Mathématiques et mathématiciens/Chp 3 - Section : Langue, littérature et beaux-arts

Librairie Nony & Cie (p. 419-439).


LANGUE, LITTÉRATURE ET BEAUX-ARTS



GARGANTUA

En ce moyen entra en affection d’icelle science numérale, et touts les jours après disner et souper y passait temps aussi plaisantement qu’il soulait, en dez ou ès chartes. A tant sceut d’icelle et théoricque et practicque, que Tunstal Anglois, qui en avait amplement escript, confessa que vrayement en comparaison de luy il n’y entendoit que le hault Alemant.

Rabelais.
INCOMMENSURABLE

Beaucoup de personnes voulant parler d’un très grand nombre disent un nombre incommensurable. La locution est mauvaise, puisqu’il y a des nombres incommensurables petits et grands, ainsi vaut 1,4142…, et vaut 3,141592…, etc.

LES INCONNUES

Les anciens Indiens désignaient toutes les inconnues par la même syllabe ya (initiale du moi), mais diversement colorée.

ESTHÉTIQUE

Le problème de l’esthétique des formes revient évidemment à celui-ci : quelles sont les lignes les plus agréables ?

Mais d’abord qu’est-ce qu’une ligne ?

Jamais nous n’avons vu de lignes ; nos yeux ne connaissent que des directions. Ce que nous appelons une ligne est la synthèse de deux sens parallèles et contraires. La réalité, c’est la direction, ce sont ce que les géomètres contemporains appellent des demi-droites. Je ne vois pas de cercles mais je vois des cercles décrits dans un sens ou dans un autre, ce que l’on appelle des cycles. Par exemple, le cercle euclidéen, le cercle abstrait, peut avoir quatre tangentes parallèles entre elles ; le cercle réel, le cycle, ne peut en avoir que deux. Donner quatre tangentes parallèles entre elles à un cercle, c’est faire une figure détestable, parce que cette figure oblige l’œil à changer deux fois de direction ; donner deux tangentes au cycle, c’est faire une figure agréable.

C. Henry.

Les nombres harmoniques sont ceux qui sont formés uniquement des facteurs premiers 2, 3 et 5 et dont la formule est par suite .

Nombres harmoniques : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 12, 15, 16, 18, 20, 24, 25, 27, 30…

Nombres qui ne sont pas harmoniques : 7, 11, 13, 14, 17, 19, 21, 22, 23, 26, 28, 29, 31…

Tout est harmonie dans la nature, tout s’y règle par des nombres harmoniques. Exemples : cristallographie, acoustique, etc.

Telles sont les affirmations du vieil Euler, d’après l’idée vague de la simplicité dans la nature. Helmholtz a réfuté ces opinions quant à la musique et, d’après un théoricien nouveau, Charles Henry, elles sont aussi inexactes pour l’esthétique des formes.

À la conception primitive d’un ordre très simple partout, succède peu à peu celle d’un ordre plus savant et plus délicat.

MESURE DE L’ÂNE

Il paraît que cette mesure est le kilomètre, auquel, trompés par une faute d’orthographe, nous attribuons la signification de mille mètres. « Quant au kilomètre, disent MM. Brachet et Dussouchet, on peut hésiter pour son étymologie entre mesure de l’âne (killos-metron) ou mesure du foin (chilos-metron). Le vrai mot eût été chiliomètre, mille mètres. »

ARGOT DES ÉCOLES

Deux camarades qui vivent et travaillent dans la même salle sont deux binomes.

Les élèves de mathématiques spéciales s’appellent des taupins, sans doute parce qu’ils sont presque tous myopes comme des taupes. En première année, ils sont bizuth, puis ils deviennent carrés, et quelquefois, hélas, cubes et même bicarrés.

Les candidats font, ensemble, après les examens de l’École polytechnique, une promenade à travers Paris. Cette longue file qui serpente en chantant, c’est le joyeux monome !

Les élèves de l’École polytechnique sont des x, la tangente au côté.

Nous signalons ici avec plaisir un curieux livre illustré, L’Argot de l’X, par Albert Lévy et G. Pinet.

