Mes paradis/Les Îles d’or/Merci, toi qu’on se fait à ses propres dépens


XLI


Merci, toi qu’on se fait à ses propres dépens,
Expérience ! Ainsi, dans des coins à serpents,
Par les rocs, les ajoncs, les ronciers des venelles,
Aux buissons épineux on cueille des prunelles,
Et l’on se met les doigts en sang, la bouche en feu,
À fouiller dans ces dards et mordre le fruit bleu.
Son âpreté farouche aux saveurs agressives
Vous lie à ce moment les dents et les gencives.
Mais gardez-les, ces fruits ; attendez que le gel
Les taie ; dans du vieil alcool sucrez leur fiel ;
Et voilà pour l’hiver une bouteille exquise,
Douce d’autant qu’on l’a plus durement conquise ;
Et c’est, goûtée alors, une fine liqueur
Qui parfume la bouche et remonte le cœur.