Modèles de lettres sur différents sujets/Réponses

Chez Pierre Bruyset Ponthus (p. 134-139).

DES RÉPONSES
ET DES BILLETS.



INSTRUCTION.



IL n’y a qu’une chose à dire sur les réponses, c’est qu’elles doivent prendre le ton de la Lettre qui les occasionne. L’annonce de la réception de cette Lettre en fait communément le début ; & l’on continue à la suivre articles par articles, autant que le sujet le demande. Les Négociants disent toujours : J’ai reçu la vôtre du 23, du 28, &c. En réponse à l’honneur de la chère vôtre, &c. cela n’est bon que parmi eux. Pour parler exactement, il faut dire : J’ai reçu votre Lettre, &c. En réponse, ou pour répondre à votre Lettre obligeante, &c.

Il y a un proverbe qui dit que toute Lettre mérite une réponse, & Pibrac, qui a fait tant de Quatrains, si peu lus, quoique si dignes de l’être, dit que le bon sens est dans les proverbes.

Ce seroit une impolitesse grossiere que de ne rien dire à celui qui vous adresseroit la parole dans un entretien familier ; c’en est donc une aussi considérable de ne pas répondre à ceux qui vous écrivent ; par le même principe que nous ne saurions rappeller trop souvent, qu’un commerce de Lettres n’est qu’une véritable conversation. Il y a de l’impolitesse encore à ne pas répondre aussi-tôt qu’on le peut.

La multitude des occupations n’est pas une raison qui puisse dispenser d’une réponse : tout au plus c’est un prétexte de la différer. Je ne sais qu’une chose qui puisse justifier ce procédé ; ce sont ces manques d’égards qu’on ne sauroit rejeter, ni sur l’ignorance, ni sur la bonne intention de celui qui écrit. Personne n’est tenu de répondre à une sottise. Le mal est que l’on se formalise quelquefois trop aisément. Il n’avoit pas fait une faute ce Militaire qui, en écrivant au Ministre de la guerre Louvois, l’appelloit Monsieur, ce n’étoit qu’une ignorance du cérémonial ; cependant il ne reçut point de réponse. Il récrivit, se corrigea, donna du Monseigneur ; mais M. de Louvois qui avoit encore sur le cœur la première Lettre, différoit de répondre. Le Militaire désespéré lui écrivit une troisieme fois & le nomma mon Dieu, mon Créateur.

Lorsqu’on a été quelque temps sans répondre, la politesse exige qu’on justifie ce délai, ou qu’on s’en excuse ; c’est même par-là qu’il faut commencer : « Je ne reçois qu’en ce moment, des mains de M.***, la Lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser, il y a plus d’un mois. Plusieurs voyages que j’ai fait dans différentes maisons de campagne l’ont empêché de me la remettre plutôt, & c’est notre excuse à tous deux, &c. » Lettre de M. de la Harpe.

Ce qui distingue un Billet d’une Lettre, c’est qu’on le commence & qu’on le finit sans façon ; c’est qu’on l’écrit souvent sur une demi-feuille de papier ; c’est qu’on le plie sans cérémonie & même sans le cacheter ; c’est qu’on n’y met point d’adresse, ou qu’on se contente d’écrire au dessus pour M.***, &c.

Il n’y a que des occupations bien importantes & bien pressées, une supériorité bien marquée, ou une familiarité bien établie, qui puissent autoriser à écrire un billet. Hors de là il passe pour une impolitesse.

Voici un joli billet de Louis XIV à M. le Duc de la Rochefoucauld, qu’il venoit de nommer Grand-Maître de la Garde-robe : Je me réjouis avec vous, comme votre ami, du présent que je vous ai fait, comme votre maître.

Les billets sont sur-tout d’usage, lorsqu’on veut faire une invitation. En ce cas même, une Lettre seroit déplacée. Il faut avoir soin d’y insérer quelque chose d’agréable pour la personne que l’on invite. C’est un billet d’invitation, que l’Epître d’Horace à Torquatus :

Si potes Archaïcis conviva recumbere lectis,
Supremo te sole domi, Torquate, manebo,
&c.

Elle est la cinquieme du Liv. I, & mérite d’être lue.

M. de Voltaire étant chargé par Mme . la Duchesse du Maine, de prier à souper chez elle M. Bernard, Auteur d’un Poëme charmant sur l’Art d’aimer, lui écrivit ce quatrain ingénieux :

De la part du Pinde & Cithere,
Gentil Bernard est averti,
Que l’Art d’aimer doit samedi
Venir souper chez l’Art de plaire.