Mirages (Renée de Brimont)/La course d’Atalante

MiragesEmile-Paul Frères (p. 61-62).
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LA COURSE D’ATALANTE

Que maudits soient vos pieds aux sandales rapides,
Atalante !… Souples et minces, purs et blancs,
sans retour entraînés par de nouveaux élans,
ils vont, ils vont, suivant le destin qui les guide…

Ils vont, et vous serrez plus fort vos poings nerveux.
Ô coudes rapprochés du buste qui se cambre,
seins lisses — boucliers qu’un joyau serti d’ambre
rend féminins — jeu souple et mol de vos cheveux !

Ils vont… Le souffle est court sur vos lèvres ouvertes,
une ardente moiteur fait luire votre peau…
Ils vont, ils vont… Ces champs où paissent des troupeaux
n’inclinent qu’à demi sous eux des toisons vertes ;

ils vont… Le cercle d’or qui brille à votre col
semble quelque rayon d’une lune en faucille,
et les anneaux passés autour de vos chevilles
tintent leur bruit d’argent quand vous frappez le sol ;

ils vont — ô pieds étroits ! — ils vont le long des sources
murmurantes pour eux de désirs imprécis,
mais l’inquiète ardeur qui fait votre souci
jamais n’aura laissé nul répit à leur course.


Sous les bois opportuns et des dieux explorés
la terre a déplié ses ténébreuses couches,
et de vous voir passer, l’homme, d’un cœur farouche
a voulu retenir ce qui ne peut durer…

Mais déjà vous fuyez vers d’autres paysages,
Atalante ! Souples et minces vont vos pieds,
et les chemins d’hier déjà sont oubliés,
les flots et les rumeurs, les fleurs et les visages,

les déserts, les cités, les temples, les jardins…
Jusqu’aux bords nébuleux des crêtes incertaines
ils vont, ils vont… Vos yeux ont des lueurs lointaines,
votre front obstiné d’impassibles dédains ;

et l’Amour vous convie, et les reflets des fêtes
se glissent à travers vos cheveux déployés…
Mais vous fuyez encor, mais toujours vous fuyez,
Atalante aux pieds vifs, sans détourner la tête !