Maurice Scève et la Renaissance lyonnaise/08

Honoré Champion (p. 105-120).

chapitre huitième

LES TEMPS DE LA PLÉÏADE NAISSANTE.

Les années qui précèdent et qui suivent l’avènement de Henri II sont celles de l’apogée de la gloire de Maurice Scève. La Délie et la Saulsaye ont fait connaître son nom par toute la France, la reine de Navarre l’honore de la tâche de composer les sonnets liminaires des deux livres de ses Marguerites, le libraire Jean de Tournes lui dédie une édition des rimes de Pétrarque, en rappelant à tous les fervents du chantre de Laure les mérites de celui qui a trouvé, il y a une douzaine d’années, le prétendu tombeau de cette femme célébrée par les vers du divin poète ; le même éditeur lui fait aussi l’hommage d’une édition de la Divine Comédie, Jacques Peletier du Mans le donne en modèle dans son Art poétique ; ces événements de la seule année 1547 nous font supposer que le prestige de Scève atteignit à cette époque son point culminant. Les humanistes lyonnais se sont complètement dispersés depuis quelques années : l’auteur de la Délie est sans contestation le Lyonnais le plus célèbre, tout désigné pour arranger les fêtes par lesquelles ses concitoyens assuraient le nouveau monarque de leur amour et de leur fidélité.

Deux portraits de cette époque nous permettent de nous faire une image de Maurice Scève. L’un se trouve sur le verso du premier feuillet de la Délie[1] ; le poète y est pris exactement de profil. Un autre fait partie du Promptuaire des Médailles, ouvrage iconographique et biographique du seizième siècle malheureusement assez rare. Si la première des deux gravures ne semble pas mauvaise, la seconde est encore meilleure ; un portraitiste de talent et d’un art supérieur se manifeste dans ces lignes hardies qui donnent au poète une expression vive et naturelle[2]. Malgré quelques petites différences qui s’expliquent par la conception individuelle de l’artiste, ces deux portraits offrent tant de détails identiques que nous pouvons nous représenter sans difficulté l’auteur de la Délie.

Le corps de Maurice Scève était faible, non armis utile (Girinet) ; un grand nombre de ses contemporains[3], frappés de sa petite taille, notent cette circonstance en premier lieu quand ils parlent du chef de l’école lyonnaise. Lui-même nous dit avoir les cheveux noirs et — il ajoute — „le teint pâle“ ce qui est peut-être une fiction poétique, une conséquence du pétrarquisme[4].

Ses portraits nous le montrent le crâne allongé en profondeur et le front bas, mais large et droit. Le nez aux narines gonflées est assez grand et énergique, les joues sont maigres et osseuses. Les yeux paraissent démesurément grands et sont ombragés de sourcils touffus ; ils ont une expression vague de rêverie mélancolique, presque maladive, et les lignes de la bouche donnent la même expression. Comme la plupart de ses contemporains, il porte toute la barbe qui est ronde et courte. Une pelisse épaisse qu’il porte par dessus sa veste a fait supposer Scève bossu (Steyert), opinion que nous ne pouvons pas partager après avoir examiné avec soin les deux portraits.

Même sans bosse, Scève n’est pas ce qu’on appelle un bel homme ; le portrait du Promptuaire des Médailles, qui semble être conçu par une individualité vraiment artistique et qui a un caractère de vérité, nous le peint même laid, mais d’une laideur sympathique et virile, embellie par une note de souffrance et d’esprit.

Nous aimons à nous le représenter tel qu’on le fête dans les sociétés lyonnaises où il est le personnage le plus en vue, la célébrité des salons. On y écoute avec grande attention sa parole éloquente, surtout quand il récite ses vers que tous ceux qui se piquent de littérature se hâtent d’apprécier, feignant de les avoir compris.

Une poésie latine, probablement peu antérieure à ces années, nous donne un petit tableau de la vie de Scève au milieu de la société lyonnaise. C’est le Roi de la Basoche par Philibert Girinet[5], description d’une fête bruyante et populaire des basochiens de la ville assemblés pour élire un roi. Le lendemain tous se rendent à l’Île Barbe où ils vont jouir d’une belle journée de printemps. En retournant en ville, on fait une halte à mi-chemin dans une maison de campagne. Un dîner frugal réunit là les basochiens avec les bourgeois les plus renommés de Lyon, leurs femmes et leurs filles, et comme la faim commence à s’apaiser, on se livre à de gais entretiens :
Est epulis ardor postquam compressus edendi,
Incipiunt animos fando exhilarare, capaces
Craterasque mero plenas siccare jocoso.
Cunctorum lepidis implet Mauritius aures
Dictis Scaeva potens blando sermone, sacerque
Vates, sunt cuius dignissima tempora lauro
Phœbea, Martis cantet seu dura potentis
Arma, umbrosos seu saltus, seu florea rura,
Seu teneres nullos quos non inteliigit ignés.
Exiguum illius, non armis utile, corpus
In genio natura parens pensavit et arte.

La destination première des poésies de Maurice Scève n’était donc pas d’être imprimées et lues par un public indifférent, mais d’être récitées devant une société qui connaissait le poète et son sujet et qui sympathisait avec lui. Voilà qui nous expliquera beaucoup de passages et de qualités de ses vers.

