Mathilde, Mémoires d’une jeune femme/Partie II/15

Gosselin (Tome IIIp. 1-19).
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Deuxième partie


CHAPITRE XV.

UNE VISITE.


Je passai une nuit horrible.

À peine M. de Lancry m’eut-il ramenée chez moi, que je tombai dans une crise nerveuse qui m’ôta toute connaissance.

Je ne me souviens pas de ce qui se passa pendant les longues heures qu’elle dura. Elle cessa vers les quatre heures de l’après-midi.

Ma pauvre Blondeau était assise à mon chevet et pleurait silencieusement. Je portai les mains à mon front comme pour rassembler mes souvenirs. En me rappelant la scène de la veille, je ne doutai pas qu’un duel n’eût eu lieu.

Hélas ! c’était encore la moindre de mes terreurs. Lugarto pouvait perdre Gontran. Peut-être cet homme avait-il parlé ?

— Où est M. de Lancry ? — m’écriai-je.

Blondeau me regarda avec une sorte de tendresse compatissante, et me dit :

M. le vicomte est sorti ce matin, Madame, puis il est rentré et ressorti encore.

— Et sans être blessé ? — m’écriai-je.

Blondeau parut très étonnée.

— Sans être blessé, Madame… pas le moins du monde… S’il l’eût été, il n’aurait pas pu se mettre… en route.

— En route… que dis-tu ?

M. le vicomte, en rentrant ce matin, a donné l’ordre de préparer son nécessaire de voyage, une ou deux malles, et il est parti, emmenant son nouveau valet de chambre, et en laissant cette lettre pour vous, Madame.

— Parti !… parti… sans moi. Et les avertissements de M. de Mortagne ! — m’écriai-je — Il y a là quelque chose de bien fatal…

J’ouvris en hâte la lettre de Gontran.

En quelques lignes il m’apprenait qu’à la suite de la scène de la veille, une rencontre avait eu lieu entre lui et M. Lugarto, que ce dernier était légèrement blessé. Mon mari se voyait obligé, me disait-il, de faire une absence de quelques jours seulement pour terminer l’affaire importante que je savais ; il regrettait beaucoup de me laisser seule, mais je devais comprendre combien étaient graves et décisives les démarches qu’il allait tenter.

— Et par quelle barrière est sorti M. de Lancry ? Quelle route a-t-il prise ? demandai-je à Blondeau. Car, désirant obéir aux recommandations expresses de M. de Mortagne de ne jamais me séparer de Gontran, je voulais le rejoindre.

— Je n’en sais rien, Madame.

Il faut envoyer à l’instant à la poste aux chevaux savoir quelle route M. de Lancry a suivie ; grâce à ces mêmes renseignements, pris de relais en relais, je pourrai peut-être l’atteindre. Nous allons partir… à l’instant… Tu m’accompagneras…

— Partir, Madame, dans l’état où vous êtes ? mais c’est impossible.

— Je te dis qu’il le faut… Tu ne sais pas combien cela est important.

— Comment faire alors, Madame, pour savoir où est allé M. le vicomte ; il n’est parti ni dans sa voiture, ni en poste, il a fait venir un fiacre, et y est monté avec son valet de chambre.

— Mon Dieu !… mon Dieu ! — m’écriai-je avec désespoir.

Je ne comprenais rien au brusque départ de Gontran, je redoutais quelque perfidie de M. Lugarto.

J’envoyai Blondeau s’informer si ce dernier était à Paris ; on lui répondit qu’il y était, que sa blessure avait assez de gravité, et qu’il ne pouvait pas sortir de quelques jours.

J’étais en proie à une mortelle inquiétude. Je frémissais en songeant que M. de Mortagne avait pour ainsi dire prévu cette absence de Gontran, puisqu’il m’avait expressément recommandé de ne pas quitter M. de Lancry.

En vain Blondeau interrogea ceux de nos gens qui avaient assisté au départ de mon mari, je ne pus recueillir le moindre renseignement.