TIRADE

Géométrie ! algèbre ! arithmétique ! Zone
Où l’invisible plan coupe le vague cône,
Où l’asymptote cherche, où l’hyperbole fuit ;
Cristallisation du prisme dans la nuit ;
Mer dont le polyèdre est l’affreux madrépore ;
Nuée où l’univers en calculs s’évapore.

Victor Hugo (Toute la lyre.)

Nous ne donnons qu’un échantillon. Le discours continue, hardi et obscur…

PROFESSEUR DE TRIANGLE (MONOLOGUE)

Je suis professeur ! — « Professeur, de quoi ? » — De quoi ? Je vous le donne en mille… Eh bien, je suis professeur de triangle…, oui, de triangle !

J’ai toujours adoré le triangle ; cela doit venir de ce que, en nourrice, on m’avait fait un petit triangle avec des faveurs roses et des grelots, pour m’amuser ; je m’en souviens encore, comme si j’y étais, de mon petit triangle.

Lorsque je commençais à marcher, je m’amusais à tracer des triangles sur le sable. Plus tard au collège, lorsqu’on jouait aux billes, je ne jouais jamais qu’au triangle. En géométrie, je ne savais que ce qui avait rapport aux triangles.

Ah ! que de douces heures il m’a fait passer mon triangle, mon cher triangle ; grâce à lui, je suis devenu chef de fanfare, chef d’orchestre, etc., etc.

ŒUF

Prenons un œuf en nos mains. Cette forme elliptique, la plus compréhensive, la plus belle, celle qui offre le moins de prise à l’attaque extérieure… Les choses inorganiques n’affectent guère cette forme parfaite.

Michelet.

Rien n’est rond dans la nature, excepté le globe de l’œil… et, encore, il n’est pas rond.

BUSES GRAVES

Tel est le titre d’une parodie des Burgraves, de Victor Hugo. On y lit :

Je possède zéro, prenez-en la moitié.
STATUE PÉRIODIQUE

Un sculpteur doit faire la statue de Charlemagne, assis sur son trône, couronne en tête, tenant d’une main le globe du monde, de l’autre le sceptre surmonté d’une réduction exacte de la même statue avec tous ses accessoires.

L’artiste a consenti à n’être payé que lorsqu’il aura complètement terminé le travail…

Berdellé.

Le vrai symbole de l’infini, dit le même auteur, c’est l’enseigne du barbier facétieux : Ici on rasera gratis demain.

PARURE

Qui le croirait ? c’est par des lignes arides, c’est par l’austère géométrie que doit commencer l’étude de la parure. Cette jolie femme est enfermée à son insu dans un réseau de parallèles, comme le serait un oiseau dans sa cage, un invisible treillis de verticales et d’horizontales emprisonne sa beauté mouvante et libre.

Charles Blanc
COULEURS

On suppose le plan d’un territoire divisé en autant de parcelles que l’on voudra. Quel est le minimum de couleurs distinctes qu’il faudra employer pour colorier ces parcelles, sans qu’aucune des parcelles contiguës ne possède la même couleur ?

Réponse : quatre.

Ainsi, avec quatre couleurs seulement, on peut colorier une carte quelconque de France en départements ou en arrondissements, ou en communes ou même le plan cadastral de la France.

Les personnes auxquelles on pose cette question à brûle-pourpoint ont toujours quelque peine à concevoir que quatre couleurs seulement puissent suffire.

RAISON SOCIALE

Ce « nouveau venu » était une raison sociale. Nous nous amusions, en ce temps, à écrire à propos d’Erckmann-Chatrian et des frères de Goncourt :

« Les deux romanciers peut-être les plus remarquables de ce temps, sont quatre. »

J. Claretie.
PERDU !

Dans ses écrits mathématiques, Sylvester est parfois éloquent. Son style est fleuri. Ses mémoires sont fréquemment coupés de courtes pièces de poésie, citées d’autrui ou de sa propre composition. Ainsi dans son article dans Nature, janvier 1886, il y a un court poème « sur un terme perdu dans une famille de groupes de termes d’une formule algébrique. »

REBUFFADE

À propos des visites des candidats à l’Académie française, M. Jules Simon raconte l’anecdote suivante :

