Maurice Scève et la Renaissance lyonnaise/07

Honoré Champion (p. 90-104).

chapitre septième

L’ENTRÉE SOLENNELLE DE HENRI II.

Le roi de la Renaissance était mort. Dans ses dernières années, son amour pour les lettres et les beaux-arts avait diminué, toutes ses ambitions politiques avaient échoué ; le corps et le cœur ravagés par la maladie, François Ier s’était fatigué du gouvernement, et la France s’était fatiguée de son roi.

Un nouveau roi — une nouvelle espérance. Les hommes intelligents ne se faisaient pas de grandes illusions sur les talents de Henri II ; mais on se disait qu’il valait toujours mieux que son père dont les accès bilieux des dernières années avaient blessé beaucoup de ses sujets.

Au printemps 1548, une année après son avènement, la nouvelle se répandit que le nouveau roi allait visiter ses provinces de l’Est. Les Lyonnais ne doutèrent pas un moment que le but principal de ce voyage ne fût leur ville, la deuxième capitale et la commune la plus riche du royaume.

Lyon avait, depuis la fin du quinzième siècle, la renommée de fêter les entrées solennelles des rois et d’autres hôtes illustres, avec un faste extraordinaire dont les descriptions nous frappent d’étonnement[1]. On se souvenait encore des réceptions magnifiques faites en 1505 à Louis XII et Anne de Bretagne, en 1515 à François Ier et Claude de France[2], en 1530 aux enfants de France et Éléonore d’Autriche[3].

Les consuls de Lyon résolurent de donner à cette entrée de leur nouveau roi une splendeur et une magnificence dignes de leur ville et d’y employer les meilleures forces dont ils disposassent. Parquoy, messieurs de la ville ne voulant dégénérer de leur antique générosité romaine comme descendus d’icelle[4], ils voulaient que l’esprit de la Renaissance qui régnait dans la ville trouvât un écho dans ces fêtes, et ils élurent dans ce but une commission qu’on chargea des préparatifs. Le poète Maurice Scève en fut le chef ; on lui adjoignit les sieurs du Choul, le célèbre archéologue, Barthélémy Aneau, le principal du Collège de la Trinité, et autres gens de sçavoir, tant orfèvres que autres, pour après avoir eu leur advis, prendre le meilleur[5].

Les registres consulaires nous donnent une image assez exacte de ces préparatifs de fête. Le peintre Jean Coste est chargé de fournir seize cents écus aux armes du roi et de la reine ; deux orfèvres reçoivent l’ordre d’exécuter, d’après les modèles du graveur Bernard Salomon, des groupes d’orfèvrerie destinés à être présentés aux souverains ; on construit un jeu de paume près de l’abbaye d’Ainay, où les rois ont l’habitude de loger quand ils sont à Lyon, pour bailler passetemps audict seigneur et à messieurs les princes et seigneurs de la cour ; les trois maistres joueurs d’espées de la ville sont obligés d’engager douze gladiateurs qui combattront de diverses armes, comme espées à deux mains, javelines, l’espée la rondelle, l’espée le bouclier et deux petites espées, le tout tranchant ; on détermine quels costumes porteront les membres du corps consulaire et même les mariniers qui conduiront le roi et la cour sur la Saône.

Heureusement il s’est conservé de ces fêtes une description détaillée dont la fidélité ne peut être contestée. Quelques libraires avaient publié différentes relations de l’entrée de Henri II[6] ; mais le corps consulaire les déclara mensongères et ordonna de les brusler comme imprimées contre la vérité et sans autorité de justice, et il chargea Maurice Scéve qui a conduict la dicte entrée, pour la coucher au vray et, ce fait, la faire imprimer au vroy. L’ordre fut exécuté ; il nous reste du texte officiel de cette relation deux versions ; l’une en français, l’autre en italien. Ce sont des éditions de luxe, imprimées sur vélin, ornées de gravures de Bernard Salomon et publiées aux dépens de la ville[7]. Le nom de Scève ne s’y trouve nulle part, ni ses initiales, ni sa devise ; il n’y a cependant pas lieu de douter de leur authenticité. Le style de la relation française est correct et libre de recherche, mais froid et sec ; sa valeur littéraire ne dépasse guère celle d’un procès-verbal juridique, et ce n’est que bien rarement que nous voyons percer des idées et des sentiments à travers la naïve description. Nous ne pouvons nous abstenir de la résumer ici ; elle est caractéristique pour Scève et pour ses concitoyens.

Du Piémont où il avait inspecté des forteresses, le roi arriva le 21 septembre à Lyon, où la reine l’attendait avec sa suite. Deux jours après, un Dimanche, eut lieu l’entrée solennelle qui commença par un dîner splendide qu’on offrit au roi au faubourg de Vaise (situé sur la Saône en amont de la ville) dans une loge somptueusement décorée de tapisseries à haute lisse, de draps de soie et d’argent, le tout arrangé en style antique. Il y reçut les Lyonnais les plus influents, puis les consuls et seigneurs des „Nations", c’est à dire des organisations politiques des Florentins, Génois, Lucquois et Allemands, qui formaient avec leurs laquais un cortège étincelant de velours et de soie, d’or et d’argent. Le clergé lyonnais, suivi des confréries, vint présenter ses hommages au roi, et après le clergé on vit passer devant la loge royale la file interminable de tous les bourgeois lyonnais qui s’étaient rendus hors l’enceinte pour se ranger avec plus de soin que n’auraient fait des soldats. Ils étaient groupés par corporations, reconnaissables au costume uniforme que portaient leurs membres et dont le luxe et la nouveauté étaient destinés à montrer aux spectateurs la richesse et le patriotisme des habitants.