Je passai la fin de la journée et la nuit suivante dans d’inexprimables angoisses. Je ne pouvais comprendre comment M. Lugarto n’avait pas exécuté sa menace de perdre Gontran ; peut-être l’avait-il fait, peut-être mon mari, parti précipitamment pour échapper aux suites de cette révélation, n’avait pas voulu m’effrayer.

Je ne savais qu’interroger pour être éclairée à ce sujet.

Je me décidai à aller, quoi qu’il m’en coûtât, chez mademoiselle de Maran. Elle, plus que personne, devait m’instruire de ce que je voulais savoir, car elle recueillait avec empressement les bruits odieux qui nous concernaient.

Je me disposais à me rendre chez ma tante, lorsqu’on l’annonça.

En toute autre circonstance, cette visite m’eût été odieuse. Je remerciai presque le ciel de m’envoyer mademoiselle de Maran.

Pourtant, lorsque je vis l’air ironique et satisfait de ma tante, je regrettai le vœu que j’avais formé.

— Eh bien !… Eh !… — me dit-elle — qu’est-ce qu’il y a donc ? Du trouble dans votre ménage, chère petite ? Dans ce modèle des jolis ménages commodes et faciles ? On parle de tragédies… qui j’en suis sûre… ne sont que des comédies… heureusement.

— Je ne sais pas ce que vous voulez dire, Madame ; à cette heure, je suis horriblement inquiète de M. de Lancry, je ne l’ai pas revu depuis la scène cruelle qui au moins aura fait tomber les calomnies dont M. de Lancry et moi nous étions l’objet.

— Qu’est-ce que vous dites donc là, ma chère petite ? vous croyez qu’elle a été d’un bon effet, cette scène à Tortoni ! Ah ça ! est-ce que vous êtes folle ?

— Je crois, Madame, que les honnêtes gens qui auront entendu M. de Lancry, prouver si nettement l’infamie de M. Lugarto, ne se feront plus l’écho de bruits encore plus ridicules qu’ils ne sont odieux ; si personne à l’avenir ne nous défend, personne du moins ne nous attaquera.

— Laissez-moi donc tranquille avec vos preuves : il n’a rien prouvé du tout, votre mari ! est-ce qu’on a été dupe de cette comédie-là ?

— Une comédie ! Madame, une comédie !

— Mais certainement ; est-ce que M. Lugarto pouvait répondre autrement qu’il a fait à l’apostrophe sauvage de Contran ?… Est-ce que devant tout le monde il pouvait avouer que vous aviez eu des préférences pour lui ?… Ainsi, chère petite, vous avez la bonhomie de vous croire blanche comme neige et votre mari aussi, parce que M. Lugarto aura proclamé votre innocence à la face du lustre de Tortoni ? Mais le simple savoir-vivre l’obligeait à agir ainsi. Il faudrait être un vilain, un croquant, pour se conduire autrement. Je ne suis pas suspecte, moi ! je trouve ce Lugarto bête comme une oie à l’endroit de sa titulature et de ses étoiles d’or en champ d’argent ; mais je dois avouer avec tout le monde que, dans cette occasion-là, il s’est conduit avec toutes sortes de réserve, de mesure et une dignité non pareille… Est-ce que pour vos beaux yeux il ne s’est pas laissé menacer, injurier, presque assommer par votre mari sans proférer une plainte, et au contraire en défendant votre réputation ? Allons donc !… Galaor et Orondate sont des monstres de cynisme et de fatuité… auprès de ce pauvre Lugarto.

Je ne trouvais pas une parole à répondre à mademoiselle de Maran. J’avais déjà une si triste expérience de la méchanceté du monde que je ne doutai pas que la conduite de M. de Lancry et de M. Lugarto ne pût être interprétée ainsi que le disait ma tante.

Je laissai retomber avec accablement ma tête sur ma poitrine.

Mademoiselle de Maran, fière de son triomphe, continua avec une joie cruelle.

