Monde/14
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La Divinité. La Finalité
La religion est le culte rendu à la divinité. L’instinct religieux est commun à toutes les races humaines. On l’a signalé, dans sa forme élémentaire, chez les peuples les plus sauvages, les plus voisins de la vie animale. Il ne s’affaiblit, ne s’atrophie ou même ne disparaît complètement que dans le temps d’extrême civilisation et encore chez un nombre restreint d’individus. La préoccupation du surnaturel et du divin est donc une des tendances les plus universelles et les plus constantes de l’humanité ; à travers ses transformations, une préoccupation éternelle : les problèmes religieux. Ils ont fait l’objet d’exposés, de discussions, d écrits innombrables. Ils demeurent aussi au centre des problèmes généraux puisque la solution qu’on leur donne détermine dans un sens ou dans l’autre des chaînes de conséquence.
Le problème religieux se pose ainsi : 1o y a-t-il un au delà (cause intelligente) ? 2o Cet au delà se manifeste-t-il à l’homme, intervient-il réellement dans la vie et le destin ? 3o Que faut-il faire pour se le rendre favorable (rapport avec l’au delà) ? 4o L’âme existe-t-elle comme principe spirituel distinct du corps et doué d’immortalité, l’homme est-il libre ? Y a-t-il par elle une survie, une possibilité de mériter et démériter un état ultérieur, paradis, purgatoire, enfer ?
La religion donne lieu à un grand nombre de questions qui touchent à la vie internationale.
Être nécessaire et infini. — Le grand Tout. Le grand Mystère. Le grand à Côté. — Dieu est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part. (Pascal.) — Dieu est le soleil unique dont le rayonnement immortel soutient les existences. — Dieu est une substance universelle contenant dans son indivisible essence des termes de relation réellement distincts entre eux. (Lacordaire.) — On comprend Dieu facilement pourvu qu’on ne se contraigne pas à le définir. (Joubert.) — Dieu est à la fois intelligible et incompréhensible. (J. Simon.)
Il a été donné les définitions et caractérisations suivantes :
Dieu. — Etre ne procédant que de lui-même ou ne procédant de rien, ayant toujours existé et agi, cause de toute existence, âme et providence de l’Univers, de l’ordre, de la beauté ; l’harmonie du monde matériel implique un plan, un dessin divin.
La Nature. — Totalité absolue de ce qui existe ; toute puissante, active, sage et bonne ; qui ne procède que d’elle-même, qui a toujours été, qui est à elle-même sa propre cause, son intelligence et sa providence. Le plan, le dessin d’où sortent l’ordre, la beauté et l’harmonie existent, mais ils sont de l’essence de la nature elle-même. Ceux qui définissent ainsi la Nature, admettent les attributions de Dieu et leur réalité, mais changent le nom de l’être qui les posent : ils l’appellent Nature au lieu de l’appeler Dieu. Pour eux, la question de nom importe peu ; ce qui importe c’est la réalité des qualités que nous concentrons en Dieu. Ces qualités existent-elles ? Voilà le problème. Si elles existent, peu importe que leur source soit appelée Nature, Ciel, Univers, Matière, Esprit, Dieu, Theos, Zeus, Alfader, Allah ou tout autre nom, chacun de ces noms implique l’existence d’un être ayant réalité et puissance, d’un « Ens » auquel il s’applique.
L’athéisme lui, est la négation de l’existence de rien qui ressemble à Dieu, de quelque façon qu’on se l’imagine. Il nie qu’il y ait dans l’Univers intelligence aucune, qu’il y ait ni ordre, beauté et harmonie. Il y a des chances, des risques, du hasard, providence, liberté et volonté, perfectibilité, bien et mal.
Le panthéisme moral de Mathew Arnold est une tentative pour épurer le christianisme de son irrationnalité : les formules auxquelles aboutit sa critique reconstruisent sur les ruines du dogme traditionnel, une sorte de panthéisme moral, ou effort de réalisation bonne que contient l’univers et le cœur de l’homme, devient la substance même de la divinité.
