Mes paradis/Les Îles d’or/Il en est qui sont des volcans


IX


Il en est qui sont des volcans
Au sol en fièvre, aux flancs craquants,
Aux cheveux de flamme et de cendre.
On se demande, revenu,
Où l’on prit l’orgueil ingénu
Et le désir fou d’y descendre.

Et cependant j’y descendis.
C’était l’âge des vœux hardis,
De la vaillance, de la force,
Des nerfs d’acier, du sang qui bout,
Du corps toujours prêt et debout
À toute lutte offrant son torse.


En avant ! Le monde est étroit.
On n’a peur de rien. On se croit,
Étant invaincu, l’invincible.
On a l’arc et l’on est l’archer
Dont tous les coups doivent toucher,
Prît-on le firmament pour cible.

C’était l’âge où soi-même on sent
Qu’on est un volcan rugissant
Où l’éruption monte et grogne.
Ah ! l’aventure, le danger !
On voudrait en boire, en manger ;
On en est le goinfre et l’ivrogne.

Alors pourquoi donc, ô volcans,
Vous donner ces airs arrogants
Avec vos panaches de flamme ?
Les duels que vous me proposez
Sont à ma vertu des baisers.
Loin de les fuir, je les réclame.

J’irai, volcan coiffé de feux,
Passer ma main dans tes cheveux.
Elle en sortira saine et sauve.

Ensemble aux crins nous nous prendrons
Et l’on verra de nos deux fronts
Lequel sera le plus tôt chauve.

Et l’on se rue éperdument
Dans votre cratère fumant,
Passions aux torrents de lave,
Et dans la torride liqueur,
Fauve, à pleine chair, à plein cœur,
Comme dans l’eau fraîche on se lave.

Car soi-même on est un foyer
Où la santé fait flamboyer
Une si brûlante fournaise,
Que les brasiers les plus ardents
Vous sont, même en dormant dedans,
Un lit où l’on rêve à son aise.

Et j’y dormis, et j’y rêvai,
Soûl d’un vin féroce cuvé
Parmi des fracas de bataille.
J’y dormis mieux qu’en un cercueil,
Dans des rêves que mon orgueil
Enflait de destins à sa taille.


J’y fis des rêves souverains.
J’y dormis, un cratère aux reins,
En me bâtissant des histoires
Où sous de grands arcs triomphaux
J’allais, traîné par huit chevaux,
Sur un char ailé de victoires,

Et vos panaches, ô volcans,
Tordaient les rouges ouragans
De vos gloires découronnées
Au cimier de mon casque d’or,
Mon casque de conquistador
Prince des Îles fortunées.