— Ce qu’il y a de pis pour Gontran, c’est que, par là-dessus, le Lugarto s’est très bien conduit dans le duel ; il a été blessé, l’honneur est satisfait, comme l’on dit, sans compter qu’à la rigueur ce bel archi-millionnaire aurait pu parfaitement refuser à Gontran de se battre avec lui… vu que votre mari a, dit-on, l’inconvénient de lui devoir énormément d’argent. Or, entre nous, c’est une drôle de manière de payer ses dettes que de vous rembourser d’un bon coup d’épée… Mais, puisque le Lugarto s’arrange de cette monnaie-là, tout est dit. Seulement cela prouve qu’il vous aime d’une furieuse force… et même, depuis sa blessure, il ne parle de vous qu’avec des roucoulements de fidèle berger les plus touchants du monde ; je vous en avertis.

— Ainsi, Madame… depuis cette scène, moi et M. de Lancry… nous sommes tombés encore un peu plus bas dans l’opinion du monde ? — dis-je avec un calme qui étonna mademoiselle de Maran ; — et M. Lugarto inspire, au contraire, le plus touchant intérêt.

— Vous parlez d’or, chère petite ! Cela est ainsi, ni plus ni moins ; aussi vous m’en voyez tout émue, toute bouleversée. Je venais dare-dare… vous avertir et vous dire, un peu tardivement peut-être (mais mieux vaut se repentir tard que jamais), que j’étais désolée d’avoir consenti à votre mariage avec Gontran. Qui est-ce qui se serait jamais attendu à cela de lui ? Savez-vous qu’après tout, ce Mortagne, avec son cerveau fêlé, ne manquait pas d’une certaine judiciaire au moins ? Mais on a eu beau faire et beau dire, il n’y a pas eu moyen de vous ôter ce beau mari-là de la tête, pauvre petite ! Eh ! penser qu’après quatre mois à peine de mariage, vous voilà avec un mari méprisé, ruiné, infidèle ! Tenez… c’est à fendre le cœur ! Je sais bien que vous me répondrez à ça que la conduite de votre infidèle vous a donné le droit d’user de représailles, et que ce Lugarto ne manque pas d’agréments, malgré sa figure de cire jaune, ses épilepsies et sa manie de titulature ; c’est égal, quand on me parle de votre goût pour lui, je me révolte… je m’indigne…

— Vraiment, Madame…

— Vraiment… mais comme vous prenez bien ce que je vous dis ! ça n’a pas l’air de vous émouvoir du tout !

— Non, Madame… vous le voyez… je suis très calme… Je suis touchée même du sentiment qui vous dicte les consolations que vous venez me donner.

— Et vous avez bien raison d’en être touchée ; mais je vous disais que, lorsqu’on me parlait de votre goût pour ce Lugarto, je me révoltais, je disais aux méchantes langues : Vous seriez furieusement interloqués, tous tant que vous êtes, si vous saviez le pourquoi et le comment du goût de cette petite vicomtesse de Lancry pour M. Lugarto… il y a dans cette jeune femme-là, voyez-vous, une manière d’abnégation courageuse, dans le goût des femmes héroïques de l’antiquité, quelque chose comme une mixture de Portia et de la mère des Gracques… mais c’est vrai ce que je vous dis là… À vous voir à cette heure si calme, est-ce qu’on pourrait seulement penser que votre mari vous rend la plus malheureuse des femmes, et qu’à tort ou à raison votre réputation et la sienne sont à jamais perdues ? Ah ça, mais dites-moi donc, maintenant j’y pense… si c’est à tort qu’on vous accuse, comme ça doit être affreux pour vous ?

— Écoutez, Madame, — dis-je à mademoiselle de Maran avec un sang-froid qui la confondit, — Vous êtes venue ici pour jouir de votre triomphe, pour voir si vos prévisions s’étaient bien accomplies, si la jeune femme était aussi malheureuse que la jeune fille, que l’enfant l’avait été… n’est-ce pas, Madame ?

— Allez toujours, je vous répondrai plus tard… C’est étonnant comme vous êtes perspicace.

— Eh bien ! Madame, je vais vous porter un bien terrible coup… je vais d’un seul coup me venger, me cruellement venger de tout le mal que vous m’avez fait, de celui que vous avez voulu me faire.

