Meuse/p3/s4
SCÈNE IV.
La légende de Blanche de Namur.
Toute la Meuse est pleine de souvenirs pareils, de chères histoires d’amour. Namur a connu celle de la reine Blanche.
La fille du comte Jean Ier qui épousa Magnus, roi de Norvège et de Suède — le pays des douces princesses que l’on pleure.
En Suède, on chante encore en son honneur une berceuse. Tout le monde y sait Rida Ranka. Qui chez nous connaît encore Blanche de Namur, fille de Jean Ier, mère du roi Hakon ?
Approche-toi, notre bon ami, le Chanteur de complaintes, toi le barde du peuple et sa voix, instable comme l’espace et vieux comme le temps. Tu dois connaître cette chanson-là parmi toutes les autres… qui célèbrent les filles de la Meuse.
Mon Dieu, bien sûr que oui, mon bon Monsieur. Ce n’est point tout à fait celle que l’on dit en Suède. Je l’ai arrangée à ma façon. Il y a d’abord une introduction qui est tout entière de moi. Écoutez donc !
Il dit :
Magnus Eriksson, roi de Norwège
et de Suède, vint chez nous, un jour.
Il allait en France y chercher l’amour,
une reine pour le pays des neiges.
Passant par Namur, Blanche y rencontra,
la fille de Jean premier notre comte,
la prit toute rose entre ses deux bras
et puis l’épousa — ce n’est pas un conte.
Chante-nous la berceuse de Rida Ranka.
Voilà ! voilà… Attendez donc. Blanche a eu un fils, Hakon, qui deviendra roi, un roi fameux, vous savez bien. Il n’est encore, au moment où nous sommes, qu’un tout petit prince. Il s’est mis à califourchon sur le genou de sa maman ; elle le balance en chantant de sa douce voix :
Chevauche, chevauche, en te balançant. Chevauche, chevauche, en te balançant. |
Va, bonhomme, au long de Meuse, chante nos filles et leurs charmes et leur gloire.
Chevauche, chevauche en te balançant
Ton cheval, mon fils, c’est ta mère Blanche.
Chevauche, chevauche, écuyer charmant…
- ↑ Adaptation de la berceuse suédoise : Rida Ranka. Voir Félix Rousseau, Guetteur wallon, 2e année, no 1.