Pour le panthéisme naturaliste et idéaliste de Georges Meredith, des lois cosmiques embrassées par la pensée, du contact avec la terre maternelle, nourricière des saines énergies et de la culture, large de ce qui est le plus humain en nous, émane une influence ennoblissante qui rayonne jusqu’à nous la volonté.
« Ce serait fausser le concept de religion, a écrit Ad. Ferrière, que de lui donner un contenu intellectualiste. Le terme « Raison… dynamique » (universelle sous jacente à toute l’évolution qualitative de l’Humanité) ne doit pas faire illusion. L’esprit est sentiment, raison, intuition et volonté. Projetées en Dieu, ces facultés se retrouveront toutes conçues dans leur quintessence qualitative : Amour, Raison, Justice divine. D’ailleurs c’est en soi que l’homme doit regarder s’il souffre d’une lacune ou d’un déséquilibre. On a trop vu des natures partielles donner un contenu partiel à leur religion. Ecartons donc les conceptions unilatérales.
Non, pas de religion de l’intelligence seule : elle serait froide. Pas de religion du cœur seul : ce serait un mysticisme vide. Pas de religion de l’diction seule, du fragmentarisme qui nierait l’unité de la Raison divine et ne connaîtrait ni le recueillement, ni l’extase, ni simplement le besoin de consolation, serait unilatéral lui aussi.
Non, pas de religion fragmentaire : de « rationalisme » exclusif, rien qui divise les hommes, rien qui sépare la raison du cœur, ni le cœur de la volonté. Mais tout cela ensemble, une vie selon l’amour, une vie selon l’esprit. L’oubli de soi dans l’œuvre divine. »
Et Ferrière ajoute : L’antique conflit entre les hommes de science et les hommes religieux apparaît, à l’altitude à laquelle nous sommes parvenus, comme un combat de pygmées.
La religion est pour le croyant ce qui forme la quintessence concentrée de toutes les valeurs spirituelles de sa vie affective et active. Pour l’homme de science, elle est l’ensemble des croyances, des rites, ds superstitions et des pratiques extérieures des religions constituées.
La science est pour le croyant l’ensemble des résultats de la méthode scientifique dans sa recherche des lois de la matière ou des lois de la vie envisagée sous l’angle de la matière. D’où le dégoût quand il voit adorer la science comme on adorait jadis la déesse Raison. Pour l’homme de science, la science incarne tout ce que l’homme porte en soi de plus élevé. Méthode objective pour rechercher la vérité, école de sincérité vis-à-vis des choses du monde social et de soi-même. La science est aussi ce qui motive la solidarité humaine, ce qui pousse à l’altruisme, ce qui doit conduire avec le moins de temps et d’efforts perdus vers la Cité de Justice et d’amour de l’avenir, vers lequel vont les aspirations des hommes.
Calidasa donna cette définition :
« Infini, tu es le monde fini : il n’est rien dont tu n’aies besoin et tout ce que l’on désire vient de toi. Tu connais tout et tu es inconnu, tu es la cause de tous les êtres, et tu es l’être existant par toi-même ; tu es le maître de tout et tu n’as point de maître ; tu es un et tu fais partie de toutes les formes. La terre et les cieux qui t’environnent, c’est là de la grandeur, ce qui est exposé aux yeux, mais aucune limite ne peut la circonscrire ! Quel langage tenir sur toi, absolue perfection, en s’appuyant même sur les raisonnements des plus saintes autorités ? Si la voix se tait quand elle a célébré ta grandeur, c’est par lassitude ou faiblesse, non qu’elle soit arrivée au nombre fixe de tes qualités. »
Lamartine a ainsi défini Dieu.
Cet astre universel, sans déclin, sans aurore,
C’est Dieu, c’est ce grand tout qui soi-même s’adore.
Il est, tout est en lui : l’immensité, le temps,
De son être infini sont les purs éléments,
L’espace est son séjour, l’éternité son âge,
Le jour est son regard, le monde est son image.
Tout l’univers subsiste à l’ombre de sa main :
L’être à flots éternels découlant de son sein,
Comme un fleuve nourri par une source immense,
S’en échappe et revient finir où tout commence.
Sans borne comme lui, ses ouvrages parfaits
Bénissent en naissant la main qui les a faits.