Le passage cité du poème de Girinet nous prouve aussi que les ouvrages qui se sont conservés, ne sont pas toute l’œuvre poétique de Maurice Scève. Quand il chante „ces tendres feux que tout le monde comprend“, ce sont probablement des vers de la Délie, peut-être de la Saulsaye, mais „l’ombre des bois et les champs émaillés de fleurs“ ont-ils servi seulement de cadre ou de métaphore à ses idées amoureuses ? le texte de Girinet semble indiquer des poésies qui parlent directement de la nature. „Les puissants exploits de Mars“ enfin ne sont chantés dans aucun ouvrage de Scève dont nous ayons connaissance.

Girinet dit que Scève chantait. Faut-il prendre ce mot à la lettre ou est-ce une métaphore ? En tous cas, le divertissement principal de cette société joyeuse est, après la poésie, la musique.
Vocales alii pulsabant pectine nervos ;
Assa alii modulos concordes voce canebant.
Parte alia numéros diffundit tibia dulces
Buxea : non pauci genialia nabla frequentant.
Tous les Lyonnais de ce temps qui ont exercé une influence sur la littérature, ont été musiciens. Eustorg de Beaulieu a donné des leçons de chant aux enfants des premières familles ; Pernette du Guillet et Louise Labé ont la renommée de jouer des instruments de musique les plus divers. Maurice Scève a exhorté Clément Marot, déjà en 1536, à exercer sa voix par le chant ; le Microcosme et un passage du Solitaire second[6] de Pontus de Tyard nous montrent l’auteur de la 'Délie très fort en théorie musicale. Il a l’âme très sensible aux harmonies de la musique, et il sait exprimer sur le luth tout ce qui excite et apaise son cœur.
Leuth resonnant et le doux son des cordes
Et le concent de mon affection,
Comment ensemble unyment tu accordes
Ton harmonie avec ma passion.
Lorsque je suis sans occupation
Si vivement l’esprit tu m’exercites.
Qu’ores à joye, ore a dueil tu m’incites
Par tes accords, non aux miens ressemblants.
Car plus que moy mes maux tu lui récites,
Correspondant à mes soupirs tremblants[7]
.

Cet amour de la musique n’est pas resté sans influence sur la poésie de Scève. Après les temps de la prose rimée de Marot, il est le premier qui donne à ses vers un rythme soigné et une cadence mélodieuse qui partent d’une façon toute naturelle de son âme musicale.

La civilisation française avait fait des progrès prodigieux de 1540 à 1550. La Renaissance avait changé toutes les conditions de la vie et était entrée dans les âmes de la noblesse et même des bourgeois.

Dans sa première période, la Renaissance française n’avait existé que dans les têtes de quelques savants éclairés qui s’étaient adonnés à l’étude des auteurs de l’antiquité et des humanistes italiens, mais ces érudits avaient gardé leur acquisition pour eux et rien de la nouvelle conception de la vie n’était entré dans l’esprit des laïques.

La noblesse et les bourgeois des grandes villes s’étaient émancipés du moyen-âge par un autre chemin. Les nobles apprirent à connaître l’art italien et la beauté de la nouvelle vie dans leurs campagnes d’Italie ; quant aux bourgeois, le commerce même leur apporta d’Outre-Mont une foule d’objets d’art qui leur donnèrent le goût de la mode ytalienne dans les formes du costume, de l’architecture et des objets d’usage et les rendirent curieux des idées italiennes. On allait s’intéresser aussi à la littérature du pays dont on reconnaissait la supériorité artistique ; de cette façon le public français s’apprêtait à recevoir la semence de ses propres érudits, en réunissant ainsi en un seul les deux courants qui avaient amené la Renaissance en France ; la transformation totale de la civilisation française commençait.

Le centre de vulgarisation de la littérature italienne et de la Renaissance était Lyon, et la typographie était le moyen de la faire rayonner par toute la France. Le nombre des livres italiens publiés par les imprimeurs lyonnais est assez considérable ; les diverses éditions de Pétrarque en particulier transformèrent le goût de la poésie lyrique. Mais la presse lyonnaise produisit aussi des livres français qui allaient réveiller l’esprit de liberté et de critique : par exemple les nombreuses traductions d’auteurs antiques, et puis les livres pantagruéliques de Rabelais.

Il va sans dire que la littérature telle que l’avaient conçue Marot et ses élèves ne pouvait plus suffire aux besoins esthétiques. Aussi constatons-nous un progrès considérable dans les lettres françaises depuis l’an 1540 environ ; c’est l’époque de la controverse sur la nature de l’amour (entamée par Héroët), de la Délie, des Rymes de Pernette du Guillet, des Marguerites de la Marguerite des Princesses, des Œuvres poétiques de Jacques Peletier du Mans et d’autres ouvrages encore qui montrent la tendance à s’éloigner de la vieille poésie gauloise cultivée par les „marotiques“.

Il existait déjà à ce moment des gens qui rêvaient une révolution littéraire plus rapide. C’étaient les trois élèves de Jean Dorat qui travaillaient depuis 1544 — la date de la publication de la Délie — avec leur maître au collège Coqueret pour se préparer à cette grande tâche. On sait aussi quelle fut l’étincelle qui mit le feu dans l£s esprits prêts à s’engager dans la bataille.