Rien de plus splendide que ce cortège qui se déroule sous les yeux du monarque. Il est ouvert par les archers de la ville, commandés par le prévôt des marchands. Tous sont à cheval, tous sont vêtus de drap vert avec broderies en blanc. Ils tiennent des bâtons à la main pour retenir la grande foule accourue à

Lyon non seulement du pays environnant mais même de la Bourgogne et du Dauphiné. Les arquebusiers les suivent avec leur bannière ; ils sont au nombre de trois cents ; leur costume est blanc et noir avec paillettes d’or. À leur tête marche le lieutenant du capitaine de la ville, monté sur un grand cheval d’Espaigne, richement harnaché de houppes d’or, de soie et de pennache ; et luy d’une cazaque de velours noir, toute espessement setnée de boutons d’or, faicts à roses, et au devant de lui deux laquais vestuz de satin bleu. Ce costume était pourtant loin d’être le plus magnifique ; le cadre de ce travail nous oblige à passer sous silence beaucoup de détails intéressants sur la civilisation lyonnaise de ce temps.

Après les forces militaires, on voit s’approcher les corporations des métiers, chacune avec son capitaine, ses tabourins et ses fifres. Les premières qui défilent sont celles des bouchers, cartiers[8] et couturiers (333)[9] ; leurs armes sont dorées, les fourreaux en sont revêtus de velours. Les teinturiers, tissottiers et orfèvres (685) étalent encore plus de luxe dans leurs costumes ; les derniers ont des croissants d’argent sur le collet. Les charpentiers, selliers et maçons (592) font bonne mine, surtout par la correction toute militaire de leurs rangs. — Il serait fastidieux pour le lecteur de lire les noms de toutes ces corporations et la description des efforts qu’elles firent pour plaire au roi par la somptuosité de leurs costumes et l’éclat de leurs armes, par les magnifiques accoutrements de leurs capitaines, lieutenants et enseignes qui laissaient flotter au vent leurs bannières artistement brodées. Mentionnons encore les 413 imprimeurs, portant pourpoints, chausses et souliers de velours jaune, paillé biseté d’argent, le collet et le bonnet noir, avec le petit toupet de plumes blanches sur le derrière, pour la dernière troupe des gens de mestier. Lesquels furent tous grandement louez et prisez du roi et de tous autres, et mesmement pour le grand ordre, gravité et silence qu’ils tenoient, autant que gens de guerre sauroyent faire, et sans que l’on vist aucun sergent de bande parmy eux, comme est de coustume, ains marchant toujours avec le Cap-desquadre et sans abandonner son rang pour haster ou ranger la troupe : qui fut chose aux regardans esmerveillable et mesme à totts capitaines et entendans le fait de la guerre, de voir si gros nombre de gens de ville, en si peu de temps que d’une heure et demye estre bien rangez, et en si bel ordre sans que l’on vist, tout le long de la ville toussir ne parler un seul, et sans entrerompre son ordre, fust pour saulver aucun ou autre occasion quelconque qui monstroit assez à tous à ce congnoissans que la plupart d’eux avoyent quelque fois suivy les armes.

Les „nations“ étrangères prirent un soin plus grand encore d’étaler leurs richesses pour donner aux Français une haute idée de la grandeur et de la perfection de l’art italien. Les riches marchands lucquois qui étaient tous vêtus avec magnificence, se firent précéder de quatre jeunes pages habillés à la mode de l’antique cavallerie romaine, comme de corseletz d’un fin drap d’argent, artificiellement umbragé, à gros tymbres sur les épaules, bouffancs de toille d’argent, sur lesquelz estoient attachez gueules de lyons ; petits haut-de chausses, venas jusqu’à demy cuisse, petites masquines sur les genoux et pardessus un paludement militaire qui est un manteau pareil à celuy que les Bohémiens portent aujourd’hui, toutefois court jusques au genoux et lequel estoit de toille d’argent, la plus subtile et déliée qu’on saurait trouver, bourdée tout autour d’un petit bord de frange de soie noire et semé par dessus de petits boutons noirs, à deux doigts l’un de l’autre, lequel manteau estoit noué sur l’espaule droite et rebrassé sur l’autre : le demourant du corps tout nu, comme bras et jambes et la tête à cheveux crespez à la Césarienne : montez sur quatre grands chevaux autant beaux qu’il est possible, harnachez d’une petite housse de mesme toille d’argent jusques au dessous du ventre du cheval, le bas a lambeaux ronds enrichis de force houppes de fil d’argent. La bride estoit seulement d’un gros cordon d’argent : le pennache blanc pailleté d’or. Et ainsi marchoyent iceux pages le petit pas assez loin l’un de l’autre, et quelquefois par intervalle faisoient bondir leurs chevaux de si bonne grâce que chacun prenait grand plaisir a les veoiry et se tenir si bien sans selle ny estrieux. Cette description ne montre-t-elle pas tout l’enthousiasme d’un antiquaire épris de l’antiquité ?