— C’est étonnant… vous ne m’effrayez pas du tout, chère petite.

— Regardez-moi bien en face, Madame ; écoutez bien l’accent de ma voix, remarquez bien l’expression de mes traits… vous si pénétrante, vous verrez si je mens.

— Au fait… au fait, dit mademoiselle de Maran avec aigreur.

— Eh bien ! Madame, j’aime Gontran autant que je l’ai jamais aimé… entendez-vous ?… Je l’aime avec passion, je l’aime plus encore qu’autrefois, car il est malheureux… Cet amour-là, c’est ma force, c’est mon courage, c’est ma consolation ; grâce à cet amour, je suis déjà sortie, meurtrie peut-être, mais souriante, des luttes les plus cruelles… Grâce à cet amour, enfin, je défie l’avenir d’un front calme et serein.

Il y avait un tel accent de vérité dans mes paroles ; mon visage, ranimé par la puissance de mes convictions, était sans doute si radieux que mademoiselle de Maran, ne pouvant cacher sa rage, s’écria :

— C’est qu’elle est capable de dire vrai ! C’est qu’il y a pourtant des femmes assez imbéciles pour s’ensorceler ainsi d’un homme ! Les vilaines stupides, on les assommerait à coups de bûche, qu’elles s’écrieraient encore avec toutes sortes de voluptés langoureuses, comme les convulsionnaires du diacre de Pâris : — Ô douceur charmante !… ô ravissement ineffable !

Puis, revenant involontairement à ses habitudes d’autrefois, mademoiselle de Maran me serra violemment le bras, en s’écriant :

— Mais vous êtes donc aveugle, sotte ou folle ?

La colère de ma tante me fit du bien ; mon amour pour Gontran était compris ; il pouvait, il devait me consoler de tout, puisque mademoiselle de Maran était si furieuse de me le voir ressentir.

— C’est à vous faire enfermer — répéta ma tante.

— Je l’aime, Madame, je ne puis vous dire autre chose.

— Elle me fera perdre la tête avec ses devises de mirliton sur tous les tons : Je l’aime !!! je l’aime !!! je l’aime !!! Belle réponse ! Vous l’aimez, mais il vous a ruinée, mais il doit des sommes énormes à ce Lugarto, mais, du moment où celui-ci en exigera le paiement, vous serez réduite à la misère.

— Je partagerai cette misère avec Gontran, Madame…

— Mais il est déshonoré aux yeux du monde.

— Il ne l’est pas aux miens.

— Mais il vous méprise, mais il vous a laissée compromettre par ce Lugarto.

— Gontran est sûr de mon amour.

— Il en est si sûr qu’il ne vous aime pas.

— Mais je l’aime moi, Madame.

Je ne sais avec quel accent je prononçai ces derniers mots, mais mademoiselle de Maran frappa du pied et s’écria avec emportement :

— Il faut que l’enfer s’en mêle : cet amour a tourné en folie : elle est maintenant incurable.

— Oui… oh ! oui… vous l’avez dit, Mademoiselle, c’est une folie, une sainte, une noble folie du moins que celle-là ! Elle concentre toutes les forces de mon esprit, toute la puissance de mon âme sur Gontran. Ce qui n’est pas lui n’existe pas pour moi… vivre de sa vie si dure, si pénible, si humiliante qu’elle soit… c’est mon seul vœu : vous avez raison, je suis folle. Qu’est-ce que la folie, sinon un sentiment exagéré aux dépens de tous les autres ? Eh bien ! oui… je suis folle… comme les folles j’ai de ces souvenirs chéris, adorés, enivrants, qui viennent à chaque instant luire à mon esprit, me transporter dans un monde idéal ; ces souvenirs sont ceux des jours ineffables que j’ai passés près de lui, alors que j’étais si fière d’être belle et jeune, parce qu’il aimait ma jeunesse et ma beauté.

