Mirages (Renée de Brimont)/Pour la princesse défunte

MiragesEmile-Paul Frères (p. 81-82).

À LA PRINCESSE DÉFUNTE

Vous autres, belles Princesses de légende
que la Mort coucha sous des linceuls de prix
avec des mots magiques et des offrandes ;
vous autres dont les hommes furent épris,
belles Princesses aux doigts tendres,
aux cils recourbés, aux cheveux longs et doux,
aux fronts couronnés de guirlandes,
je ne saurais pleurer sur vous.

Je pleure, et vous entendrez ma plainte,
sur l’âme d’enfant, Princesse de clarté,
qui fut en moi vivante, ardente et sainte !
Dans sa voix chantait ce qu’on n’a pas écouté,
son front portait aussi des guirlandes frêles,
elle se fiançait aux matins d’été,
et ses cils recourbés battaient comme des ailes
d’hirondelle…

Elle était amoureuse de mille chimères blondes,
de tous les rêves qui dansent des rondes,
de cet immobile cortège tremblant
des étoiles se mirant dans l’onde…
Mais un vent glacé soufflait, violent !

Or je l’ai laissée au bord de la route ;
elle sera morte, morte sans qu’on s’en doute…
Nul n’aura suivi son léger cercueil blanc.

Depuis, elle revient avec l’ombre morose
des crépuscules de cendre et de deuil
qui nous font frissonner un peu, sans cause :
Elle hésite avant de franchir mon seuil…
Elle effeuille sous mes pas des roses,
et son regard furtif me suit…
Elle sourit à peine, elle repart sans bruit…
Me reproche-t-elle quelque chose ?

Et voilà pourquoi, belles Princesses de légende
aux doigts tendres, aux cheveux longs et doux,
je ne saurais pleurer sur vous.
La Mort vous apporte encore des guirlandes,
et vos linceuls brodés sont jonchés d’offrandes,
et votre temple est toujours visité…
Moi, je pleure le chant qu’on n’a pas écouté
de mon âme d’enfant, Princesse de clarté.