Dans les derniers mois de 1548, Thomas Sibilet, avocat au parlement de Paris, publia son Art poétique français, œuvre qui n’était pas ennemie du progrès (puisqu’elle se ralliait aux doctrines platoniciennes de la vertu comme motrice des arts et sciences et de la fureur poétique) mais qui n’entendait pourtant pas abandonner les productions de la vieille muse gauloise. Sibilet va jusqu’à recommander encore les rhétoriqueurs, Alain Chartier, Jean de Meung et Jean Lemaire des Belges ; et les rondeaux, ballades, virelais, chants royaux et autres épiceries lui paraissaient des formes qu’on ne devait jamais cesser de cultiver. Il a beaucoup d’admiration pour la poésie de Scève qu’il défend contre des critiques malveillants, tout en reconnaissant son obscurité et d’autres duretés[8]. Il ne le nomme pas parmi les poètes qui se distinguent par la douceur de leur style, comme Marot et Saint-Gelais.

Les poètes du collège Coqueret, pris d’une sainte colère, répondirent au plaidoyer de Sibilet : Joachim du Bellay publia au mois de mars ou d’avril 1549 la Deffence et Illustration de la Langue française qui devint le manifeste de la nouvelle école. L’objet de mon travail ne saurait être d’analyser les idées de cet ouvrage ; d’autres l’ont déjà fait, et d’une manière excellente[9]. Mais nous montrerons plus tard que la plupart de ses principes n’avaient rien de nouveau pour Maurice Scève, puisqu’il les avait déjà mis en œuvre dans la Délie et surtout dans la Saulsaye. Scève avait, tout comme les poètes de la Pléiade, cette conception sérieuse et haute de la poésie, qui renonce à tout artifice mesquin et souhaite un art sincère et laborieux, en détestant le goût banal du grand public. Il s’était toujours rallié à la doctrine de l’imitation originale recommandée aussi dans la Défense ; il n’avait jamais fait de traductions. Un des premiers en France, il avait employé le sonnet, déjà en 1547.

On ne peut méconnaître la grande estime que Joachim du Bellay porte au chef de l’école lyonnaise. C’est presque le seul poète de son temps qui ne soit pas en butte à ses invectives et à ses railleries. Marot, Saint-Gelais et Héroët sont blâmés directement, avec mention de leurs noms, sans parler des poètes de moindre importance comme les „Espérants“, les „Bannis de liesse“, les „Esclaves infortunés“, les „Traverseurs“, qui ont excité par leur médiocrité la haine implacable de l’auteur de la Défense. Il est vrai qu’il n’épargne pas Scève dans sa critique. Nous sommes parfaitement de l’avis de M. Chamard[10] qui croit que l’auteur de la Délie est visé par les mots du chapitre sur les poètes français : Quelque autre voulant trop s’éloigner du vulgaire, est tombé en obscurité aussi difficile à éclaircir en ses escritz aux plus savants comme aux plus ignares. Mais il ne faut pas oublier que s’éloigner du vulgaire est un des principes les plus chers à Du Bellay, et que cette critique est la plus bienveillante de celles qui s’adressent aux meilleurs poètes dans l’opinion des contemporains : Marot, Héroët, Saint-Gelais et Scève.

Pour connaître à fond l’opinion de Du Bellay sur le chef de l’école lyonnaise, il nous faut examiner encore ses autres publications de la même année. L’Olive, destinée à servir de modèle à la lyrique future, en est la principale. Il est incontestable que la Délie a exercé une influence capitale sur cet ouvrage qui est le deuxième canzoniere français au sens pétrarquesque. Comme la Délie, c’est un recueil de poésies composées d’après un moule unique, (chez Scève des dizains, chez Du Bellay des sonnets), adressées à la même dame dont le nom sert de titre au livre, et les idées contenues dans ces vers sont aussi pétrarquisantes que leur forme. Ce n’est pas ici le lieu de nous occuper des ressemblances de détail dont nous parlerons plus tard ; mais il faut bien tenir compte de quelques passages qui font allusion à Scève.

N’est-ce pas Maurice Scève qui est visé par les vers suivants :
Encore dira que la Touvre et la Seine
      Avec la Sône arriveront à peine
      A la moitié d’un si divin ouvrage.
Ne cestuy-là qui n’aguère a fait lire
      En lettres d’or gravé sur son rivage
      Le vieil honneur de l’une et l’autre lyre (Olive, s. LXIII)

Mais j’avoue que l’allusion n’est pas très claire et que l’attribution

n’est point sûre. Un autre sonnet adressé directement à Maurice Scève chante sa gloire en termes emphatiques. Il y est clairement désigné comme le chef des poètes lyonnais, et les auteurs de la Pléiade ne semblent pas lui accorder moins de sympathie et d’autorité qu’à l’un des leurs.
Esprit divin que la trouppe honorée
      Du double mont admire en t’escoutant
      Cygne nouveau qui voles en chantant
      Du chaud rivage au froid hyperborée :
Si de ton bruit ma lyre énamourée
      Ta gloire encore ne va point racontant.
      J’aime, j’admire et adore pourtant
      Le haut voler de ta plume dorée.
L’Arne superbe adore sur sa rive
      Du sainct laurier la branche toujours vive
      Et ta Délie enfle la Sône lente.
Mon Loyre aussi, demi-Dieu par mes vers
      Bruslé d’amour estend les bras ouvers
      Au tige heureux qu’à ses rives je plante. (Olive s. CV.)
De même dans la Musagnœomachie, Scève n’est pas oublié parmi les esprits que Du Bellay invoque pour combattre l’ignorance :
Carie, Héroët, Sainct-Gelais
Les trois favoris des Grâces,
L’utile doux Rabelais
Et toy, Bouju, qui embrasses
Suivant les royales traces,
L’heur, la faveur et le nom
De Pallas et de Junon,
Sceve dont la gloire noue
Dans la Sône qui le loue
Docte aux doctes esclairci,
Salel que la France advoue
L’autre gloire de Querci…

