écrirez demain, pour me prouver que vous m’avez obéi.

— Ah ! j’aurai le bonheur de vous écrire… et ensuite ?

— Vous attendrez… Bientôt les nouvelles vous arriveront.

— Mais, Agnès…

— Point de mais ; vous avez juré de m’obéir.

— Cependant, je dois expliquer la brusquerie de ce départ aux yeux de M. Lebreton.

— Rien n’est plus aisé… Mais pas dans la chambre de… Mlle Louise… Vous direz à mon oncle qu’une dépêche vous arrive, impérieuse comme le télégraphe, et qu’un de vos illustres clients est en danger de mort. Dites que c’est un ministre, ou un général.

— Et vous m’autorisez à vous écrire demain ?

— Je l’exige. Votre obéissance m’indiquera le degré d’estime qu’il faut vous accorder… Hâtez-vous… on sonnera bientôt à la station.

— Et je vous quitte en ami ? demanda le docteur en se penchant une seconde fois sur le visage d’Agnès.

— En ami obéissant, répondit Agnès, en présentant sa joue, et en la retirant tout de suite, comme elle eût fait devant un tison.

Le docteur se résigna et sortit du quinconce, en se disant à lui-même :

— C’est une lubie, un accès de jalousie qui durera trois jours. Quelle, passion !… C’est Vénus tout entière

Au moment où l’avant-dernier convoi donnait le signal du départ, Octave, voilé par un arbre, ressuscitait de joie, en voyant le docteur monter en wagon. Un plan de jeune femme n’a jamais échoué.