Devant la nation florentine marchaient également six pages qui excitaient la curiosité du peuple par leur beauté, par la richesse de leurs costumes et la pureté de race de leurs chevaux turcs. Les seigneurs florentins montaient aussi des chevaux rares et chacun était précédé de deux laquais. La magnificence de l’accoutrement de leur consul ne pouvait être assez admirée. Les Milanais s’efforçaient à ne leur céder en rien, de même que les Allemands, les derniers en rang dans le cortège.

Ils furent suivis par les officiers de justice de l’archevêché et par les sergents royaux de la ville, à cheval, portans leurs basions peincts d’azur et semez de fleurs de Lys d’or et marchant à la tête des officiers de l’administration royale et municipale de la ville, et des conseillers du Parlement de Dombes. Un détachement de soldats formait la tête de cette partie du cortège ; un autre détachement en fermait la marche, c’était l’avantgarde de la fanterie des enfants de la ville — soixante hommes — couverts d’armures étincelantes avec morions dorés, panaches de plumes blanches, noires et rouges et armes brillantes. C’était une troupe de grand monstre et brave à merveilles.

Voilà un cortège qui ne sera jamais égalé dans les siècles suivants à ce que je sache, j’estime à neuf mille le nombre des participants. Neuf mille citoyens lyonnais, des artisans et des ouvriers, pouvaient se permettre, à cette époque, pour l’entrée de leur roi, le luxe de costumes complètement neufs, en velours, en satin, avec des broderies, toutes sortes d’étoffes précieuses. Leurs piques, épées et dagues étaient dorées. Il y avait dans ces hommes un esprit d’antique générosité romaine, une certaine fierté heureuse de pouvoir montrer la richesse acquise par le commerce et l’industrie et la discipline militaire d’hommes forts et libres, même en présence de leur souverain. Combien différents seront, un siècle plus tard, les bourgeois de cette même ville de Lyon accueillant Louis XIII et Louis XIV à genoux, dans la poussière de la route en humbles vêtements, sans armes, et avec une soumission d’esclaves orientaux[10].

Après le défilé de la magnificence bourgeoise, un spectacle assez différent est offert au roi, qui le goûta fort. Les douze gladiateurs qu’on avait engagés, les uns vêtus de satin blanc, les autres de satin cramoisi, commencèrent un combat à l’antique non quant aux armes mais quant à l’ordre de se sçavoir secourir et entrer les rangs les uns dans les autres sans se rompre. Toutes les espèces d’armes furent présentées avec art ; ils combattaient à armes égales et différentes, tous à la fois, dans un ordre bien difficile à maintenir dans la rue étroite. Les tronçons des armes volaient de tous côtés, les épées se brisaient, mais il n’y eut point de blessés au grand étonnement des spectateurs effarouchés ; ce passetemps donna tant de satisfaction à sa Majesté qu’elle voulut le revoir encore six jours après l’entrée solennelle. Les gladiateurs ayant fini leur représentation qui ressemblait de près à un ballet très compliqué et dont le charme était surtout la grâce des escrimeurs et le danger évident, ils saluèrent le roi de leurs épées et rejoignirent l’avant-garde des enfants de la ville qui les avaient attendus à un détour de la rue[11].

Et voici l’arrière-garde de cette infanterie qui s’approche de la loge royale ; elle est forte de deux cents hommes, l’élite des jeunes gens riches de la ville — cette partie du cortège est la plus superbe. Tous ces adolescents portent des armures et des morions ciselés avec grand art et décorés avec force or et argent. Les capitaines qui se distinguent encore des autres par le luxe étonnant de leur costume, ont été dessinés et leurs traits reproduits par des gravures de Bernard Salomon. Dans cette troupe, on voit partout la tendance à se rapprocher autant que possible du costume militaire des anciens Romains. Entre les épaules et au milieu de la poitrine, ces jeunes guerriers ont fixé de grosses testes de lyon aux uns tout d’or, à plusieurs d’argent doré avec des attaches en chaînes d’or et des ornements en pierres précieuses. Leurs cimeterres ont été forgés pour la circonstance, le pommeau représente une tête de griffon ou de lion, les yeux et la garde de pierreries. Je vous laisse à penser lequel estoit plus grand ou le contentement ou l’esbahissement de chacun de tous ceux qui en les regardant leur sembloit perdre la veue, en l’admiration d’une chose incroyable.

Une fanfare de douze trompettes à cheval annonçait l’approche de la cavalerie de cette troupe d’élite, soixante-dix jeunes hommes vêtus à peu près de la même manière que ceux qui venaient de passer. Chacun avait deux laquais devant soi. On admira surtout leurs grands chevaux turcs, barbes et genêts d’Espagne sous leurs harnachements et caparaçons surchargés de pierreries et de broderies. Et qui accroissoit merveille sur merveille, c’estoit de veoir le capitaine, lieutenant et porte-enseigne et bonne part des autres si dextres à cheval et si bien le sachant manier, faire pennades, bondir, voltiger, redoubler le saut en l’air qui ne pouvait que donner que grand plaisir au roi, aux princes et aultres gentilzhommes non sans s’esbahir de les veoir (pour gens de ville et non appelez à cela) si adroits qu’il seroit presque impossible de mieux faire. Ce qui tourna à une non petite louange, mesmement à ceux qui s’y portèrent glorieusement à leur honneur et contentement du monde tout esperdu de joie et d’aise. Une longue file de magistrats de la ville clôture cette seconde partie du cortège.

