Modorf-les-bains/25

Imprimerie Joseph Beffort (p. 108-111).

MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX.


Nervosité et Neurasthénie.

Il y a une quarantaine d’années, le mot de nervosité servait, par galanterie, à paraphraser la dénomination jugée inconvenante de l’hystérie. De nos jours, la nervosité n’est plus l’apanage exclusif du beau sexe, mais elle est devenue l’attribut caractéristique de la génération actuelle, qui manque, comme on dit, de nerfs, et souffre ailleurs d’un excès de nerfs. Il est certain que l’éducation moderne est pour une grande part responsable de cet état. Les enfants reçoivent aujourd’hui, dès l’âge le plus tendre, du vin, du thé, du café ; on veut les bourrer de viande sans songer que ce régime, s’il est nourrissant, est par trop excitant. L’école, avec sa surcharge ridicule de travail intellectuel et la parcimonie du mouvement corporel, achève de surmener et d’exciter désavantageusement le système nerveux, de développer avant le temps les fonctions sexuelles et de mener à des égarements regrettables. Pendant l’adolescence, l’abus des alcooliques, du tabac, etc., exerce encore une influence néfaste. En outre, il faut reconnaître que l’hérédité, et les maladies épuisantes ont une action marquée, surtout pour ce qui regarde le sexe féminin. Enfin, les fatigues trop grandes de l’esprit, les émotions déprimantes, les chagrins, les misères de la position sociale, les dyspepsies de longue durée, les couches difficiles répétées, l’anémie enfin, sont des causes puissantes pour développer cet état maladif.

La nervosité proprement dite se manifeste ordinairement par une sensibilité extrême à propos de rien. Le moindre froid ou chaud est vivement ressenti, la lumière fait mal aux yeux ; l’oreille est agacée par le moindre bruit. Des maux de tête, des migraines surviennent après une émotion futile ; le cuir chevelu est souvent douloureux au simple toucher. Il survient des névralgies intercostales, des douleurs ; des sensations de brûlure, d’horripilation, sont ressenties à tous les endroits du corps. — Les fonctions cérébrales sont souvent perverties. On voit des mouches volantes ; on a des bourdonnements d’oreille, des vertiges et des angoisses ; la mémoire fait défaut ; le sommeil est troublé et l’on est incapable de travailler. Pour comble de malheur, ces malades se croient mortellement atteints ; ils jugent du moins leur état inguérissable et tombent dans un état pitoyable de désolation et de mélancolie.

La neurasthénie, d’une nuance plus grave que la nervosité, est d’un traitement assez difficile. Elle se manifeste de préférence dans le domaine de la moëlle-épinière et des nerfs, qu’elle anime. Il existe ordinairement une douleur sourde, qui peut occuper toutes les parties du dos, depuis la nuque jusqu’au bas des reins. Souvent même la peau de ces régions est sensible à la pression (irritation spinale). Ces patients, outre la fatigue générale dont ils se plaignent constamment, accusent une faiblesse et des sensations douloureuses dans les jambes et dans les parties sexuelles. Ils voient toujours le spectre de l’ataxie les menacer, et ils deviennent la proie facile des charlatans sans et avec diplôme. Même, dans les cas graves, les viscères deviennent le siège de sensations maladives : il y a des accès de palpitations et d’angine de poitrine ; des cardialgies violentes font craindre une grave atteinte de l’estomac, qui cependant supporte d’une façon étonnante les aliments les plus indigestes. Les souffrances dans les intestins font enfin craindre toutes les maladies imaginables : cancers, rétrécissements, calculs, etc. Le caractère est naturellement d’une irritabilité extrême ; la volonté s’émousse et s’évanouit peu à peu ; beaucoup de ces malheureux en viennent à la morphine, à l’alcool pour échapper au pessimisme, à la lumière trouble duquel ils apprécient leur existence personnelle et les destinées du genre humain. Le traitement de la nervosité est le véritable crux medicorum ! Autant le diagnostic est facile pour le médecin, autant il est difficile à celui-ci d’en convaincre son patient, qui a l’air de se plaire dans l’attente des choses les plus sinistres. De plus, il est nécessaire de reconnaître dans chaque cas spécial les causes qui ont provoqué l’éclosion des souffrances nerveuses, et de les éloigner, s’il y a moyen. That is the question ! Bien des malades cachent, avec intention, sous différents prétextes, la vérité à l’homme de l’art ; bien d’autres voudraient volontiers fuir les conditions pathologiques auxquelles ils doivent leurs maux ; mais ils y sont, hélas, rivés. Il est difficile de changer sa carrière, surtout après un certain âge ; les habitudes de la vie, les relations sociales s’imposent très impérieusement et diminuent les chances de guérison. Pratiquement, on s’applique ordinairement à faire quitter à ces malades leur milieu habituel pour les soumettre à une cure balnéaire, qui ne doit pas être trop parcimonieusement mesurée. Si ce n’est pas tous les ans, c’est au moins de temps en temps, quand il y a eu accumulation de mauvaises influences, qu’une transplantation dans une atmosphère curative devient urgente. Aucun bain n’a jusqu’ici pu prétendre à un monopole des cas de nervosité. Le plus grand contingent s’adresse aux instituts hydrothérapiques, aux thermes chlorurées-sodiques, aux stations maritimes et aux sources indifférentes. Le repos et l’air de la campagne sont de puissants facteurs de guérison, qui existent partout. La réputation de Mondorf est certainement bien méritée à cause du grand nombre de moyens curatifs qui peuvent trouver emploi dans cet état, à causes et à symptômes si nombreux. L’essentiel, c’est que ces cures ne se limitent pas aux 21 jours, mais puissent comprendre toute une saison.