Modorf-les-bains/15

Imprimerie Joseph Beffort (p. 90-92).

La gravelle.

Cette affection n’est qu’une forme de l’arthritisme ; on dirait que la nature veuille se débarrasser par les reins des principes morbides qui se trouvent amassés dans le sang. L’acide urique se dépose ici sous forme de cristaux allongés, pointus, dans les canalicules urinifères, qui sont irrités mécaniquement et produisent une sécrétion catarrhale, des glaires, qui agglutinent ensemble les cristaux et déterminent la formation de petits amas solides, d’une couleur rouge, brunâtre, variant depuis la grosseur d’une tête d’épingle jusqu’à celle d’un pois. Il y a donc une élimination de concrétions plus ou moins grandes d’acide urique par les voies urinaires, et malheureusement ces concrétions peuvent parfois être retenues dans la vessie et déterminer la formation de la pierre. La gravelle est donc une manifestation goutteuse, et le vieil Erasme avait bien raison d’écrire à l’un de ses amis : «Tu as la goutte et moi la gravelle ; nous avons épousé les deux sœurs.» Les accès douloureux, produits par la gravelle, sont occasionnés par l’obstacle mécanique que la concrétion rencontre dans sa marche depuis les reins jusqu’à la vessie, et dans son chemin à travers le canal de l’urèthre.

Le traitement pour se garantir contre le retour des coliques néphrétiques, est donc absolument le même que celui de la goutte. On constate assez souvent à Mondorf que des personnes, après quelques jours d’emploi des eaux, émettent d’abondants dépôts de graviers par les urines, et voient disparaître rapidement ces douleurs sourdes de la région rénale et les urines sanguinolentes qui forment les symptômes de ces cas plus légers. Nous n’aimons pas, pour expliquer la prompte action de l’eau de Mondorf dans ces cas, à nous cramponner à la présence du lithium, lequel exerce un pouvoir dissolvant marqué sur l’acide urique ; mais nous nous rangeons de l’avis du docteur Marchai qui opine que l’hypersécrétion urinaire, déterminée par nos eaux, produit une espèce de lixiviation des graviers, et que la modification de l’état général intervient pour le reste.

Exceptionnellement les graviers sont constitués par l’acide oxalique, et il est alors prudent de défendre au patient les légumes qui contiennent normalement cette substance, comme l’oseille, les tomates, les tiges de rhubarbe.

La gravelle pliospliatique ou blanche se produit d’une façon absolument différente. Elle est bien plus rare (1 cas sur 10), et résulte d’une décomposition de l’urine sous l’influence d’un catarrhe des voies urinaires. Elle coïncide fréquemment avec l’anémie, une débilitation générale produite à la suite des inflammations de la vessie, de l’hypertrophie de la prostate, du rétrécissement ou de la présence d’un calcul vésical.

Il faut ici avant tout une intervention chirurgicale : l’extraction du calcul, le sondage, les lavages de la vessie, puis un régime fortifiant. L’usage interne de l’eau de Mondorf, les bains chauds sont ici tout indiqués, et répondent parfaitement aux exigences de ces graves états pathologiques.

Je trouve dans ma statistique sept cas de guérisons magnifiques obtenues à Mondorf. Deux concernaient des calculs phosphatiques énormes ; dans deux autres cas il s’agissait de calculs rénaux qui avaient déterminé une perforation et des abcès périrénaux ; enfin trois cas de stricture traumatique négligée du canal de l’urèthre. Je dois particulièrement signaler les suites très heureuses qu’ont eues les graves opérations nécessitées dans ces cas, lesquelles contrastent et par la promptitude de la guérison et par leur marche favorable avec celles que j’ai pratiquées dans ma clientèle privée. Enfin, dans cinq cas où la gravelie phosphatique compliquait l’hypertrophie de la prostate, ce symptôme disparut entièrement sous l’influence de la cure de Mondorf ; en même temps les fonctions vésicales furent rétablies, l’état général amélioré, et ces patients rentrèrent chez eux avec un soulagement tel, que, vu leur âge et la nature de leur mal, il était permis de parler d’une véritable restauration sinon d’une guérison. L’hypertrophie de la prostate et le catarrhe vésical offrent, du reste, en dehors de la complication avec la gravelie, de nombreux points d’application pour les eaux de Mondorf.