Cette sympathie de Du Bellay pour Scève et l’école lyonnaise fait qu’on a tort d’insister si souvent sur l’origine lyonnaise du Quintil Horatian, en disant que cette protestation contre les doctrines de la Défense représente les idées de la plupart des poètes qui se groupaient à cette époque autour de Maurice Scève. Ces hommes-là ne formaient point une école littéraire au sens moderne du mot ; quelques-uns seulement peuvent être appelés des élèves de l’auteur de la Délie, mais justement Barthélémy Aneau, l’auteur du Quintil Horatian, et Charles Fontaine qui, par soif de vengeance, l’avait recommandé dans un quatrain agressif[11] n’avaient pas les mêmes tendances que Scève. Le premier était un de ces vieux pédants qui sont fiers d’une science douloureusement acquise pendant de longues années et qui n’entendent rien sacrifier de ce trésor. Tout ce qu’il y a de nouveau leur paraît suspect, et toute nouveauté opposée à leurs idées bien établies leur semble un crime. — Charles Fontaine se classe parmi ces pauvres diables qui font de la poésie un métier et qui vivent des aumônes et des pourboires avec lesquels on paye leurs vers. Changer de méthode était pour lui une question d’existence plutôt que d’esthétique ; il préféra s’en tenir à l’art poétique de Marot qui avait suffi à lui donner son pain. Ce n’était pourtant pas du tout un homme ignorant ou de mauvais caractère, et ses idées n’étaient pas toujours rétrogrades ; il savait faire des vers latins ; dans le différend entre Marot et Sagon, il avait fait son possible pour défendre son maître absent, et il avait été le premier à secourir Héroët dans la controverse sur la nature de l’amour.

Mais, nous le répétons, il n’y a rien de plus faux que de regarder le Quintil Horatian comme un manifeste des poètes lyonnais contre Du Bellay. Les idées de ce livre ne sont pas du tout celles de Scève et de ses kmis. Aneau se fait le défenseur du rondeau, du virelai, de la ballade et du chant royal, et pourtant qui saurait trouver dans les œuvres de Scève, de Pernette du Guillet, de Dolet, de Matthieu de Vauzelles, de Taillemont une de ces formes que Du Bellay appelle dédaigneusement des „épiceries“ ? Le sonnet, méprisé par le régent de l’École de la Trinité, est l’unique forme employée par Scève pour ses effusions lyriques depuis les Marguerites de 1547. Aneau n’admet pas non plus l’églogue, et diffère en cela du poète de la Saulsaye.

Passons à la différence de fond, sans nous arrêter trop à ces questions de détail. La haine sourde de l’auteur du Quintil Horatian contre l’Italie, qu’on entrevoit à tout moment à travers ses observations critiques, ne peut pas être sortie de la société vraiment lyonnaise dont la tendance était précisément l’italianisme. N’oublions pas que Barthélémy Aneau a toujours adhéré, dans le fond de son âme, aux idées de la Réforme, sans pourtant les confesser publiquement, et qu’il est mort en martyr de sa confession. Cette haine de l’Italie, comme celle de Robert Estienne[12], s’explique donc par l’indignation du huguenot contre Rome et la morale de la Renaissance, contre la corruption italique, comme la nomme Estienne. À Lyon, les calvinistes — non pas les évangéliques à la façon de Rabelais et des poètes latins de la ville — ont sans cesse protesté contre toutes les influences de l’italianisme qui régnait dans la société cultivée. Aneau ne se montre nulle part admirateur d’un des poètes lyonnais cités plus haut — ses modèles restent les Molinet, les Crétin et les Meschinot —, et si le Quintil Horatian est une protestation contre la Deffence et Illustration de Joachim du Bellay, il l’est aussi contre Maurice Scève et le groupe d’auteurs qui l’ont reconnu comme maître.

Il y a encore une autre critique de la Défense qui semble être sortie de la société littéraire de Lyon. L’auteur en est le poète Guillaume des Autels, natif de Montcénis en Bourgogne, âgé alors de vingt-deux ans, et qui s’est montré dans tous ses ouvrages poétiques grand admirateur de Maurice Scève. Je ne doute pas qu’ils ne se soient connus personnellement. Des Autels était le cousin de Pontus de Tyard qui habitait Mâcon à ce moment. On sait que les promoteurs de la Renaissance dans cette ville se réunissaient souvent à ceux de Lyon ; les agréments d’une navigation sur la Saône les y invitaient, et le futur évêque de Chalon-sur-Saône était l’ami de Maurice Scève et de Louise Labé[13]. Des Autels était sûrement de la compagnie ; la publication de ses ouvrages devait le conduire souvent à Lyon. Je ne peux pas juger de son premier ouvrage le Moys de May[14] que je n’ai pas vu ; son Repos de plus grand travail de 1550 contient deux pièces adressées à Maurice Scève[15]. Elles sont parfaitement conformes à l’esprit et à la forme de ses autres vers qui, à cette époque, ne sont souvent qu’une imitation assez servile de la Délie.