Il y avait des rebuffades célèbres. Celle entre autres d’un académicien qui dit à un auteur dramatique : « Je ne vais pas dans ces théâtres-là ! » Le pauvre auteur avait pourtant été joué à la Comédie française. Je me rappelle même, après soixante-trois ans, trois de ces vers qui étaient célèbres à l’École normale :

Élève distingué d’une célèbre école,
Charle est ingénieur et dans tout ce qu’il dit
De la polytechnique on reconnaît l’esprit

CONTRADICTIONS

L’auteur d’un livre sur les événements de 1870 raconte qu’il sortit vers deux heures du matin de la Chambre après la séance de nuit du 4 septembre où fut prononcée la déchéance de l’Empire : « Au bout du pont de la Concorde, j’aperçois M. Thiers penché à la portière de sa voiture, il raconte Sedan… et là-bas, dans le fond, derrière les tours de Notre-Dame et derrière la flèche de la Sainte-Chapelle, derrière les clochetons du Palais-de-Justice, dans l’azur plein d’étoiles glisse doucement la lune. »

Or le 4 septembre, dès 11 heures du soir, la lune se trouvait dans la direction du Champ-de-Mars à l’opposé de la Sainte-Chapelle, réplique un astronome.

Menu détail, est-ce que les peintres se préoccupent de placer comme il faut les cornes de la lune ?

Lamartine a dit : Vénus se lève à l’horizon…

Dans un roman : « La lune, à son zénith, annonçait minuit. » À son zénith ! Puis, l’heure du passage de la lune au méridien varie chaque jour.

Ces naïvetés astronomiques ont été relevées par des membres de la Société d’astronomie de M. Vinot.

CHEMINS

L’homme n’arrive jamais à une idée simple et vraie qu’à force de détour ; pour lui, la ligne courbe est le chemin qui conduit à la ligne droite.

Saintine.
RÉGULIER

Pour moi, à ne consulter même que mes yeux, je ne vois rien de si beau qu’une figure qui seule renferme toutes les autres, qui n’a rien de coupé par des angles, rien qui aille de biais, rien de raboteux, point d’inégalité, point de bosse, point de creux. Ainsi les deux figures les plus estimées, savoir le globe parmi les solides, et le cercle parmi les planes, sont les seules dont toutes les parties soient semblables entre elles, et où le bas et le haut soient également éloignés du centre. Que peut-on imaginer de plus juste ?

Cicéron.
ABRÉGEONS

Un professeur connu disait, pour abréger, perpenculaire et on l’appelait lui-même le père pencu. Un autre prononçait portionnel pour proportionnel. Un troisième rejetant parallélipipède et parallélépipède préférait parlipède ; pourquoi pas spath, comme les Allemands, d’après la cristallographie ?

PROTESTATION

S’il n’en est plus que mille, eh bien ! j’en suis ; si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Scylla ;
S’il en demeure dix, je serai le dixième,
Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là !

Victor Hugo (Les Châtiments).
CLAIR-OBSCUR

On sait ce que fut la révolution cartésienne : le Nombre prenant possession de la Géométrie, acceptant l’héritage des Anciens, mais sous bénéfice d’inventaire et comme pour soumettre toutes les vérités reçues à ses vérifications ; poussant ensuite au-delà, avec nous, tantôt menant et infaillible, tantôt mené et n’oubliant rien derrière soi ; nous abandonnant, il est vrai, le choix de nos problèmes, se réservant, lui, pour les résoudre : admirable géomètre qui, portant la géométrie à une impossible perfection, la supprimait du même coup si, capable comme il l’est de répondre à toutes nos questions, il ne devenait muet à la fin, se refusant à nous suppléer davantage et nous laissant l’interprétation de ses oracles. Ainsi fait le Nombre. Ce qu’il sait le mieux, c’est encore son commencement. Toutes les obscurités dont il nous délivre, de prime abord, il nous les laisse pour la fin, accumulées en un même point : quelquefois plus transparentes, s’il s’agit d’une chose simple, ou déjà connue, ou seulement supposée ; plus opaques d’autres fois et d’une densité telle que, même en connaissant d’avance ce que l’on cherche, on ne le retrouve point.