Voilà, voilà le Dieu que tout esprit adore,
Qu’Abraham a servi, que rêvait Pythagore,
Que Socrate annonçait, qu’entrevoyait Platon,
Ce Dieu que l’Univers explique à la raison,
Que la Justice attend, que l’infortune espère,
Et que le Christ enfin vint montrer à la Terre.
On pense, non sans mélancolie et effroi, aux angoisses et au désespoir de Pascal : « Je ne sais qui m’a mis au monde, ni ce que c’est que le monde, ni que moi-même, je suis dans une ignorance terrible de toutes choses. Je ne sais ce que c’est que mon corps, que mes sens, que mon âme ; et cette partie même de moi qui pense ce que je dis, et qui fait réflexion sur tout et sur elle-même, ne se connaît non plus que le reste. Je vois ces effroyables espaces de l’Univers qui m’enferment, et je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue sans savoir pourquoi je suis plutôt placé en ce lieu qu’en un autre, ni pourquoi ce peu de temps qui m’est donné à vivre m’est assigné à ce point plutôt qu’à un autre de toute l’Éternité qui m’a précédé et de toute celle qui me suit. Je ne vois que des infinités de toutes parts qui m’engloutissent comme un atome et comme une ombre qui ne dure qu’un instant sans retour. Tout ce que je connais, c’est que je dois bientôt mourir, mais ce que j’ignore le plus c’est cette mort même que je ne saurais éviter ! »
Dieu existe-t-il ? Le Déiste et l’apologiste alignent les preuves ; on les contrebat. Preuve théologique : Dieu prouvé par le spectacle de la magnifique ordonnance du monde — mais le monde est désordre. Preuve cosmologique : la considération d’une chaîne logique qui lierait l’univers contingent au créateur nécessaire — mais pour la nature même l’idée de loi causale a fait place à une conception statistique de la loi. Preuve ontologique qui déduirait de l’idée et de la définition géométrique de Dieu la nécessité même de son existence ; mais l’intelligence humaine n’est pas liée à l’absolu.
Les philosophes de l’expérience religieuse et maintenant Bergson (les Deux Sources), quittent Platon, Aristote, les Thomistes et Descartes. Ils ne se soucient d’un Dieu purement abstrait, moteur immobile, pensée qui se pense elle-même, en soi enfermée, et n’agissant que par l’attrait de sa perfection. Le commun des hommes demeure étranger à un tel Dieu qui est un produit de l’intelligence humaine, une réfraction dans l’esprit des illusions et des erreurs logiques que produit et entretient le langage. Les hommes qui souffrent et prient veulent un Dieu vivant. Or, la biologie permet de conclure à la conception d’un élan vital et d’une évolution créatrice. D’autre part, l’expérience du mystique, irréfragable, n’est autre que la participation même de l’âme à cet élan, principe de toute créature et de toute chose. Et l’élan vital, c’est Dieu même.
Un saint Paul, une sainte Thérèse, une sainte Catherine de Sienne, un saint François, une Jeanne d’Arc et tant d’autres ont été des mystiques moins engagés dans l’action : discernement prophétique du possible et de l’impossible, esprit de simplicité qui triomphe des complications, bon sens supérieur. Il y a chez le mystique un bouleversement qui remue l’âme jusqu’au fond, en vue de lui procurer le bienfait d’un nouvel équilibre, fait à l’image de l’harmonie divine.
L’homme a dit : « Je voudrais ceci, j’aspire après cela. Je figure combien serait beau et bien que… ». L’homme a ainsi créé son Dieu. Mais c’est illusoire, ont commencé à dire certains. Il a répondu : « Que j’aie ce désir et cette aspiration, cette possibilité de figuration, est la preuve que son objet, Dieu et ses corollaires, existent ; que cet objet n’existe pas encore et il est dans ma nature de ne pouvoir vivre, supporter la vie, qui est couronnée, auréolée par l’idéal. » Et l’homme croyant, incroyant ou hésitant, continue avec ou sans employer le nom de Dieu, de modeler la Sainte Image.