Après avoir vu passer tout ce que la richesse et le goût des Lyonnais étaient capables d’étaler, le roi s’apprêta à faire son entrée officielle dans la ville. Le capitaine des Suisses de la garde du roi, suivi de ses hommes en riches uniformes et la hallebarde sur l’épaule, ouvrait la marche du cortège royal. Ils étaient suivis des hauts dignitaires ecclésiastiques de la France. Derrière eux marchait le Grand Écuyer chevauchant à main gauche pour laisser libre la place du connétable absent. Ici venoit sa sacrée Majesté, vestue d’un riche saye tout d’orfèvrerie de fin or et presque tout couvert de pierreries de prix inestimable et tant reluisante de toute pars qu’elle osioit la veue aux regardants ; son cheval couvert si mignonnement et richement de harnacheure et caparassonnement d’une si gentille entrelassure de gros cordons et houppes d’or qu’il ne seroit possible de les pouvoir représenter comme presque incomparables à la veue. Le roi était suivi de toute la cour qui allait admirer avec lui les merveilles dont on avait orné la ville.

Au dessous du Château de Pierre-en Scise, on avait érigé un obélisque de soixante-trois pieds de haut sur un piédestal de douze pieds, orné de reliefs et soutenu par quatre lions tenant l’écusson de la ville, avec l’inscription : nomen qui terminat astris. Le sommet était orné d’un croissant en argent. Entres les fentes des pierres on avait mis de l’herbe naturelle, approchant mieux de son antiquité[12] De l’autre côté du chemin, on avait préparé un spectacle qui rappelait un peu les moralités que l’âge précédent aimait à représenter aux carrefours dans les entrées solennelles[13]. Mais cette allégorie était toute pénétrée des idées et des formes de la Renaissance. Dans un jardin élevé, où l’on avait planté une forêt, on vit des cerfs, des biches et des chevreuils privés. On entendit sonner un cor et Diane apparut avec ses vierges et compagnes pour y chasser ; toutes étaient en costumes soi-disant antiques et ornées de bijoux de grande valeur. C’étaient les plus apparentes et belles femmes mariées, veufves et filles de Lyon qui jouaient leur mystère de si bonne sorte que la plupart des princes, seigneurs, gentils-hommes et courtisans en demeurèrent fort ravis, raconte Brantôme qui se flattait d’être connaisseur en beauté féminine[14]. Vers la fin de la chasse, un lion dompté vint se jeter aux pieds de la déesse qui le lia avec un ruban blanc et noir et offrit ainsi la bête humiliée au roi, en prononçant de fort bonne grâce un dizain qui est très probablement de Maurice Scève[15], à en juger d’après le style. Il va sans dire que le roi fut tout aise de voir encore, après l’étalage de la richesse et de la force militaire de la ville, celui de ses beautés féminines. Diane de Poitiers avait aussi compris le gentil compliment à son adresse qui se cachait sous cette allégorie, et elle en aimait Lyon toute sa vie[16].

On avait changé la porte de Pierre-en Scise en arc de triomphe antique à doubles colonnes tortues, cannelées et feuillées, avec toute sorte d’ornements symboliques et de peintures allégoriques qui rappellent bien plus le style baroque que le classique. Les frontispices et les piédestaux portaient des inscriptions latines. — À la place de la porte de Bourgneuf, on avait érigé un autre arc de triomphe, plus riche encore que le premier, avec d’autres allégories et inscriptions de riche et jolie invention qui rappelaient que les Lyonnais étaient fiers de l’origine romaine de leur ville.

À côté de cet arc, on avait construit avec beaucoup de soin une ruine antique où se tenaient des hommes hâlés, barbus et nus jusqu’à la ceinture et qui représentaient des satyres. Ils jouaient de divers instruments, à savoir hautbois, doussaines, saurdaines et cornets, d’une si allègre harmonie qu’elle reveilloit le cœur et les oreilles des passans.

À cette porte, le roi fut accueilli par quatre des plus anciens conseillers de la ville qui lui présentèrent un poêle superbe sous lequel le souverain poursuivit sa marche à travers la ville dont les rues étaient tendues de tapisseries à haute-lisse (comme cité qui en est richement meublée) et de tapis orientaux ; on y avait aussi fixé les seize cents écussons aux armes du roi. Les fenêtres étaient ornées de dames, damoiselles, bourgeoises et belles jeunes filles qu’il sembloit que toute la beauté du monde fust là assemblée. Au „Gryphon“ on avait érigé un trophée de France de cinquante-trois pieds de hauteur, attaché à une colonne de porphyre cannelé d’or que terminait une statue représentant la France. Deux jeunes dames lyonnaises habillées en déesses antiques, couvertes d’inestimables richesses, y attendaient le roi ; elle figuraient la Vertu et l’Immortalité, reconnaissables à des symboles qui seraient pour nous des énigmes. L’Immortalité apostropha le roi par les vers suivants :

L’heur qui t’attend, d’immortalité digne,
Fait retourner soubz toy l’aage doré :
Parquoy la France icy t’a honoré
De ce triomphe à ta vertu condigne.