— Mais à cette heure il en est las et rassasié de votre beauté ; quant à votre jeunesse, bel avantage !… Vous n’en aurez que plus longtemps à souffrir.

— Vous ne pouvez comprendre ces questions de jeunesse et de beauté, Madame, ou plutôt vous ne les comprenez que trop, c’est ce qui cause votre rage ; mais le ciel est juste… il veut que vous connaissiez les tourments de l’envie… Il vous a réservé un terrible supplice, celui de me voir, malgré tout et à tout jamais, heureuse, et par celui qui, selon vous, devait causer mes plus cruels chagrins ! Voyez-vous, Madame, demain il me dirait : Va-t’en… je te hais… qu’il ne pourrait pas arracher de mon cœur ce trésor de souvenirs adorés dont je vivrais un siècle… Quelque méprisant, quelque impitoyable que soit Gontran, il ne pourra pas faire que le passé n’ait pas été le passé, un passé éblouissant comme un rêve de fée… un passé dans lequel je me réfugierai dès que le présent deviendra sombre et obscur.

— Ah !… ah ! qu’elle est donc surprenante et réjouissante avec son cher petit passé !… Laissez-moi donc tranquille ! Est-ce que ce n’est pas pour votre argent qu’il vous a épousée ? Vous auriez été laide et méchante comme les sept péchés capitaux, qu’il vous aurait épousée tout de même.

— Aussi, Madame, jugez donc combien je me suis trouvée heureuse d’être à la fois riche, belle et dévouée.

— Mais c’est intolérable, mais c’est l’acharnement dans la frénésie qu’un tel amour ! — s’écria mademoiselle de Maran hors d’elle-même. — Mais, enfin, un jour il mourra ; il faudra bien qu’il meure, ce cher et bel adoré ! Comment vous consolerez-vous alors ? Ah !… ah !… ah !… je vous prends sans vert ! répondez à cela !

— Dans ce monde, je prierai Dieu pour lui ; dans l’autre, je le reverrai. Madame, ma vie se passerait ainsi entre la prière et l’espérance…

Mademoiselle de Maran se leva brusquement et s’écria :

— Allons, c’est une gageure, un parti pris, un défi… dont je ne suis pas dupe. Vous faites contre fortune bon cœur… vous êtes si orgueilleuse !!… Vous crèveriez de désespoir et de rage… plutôt que de pleurer devant moi !! C’est bien, ma mie, à votre aise. Vous êtes heureuse, très heureuse, superlativement heureuse, n’est-ce pas ? Grand bien vous fasse… Je me sentais disposée à être pitoyable pour vos chagrins, mais je vous trouve d’un tempérament si robuste à l’endroit des peines de cœur que je ne m’en occuperai plus… J’ai dû charitablement vous prévenir de ce qu’on disait sur vous et sur votre bel Alcindor ; vous trouvez tout cela parfaitement simple et naturel. Rien de mieux. Seulement, maintenant n’attendez pas de moi que je vous défende ou que je vous plaigne le moins du monde… Nous verrons où cette belle obstination vous conduira…

Mademoiselle de Maran partit furieuse…

J’étais radieuse de ma fermeté et de l’espèce de révélation que je devais à la visite de mademoiselle de Maran.

Peut-être sans la violence de ses attaques n’aurais-je pas vu aussi clair dans mon cœur. Jamais je n’aurais osé me poser les questions qu’elle m’avait faites.

Il est des suppositions si douloureuses ou si horribles que par instinct l’esprit ne s’y arrête pas ; mais une fois qu’elles sont admises, une fois qu’on les a résolues, on est presque heureux de les avoir soulevées.

La visite de mademoiselle de Maran eut donc un effet contraire à celui qu’elle attendait.

Cette discussion m’éclaira davantage encore sur la profondeur de mon dévoûment pour M. de Lancry.

Avant j’aurais pu douter de moi, alors je n’en doutais plus : j’avais envisagé sans pâlir les plus terribles chances que cette affection pût subir…

Hélas ! je n’avais que trop besoin de cette puissante conviction pour résister aux nouveaux coups qui me menaçaient.