Dieu, dit la Théologie, par la création produit tout comme une manifestation de sa puissance, de sa bonté, de son amour infini, comme une manifestation extérieure de sa vie éternelle au sens de la Très Sainte Trinité, pour la gloire des trois Divines Personnes et ensuite pour le bonheur des créatures qu’il a faites, afin qu’elles trouvent dans la collaboration au plan divin de quoi épanouir leur vie terrestre en attendant le salaire à l’éternelle béatitude. Le psaume du « Veni Sancte Spiritu » est une hymne à la création divine : « Emitte Spirituum tuum et creabuntur ». Envoyez votre Esprit et tout sera créé et la face de la terre sera renouvelée.
On peut diviser les religions en deux grandes classes : le Monothéisme, qui n’admet qu’un seul Dieu ; le Polythéisme, qui admet l’existence de plusieurs dieux.
A. — Les principales religions Monothéistes sont :
1° Le Christianisme, qui est la religion de ceux qui croient à la rédemption du monde par Jésus-Christ. Il se divise en trois grandes branches : a) l’Église catholique, apostolique et romaine, qui a le Pape pour chef et le reconnaît comme le représentant de Jésus-Christ sur la terre ; b) l’Église grecque ou orientale, qui reconnaît pour chef nominal le patriarche de Constantinople et pour chef réel le souverain de chacun des États où elle existe ; c) l’Église protestante, qui a pris naissance au XVIe siècle en refusant de reconnaître la suprématie du Pape et qui ne reconnaît pas de chef unique ; elle se subdivise aujourd’hui en un grand nombre de sectes dont les trois principales sont : le Luthéranisme, le Calvinisme et l’Anglicanisme.
2° Le Judaïsme ou religion des Juifs, qui ne reconnaît pas Jésus-Christ pour le Messie et se base sur l’autorité de l’Ancien Testament ou d’un recueil appelé Talmud.
3° Le Mahométisme ou Islamisme, qui est la religion fondée au VIIe siècle chez les Arabes par Mahomet, et a pour livre sacré le Coran.
B. — Les principales religions Polythéistes sont :
1° Le Fétichisme ou l’adoration d’objets animés ou inanimés ; il ne règne que chez les peuples sauvages.
2° Le Sabéisme ou l’adoration des corps célestes.
3° Le Brahamisme ou l’adoration des forces de la nature personnifiées dans une idole appelée Brahma.
Il y a aussi le Boudhisme.
La statistique des religions est indiquée par les chiffres suivants, avant la guerre et les récentes révolutions : christianisme 555 millions d’adhérents ; culte des ancêtres, 269 ; brahmanisme ou hindouisme, 217 ; islam ou mahométisme, 214 ; bouddhisme, 193 ; taoïsme, 103 ; shintoïsme, 17 ; judaïsme, 8 ; sikkisme et jaïnisme 3,5 ; parsisme 0,1 ; polythéisme, 122. En Europe on comptait 198 millions de catholiques ou 43.7 % de la population, 108 millions de protestants ou 24 %, 122 millions de Grecs orthodoxes ou 27 %.
Après la chute de l’empire romain est née la première grande institution vraiment et foncièrement internationale : l’Église catholique universelle. Le christianisme fut chose mondiale. Et ce caractère d’une religion qui, la première, cessait d’être, comme toutes les autres, religion nationale, pour embrasser tous les peuples, barbares et romains, connus et inconnus, présents et à venir, frappa tellement l’esprit public que ce fut par là qu’on désigna la nouvelle religion. On lui donna le nom de catholique, c’est-à-dire plus qu’internationale : universelle.
Les Églises séparées d’Orient comprennent l’Église grecque, l’Église copte, l’Église arménienne et les Églises nestoriennes. L’Église grecque est formée des communautés chrétiennes qui ont rompu tout lien avec l’Église catholique au XIe siècle.
Avant 1914, le sultan de Stamboul (Padischah, commandeur des croyants) tirait son caractère sacré de ses fonctions de calife. Il fut considéré comme successeur de Mahomet, protecteur de l’Islam. Les liens entre le chef de la Turquie et le Khalifat ayant été dissous, le Khalife est désormais un simple chef spirituel dont l’action est considérablement réduite.
L’hypothèse que toutes les religions procèdent d’une source commune, émise par Emile Burnouf, n’a pas trouvé confirmation.
