Mes paradis/Dans les remous/Ballade de la peine


LXXXV

BALLADE DE LA PEINE


Tu meurs de faim ? Oh ! l’homme heureux !
Avec quelle panse élargie,
Quels coups de gueule valeureux,
Tu vas guérir ta gastralgie !
Fût-ce de pain sans fromagie,
Quand tu bâfreras à loisir,
Quelle crevaille, quelle orgie !
Grain de peine, fleur de plaisir.

Tu meurs d’amour, pauvre amoureux,
Pied de grue et l’œil en vigie
Devant un seuil trop rigoureux.
Mais ta belle à ta stratégie
Doit céder. Adieu l’élégie !

Dans tes bras tu vas la saisir,
Mourant soudain plein d’énergie.
Grain de peine, fleur de plaisir.

Tu meurs de rêver, songe-creux !
Les hommes à l’âme assagie,
Pendant que tu saignes pour eux,
Traitent ton soleil de bougie.
Mais ta foi, féconde en magie,
Au firmament de ton désir
Voit l’aube de ton sang rougie.
Grain de peine, fleur de plaisir.

ENVOI

Prince, fais donc l’apologie
Du bien ou du mal, sans choisir ;
Car l’un de l’autre est l’effigie.
Grain de peine, fleur de plaisir.