P. Serret.
PAN !

« Nous jouons à compter, dit Charlotte, attention ! Je commence de droite à gauche : vous comptez ! Chacun son chiffre ! À mesure que le tour lui vient, celui qui hésite ou qui se trompe, un soufflet ! et ainsi de suite jusqu’à mille. » C’était amusant à voir. Elle parcourait le cercle le bras tendu. Le premier dit : « Un. — Deux, fit le second. — Trois, poursuivit l’autre ; et toujours ainsi. » Mais bientôt elle commença d’aller plus vite : il y en eut un qui se trompa, pan ! un soufflet et tous de rire ; le suivant aussi, pan ! et toujours plus vite…

Gœthe.
TOUT ET MOITIÉ

Je ne connais de biens que ceux que l’on partage.
Cœurs dignes de sentir le prix de l’Amitié,
Retenez cet ancien adage :
Le tout ne vaut pas la moitié.

Florian.
DIX-HUIT

En argot, un dix-huit, c’est un habit dégraissé, un chapeau retapé, etc. Étymologie : dix-huit, c’est deux fois neuf.

BATAILLE OU RANÇON ?

On lit, dans Le Siège de Paris, par le vicomte d’Arlincourt :

Pour chasser de ces murs les farouches normands,
Le roi Charles s’avance avec vingt mille francs.

VERS NOMBREUX

Un vers nombreux est un vers bien rythmé, on dit des vers nombreux lorsqu’il s’agit de beaucoup de vers, nous nous permettons de qualifier ici de nombreux des vers qui contiennent des nombres. Boileau surtout avait le goût du numérique et celles de nos citations dont les auteurs ne sont pas nommés doivent être attribuées à Nicolas.

Le nombre 1.

Qu’en 1 lieu, qu’en 1 jour, 1 seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli.
Brontin tient 1 maillet, et Boirude 1 marteau.

(On pourrait continuer longtemps ces citations.)

Le nombre 2.

Que Rheinberg et Wesel, terrassés en 2 jours,
D’1 joug déjà prochain menacent tout son cours.
Sur 1 pont en 2 jours trompa tous tes efforts.
C’est donc trop peu, dit-il, que l’Escaut, en 2 mois,
Ait appris à couler sous de nouvelles lois.

2 marmitons crasseux, revétus de serviettes,
Lui servaient de massiers, et portaient 2 assiettes.
2 nobles campagnards, grands lecteurs de romans.
1 lit et 2 placets composaient tout son bien.
Qui des 2, en effet, est le plus aveuglé ?
1 ais sur 2 pavés forme un étroit passage.
Où sont ces 2 amants ? Pour couronner ma joie,
Dans leur sang, dans le mien, il faut que je me noie.

(J. Racine.)

2 voyageurs à jeun rencontrèrent une huître.
Tous 2 la contestaient, lorsque dans leur chemin
La Justice passa, la balance à la main.
Devant elle à grand bruit ils expliquent la chose :
Tous 2 avec dépens veulent gagner leur cause.

(La Fontaine.)
Le nombre 3.

Dans 3 jours nous verrons le phénix des guerriers.
Elle a vu 3 guerriers, ennemis de la paix.
Mais les 3 champions, pleins de vie et d’audace.
Si dans les droits du roi, sa funeste science
Par 2 ou 3 avis n’eût ravagé la France.
Et que l’1 des Capets, pour honorer leur nom,
Ait de 3 fleurs de lys doté leur écusson.
À 3 longueurs de trait, tayaut, voilà d’abord
Le cerf donné aux chiens. J’appuie et sonne fort.

(Molière.)

Mais 3 fois plus heureux le jeune homme prudent.

(Gilbert.)

Il faut voir ce marchand, philosophe en boutique
Qui, déclarant 3 fois sa ruine authentique,
3 fois s’est enrichi d’un heureux déshonneur,
Trancher du financier, jouer le grand seigneur.

(Gilbert.)

Que vouliez-vous qu’il fît contre 3 ? — Qu’il mourût…

(Corneille.)
Le nombre 4.