Dans l’antiquité, chez les peuples barbares, en Orient, en Grèce, à Rome, chaque peuple, chaque tribu, chaque famille, chaque ville et chaque localité avait ses cultes particuliers et souvent ses sacerdoces héréditaires, qui se recrutaient dans des castes ou familles sacerdotales. C’est seulement vers la fin du monde antique qu’on vit se confondre peu à peu dans un vaste syncrétisme les cultes des divers dieux et des divers peuples.
De toutes les religions antiques une seule était résolument monothéiste : le judaïsme, religion d’un petit peuple d’Asie, qui se disait « le peuple élu » de Dieu, et qui allait imposer à tout le monde civilisé le respect de son livre saint, la Bible. Tout à coup, sous l’action et la parole du Christ, par l’enseignement des apôtres et des Pères de l’Église, naquit le christianisme, qui répandit à travers le monde, avec la conception d’un Dieu unique en trois personnes, les idées nouvelles et fécondes de charité, de fraternité universelle.
Dès lors, sauf chez les peuples sauvages, sauf dans l’Inde et dans l’Extrême-Orient, toutes les religions seront monothéistes et auront la prétention d’être universelles. Avec Constantin le christianisme finit par l’emporter. Au XIIe siècle, le mahométisme le déposséda d’une partie de ses conquêtes. Au XIe siècle, l’Église grecque et orthodoxe se sépara définitivement de l’Église romaine ou catholique. Au début du XVIe siècle le protestantisme et la Réforme (Luther, Calvin) détachèrent de l’Église romaine des millions de catholiques, origine des sectes protestantes qui couvrent aujourd’hui la plus grande partie de l’Allemagne, de l’Angleterre, des pays Scandinaves, de l’Amérique du Nord, de l’Australie et de l’Afrique du Sud.
Malgré la grande diversité des religions aujourd’hui le seul Dieu que reconnaissent les grandes religions ce n’est pas le Dieu de telle cité ou de tel État, c’est le Dieu du genre humain, c’est Dieu le Père, législateur et gardien d’une morale qui a pour objet l’humanité entière.
La question de l’unité des Églises, de l’unité de la foi chrétienne demeure toujours dans les préoccupations de l’Église catholique. Elle n’a jamais perdu l’espoir de rallier à elle, avec le temps, les dissidences israélites, protestantes, et autres religions «purement extérieures». Elle considère ces dissidences comme des incidents du temps, et elle reste dans le temps avec toute la sérénité désirable. Des projets ont existé pour le rapprochement entre l’orthodoxie russe et le catholicisme romain.
Il existe un mouvement en faveur de l’unité des Églises protestantes.
La divergence et même le choc des idées est un ferment de progrès, aussi bien sur le terrain religieux que dans les autres domaines de l’activité mentale. Cependant des esprits ont admis qu’une certaine unité religieuse est hautement désirable devant la déperdition de forces qu’entraîne la concurrence des religions entre elles, sans parler des ruines, des haines, des injustices, des persécutions qui ont affligé le genre humain. Trois moyens permettent d’arriver à la formation d’une religion universelle : 1° l’extension illimitée d’une des religions existantes ; 2° leur disparition au profit d’une entièrement nouvelle ; 3° leur fusion en une synthèse qui emprunterait les meilleurs éléments de chacune en laissant tomber le reste. Un grand pas serait fait vers l’unification si toutes les sectes pouvaient admettre sans restriction les quatre principes suivants : a) que le service de l’humanité est un devoir envers la divinité, quelle que soit l’opinion qu’on se fasse de celle-ci ; b) que là réside le devoir religieux par excellence ; c) qu’il suffit de l’accomplir sincèrement pour assurer son salut dans toutes les églises et même en dehors d’elles ; d) que chacun reste libre d’y ajouter telle croyance et telles pratiques qui lui conviennent, pourvu qu’elles n’en contredisent pas les obligations morales et sociales.
À côté de tous ces mouvements religieux, parallèlement à eux, s’effectue le grand mouvement de rationalisation, de laïcisation, d’irréligion.