Des Autels publie encore dans la même année 1550[16] la Réplique aux furieuses défenses de Louis Meigret (avec la suite du Repos de l’auteur). Comme ce livre était aussi une apologie de la langue française qui commence à laisser ses plumes folles et devenir drue pour s’envoler par l’Univers avecques la Grecque et Latine, l’auteur ne pouvait pas passer sous silence la Deffence et Illustration de Du Bellay. Il ne cache nullement sa sympathie pour cet ouvrage dont il partage la plupart des idées, depuis l’érudite hardiesse d’avoir osé plus que nos majeurs jusqu’au souverain mépris des triviaux et vulgaires translateurs. Mais sa critique porte sur deux points essentiels, et je crois que les poètes lyonnais, y compris Maurice Scève, ont exercé une certaine influence sur son opinion. Des Autels veut bien le progrès, mais sans commettre envers les poètes de la vieille école l’ingratitude de les décrier comme la faulsse monnaye. C’est que les Lyonnais ont mieux connu ces auteurs ; leurs salons ont été fréquentés par Clément Marot et Mellin de Saint-Gelais, et les poètes de la cour de Marguerite de Navarre ont été souvent les hôtes de la ville riche et éclairée où ils sont allés publier leurs ouvrages. Les Lyonnais seuls ont su que tous ces auteurs n’ont pas été aussi ignorants que leurs vers légers ne le font soupçonner. Comment auraient-ils pu consentir à la proscription de plusieurs poètes fameux qui avaient été leurs concitoyens ? Aussi les formes que ces versificateurs marotiques ont employées, ne sont-elles pas toutes à mépriser ; en quoi une superstitieuse sextine italienne vaudrait-elle mieux qu’une élabourée ballade françoise ?

La critique la plus juste et la plus importante de Des Autels est dirigée contre la théorie de l’imitation. Il ne veut point d’une littérature composée d’éléments qui ne se distinguent d’une traduction que par leur manque d’exactitude. Sans doute, dans l’avenir auquel il songe, le poète étudiera avec soin les œuvres de l’antiquité grecque et latine et de l’Italie moderne pour chercher en quoy gist l’artifice et la grâce d’un bon auteur, et il s’en inspirera, sans pourtant les imiter de près. Il se réservera le droit, il s’imposera même le devoir d’inventer lui-même ses sujets. Qui l’empêchera de faire sortir de la France chose que ny l’arrogante Grèce, ny la curieuse Romme, ny la studieuse Italie n’ avaient encores veue ? De qui ont esté imitateurs les Grecs ?

Voilà de nouveau des idées qui répondent singulièrement aux principes qui ont dirigé la composition des ouvrages de Scève et de ses contemporains lyonnais. Nous avons cherché en vain à établir pour la Délie une liste des sources telle que M. Vianey l’a dressée pour l’Olive. J’ai trouvé beaucoup de ressemblances de détail et un fonds d’idées qui ne diffère pas essentiellement de celui de Pétrarque, mais je n’ai pu constater nulle part un dizain qui soit un essai de traduction d’un sonnet italien. Mêmes recherches inutiles pour la Saulsaye et pour le Microcosme, pour le Débat de Folie et d’Amour de Louise Labé et les Discours des Champs faëz de Claude de Taillemont ; les Lyonnais, semble-t-il, ont une forte tendance à être originaux. L’italianisme règne dans l’âme de ces auteurs depuis leur jeunesse avec une telle puissance qu’ils trouveraient puéril de traduire une œuvre de la littérature italienne en se bornant à y ajouter quelques détails personnels. Il y avait donc là une différence de principe entre la brigade du Collège de Coqueret et les poètes lyonnais dont Guillaume des Autels s’était fait le porte-voix.

Malgré cette différence, nous le répétons, la critique de l’adversaire de Meigret contre la Défense n’était point hostile et nous voyons, dans ses œuvres, qu’il suivit plus tard l’étendard de la Pléiade, et qu’il échangea des odes et des sonnets très amicaux avec Ronsard ; leurs relations furent telles que, si l’on pouvait ajouter d’autres étoiles à la Pléiade, Guillaume des Autels en serait peut-être la huitième ; place que Olivier du Magny et Amadis Jamin pourraient seuls lui disputer.

Nous avons déjà mentionné le cousin de Des Autels, Pontus de Tyard, le futur évêque de Chalon-sur-Saône, qui était depuis longtemps en relations suivies avec les cercles lyonnais. Il avait composé des sonnets français avant qu’ils fussent recommandés par la Deffence et Illustration et sans connaître les modèles de l’Olive. Peu de mois après ces publications de Du Bellay, Pontus de Tyard réunit ses sonnets sous le titre d’Erreurs amoureuses, et il tenait si fort à sa priorité qu’il alla jusqu’à commettre une supercherie pour la mettre hors de doute[17].

