A la prefecture (Haag)

Anonyme ()
Le Livre d’un inconnuAlphonse Lemerre (p. 5-6).


III

À LA PRÉFECTURE


Dans le bureau, chambre poudreuse
Où s’empilent les verts cartons,
Le soir une foule nombreuse
Attend les votes des cantons.

De temps en temps s’ouvre une porte :
On se tourne de ce côté ;
C’est une dépêche qu’apporte
Quelque gendarme tout crotté.

Le Préfet, assis dans sa chaise,
Lit les résultats d’un ton sec ;
Chacun bâtit son hypothèse
Sur le succès d’X ou d’Y grec.


On parle, on s’anime : la lampe,
Sous son très classique abat-jour,
Montre avec de faux airs de rampe
Chaque visage tour à tour.
 
Chauves chauvins, rouges rosettes,
Monarchistes, républicains :
Sur ces figures inquiètes
Se peignent les espoirs mesquins.

Les vaincus parlent de revanche.
Dehors la lune, astre pensif,
Plaque sur la pelouse blanche
Les larges ombres d’un massif.