Par l’entremise des courtisanes
MessalineTome XXIII (p. 129-131).
Par l’entremise des courtisanes
VI
par l’entremise des courtisanes

Προανῃρήϰει δὲ τὴν γυναῖĸα Μεσσαλίναν διὰ ξηλοτυπίαν.

ΦΛ. ΙΟΣΗΦΟΥ, ουδ. ρχ. βιβλ. Κ, κεφ. Ζ.

Or Claude, instruit de tout à Ostie par les soins de Narcisse et la bouche de ses concubines favorites Calpurnie et Cléopâtre, demandait avec égarement qui de lui ou de Silius était César ou simple particulier.

Cette perplexité démente laissait peu de place à un sentiment presque inconnu, semble-t-il, des Romains de ce temps-là et surtout de Claude, la jalousie, la haine du cocuage, quoique Flavios Joseph écrive qu’il fit exécuter Messaline par jalousie.

— Tu veux rire, ma petite Cléopâtre, bégayait-il. Ne te moque pas de moi, je suis un pauvre homme dans une taverne. Tu veux me faire accroire que je ne suis plus César ! Mais on ne prend pas comme cela à César son palais et ses trésors et son autorité et Vénus ! J’ai toute ma raison, Calpurnie, je suis bien sage, tu essayes encore de me mettre tes petits souliers pleins de boue aux mains (il y a des gens chez moi qui ne me regardent pas comme leur maître !), mais tu perds ton temps, je ne dors pas. Je n’ai pas les yeux éblouis ! Je n’ai jamais été César ! C’est une supposition trop absurde !

Il eut un sursaut.

— Les torches ! le sang ! Ami soldat, voici des pièces, beaucoup de pièces d’or. Tu as de bonnes épaules, soldat, pousse la roue, pousse ! Io triumphe ! Fors-Fortuna !

— César, commença Narcisse, qui était venu.

— Ha ha ! César, dit Claude ; n’est-ce pas, Narcisse, que ce n’est pas moi ?

— Mais non, acquiesça le familier. César est César chez la Fortune. Elle est là, son char attelé, prête à rouler.

— Elle est là… Vénus ? trembla Claude de tous ses membres.

— Elle t’attend… Fors-Fortuna, César.

Et dans la même chaise qui l’avait amené à Ostie, entre Vitellius et Largus Cécina, sous l’œil de Narcisse, Claude César reprit la route sablonneuse de Rome.

Cependant Vénus, comme une ordure des jardins, dans le tombereau des excréments, n’ayant pu requérir d’autre véhicule, — et pourtant, étant Augusta, aussi bien que Livie déesse, elle avait droit au char ! — s’avançait sans peur à la rencontre de César, sachant que pour fermer les yeux impériaux au plein tombereau de ses souillures, il lui suffisait d’ouvrir l’éventail voluptueux des siens.

Et comme le soldat imaginaire, ou toute créature qui porte une image du prince est inviolable, elle prit avec elle ses enfants Octavie et Britannicus, lesquels, qu’il fût ou non leur père, ressemblaient à Claude.

Enfin, elle se fit précéder, avec le même cynisme qu’elle eût épilé ses nuits prostituées avec la lampe sacrée des vierges, par Vibidia, la plus ancienne vestale.


— Ô crime ! alternaient méthodiquement Cécina et Vitellius à chaque vaste oreille de Claude, comme pour rythmer l’ahan des porteurs.

Narcisse, à demi-étendu en face de l’empereur, plus habile, parla au fond même de son âme en l’occupant d’un mémoire, lequel relatait tout le passé de Messaline.

— Un mémoire ? dit Claude, qui, avidement, paperassa.


Dernière descendante de la noble famille des Messalla et de siècles d’intégrité et de rostres, fille de Messalla le Barbu et de Domitia Lépida la Dompteuse-Douce, Messaline, que Claude l’ait épousée souillée ou non et que Lépida lui ait donné l’exemple des débauches ou d’une vie de vertueuse matrone, avait refréné son infamie jusqu’à ce qu’elle pût avec certitude la cabrer au faîte de l’empire.

Dès lors, meurtres sur meurtres :

Julie, nièce de Claude.

Julie, sœur de Claude.

Appius Silanus, second mari de Lépida, mère de Messaline et que sa fille fit veuve.

Le fils d’Appius, gendre espéré de Claude.

Le gendre de Claude, Pompée le Grand, et son père, et sa mère.

Calliste, compagnon d’études et affranchi de Claude.

Vicinius Quartinus.

Pétus et Arria, célèbres. —

Claude, las d’assassinats, se mit à se distraire au déroulement d’exils :

Sénèque…


Du fond sanglant du ragoût de ces ordures, il ne leva pas la tête vers la pestilence plus fade du tombereau.