Aucun poète français ne mérite le nom de pétrarquiste avec plus de raison que Pontus. Il a appliqué à la poésie lyrique les mètres, les procédés et les théories artistiques du pétrarquisme italien, et ne se rattache à l’école de Ronsard que depuis le troisième livre de ses Erreurs amoureuses. Il a entremêlé ses sonnets de dizains qui correspondent aux madrigaux de son modèle, et de chants qui représentent les canzoni. Pourtant le faire laborieux de ses vers, les ombres mystiques où ils laissent notre âme, et l’amour platonique pour une femme qui a abandonné le chemin de l’ignorance, ainsi que beaucoup de ressemblances dans les concetti et dans le langage, nous amènent encore à un autre modèle : à Maurice Scève. C’est à lui qu’il adresse, comme à un maître, le premier sonnet du premier livre des Erreurs amoureuses.

Si en toi luit le flambeau gracieux.
Flambeau d’amour qui tout gent cœur allume.
Comme il faisoit lors qu’à ta docte plume
Tu fis hausser le vol jusques aux cieux,
Donne, sans plus, une heure à tes deux yeux
Pour voir l’ardeur qui nie brûle et consume
En ses Erreurs, qu’Amour sur son enclume
Me fait forger, de travail ocieux.
Tu y pourras reconnaître la flame
Qui enflama si hautement mon âme
Mais non les traits de ta divine veine.
Aussi je prends le blâme en pacience
Prest d’endurer honteuse pénitence
Pour les erreurs de ma jeunesse vaine.

Un autre sonnet du même livre mentionne encore le „grave“ Scève comme première autorité en matière de poésie, en l’opposant pour le style au „doux“ Saint-Gelais ; Pontus n’est donc pas en tout point de l’avis de Du Bellay qui, dans la Deffence, a décoché plus d’un trait contre ce poète de l’ancienne école.

Il ne faut point au Flaman reprocher
Et le juger moins subtil en peinture.
Si de tirer en ceste portraiture
Les beaux traits d’elle il ne peut approcher.
On ne me doit au rang aussi coucher
Des ignorants, et taxer pour injure,
Si je ne puis par diverse écriture
Suffisamment sa louenge toucher.
Car au parfait de sa grand beauté peindre
Ne pourroient pas les deux pinceaux atteindre
L’un de Zeuxis, et l’autre d’Appelles,
Ni à louer ceste âme toute gentille
Seroit bastant et l’un et l’autre stile
Du grave Scève et du doux Saint-Gelais.

Le second livre des Erreurs amoureuses qui suivit le premier en 1550, commence aussi par un sonnet, qui chante les trois poètes alors les plus chers à Pontus de Tyard — Scève, des Autels et du Bellay — , et nomme de nouveau en premier lieu le chef de l’école lyonnaise.

Je n’attend point que mon nom l’on escrive
Au rang de ceux qui ont des rameaux vers
Du blond Phebus les savants fronts couvers
Hors du danger de l’oublieuse rive.
Scève parmi les doctes bouches vive,
Reste Romans honoré par les vers
De des Autels, et chante l’univers
Le riche loz de l’immortelle Olive.
Vueille Appollon du double mont descendre
Pour rendre grâce à cest autre Terpendre
Qui renouvelle et l’une et l’autre lyre.
Mais quoy, sçais-tu à quoy, Dame, j’aspire ?
C’est sous espoir de piteuse te rendre
Que seulement mes vers tu daignes lire.

Quant à Ronsard, que nous nommons en dernier lieu pour des raisons de chronologie, il savait, aussi bien que Du Bellay, apprécier les mérites de Maurice Scève. Son biographe Binet nous a transmis la liste des poètes français que le chef de la Pléiade regardait comme ses précurseurs. Les premiers poètes qu’il a estimé avoir commencé à bien escrire ont esté Maurice Sceve, Hugues Saîel, Anthoine Héroët, Mellin de Saint-Gelais, Jacques Peletier et Guillaume des Autels[18]. Et dans un passage de la préface de ses Odes, Ronsard dit également : La langue françoise (était) avant nous foible et languissante — j’excepte toujours Héroët, Sceve et Saint-Gelais.

Voici donc la position de Maurice Scève pendant la révolution littéraire entamée par la Deffence et Illustration : Critiqué avec bienveillance par Du Bellay et honoré par les vers de l’Olive, il est reconnu par Ronsard comme précurseur et comme modèle, en particulier pour la vigueur du langage. Un autre groupe de poètes place le chef de l’école lyonnaise dans un jour encore plus favorable. Ce sont les méridionaux, Pontus de Tyard et Guillaume des Autels, qui vivent dans les environs de Lyon et dans l’intimité de Maurice Scève. Jeandet nous décrit les réunions qui avaient lieu chez Pontus de Tyard, dans son château de Bissy[19]. Parmi les habitués de cette société d’élite où la gravité des plus hautes études était tempérée par la culture des arts d’agrément, on remarquait le savant poète lyonnais Maurice Sceve, J’ami extrêmement aimé, mais non jamais assez honoré“ de Pontus, son cousin Guillaume des Autels „diligent amateur de toutes disciplines“, le poète latin Salomon Clerguet de Châlon… Philippe Robert qui y lisait des fragments de sa traduction d’Isée et de Démosthène. Jacques Peletier du Mans était souvent de la compagnie ; il aimait surtout à parler mathématiques et astronomie[20]. Pour les poètes de ces réunions, le chantre de la Délie est le maître incontestable, et ils donneront dans leurs œuvres plus d’un témoignage de ce jugement.