4 bœufs attelés, d’un pas tranquille et lent,
Promenaient dans Paris le monarque indolent.
1 valet le portait, marchant à pas comptés
Comme 1 recteur suivi des 4 facultés.
Bientôt 4 bandits, lui serrant les côtés.
Les 4 contenaient 4 chœurs de musique.

(Corneille.)

Laissez-leur prendre 1 pied chez vous,
Ils en auront bientôt pris 4.

(La Fontaine.)
Le nombre 5.

J’avais pris 5 bateaux pour mieux tout ajuster.

(Corneille.)

De 5 autres beautés la sienne fut suivie.

(Corneille.)
Le nombre 6.

Sur 1 lièvre flanqué de 6 poulets étiques
S’élevaient 3 lapins, animaux domestiques.
6 chevaux attelés à ce fardeau pesant
Ont peine à l’émouvoir sur le pavé glissant.
Il n’est fort, entre ceux que tu prends par centaines,
Qui ne puisse arrêter un rimeur 6 semaines.
Vous saurez seulement qu’en ce lieu de délices
On servit 12 plats, et qu’on fît 6 services.
Cependant que les eaux, les rochers et les airs
Répondaient aux accents de nos 4 concerts.

(Corneille.)

Dans cette cage resserrée
On peut former jusqu’à 6 pas.

(Gresset.)

6 brins de paille délabrée
Tressés sur 2 vieux échalas.

(Gresset.)
Le nombre 7.

Ni sans raison d’écrire en quel affreux pays
Par 7 bouches l’Euxin reçoit le Tanaïs.
5 et 4 font 9, êtes 2, reste 7.


Le nombre 8.

Je n’ai rien fait en vers ; mais j’ai lieu d’espérer
Que je pourrai bientôt vous montrer en amie
8 chapitres du plan de notre académie.

(Molière.)
Le nombre 9.

Les 9 trompeuses sœurs dans leur douce retraite
Ou de 30 feuillets, réduits peut-être à 9,
Parer demi-rongés les rebords du Pont-Neuf.


Le nombre 10.

Firent plus en 10 ans que Louis en 10 jours.
De ces gens qui, suivis de 10 hourets galeux
Disent Ma meute, et font les chasseurs merveilleux.

(Molière.)
Le nombre 15.

C’est elle qui, m’ouvrant le chemin qu’il faut suivre
M’inspira, dès 15 ans, la haine d’un sot livre.
Un clerc, pour 15 sous, sans craindre le holà.


Le nombre 20.

Et le teint plus jauni que de 20 ans de hâle.
20 fois sur le métier remettez votre ouvrage.

Voulez-vous sur la scène étaler des ouvrages
Où tout Paris en foule apporte ses suffrages
El qui, toujours plus beaux, plus ils sont regardés,
Soient au bout de 20 ans encore redemandés ?

En vain pour te louer ma muse toujours prête
20 fois de la Hollande a tenté la conquête.

À ce triste discours, qu’un long soupir achève,
La Mollesse, en pleurant, sur un bras se relève,
Ouvre un œil languissant, et, d’une faible voix,
Laisse tomber ces mots qu’elle interrompt 20 fois.

Ils atteignaient déjà le superbe portique
Où Ribou, le libraire, au fond de sa boutique
Sous 20 fidèles clefs garde et tient en dépôt
L’amas toujours entier des écrits de Hainaut.

Ainsi recommençant un ouvrage 20 fois,
Si j’écris 4 mots, j’en effacerai 3.

Je me suis vu 20 fois prêt à quitter la table.

La Seine, au pied des monts que son flot vient laver
Voit du sein de ses eaux 20 îles s’élever,
Qui partageant son cours en diverses manières,
D’une rivière seule y forment 20 rivières.

Et maudissant 20 fois le démon qui m’inspire.

C’est encor pis 20 fois en quittant la maison.

20 carrosses bientôt arrivant à la file.

Je saute 20 ruisseaux, j’esquive, je me pousse.

Achille mit 20 fois tout Ilion en deuil.

Et 20 fois, comme ouvrages nouveaux
J’ai lu des vers de vous qu’il n’a point trouvés beaux.

