Victor Retaux (p. 269-297).

XI

LA TERRE PROMISE

RABAO

I

Le voilà donc en Papouasie, le cher apôtre ! À sa mère, à son frère, à tous, et sur tous les tons, il redit, il chante son bonheur : « Aimé soit partout le Sacré Cœur ! Vive Jésus ! Je suis en Nouvelle-Guinée[1] ! » — « Me voici au milieu d’une île complètement sauvage. Autour de moi des noirs, des noirs, et toujours des noirs. De grandes forêts vierges ; des vallées ; des montagnes… La grande mer sous mes yeux. Le bon Dieu partout. Cela me suffit. Je suis heureux. Je suis heureux d’être dénué de tout et complètement entre les mains de Dieu. Je suis heureux dans ma pauvre cabane. Mon seul regret est de n’avoir pas encore le Saint Sacrement dans le beau tabernacle que je tiens d’une main si chère, de la main de mon bien-aimé frère. Si les sauvages, ce soir, voulaient me manger, ils pourraient facilement se payer ce plaisir qui en serait un plus grand pour moi que pour eux. Mais sur nous, Missionnaires, le bon Dieu veille[2]. »

Nous avons dit que la journée du 2 juillet fut employée à faire une cabane ; bien primitive, assurément ; toute en paille. Une cabane : le mot n’est-il pas ambitieux ? C’en était plutôt, comme dit le P. Verjus, le toit posé à terre. « L’air et la plaie y sont comme chez eux. » De même les moustiques. Impossible de dormir. On se lève. On fait du feu. Les moustiques se moquent du feu et de la fumée. Vive Jésus quand même ! Dans quelques jours on bâtira, en de bonnes conditions, une vraie maison. En attendant, le Père trace à la plume le dessin de sa cabane, et il la décrit en ces termes, dans une lettre à sa mère : « L’intérieur est divisé en deux chambres. Je suis dans la première. Vous voyez ma table à écrire. C’est le fond d’une caisse mis sur quatre jambes de bois. Derrière la table, se trouve mon petit autel. Là, tous les matins avec mon bon Jésus, je demande force et courage pour la journée et des grâces abondantes pour ma chère maman et toute ma bien-aimée famille. Que de fois déjà vos chers noms ont été prononcés à mon Jésus dans notre petite cabane ! Souvent, quand je suis seul et que mes deux Frères sont allés travailler, je me tourne vers mon crucifix et je lui parle de vous : « Mon cher Jésus, lui dis-je, c’est pour vous que « j’ai quitté ma chère maman, mon cher frère, tous mes « parents et amis ; ayez soin d’eux vous-même. » Et, j’en suis sûr, il ne vous oubliera pas, le Dieu bon, et vous êtes bien entre ses divines mains[3] ! »

Le 7 juillet, le bateau qui avait amené les trois Missionnaires s’en retourne. Quelques coups de fusil sur le Gordon, auxquels les Frères répondent du haut de la colline ; le salut du drapeau que fait le P. Verjus avec la bannière du Sacré Cœur, et, les voilà seuls en Nouvelle-Guinée… « Seuls ! écrit le Père dans son Journal, je me trompe : nous avons le bon Dieu avec nous et nos saints anges gardiens. Je suis heureux, d’ailleurs, de cette solitude qui se fait autour de nous. Nous étions presque attachés à ce bateau, dernier vestige de la civilisation. Nous voici maintenant séparés de tout. Mon bon Maître, je suis heureux de me sentir entre vos mains[4]. »

Quand ils ne virent plus le voilier, leur premier soin fut de s’agenouiller devant le petit autel et de renouveler leur acte de consécration au Cœur de Jésus et à Notre-Dame du Sacré-Cœur ; puis, le Père célébra la messe en actions de grâces. « Mes bons Frères coadjuteurs, écrivit plus tard l’intrépide Missionnaire, n’en pouvaient croire leurs yeux. Ils me regardaient, ébahis, comme pour me dire : Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/287 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/288 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/289 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/290 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/291 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/292 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/293 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/294 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/295 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/296 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/297 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/298 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/299 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/300 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/301 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/302 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/303 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/304 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/305 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/306 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/307 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/308 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/309 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/310 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/311 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/312 Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/313

  1. Journal, 4 juillet.
  2. Lettre à son frère, 12 juillet.
  3. 10 juillet.
  4. Journal, 7 juillet.