En 1553 Guillaume des Autels publie un nouveau recueil de sonnets, d’inspiration toute platonique, sous le titre Amoureux repos ; la préface, „à sa Sainte“ en est pour nous la partie la plus remarquable.

Des Autels est un des meilleurs critiques du siècle — un peu batailleur de sa nature, il est vrai, — mais les idées qu’il expose prouvent de nouveau la rare intelligence qu’on a remarquée dans sa Réplique à Louis Meigret. Cette fois encore il ne résiste pas à la tentation de nous dire son opinion sur le développement de la poésie française. Notre France, dit-il, pour la plus grand part, a eu toujours les yeux sillés au jugement de la poésie. Il n’y a que quatre ou cinq ans au plus que l’on estimoit la souveraine vertu des paroles françoises, non moins en vers qu’en prose, estre la propriété — opinion tant dommageable qu’elle nous bannit de la plus féconde partie de l’élégance, et contrainct nos rimes de se traîner toujours comme des serpents sus la terre. Donc nous sommes bien tenuz à la Délie, laquelle (combien qu’elle ait quelques ans demeuré sans crédit sus le vulgaire) a enhardy tant de bons esprits à nous purger de telle peste. Mais (comme la vertu au milieu des vices) je désirerais la fin d’un autre avis contraire et plus pernicieux, que je voy pulluler entre ce peuple, voyre s’enraciner au cerveau de ceux qui se meslent d’aristarquiser : c’est de n’estimer rien bon et digne d’un poète, qui soit propre, et vouloir partout avoir de tropes, voyre des ainigmes etc.

Nous avons déjà parlé plus haut de l’admiration que Pontus de Tyard professe à l’égard de Maurice Scève dans ses œuvres en prose, surtout dans le Solitaire second, qui traite de la fureur poétique et qui, tout en imitant les dialogues de Platon, résume les doctrines poétiques de la Pléiade et de ce groupe de poètes méridionaux dont les noms principaux sont Maurice Scève, Jacques Peletier, Pontus de Tyard et Guillaume des Autels. Malgré la grande importance de ce dialogue, il est resté jusqu’à aujourd’hui presque inconnu[21].

L’occasion de faire la connaissance personnelle de Joachim du Bellay s’offrit, bientôt après ces événements, à Maurice Scève, à des Autels et à Pontus de Tyard. Au mois de mai 1553, l’auteur de la Deffence et Illustration de la langue française partit pour Rome à la suite de son célèbre parent, le cardinal Jean du Bellay. En passant par Lyon, ils y firent un séjour dont nous ne connaissons pas la durée, mais on ne peut douter que le poète de l’Olive n’ait recherché à cette occasion l’amitié de Maurice Scève. Un sonnet des Regrets, composé très probablement pendant ce séjour, nous prouve que l’admiration de Du Bellay pour le chantre de la Délie et pour son œuvre n’avait point diminué dans un commerce plus intime.
Gentil esprit, ornement de la France,
      Qui d’Apollon saintement inspiré
      T’es le premier du peuple retiré
      Loing du chemin tracé par l’ignorance,
Scève divin, dont l’heureuse naissance
      N’a moins encor son Rosne décoré
      Que du Thuscan le fleuve est honoré
      Du tronc qui prend à son bord accroissance :
Reçoy le vœu, qu’un dévot Angevin
      Enamouré de ton esprit divin,
      Laissant la France, à ta grandeur dédie.
Ainsi toujours de Rosne impétueux,
      Ainsi la Saône au sein non fluctueux
      Sonne toujours et Scève et sa Délie.               (ii, 143)


