Mes heures de travail/Institutions ouvrières de la Suisse

Société générale d’imprimerie (p. 29--).

NOTE ADDITIONNELLE AU CHAPITRE PREMIER

Institutions ouvrières de la Suisse.

Lorsque la France manifesta l’intention de donner satisfaction à une légitime curiosité, en réunissant temporairement à Paris, en 1867, les chefs-d’œuvre de l’industrie du monde entier, elle confia la direction de cette entreprise à l’ingénieur-économiste Le Play, qui s’efforça de rendre cette solennité aussi captivante, originale et utile que possible. Il le fit notamment en témoignant le désir que les exposants envisageassent non seulement l’intérêt du consommateur, mais aussi la condition des travailleurs aux labeurs desquels ces produits seraient dûs. Il invita en conséquence chaque État à dire ce qui se faisait chez lui en faveur de la classe ouvrière.

En présence de ce louable vœu auquel était jointe la promesse de récompenses, pour qui se distinguerait dans cette joute d’un nouveau genre, le Conseil fédéral suisse y applaudit pour sa part, mais n’entra pas pleinement dans les vues du programme, en ce sens qu’il n’encouragea pas ses concitoyens à accepter les primes qui leur seraient offertes, tenant pour certain que ce qu’ils pourraient citer à leur éloge leur aurait été dicté par leur conscience, et convaincu qu’il leur répugnerait de solliciter des distinctions pour avoir obéi à ce qu’ils considéreraient comme l’accomplissement d’un devoir. Toutefois il souhaita que quelqu’un de désintéressé dans la question voulût bien élever la voix pour exposer, comment et dans quelle mesure, nos 22 Cantons pourraient concourir à l’enquête Le Play.

Il me fit alors l’honneur de jeter les yeux sur moi et me demanda de dresser un tableau de tous les efforts tentés par ses ressortissants, pour améliorer la situation matérielle, intellectuelle et morale des habitants du territoire helvétique.

Je le fis très volontiers, mais non sans avoir sollicité préalablement de mes compatriotes des informations précises, que, de toutes les parties du pays, ils m’envoyèrent en abondance. Grâce à eux je pus donc mettre sous les yeux du jury de l’Exposition un mémoire de deux cents pages, qui parut avoir atteint complètement son but et satisfait tous les intéressés, en montrant, qu’au point de vue dont il s’agissait, la Suisse était digne d’occuper un rang très honorable entre les puissances les plus civilisées.

Obligé de composer et de publier, dans le court délai de moins de trois mois, cet ouvrage que je nommai « Les Institutions ouvrières de la Suisse », je me conformai à cette exigence, mais ce fut au prix d’un labeur excessif, que je ne saurais oublier et dont le souvenir m’a engagé à lui consacrer ces lignes. Je les rapproche de ce qui concerne la Société d’Utilité publique, car c’est à elle que je devais une certaine notoriété, qui m’avait valu l’honneur d’être investi de la confiance des autorités supérieures de mon pays. Mon livre fut publié aux frais de l’État.