La Vertu continua d’une voix modeste :

Le temps aussi, lequel tout extermine
Esgalera la Famé à tes mérites,
Sceptres rendant et courones petites
A ta grandeur et majesté bénigne.

Au pont Saint-Paul, on avait construit un troisième arc de triomphe richement doré dans tous les détails de son architecture. Sous les arcs latéraux on avait placé les statues de la Saône et du Rhône, accoudées sur des vases antiques, la première dormante, figurant un fleuve doux et lent, la deuxième représentant un homme levé à demi, la face terrible, et furieux, selon la nature de ce fleuve. Derrière ces statues il y avait une forêt avec des oiseaux artificiels, qui chantaient comme s’ils avaient été vivants. Au pilastre du milieu, il y avait le masque riant d’une femme qui jetait du vin de sa bouche ; quand on en approchait, on était subitement inondé par des jets d’eau qui partaient d’entre ses dents[17].

Un peu plus loin on se vit devant un quatrième arc de triomphe qui représentait le temple d’Honneur et de Vertu, nouvelle occasion de complimenter le roi. Il était orné d’un grand nombre de statues allégoriques et d’une frise avec divers „triomphes“ inspirés sans doute par le Songe de Poliphile. À la place du Change, on aperçut la perspective d’une ville antique, représentant Troye. Sur deux plateformes étaient placés Neptune et Pallas avec leurs emblèmes. Ils opéraient quelques „trucs“ qui offriraient des difficultés même aux mécaniciens d’un théâtre moderne : Neptune fit sortir du roc la tête d’un cheval qui mouvait les yeux et les oreilles tout ainsi que s’il fût vif, et il dit à Pallas :
De mon trident ce cheval je procrée
Non tant pour estre à l’homme familier.
Que pour servir cest heureux chevalier
Qui tout ce siècle à son venir recrée.
Pallas lui répondit par le quatrain suivant :
De ceste lance qui toute force encrée
De Mars jadis confondoit les alarmes,
De ces haineux humiliant les armes
Luy rendant Paix qui tant au monde agrée.
Et elle planta en terre sa lance qui, tout de suite, commença à fleurir et à se changer en olivier, voulant donner à entendre que la force et puissance de sa majesté fera telle crainte à ses ennemis que leur malveillance se convertira en paix.

Dans la grande rue de Saint-Jean, près du palais archiépiscopal, on avait érigé un simulacre très compliqué représentant la Fortune, entourée d’un „théâtre“ avec des figures allégoriques qu’il serait trop long de décrire. À Porte-Froc, on passa au-dessous d’un nouvel arc de triomphe — le cinquième déjà. Ce fut là que le Cardinal de Ferrare, alors archevêque de Lyon, se présenta au roi avec tous les insignes de sa dignité et suivi de tous ses fonctionnaires. Ces ecclésiastiques fournirent au roi un nouveau poêle et le conduisirent à la Cathédrale de Saint-Jean, où on lui présenta l’eau bénite.

Après les rites religieux, le roi entra dans le Palais de l’Archevêché devant lequel on avait érigé une colonne de victoire de cinquante-six pieds de haut, que terminait un globe dont les continents étaient en or, la mer en azur, et sur lequel se tenait une statue de la Victoire. Le palais lui-même était orné avec tout le luxe qu’un Italien issu d’une des familles les plus illustres de la Renaissance pût imaginer.

Par une autre porte on sortit sur la Saône où il y avait un pont avec toute sorte de vaisseaux construits expressément pour le service du roi et de la cour. On fit sur le fleuve toute sorte de joutes, combats et naumachies avec d’autres passe-temps et accompagnement de musique. Parmi les vaisseaux destinés au roi, il y avait un bucentaure, le navire le plus grand et le plus admirable qu’on eût jamais vu sur la Saône. On avait construit sur le pont une salle à manger, garnie de tout le luxe imaginable. Le roi, fatigué d’étonnement et d’admiration, s’y reposa, finissant ainsi la première journée de cette fête splendide.

La reine fit son entrée le lendemain, en l’ordre, joie et jubilation de l’entrée du roi. Le troisième jour, les conseillers de la ville firent leur révérence à leurs Majestés, en leur offrant les présents qu’on avait commandés aux plus habiles orfèvres de Lyon. Puis, le roi et la reine dînèrent sur les navires préparés dans ce but et regardèrent les joutes nautiques de ceux de Saint-Vincent et de Saint-George, et les plongeons des vaincus. Ils allèrent voir ensuite les navires construits pour la naumachie nocturne, et ils se promenèrent sur la Saône aux sons des trompettes, clairons, tambourins et fifres, et au tonnerre de l’artillerie du château et des galères.

Le quatrième jour était destiné au repos. Le matin le roi alla voir le grand jeu de paume qu’on avait bâti pour son usage ; il en fut très content et y joua plusieurs fois pendant son séjour. Il passa le reste de la journée sur son bucentaure qui le promena lentement sur la Saône. Vers les cinq heures, leurs Majestés se rendirent à la comédie que la nation florentine et le cardinal de Ferrare[18] avaient préparée pour cette fête. Le décor de la salle était somptueux ; on y avait mis douze grandes statues : six poètes florentins et six ancêtres de Catherine de Médicis[19] car c’était surtout une compatriote que la nation florentine voulait fêter dans la personne de la reine.