  1. Dans la réimpression de la Délie de 1862, on a voulu idéaliser les traits quelque peu rudes du poète en reproduisant la gravure sur bois de l’original par une eau-forte ; mais on a amoindri la valeur artistique du portrait. — Un fac-similé de l’original dans E. Picot. Catalogue de la Bibl. Rothschild.
  2. Un fac-similé au frontispice.
  3. Dolet, Ch. de Sainte-Marthe, La Croix du Maine, Promptuaire, etc.
  4. Dans son jardin Vénus se reposoit
    Avec Amour, sa tendre nourriture,
    Lequel je vi, lorsqu’il se déduisoit,
    Et l’apperceu semblable à ma figure.
          Car il estoit de tresbasse stature,
    Moi trespetit, luy pasle, moi transy.
    Puisque pareils nous sommes donc ainsi
    Pourquoy ne suis second Dieu d’amytié ?
          Las, je n’ai pas l’arc ni les traits aussi
    Pour esmouvoir ma Maistresse à pitié.          (Délie, dizain 74.)
  5. Philiberti Girineti de Petri Gauteri in pragmaticorum lugdunensium principent electione. Imprimé dans Bucolicorum autores XXXVIII… par Oporin, Bâle 1546. p. 738-747. — Le P. Colonia qui ignorait l’existence des Bucolicorum autores (livre extraordinairement rare) a découvert le manuscrit de ce poème. Le même manuscrit fut édité par M. Breghot du Lut : Le Roi de la Basoche, poème latin inédit de Ph. Girinet, traduit en français avec des notes. Lyon. Ant. Périsse 1838. (Le P. Colonia en avait déjà publié des fragments dans son Histoire littéraire de Lyon. 1730.)
    Girinet est un des poètes les moins connus du cercle des Bourbon, des Visagier, des Ducher etc. Nous le trouvons plus tard chevalier de l’église de Lyon et trésorier de l’église de Saint-Étienne. Il était l’oncle et le bienfaiteur de l’historien Papire Masson. — Bonaventure Despériers nous a laissé une description brillante, d’un charme et d’une fraîcheur rares, de la même fête, mais probablement d’une autre année (1539) : Le Voyage de Lyon à ttostre Dame de t’Isle. Recueil des Œuvres 1544, p. 52-68. Le nom de Scève ne s’y trouve point, (cf. un article de M. Félix Desvemay dans Lyon-Revue, tome 6, juin 1884. p. 319, ff.)
  6. Solitaire Second, ou Prose de Musique. Lyon. J. de Tournes 1555. — p. 25-28. (Il s’agit d’une nouvelle notation de la musique.) Il me semble qu’avec peu de labeur, de quelqu’un qui par vénérable autorité et accomplissement des parties requises par Platon en l’inventeur et correcteur de langages, tirerait les François à son opinion, nous pourrions être enrichis de ce que nous défaut en cet endroit à l’imitation des anciens : desquels vous ne trouverez hors de propos que j’ajoute une autre mode de marques laquelle j’ay recueilli d’un fort vieux exemplaire venu en mes mains par la grâce de mon extrêmement ayjné ami, mais non jamais assez honoré de moi, Maurice Scève.
  7. Délie, dizain 344.
  8. Car l’envie, toujours compagnie de vertu, gardera jusqu’au bout sa méchante nature qui est de trouver neud au jonc et à redire en ce qu’est bien et ingénieusement inventé comme elle a naguères fait en la Délie de Scève, poème d’autant riche invention qui pour le jour d’hui se lise, en laquelle fait tous les jours impression de ses agites dents de chien et trouve à reprendre en ses tant doctes épigrammes la rudesse de beaucoup de mots nouveaux sans lesquelles (sic) toutesfois l’énergie des choses contenues celée et moins exprimée en fait ignorer bonne part de la conception de l’auteur laquelle avec tout cela demeure encores malaisée à en estre extraite. — Sibilet, Art poétique, Paris, Corrozet 1548. p. 23.
  9. Chamard, Henri. Joachim du Bellay. 1522 — 1560. Thèse de Paris. Lille 1900. — Joachim du Bellay. Œuvres complètes. Avec commentaire historique et critique par Léon Séché. Paris 1903. — Revue de la Renaissance, passim.
  10. Revue d’hist. litt. IL p. 408 et IV. p. 239.
  11. Jamais si tost ne t’aura
    Claire eau de ma fontaine vive,
    Que legier feu estainct sera
    De l’huyle obscure de ton olive.
  12. cf. la Précellence du langage français. 1579.
  13. Abel Jeandet. Pontus de Tyard. Paris, Aubry 1860. — Étienne Tabouret, un autre Maconnais, cite dans ses Bigarrures et Touches (Paris 1582) un rébus par chiffres, inventé, à ce qu’il dit, par M. Scève. Il est trop indécent pour être rapporté ici.
  14. Sans lieu ni date, Brunet admet Lyon, Ollivier Arnoullet 1544. La date est peu probable, puisque Des Autels n’avait que 16 ans à cette époque.
  15. A M. Scève.
    Le mesme Dieu qui te blessa
    Et naistre en toy fait haulte invention,
    De mesme trait mon ame transperça ;
    Pour ce je chante à mesme intention.
    Le danger mesme à mon affection
    Est qui rendit la tienne tant confuse :
    Et la loy mesme avecques toy j’accuse
    Qui de monstrer deffend si bien qu’on m’aime :
    Mais je n’ai pas mesme art, ny mesme Muse
    Pour déclarer mon feu ardent de mesme.
    A M, Scève.
    Du beau Phébus la clarté admirable
    Nous rend ça-bas alègres et joyeux,
    Quand la beauté de sa face amiable
    Ouvertement se descouvre à nos yeux :
    Mais lors qu’il est seulement veu des Cieux
    A nous caché par les obscures nues.
    Nous est-il pas d’autant moins gracieux
    Que ses vertus nous sont plus incongnues ?
  16. L’épître liminaire est datée du 20 août 1550.
  17. cf. Chamard, Du Bellay p. 171. — Marty-Lavaux. Œuvres de Pontus de Tyard. — Jeandet op. cit. — Brunetière. Revue des deux mondes. 15 déc. 1900. p. 908. — Flamini. Le rôle de P. d. T. dans le pétrarquisme français. Revue de la Renaissance 1902. p. 43.
  18. Texte de 1587 et 1597. Dans l’édition princeps de 1586, la liste se réduit à M. Scève, H. Salel et J. Peletier. (Note de Chamard op. cit. p, 76.)
  19. op. cit. p. 94.
  20. Marty-Laveaux. Notice sur Pontus de Tyard. p. XX-XXI.
  21. F. Brunetière, Revue des deux mondes. 15 déc. 1900. p. 909.