Les gouvernements primitifs sont presque tous théocrates. En Grèce et à Rome les tendances temporelles prédominent. La religion qui avait enfanté l’État, et l’État qui entretenait la religion, se soutenaient l’un l’autre et ne faisaient qu’un. Ces deux puissances, associées et confondues, formaient une puissance presque surhumaine à laquelle l’âme et le corps étaient également asservis (Fustel de Coulanges). L’avènement du catholicisme entraîne la division du pouvoir temporel d’avec le pouvoir spirituel. Mais non sans que des luttes ardentes soient intervenues pour mettre les choses au point. Toute la théorie de l’Église catholique sur l’étendue de la puissance ecclésiastique se formule à l’occasion de la querelle des investitures. Actuellement les États chrétiens proclament l’autonomie du pouvoir civil et garantissent la liberté de conscience, bien que certains d’entre eux se soient subordonnés l’Église. De véritables théocraties subsistaient aussi à la veille de la guerre mondiale : les empires mahométans.
La religion catholique a eu deux sortes de luttes à supporter : l’antichristianisme ou guerre dans les doctrines ; l’anticléricalisme ou guerre à l’Église, surtout dans les actes officiels et les lois.
En France, la première a son libre cours sous le second empire ; la seconde se déchaîna sous la troisième république, depuis le jour (4 mai 1877) où Gambetta prononça cette parole fameuse : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! » Les étapes de la laïcisation selon le rapport à la Chambre de Paul Bert, devaient être la séparation de l’Église et de l’État ; la dénonciation du Concordat, la sécularisation des biens du clergé, séculier et régulier, la laïcisation de l’enseignement, la suppression des congrégations. Les soutiens de l’anticléricalisme devaient être, d’après les partisans de l’Église, le maçonnisme, le judaïsme et le protestantisme.
Le XIXe et le XXe siècle ont donc été les siècles de la grande sécularisation et laïcisation. L’Église a été mise hors de l’école, de l’armée, de l’hôpital, des tribunaux, de partout. Ça été la déchristianisation générale : État sans Dieu, école sans Dieu, presse sans Dieu.
Dans d’autres pays encore que la France, mais avec moins de rigueur logique, l’Église eut à subir des attaques et des diminutions de situation. La franc-maçonnerie a joué un rôle considérable dans cette politique. Elle est elle-même une organisation universelle qui agit suivant des vues concertées et qui ne se limitent pas aux frontières de chaque pays.
Le rationalisme s’oppose au fidéisme. Il consiste à interpréter, à l’aide des lumières naturelles de l’intelligence, les dogmes, les croyances, les affirmations qu’énonce toute doctrine religieuse. Le conflit de la raison et de la foi, l’effort pour les concilier ou les subordonner caractérisent l’histoire de la philosophie et de la théologie au moyen âge, au XVIIe siècle et de nos jours, où toute une école cherche à donner une explication rationnelle des mystères et des miracles.
La crise religieuse de notre époque réside dans la rupture d’équilibre entre notre conception rationnelle de l’Univers d’après les découvertes scientifiques, et l’enseignement des églises qui n’évoluent pas du tout, ou pas aussi vite que le mouvement scientifique. Il a été fait de nombreuses tentatives au cours du XIXe siècle pour tirer de la science une religion à base scientifique ou positive. Elles ont échoué. Certains principes apparaissent comme des conquêtes définitives de l’esprit humain : l’unité de la nature, l’universalité de la loi, qui n’exclut pas la part grandissante de la liberté dans les étapes supérieures de l’humanité, la validité du sentiment moral qui introduit l’homme dans un plan nouveau et la finalité de nos destinées dont nous ne pouvons apercevoir le couronnement. Ces principes devront désormais avoir leur place dans toute synthèse qui, sans sacrifier en rien les droits de la raison et de l’expérience, embrasserait le cosmos dans son unité. Mais les progrès de la libre pensée et de l’athéisme sont grands. La libre pensée tend à unifier toutes les doctrines, toutes les idéologies fondamentales : ce n’est ni le catholicisme, ni le protestantisme, ni l’islamisme, ni le positivisme. Un sentiment nouveau est né de l’athéisme scientifique.
