Anonyme ()
Le Livre d’un inconnuAlphonse Lemerre (p. 3-4).


II

MINUIT


Ma lampe, se lassant de m’attendre sans doute,
S’est éteinte : aux lueurs mourantes d’un tison
Je rêve, assis encore à ma table et j’écoute
Le silence qui semble agrandir la maison.

Le vent rôde au dehors dans la ville déserte ;
J’entends se rapprochant, s’éloignant tour à tour,
La plainte de son souffle errant qui déconcerte
La lanterne tremblante au coin du carrefour.

Tout sommeille et se tait : une horloge lointaine
Au centre de la ville a sonné douze coups.
C’est Minuit, c’est la noire et taciturne Reine
Dans ses sombres atours qui passe auprès de nous.


C’est un jour qui finit, c’est un jour qui commence ;
C’est un feuillet qu’on tourne au livre Éternité ;
C’est l’Avenir qui vient, c’est Demain qui s’avance,
Forme confuse encor, bientôt réalité.

Ô Dieu, celui qui veille à cette heure te prie
Pour ceux que le sommeil fait semblables aux morts.
Permets que ce sommeil, cette trêve bénie,
Fortifie à la fois et leur âme et leur corps.

Détourne de leurs fronts les mauvaises pensées,
À leurs cœurs apaisés verse l’oubli profond ;
Que les peines d’hier, par la nuit effacées,
Ne se ravivent pas quand ils s’éveilleront.