Modorf-les-bains/11

Imprimerie Joseph Beffort (p. 80-82).

L’Anémie.

La guérison de l’anémie se trouve dans le programme de presque tous les bains. Cela n’est pas étonnant, car c’est un état maladif généralement peu compliqué et facile à guérir ; il suffit d’activer la nutrition et de placer le corps dans de bonnes conditions d’hygiène telles que celles-ci se trouvent réunies aux stations balnéaires. Mais ce qu’on peut à bon droit revendiquer pour la station luxembourgeoise, c’est une action particulièrement énergique et prompte à se produire, de sorte que Mondorf est à la hauteur des cas les plus difficiles de ce genre. En effet, l’emploi de son eau provoque rapidement la faim, et elle introduit dans l’organisme une telle masse de sels nutritifs (le fer, la chaux, les chlorures alcalins, etc.) qu’elle constitue un véritable engrais chimique pour notre sang. Ce précieux-liquide se refait donc très rapidement surtout que l’auxiliaire des douches, du bon air, de l’exercice, vient encore corroborer l’effet de l’eau. Des cas relativement faciles à guérir sont ceux d’anémies survenues à la suite de pertes de sang, de maladies graves, comme le typhus, la variole, la scartatine, la pleurésie, de couches difficiles qui ont été compliquées par les hémorrhagies, la péritonite ou la paramétrite ; les anémies des grandes villes engendrées par ce qu’on appelle la misère physiologique, le manque d’air etc.

Viennent ensuite les anémies qui compliquent le développement du corps dans l’enfance, quand l’apport nutritif ne répond pas à l’accroissement organique. Ces états anémiques se manifestent de différentes façons : Il y a d’abord une foule d’enfants chez lesquels il existe un défaut habituel d’appétit, qui sont, comme on dit, « petits mangeurs », mais qui avec cela présentent un physique passable, du moins à première vue. Les parents sont souvent frappés du peu d’appétit que leur enfant montre à côté de ses pareils ; mais on se figure généralement que c’est une habitude de manger peu ou de manger beaucoup. Cependant l’appétit est un baromètre assez sensible pour juger de la santé d’un enfant, et la situation d’un organisme aussi mal nourri est grosse de dangers pour l’avenir. Qu’il advienne le moindre accident, la plus légère des maladies de l’enfance, on peut s’attendre à des complications désagréables, à des éventualités fâcheuses. Bon nombre de ces enfants acquièrent peu à peu tous les attributs du lymphatisme éréthique ; beaucoup d’entre eux, à peine la croissance finie, tombent en proie à la phthisie pulmonaire ; les filles deviennent nervosiaques, même avant l’époque où le développement sexuel vient troubler si profondément le système nerveux.

D’autres enfants présentent plus manifestement les signes d’une constitution faible, vulnérable. Ils sont pâles, maigres, chétifs et d’humeur maussade ; ils gagnent des catarrhes à la moindre occasion, et souffrent volontiers d’ophthalmies (avec taches à la cornée, de façon qu’ils ne supportent pas la lumière) d’écoulements de l’oreille, d’inflammations de la peau.

Les déviations de la taille (scoliose et kyphose) sont une des suites les plus désagréables de l’anémie des enfants ; car ces déformations, qui alarment tant les parents, ne se rencontrent que chez des sujets dont les muscles ne se sont pas développés, faute de nourriture. Il est fort regrettable de constater qu’on semble porter, dans le traitement de ces tristes infirmités, toute son attention sur la déviation mécanique, et qu’on néglige généralement l’indication causale. Loin de moi de vouloir diminuer l’importance des moyens chirurgicaux, comme la suspension, les corsets en plâtre, qui ont été introduits par les chirurgiens américains, si brillants dans leurs spécialités ; mais il importe qu’on n’oublie pas, pendant qu’on traite l’effet, de s’adresser à la cause, et qu’on corrige avant tout le vice nutritif qui seul est la cause de ces infirmités.

La chlorose (« pâles couleurs ») est une forme d’anémie particulière au sexe féminin, pendant l’adolescence. Le développement des organes sexuels, qui dominent toute la pathologie de la femme, imprime à cette anémie de croissance un caractère spécial avec prédominance de phénomènes nerveux.

L’anémie est enfin l’attribut de la vieillesse, et nous voyons arriver tous les étés à Mondorf des vieillards sans appétit, sans forces, languissants, qui y renaissent à la vie, qui y renouvellent, comme on dit, le bail, en se retrempant dans cette véritable eau de Jouvence.

En somme, tous les états de faiblesse que nous venons d’énumérer, obtiennent à Mondorf une facile guérison.

Il est cependant des anémies plus graves, dont l’origine est fort obscure et qui paraissent dépendre d’un vice du sang même, considéré comme tissu organique ; ce sont : la leucémie, l’hémophilie, la maladie de Basedow, l’anémie pernicieuse, le scorbut.

Les observations recueillies dans ces cas, à Mondorf, ont été très favorables, et permettent de recommander notre cure, bien entendu avec l’adjonction des douches, des bains, de l’électricité et des remèdes spécifiques comme la belladone et la liqueur de Fowler.