À cette négation radicale, d’autres opposent l’instinct religieux : la religion largement humaine qui ne veut s’assujettir à aucune formule et qui serait le fond d’une religion nouvelle, dont les adeptes diraient : « Je n’ai aucune idée de Dieu, je n’en ai que l’instinct, le besoin, la foi. »
Trois hypothèses se présentent pour l’avenir : ou élimination de la religion ; ou triomphe d’une religion sur toutes les autres ; ou l’unification des religions.
Les grandes religions du monde ont un rôle essentiel d’unification. L’ignorance humaine en a fait un élément de désintégration.
« Ce qui rapproche, dit Izoulet, c’est l’âme et surtout cette âme de l’âme qu’on appelle la Religion. C’est donc par la Religion surtout, sinon uniquement, qu’il faut chercher à rapprocher et à grouper les humains et la Religion. C’est le plus puissant facteur d’unité sur la terre. »
« Nous suggérons l’union, dit Charles Bernard, mais nous n’ignorons pas les dangers de compromis interconfessionnels, et nous sommes les premiers à reconnaître qu’il est préférable d’être divisé que de demeurer dans la confusion. »
Dans « A Common Faith », John Dewey a essayé de formuler une foi confinée en aucune secte ou croyance et acceptable aux hommes et aux femmes modernes qui éprouvent le besoin de quelque religion dans leur vie.
Il existe un très grand nombre d’associations internationales placées en dehors de l’organisation des églises proprement dites, mais qui ont avec elles des relations confessionnelles ou qui s’occupent de buts religieux. La documentation de l’Union des Associations internationales a permis d’en relever 27, nombre qui est certainement inférieur à la réalité et ne comprenant ni les organisations scientifiques religieuses (Congrès internationaux d’histoire des religions), ni les organisations de syndicats chrétiens (au moins 6 Fédérations spécialisées et une Confédération internationale). De ces Associations internationales, certaines sont des dédoublements, au point de vue confessionnel d’organisations qui existent soit en dehors de toute confession, soit distinctement pour diverses confessions. (Ex. Association internationale catholique des Œuvres de protection de la jeune fille. — Ligue internationale catholique contre l’alcoolisme. — Alliance israélite universelle. — Association juive pour la protection de la jeune fille. — Union catholique d’études internationales. — Commission catholique de coopération intellectuelle.) Certains mouvements religiosociaux ont pris directement la formation internationale. Ainsi les grandes Unions chrétiennes de jeunes gens et de jeunes filles, la Salvation Army (publication de 83 journaux en 25 langues, 20,679 officiers travaillant dans 76 pays et colonies.) Il existe une « Alliance of Reformed Churches holding the presbytarian System », une Union baptiste universelle, une Universal Brotherhood and Theosophical Society, à Point Loma, et une société théosophique à Adyar (Indes).
L’étude des religions attire beaucoup d’esprits : il y a maintenant l’Histoire des religions, la Philosophie de la religion, la Science des religions, l’Étude comparée des religions (cours de l’Université de Genève). Ce qu’il y a d’essentiel et de secondaire dans chaque religion, ce qu’on a appelé la fraternité des religions. C’est un des éléments nécessaires au rapprochement de l’Orient et de l’Occident. Pour aborder cette étude, il faut les conditions intérieures (tolérance, respect, bienveillance) et les conditions extérieures (connaissance des termes et des systèmes).
Les religions à étudier sont : fétichisme, animisme ; polythéisme, panthéisme, hénothéisme ; théisme, déisme ; monisme, pluralisme ; monothéisme. Mysticisme ; agnosticisme. Exotérisme. Ésotérisme.
L’étude donc porte sur les hypothèses de l’origine de la religion, la classification des religions, la mythologie comparée, l’étude comparée des religions, le congrès des races et le congrès des religions.
Elle doit porter aussi sur ces points : Expérience religieuse, nouvelle psychologie. Le génie religieux, les fondateurs des religions. Le symbolisme et l’ésotérisme religieux. Les mystères, les témoignages historiques. Le symbolisme, l’étude des mythes, le mythe solaire et les héros solaires. La valeur de la conscience religieuse pour l’humanité, la transformation du monde par le triomphe de l’esprit. Et cette conscience apportera la nouvelle conscience de l’humanité qui est liée à la paix mondiale.
Graduellement la conscience religieuse de l’humanité
se dégage.