Les Histrions tout richement et diversement vestuz de satin et velours cramoisy, drap d’or et d’argent broché d’or avec la récréation et la diversité de la musique changeant selon les sept anges intervenants aux actes, et le tout accompagné d’un Appollo chantant et récitant au son de la Lyre plusieurs belles rithmes Toscanes à la louange du roy, et sans oublier une nouvelle mode et non encore usitée aux récitements des Comédies : qui fut qu’elle commença par l’advènement de l’Aube qui vint traversant la place de la perspective et chantant sur son chariot trainé par deux coqs, et finit aussi par la survenue de la nuict, couverte d’estoilles et portant un croissant d’argent, et chantant dans son chariot trainé par deux Chevêches ou Chouettes en grandissime joye, attention et plaisance des spectateurs, lequel esbat fut à sa Majesté d’une telle délectation qu’il ne s’en voulut contenter pour une seule fois.

Voilà tout ce que Scève nous dit de cette première représentation donnée en France par des acteurs italiens et dont il a été le témoin. Je ne doute point qu’il n’y ait pris beaucoup d’intérêt ; la juste appréciation que nous venons de citer (cf note 2), du rôle des Médicis dans le développement de la Renaissance est une nouvelle preuve de la connaissance intime qu’il avait de la littérature et de l’art italiens. Mais il a écrit sa relation pour le grand public qui ne comprenait rien alors à ce genre de représentation. La relation italienne en sait plus long. Elle nous apprend qu’on joua la Calandria de Bernardo Dovizio (le cardinal de Bibbiena) et qu’on s’efforça de la jouer avec le même faste qu’à sa première représentation, en 15 10 à Urbin, ce deuxième centre du platonisme de la Renaissance italienne. On répéta aussi les mêmes entr’actes[20]. On sait que de toutes les pièces jouées en Italie au seizième siècle, aucune n’a approché du succès qu’eut cette comédie, et on peut s’imaginer l’impression qu’elle a faite à Lyon sur les hôtes royaux[21].

Le soir du lendemain on amusa la cour par une naumachie, suivant quant à la forme l’antiquité, mais quant à la façon elles (les galères) estoyent d’enrichissements et beautés, proues et pouppes de nouvelle et follastre invention, toutesfois trouvée tresbelle comme sont toutes nouveautés[22]. De chaque côté il y avait une capitainesse et deux galères moins grandes, remplies de soldats, tous avec des armures dorées. Elles étaient entourées de petites barques pour pêcher les hommes tombés à l’eau. On avança avec si grand bruit d’artillerie, harquebouzes, trompettes, clairons, hautbois, cornet, tabourins et fifres, tant des galères que des autres vaisseaux où les capitaines des enfants de la ville et des métiers estoyent chacun sur le sien, accompagné des siens, avec hallebardes, pertesanes et harquebouzes et autres armes clerement reluisantes sur ceste rivière qui donnoyent un effroy de guerre ; et néanmoins c’estoyt une joye effroyable et un joyeux effroy et contentement terrifique.

Les vaisseaux coururent les uns contre les autres à force de rames, et lorsqu’ils se rencontrèrent, les soldats firent un tel fracas d’armes qu’on aurait cru à un combat mortel à outrance. Le premier assaut fut suivi d’un deuxième et d’un troisième, au cours duquel une petite galère fut coulée à fond. Le tintamarre que faisaient l’artillerie, les arquebuses et les trompettes, était tel qu’on ne pouvait plus s’entendre l’un l’autre. Pourtant personne ne fut blessé dans ce combat. Le roi se retira alors au Couvent de l’Observance, accompagné de toutes les galères, brigantins et fustes. Et estoit le nombre des vaisseaux si incrédible que les poissons se pouvoient venter d’estre couverts comme d’une crouste de glace, car on ne veoyoit point l’eau, en lieu que ce soit, tant estoit couverte de gens et batteaux, et les rivages de Saône tout pleins de peuple que l’on ne pouvoit bonnement discerner la rivière des rues.

Après sept heures, lorsqu’il commença à faire nuit, le roi monta de nouveau sur son bucentaure qui le reconduisit à Ainay. Comme il passait près de Pierre-en Scise, on tira un feu d’artifice avec un moulin à feu, chose rare au seizième siècle, qui fit un grand tintamarre entre le tonnerre de l’artillerie et les sifflements aigus des fusées, dont plusieurs timides eurent belles affres et se gettoyent au fond des batteaux cuydans estre perduz qui ne fut sans risée.

On passa le Vendredi avec une répétition du jeu des gladiateurs, comme le roi l’avait souhaité ; à vêpres on célébra la fête de l’Ordre de France d’après le cérémoniel fastueux institué par Louis XI. Le lendemain, un dîner officiel réunit les notables de Lyon autour du roi qui venait d’entendre la messe en grande solennité.

On avait préparé pour le Dimanche (dernier jour de cette semaine de fêtes splendides) un spectacle émouvant et merveilleux, comme on les aimait à cette époque guerrière. C’était de nouveau une espèce de naumachie, mais une naumachie nocturne à la lueur des torches et des feux d’artifice. Une galère, construite expressément pour cette fête de nuit, était armée de canons en bois chargés de fusées, et le corps du navire était rempli d’un million de feux d’artifice. On réussit bientôt à le mettre en feu, et les flammes qui montaient au ciel qu’il sembloit estre à plein midi et que les feux contendissoyent de clarté avec les estoilles du ciel, le réduisirent en cendres en quelques minutes, malgré la pluie qui vint déranger ce dernier effet d’opéra.

