Mon encrier, Tome 1/Je les poursuis !

Madame Jules Fournier (1p. 52-54).

JE LES POURSUIS ![1]

PROVINCE DE QUÉBEC

District de Pontiac

COUR SUPÉRIEURE

JULES FOURNIER,
Demandeur,
— et —

LA COMPAGNIE DE PUBLICATION

DU PAYS

Défenderesse.

Déclaration du Demandeur.


Le demandeur allègue :

1. — Il est un loyal sujet de Sa Majesté.

2. — Il est journaliste.

3. — Il est connu comme un citoyen respectable.

4. — Il n’a jamais été condamné à plus de trois mois de prison.

5. — Le juge qui l’a condamné était M. François Langelier.

6. — Il jouit de l’estime et de la considération de ses concitoyens.

7. — Il a besoin de cette estime et de cette considération pour gagner sa vie.

8. — La compagnie défenderesse publie à Montréal, le dimanche, un journal intitulé Le Pays.

9. — Dans son numéro du 23 janvier 1910, cette feuille a publié, sur le compte du demandeur, un entrefilet où se trouvent ces mots : « Fournier a beaucoup d’esprit. »

10. — Cette allégation, fausse, mensongère, malicieuse et diffamatoire, est de nature à enlever au demandeur l’estime de plusieurs gens.

11. — Le demandeur se plaint de ces lignes parce qu’elles insinuent et laissent entendre que le demandeur n’est pas un abruti, et qu’elles peuvent l’empêcher de devenir échevin, ce qui est une ambition permise et légitime.

12. — Le Pays circule largement parmi les imbéciles.

13. — Le tribunal sait que, dire d’un homme qu’il a de l’esprit, c’est évidemment vouloir le perdre de réputation.

14. — Le demandeur n’a jamais mérité pareil opprobre.

15. — Cette attaque malicieuse est de nature à lui nuire non-seulement dans son honneur mais encore dans ses biens, qui sont nombreux et variés.

Le Demandeur a souffert par ledit entrefilet des dommages qu’il estime à 80,000 dollars — plus ou moins, — mais qu’il veut bien réduire, pour les fins de cette cause, à 15 dollars.

POURQUOI le demandeur conclut à ce que la compagnie défenderesse soit condamnée à lui payer ladite somme de 15 dollars, avec intérêts et dépens, et à ce qu’à défaut par la compagnie défenderesse de satisfaire à ladite condamnation à intervenir, ladite compagnie ne soit pas contrainte par corps ni condamnée à l’emprisonnement dans la prison commune de ce district… ; le tout avec dépens.

Montréal, 27 janvier 1910.
(Signé)
LOMER GOUIN,
Avocat du demandeur.
Pour copie conforme :
JULES FOURNIER.
  1. Paru dans le Devoir du 29 janvier 1910, et faisant partie d’une série de billets du soir.