(Molière.)

20 familles enfin couleraient d’heureux jours.

(Gilbert.)
Le nombre 30.

Là ; depuis 30 hivers, un hibou retiré
Trouvait contre le jour un refuge assuré.

Par ses soins cependant 30 légers vaisseaux.

Et que tantôt, aux yeux du chapitre assemblé,
Il soit sous 30 mains en plein jour accablé.
Elle a d’une insolence à nulle autre pareille
Après 30 leçons, insulté mon oreille.

(Molière.)
Le nombre 32.

Et tel est le sublime siège
D’où, flanqué des 32 vents,
L’auteur de l’Almanach de Liège
Lorgne l’histoire du beau temps.

(Gresset.)
Le nombre 40.

Puisqu’ainsi dans 2 mois tu prends 40 villes,
Assuré des bons vers dont ton bras me répond,
Je t’attends dans 2 ans au bord de l’Hellespont.
Qu’au bout de 40 ans, Cinna, Pompée, Horace
Reviennent à la mode et retrouvent leur place.

(Corneille.)
Le nombre 50.

50 rats à mon oreille
Ronflent en faux bourdon.

(Gresset.)
Le nombre 100.

N’avons-nous pas 100 fois, en faveur de la France,
Comme lui dans nos vers pris Memphis et Bysance.
Horace eut 100 talents ; mais la nature avare
Ne vous a rien donné qu’un peu d’humeur bizarre.
J’aime mieux mettre encore 100 arpents au niveau.
Tu pourras les répandre et par 20 et par 100.
Ce pays où 100 murs n’ont pu te résister.
Nous l’avons vu, dit-il, affronter la tempête
De 100 foudres d’airain, tournés contre sa tête.
Il voit 100 bataillons qui, loin se défendre,
Attendent sur des murs l’ennemi pour se rendre.

100 guerriers s’y jetant signalent leur audace.
Bientôt victorieux de 100 peuples altiers.
De morts et de mourants 100 montagnes plaintives.
En 100 lieux contre lui les cabales s’amassent.
Balzac en fait l’éloge en 100 endroits divers.
De 100 coups de marteau me va fendre la tête.
Entre 100 vieux appuis dont l’affreuse grand’salle
Soutient l’énorme poids de sa voûte infernale.
Et ses ruses perçant et digues et remparts,
Par 100 brèches déjà rentrent de toutes parts.
Thémis a vu 100 fois chanceler sa balance.
Et leur art, attirant le culte des mortels,
À sa gloire en 100 lieux vit dresser des autels.
Comme on voit qu’en un bois que 100 routes séparent.
D’Hoxier lui trouvera 100 aïeux dans l’histoire.
Aussitôt 100 chevaux, dans la foule appelés.
100 francs au denier 5 combien font-ils ? — 20 livres.
Non ; mais 100 fois la bête a vu l’homme hypocondre.
Dont les noms en 100 lieux, placés comme en leurs niches.
Qui, sans sujet, courant chez 100 peuples divers.
En transposant 100 fois et le nom et le verbe.
Et j’en ai refusé 100 pistoles, crois-moi.

(Molière)

N’as-tu pas dû 100 fois te le faire redire ?

(J. Racine.)

Aux filles de 100 rois je vous ai préférée.

(Molière.)

On me menace
Si je ne sors d’ici, de me bailler 100 coups.

(Molière.)

Là, 100 figures d’air en leurs moules gardées.

(La Fontaine.)

Le peuple rentre et sort en 100 parts divisé.

(La Fontaine.)

Un mourant qui comptait plus de 100 ans de vie.

(La Fontaine.)

Eh ! n’as-tu pas 100 ans ? Trouve-moi dans Paris
2 mortels aussi vieux ; trouve-m’en 10 en France.

(La Fontaine.)

Prenez ces 100 écus ; gardez-les avec soin,
Pour vous en servir au besoin.
Le savetier crut voir tout l’argent que la terre
Avait, depuis plus de 100 ans
Produit pour l’usage des gens.

(La Fontaine.)

Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme,
Et reprenez vos 100 écus.

(La Fontaine.)

