Mes paradis/Les Îles d’or/Et voilà qu’une fois encor


LVI


Et voilà qu’une fois encor
J’ai refait le tour de vos grèves,
Îles fantômes, îles d’or
Des réalités et des rêves !

Mais c’est en vain, reconnaissant,
Que de tout cœur je vous exalte,
Que je cueille en y repassant
Les brèves fleurs de chaque halte,

Et que je chante à pleine voix
Jusqu’à vos rocs, jusqu’à vos sables.
Las ! Une fois de plus je vois
Que vous êtes insaisissables.


Mieux mes vers ont su vous bénir,
Pire est votre deuil que je porte.
Vous ne vivez qu’au souvenir
Dont nos regrets ouvrent la porte.

Et ma joie en vous recréant
Ne me rend que plus triste ensuite
À constater le sûr néant
De votre épouvantable fuite.

Ah ! toujours l’incessant départ !
Toujours rouler dans cette houle !
Jamais ne rester nulle part !
Couler à l’éternel tout-coule !

Pas même aux plus humbles îlots
Ne dire : « C’est la fin ! J’arrive ! »
Sans fin sur l’infini des flots
Réembarquer à la dérive !

Et pourtant, au gouffre du temps,
Pauvre homme à qui rien ne demeure,
C’est de ces paradis flottants
Qu’il faut t’en faire un d’heure en heure.


Comment on peut être joyeux,
Tant bien que mal, de ces aubaines,
Je te l’ai montré de mon mieux,
Et n’aurai point perdu mes peines

S’il te plaît de prendre en souci
Ces trois conseils, que je te livre
Pour finir, et qui sont ainsi
La moralité de mon livre.