Telles furent les fêtes mémorables que Maurice Scève avait arrangées et décrites. En lisant sa relation, nous comprenons pourquoi le choix des consuls et échevins lyonnais s’était porté sur l’auteur de la Délie. Il leur fallait un homme d’une instruction universelle et d’un goût incontesté, un homme qui fût assez poète pour inventer des allégories nouvelles et flatteuses, difficiles à deviner sans être des énigmes, et éviter toute banalité ; un homme au courant des besoins esthétiques de son temps, un homme qui connût à fond l’antiquité et les amusements qui avaient servi à égayer l’ennui fatigué des empereurs romains. À Lyon il n’y avait que Scève qui fût en possession de toutes ces qualités.

Il n’y a pas de trait plus caractéristique de l’esprit qui a présidé à cette entrée triomphale, pas un qui ne le distingue d’une manière plus absolue des entrées antérieures, que cette prédilection pour l’antiquité qui apparaît à chaque moment dans la relation de Scève, et qui a donné à ces journées le caractère d’une véritable fête de la Renaissance. Rappelons le costume romain des jeunes pages de la nation lucquoise, les cuirasses et armes „à l’antique“ des enfants de la ville, la chasse de Diane avec ses nymphes, les nombreux personnages allégoriques et mythologiques accoutrés à la mode grecque ; puis le combat des gladiateurs, les faunes et satyres musiciens, la naumachie, les obélisques et arcs de triomphe, les trophées et temples ; ces détails sont autant de documents pour l’esprit de la Renaissance à Lyon.

Jamais on n’avait vu en France des fêtes plus éblouissantes, jamais fêtes n’apportèrent tant de nouveautés ; Brantôme nous l’assure, lui si curieux de toutes les choses sensationnelles. Il est très intéressant de comparer à ce point de vue l’entrée de François Ier en 1515 avec celle que nous venons de décrire. Au commencement du siècle on avait aussi présenté les panégyriques sous forme allégorique, mais c’étaient les allégories purement verbales du Roman de la Rose, et leur représentation se ressentait de l’influence du théâtre national, des moralités surtout. Les allégories de Scève par contre sont purement mythologiques, et l’architecture des simulacres et des décors ainsi que les costumes, font preuve d’une profonde érudition archéologique. On y remarque que l’intention d’éblouir le roi et de lui montrer toute la richesse des Lyonnais ne va jamais jusqu’à le fatiguer ; dans le cortège de la première journée, le défilé interminable de la force militaire et des métiers est interrompu par le combat des gladiateurs ; et dans la marche du roi à travers la ville, les scènes émouvantes alternent avec les idylliques. On n’a pas oublié, dans la longue suite de huit jours de fête, de tenir compte du repos qui ne laisse pas naître la satiété dans l’âme des hôtes.

Nous avons constaté plus haut que l’archéologie était la préoccupation principale des humanistes lyonnais, surtout des riches amateurs comme Claude de Bellièvre et Guillaume du Choul, et nous ne nous étonnons point de trouver le nom de ce dernier dans la liste des membres de la commission qu’on avait chargée de la préparation des fêtes. Pourtant si ce n’est pas lui qui, d’après les Registres consulaires, a conduict la dicte entrée, Maurice Scève a dû avoir une renommée d’antiquaire au moins égale à la sienne. Les dizains de la Délie, que Claude de Bellièvre cite dans son Lugdunum priscum comme provenant d’une autorité, en font foi. Le même recueil et surtout le Microcosme nous prouvent que Scève était versé dans l’archéologie et la peinture comme un homme du métier[23].