Et 100 brimborions dont l’aspect importune.

(Molière.)

Et 100 portes d’airain s’ouvrent à ses regards.

(Voltaire.)

Dans cette pédantesque rue
Où 30 faquins d’imprimeurs
Avec un air de conséquence
Donnent froidement audience
À 100 faméliques auteurs.

(Gresset.)

Et tous ces demi-dieux que l’Europe en délire
A depuis 100 hivers l’indulgence de lire.

(Gilbert.)
Le nombre 1000

1000 oiseaux effrayants, 1000 corbeaux funèbres.
Lorsqu’un cri tout à coup suivi de 1000 cris.
Et de 1000 remparts mon onde environnée.
Je fais 1000 serments de ne jamais écrire.
Malheureux 1000 fois celui dont la manie
Veut aux règles de l’art asservir son génie.
1000 de ces beaux traits, aujourd’hui si vantés
Et 1000 autres qu’ici je ne puis faire entrer.
Au pied du mont Adule, entre 1000 roseaux.
Mieux que vous 1000 fois, dit le noble en furie.

Venez de 1000 aïeux ; et, si ce n’est assez,
Feuilletez à loisir tous les siècles passés.
Son cœur, toujours flottant entre 1000 embarras.
Au comble de son art, est 1000 fois monté.
Le poète s’égaye en 1000 inventions.
Et qui de 1000 auteurs retenus mot pour mot.
S’est couvert 1000 fois d’une noble poussière.
Eh bien ! je m’adoucis. Votre race est connue ;
Depuis quand ? Répondez : Depuis 1000 ans entiers,
Et vous pouvez fournir 2 fois 16 quartiers.
Va par 1000 beaux faits mériter son estime.
Enfin sous 1000 crocs, la maison abîmée
Entraîne aussi le feu, qui se perd en fumée.
Et pour 1 que je veux, j’en trouve plus de 1000.
1 stupide animal, sujet à 1000 maux.
En vain il a reçu l’encens de 1000 auteurs.
De posséder enfin 1000 dons précieux.
On a vu 1000 fois des fanges Méotides
Sortir des conquérants goths, vandales, gépides.
Sans le secours des vers, leurs noms tant publiés
Seraient depuis 1000 ans avec eux oubliés.
Tu viens m’embarrasser de 1000 autres vertus.
À peine dans Gombaut, Maynard et Malleville,
En peut-on admirer 2 ou 3 entre 1000.
La Fable offre à l’esprit 1000 agréments divers.
Et sur son bois détruit bâtit 1000 procès.
Découvrir la nature en 1000 expériences.

(Molière.)

Après 1000 ans et plus de guerre déclarée.

(La Fontaine.)

La Seine au flot royal, la Loire dans son sein
Incertaine, et la Saône, et 1000 autres enfin.

(Gilbert.)

Après qu’on eut mangé, 1000 et 1000 fusées.

(Corneille.)

Il nous faudrait 1000 personnes
Pour éplucher tout ce canton.

(La Fontaine.)

Au sein de ses amis répandre 1000 choses.

(La Fontaine.)
Le nombre 6000

Fuyez le Char glacé des 7 astres de l’Ourse ;
Embrassez dans le cours de vos longs mouvements
200 siècles entiers par delà 6000 ans.

(Voltaire.)
Le nombre 100 000

J’ai 100 000 vertus en louis bien comptés.

Le nombre 1 000 000

Qu’1 000 000 comptant par ses fourbes acquis,
De clerc, jadis laquais, a fait comte et marquis.

Les fractions

Rien ne me fâche tant que les cérémonies,
Et si l’on m’en croyait, elles seraient bannies.
C’est un maudit usage, et la plupart des gens
Y perdent sottement les 2/3 de leur temps.

(Molière.)

Les trop nombreuses citations précédentes sont empruntées aux seuls classiques. Qu’on nous permette de citer encore le premier vers du Cromwel de Victor Hugo et trois vers de son Ruy Blas.

Demain 25 juin mil six cent cinquante-sept.

La maison de la reine, ordinaire et civile,
Coûte par an six cent soixante-quatre mille
Soixante-six ducats : c’est un pactole obscur.