Mes paradis/Dans les remous/Ballade ailée


XLII

BALLADE AILÉE


Qu’elle soit marquise ou grisette,
En robe à traîne ou cotillon,
À l’existence fais risette.
Même guenille-guenillon,
Elle est azur et vermillon
Pour toi qu’aiment les neuf donzelles,
Ô frère aîné du papillon,
Poète ! N’as-tu pas des ailes ?

Viennent les jours d’âpre disette
Où, comme un simple barbillon,
Tu n’as que l’eau pour anisette,
De ta ceinture sans billon
Tu boucles plus loin l’ardillon

Et finement tu le cisèles
Pour en sentir moins l’aiguillon.
Poète, n’as-tu pas des ailes ?

Ta Muse, Uranie ou Lisette,
Sur toi déploie en pavillon
Ses crins d’or dont chaque frisette
T’emplit le cœur d’un million.
Qu’y met-elle, à ton corbillon ?
Rien. Mais les oiseaux, les oiselles,
Te sonnent leur gai carillon.
Poète, n’as-tu pas des ailes ?

ENVOI

Prince, il volait, le bon Villon.
Et puis après ? Les demoiselles
Volent bien, et l’émerillon.
Poète, n’as-tu pas des ailes ?