  1. La relation des Entrées solennelles dans la ville de Lyon des rois, reines princes, princesses, cardinaux et autres grands personnages, de 1389-1750. Lyon, Delaroche 1752.
  2. Guigue, Georges. L’entrée de François Ier en la cité de Lyon. Lyon, Société des Bibliophiles 1899.
  3. La grande et triumphante entrée des Enfants de France et de Madame Aliénor sœur de Lempereur faicte en la ville de Bayonne. Publié à Paris, le 1er  juin MCCCCCXXX Ensemble le triumphe faict à Paris. Aussi celuy qui a esté triumphantement et magnifiquement faict à Lyon… etc. pet. in 4. goth.
  4. Relation de Scève.
  5. Registres consulaires de Lyon.
  6. Il s’est conservé une de ces relations, que je n’ai jamais vue : Le grand triomphe faict à l’entrée de treschretien et toujours victorieux monarche Henry second de ce nom, Roy de France, en sa noble ville et cité de Lyon. Et de royne Catherine son espouse. Paris 1548.
  7. La magnificence de ta superbe et triumphante entrée de la noble et antique Cité de Lyon faicte au Treschrestien Roy de France, Henri deuxième de ce nom, et à la royne Catherine son Espouse le XXIII septembre MDXLVIII. À Lyon, chez Guillaume Roville, à l’Escu de Venise, 1549. in 40, 44 fF. sans pagination.
    Cette relation est copiée textuellement dans Godefroy, Th. Cérémonial français, p. 824 ff. et dans Paradin, Guill. Histoire de Lyon 1573. p. 320 ff.
    La magnifica et triomphale entrata de cristianissimo re di Francia Henrico seconda di questo nome, fatta nella nobile ed antiqua città di Lione a lui e alla sua serenissima consorte Catterina, alli di 21 Settembre 15048 colla particolare descrizione della comedia che fece recitare la natione fiorentina, a richiesta di su a Maestà Christianissima, In Lione, appresso Gulielmo Roville 1549. in 4°. 58 ff. sans pagination. — Cette relation est une traduction assez fidèle de la précédente ; elle contient en plus la description de la Calandria de Bibbiena. Je ne sais pas qui en est l’auteur.
    La Croix du Maine (Bibliothèque française) et le Promptuaire des Médailles nous assurent que Maurice Scève était l’arrangeur des fêtes et l’auteur de la relation.
  8. Les papetiers. Leur nom et leur industrie sont, à Lyon, d’origine italienne.
  9. Les chiffres en parenthèse sont les nombres des membres de chaque corporation. Ils semblent prouver que les ouvriers étaient forcés aussi bien que les maîtres de se procurer les costumes de fête.
  10. Relations des entrées de Louis XIII (1634) et Louis XIV (1662).
  11. Brantôme se souvient, dans ses œuvres, de ce combat (éd Lalanne, A. III, p. 350 etc.) Il en dit ; Voilà un passe-temps tt combat qui, dtpuis les anciens Romains possible, n’avoit esté représenté tel, et lequel pourtant mieux se peut représenter par la veue que par l’escriture qui ne peut nullement approcher en la moindre perfection que les yeux humains peuvent divinement atteindre. Ah ! gente ville de Lyon, que vous monstrâtes bien là que vous estiez bien gentil », adroits et ingénieux comme de tout temps vous l’avez esté en ce que vous avez voulu entreprendre.
  12. On goûtait donc en France la poésie des ruines même avant les Antiquités de Rome de J. du Bellay
  13. Encore à l’entrée de François Ier en 1515.
  14. Brantôme, éd Lalanne. t. IX, p. 18.
  15. Le grand plaisir de la chasse usitée
    Auquel par monts, vallées et campagnes
    Je m’exercite avecques mes compagnes
    Jusqu’en vos bois, Sire, m’a incitée.
    Où ce Lyon d’amour inusitée
    S’est venu rendre en ceste nostre bande,
    Lequel soudain à sa privauté grande
    J’ai recongneu et aux gestes humains
    Estre tout vostre, aussi entre vos mains
    Je le remets et le vous recommande.
    Brantôme trouve ces vers non trop mal limés et sonnants pour ce temps. Il est intéressant de remarquer qu’il copie la description de cet épisode presque mot à mot de la relation officielle de Maurice Scève ; un des rares cas où il se soit servi d’une source imprimée.
  16. Brantôme. ib.
  17. On trouve un engin très semblable dans le Songe de Polipltile dont les grotesques fantaisies architecturales paraissent avoir inspiré beaucoup de détails de cette entrée. On sait que l’arrangeur du cinquième livre de Pantagruel a traduit de longs passages de ce livre singulier qui était très à la mode à cette époque.
    (Francesco Colonna.) La Hypnerotomachia di Poliphilo, cioè pugno d’antore in sogno… Ristampato et ricorretto. Venetia, Aldus 1545. Édition non paginée comme la première de Venise de 1499.
    Hypnerotomachie ou Discours du Songe de Poliphile… Nouvellement traduit du tangage italien en françoys. Paris, Kerver 1546, 1554 et 1561. Le passage en question se trouve à la page 28 de l’édition de 1561.
  18. Hippolyte d’Este, fils d’Alphonse de Ferrare et de Lucrèce Borgia. Né en 1509, il vint très jeune en France où il plut beaucoup à François Ier qui lui fit donner en 1530 le chapeau de cardinal. Depuis 1540 il est archevêque de Lyon, mais il se trouve le plus souvent à la cour. En 1543, Jean Desgouttes lui dédie sa traduction du Roland furieux. Mort en 1551. (Péricaud, Antoine. Notice sur Hippolyte d’Este. Lyon 1865.)
  19. Scève se hâte d’ajouter : qui furent pretniers restaurateurs des lettres grecques et latines, de l’architecture, sculpture, peinture et tous autres bons arts par eux résuscitez et introduicts et Europe Chrestienne desquels la rudesse des Goths l’en avaient dès longtemps desvestue.
  20. Castiglione. Lettere. I p. 156. — Maulde. Les Femmes de la Renaissance p. 381 ff.
  21. Creizenach (Geschichte des neueren Dramas, t. III p. 76) donne à cette représentation la date de la Relation : 1549. Elle eut lieu en 1548.
  22. Serait-ce une protestation de Scève contre le style baroque naissant ?
  23. Soubz le carré d’un noir tailloir couvrant
    Son Chapiteau par les mains de Nature.
    Et non de l’art grossièrement ouvrant
    Parfaicte fut si haulte Architecture,
    Où entaillant toute linéature
    Y fueilla d’or à corroyés Héliques.
    Avec doux traits vivement angéliques
    Plombez sur base assise et bien suyvie,
    Dessus son Plinthe à creux et ronds obliques
    Pour l’ériger Colomne de ma Vie.               (Délie, dizain 418.)