XI

là où narcisse fait jouer ses influences.


Il s’était opéré une transformation complète dans la manière d’être et l’humeur de l’homme engagé de monsieur le curé. Ce n’était plus le même homme.

De bonne pâte qu’il avait toujours été avant l’arrivée de Marie Calumet au presbytère, et surtout, avant qu’il se crût dédaigné et persécuté par celle qu’il aimait, il était devenu taciturne et misanthrope comme un ours. Sa graisse tombait, il ne mangeait plus, ne dormait plus. Bref, il périclitait à vue d’œil.

Quinze cents ans plus tôt, il se fut couvert la tête de cendres et eut jeûné jusqu’à ce que le Ciel se fût adouci à son égard. Cette brusque volte-face dans les habitudes de Narcisse allait, comme il fallait s’y attendre du reste, fournir un nouvel aliment au bavardage jamais en repos des commères du village, à qui rien n’échappe.

Plus perspicaces que le curé lui-même en ce genre de choses, le forgeron, la nièce du curé, et le bedeau n’avaient pas été longs à découvrir la cause de cette anomalie dans le tempérament heureux de Narcisse.

Aussi bientôt, dans tout le village, ce fut un secret de Polichinelle que l’homme engagé de monsieur le curé se pâmait d’amour pour Marie Calumet et que ce brasier ardent, qu’il portait partout avec lui, le consumait lentement mais irrémédiablement.

Chose extraordinaire, la ménagère du curé à qui Narcisse n’avait jamais osé avouer sa passion était la seule à ignorer cette grave maladie. Ses nombreuses réformes, au presbytère et à l’extérieur, n’avaient sans doute pas laissé à Marie Calumet le loisir de s’apercevoir de ce détail, qui avait tout de même son importance.

Et cependant, si elle eût connu l’immensité de l’amour que Narcisse avait pour elle, si elle eût su que cet amour minait fatalement le pauvre garçon !

Un bon matin, l’amoureux mal loti après s’être roulé toute la nuit sur sa couche humide de sueur, demandant un peu d’amour et de sommeil, prit une décision.

Se basant sur ce principe qu’un homme arrive mieux à son but avec des influences et de la protection que seul, il se ménagea, après la messe basse, une entrevue avec le curé pour implorer son assistance dans la tourmente au sein de laquelle il se débattait.

— M’sieu le curé… M’sieu le curé… dit-il, en l’accostant, le chapeau à la main, près de la petite porte latérale de la sacristie, j’suis venu… j’suis venu… Et il bafouillait, baragouinait, s’embarrassait dans ses mots, comme un rustre dans les peaux de tigre couchées sur les Bruxelles d’un luxueux hôtel.

— Eh ben ! eh ben ! t’es venu, répartit le curé Flavel, ça c’est clair comme le jour, mais pourquoi faire ?

— Eh ben ! m’sieu le curé, j’vas vous dire pour piquer au plus court, j’suis venu pour an’affaire qui me r’garde.

— Alors si ça te regarde, ça me regarde pas moi.

Et le curé Flavel fit mine de vouloir continuer son chemin vers le presbytère.

— Ben bouffre ! m’sieu le curé, j’suis venu… j’suis venu… c’est que j’aurais besoin de vos services.

— Et pourquoi ?

— Sous vot’ respect, m’sieu le curé, attendez un p’tit brin, j’men vas vous le dire… J’suis en amour.

— Ah bah ! Mieux vaut tard que jamais. Mais c’est donc vrai ce qu’on dit, Narcisse, que ma fille engagère t’a tombé dans l’œil.

— Eh oué ! que voulez-vous, m’sieu le curé ? répondit Narcisse du ton d’un coupable avouant son crime et en baissant la tête, le rouge de la honte sur le front.

— Encore i en as-tu parlé ?

— Non, m’sieu le curé, j’ai pas osé ; j’voudrais que vous i en parliez d’abord.

Ce rôle de médiateur d’amour sembla bien étrange à monsieur le curé, lui qui, d’ordinaire, ne servait d’intermédiaire qu’entre Dieu et les hommes.

— Et qu’est-ce que tu veux que je lui raconte à ta blonde ?

— J’voudrais ben que vous i parliez de moé d’un bon sens.

Sur la promesse évasive du curé Flavel qu’il ferait pour le mieux, Narcisse remercia avec effusion et revint au presbytère.

Dans la cuisine, il vit Suzon qui, par exception, s’était levée de bon matin. La jeune fille s’amusait avec la chatte, qu’elle chatouillait sur le ventre.

Il se planta résolument devant elle, décidé, coûte que coûte, à tenter toutes les chances de succès.

— Mamzelle Suzon, commença-t-il, qu’est-ce que vous pensez du mariage ?

Cette interrogation ex-abrupto atterra la jeune fille et pour plusieurs raisons. Au grand jamais, d’abord, Narcisse n’avait desserré les dents sur ce sujet brûlant.

— J’pense ben, répondit-elle, avec une convoitise mal dissimulée dans les yeux, que ça doit être une sapré belle affaire.

— Pour lorsse, mamzelle Suzon, j’voudrais m’marier.

— Toé ! T’marier ?

— Quoi ? J’peux-t’i pas, moé itout, épousailler comme les autres ?

— Ben certain, répondit Suzon en riant, t’es ben bâti et tu ferais un bon épouseux. Mais avec qui que tu veux te marier ? Ah ! regarde moé don ça si je suis bête. Tiens, tiens, j’te gage que c’est avec Marie Calumet.

— Comme de jusse. Avec qui que vous voudriez que ça soye, si c’était pas avec ma Marie Calumet ?

— Et qu’ost-ce qu’a t’a répondu ta Marie Calumet ?

— Comment qu’ost-ce qu’a m’a répondu, mais a m’a rien répondu pisque j’y ai pas parlé.

— Ah ! tu i as pas parlé. Tu veux te marier avec Marie Calumet et tu i as pas déclaré tes amours.

— Ben, j’vas vous dire, mamzelle Suzon, j’ai pas osé, vous savez.

— Mais faut i dire, grand bêta.

— Oué, oué, mais vous savez, j’avais peur, moé, de faire des bêtises.

— Mais faut i dire, et pas plus tard que tout de suite. Ah ! que je voudrais ben être homme, moé ! fit la jolie nièce du curé en poussant un soupir de gourmandise. I a ben des choses que j’peux pas faire et que j’ferais. Ah ! que j’voudrais don être homme !

Ça doit être bon d’être homme, hein Narcisse ?

L’homme engagé du curé, bouche bée, ne savait trop que répondre. Et cependant, il ne voulait pas passer pour un jocrisse, l’homme engagé de monsieur le curé.

Aussi répondit-il à tout hasard :

— Pour vous dire franchement, mamzelle Suzon, quant à moé, porter des culottes ou des jupons, i me semble que ça m’serait ben égal.

— Des jupons, c’est ben embarrassant, on s’enfarge d’la dedans.

Suzon était d’une curiosité malsaine, et ses indiscrétions, où se mêlaient de la naïveté et la démangeaison de l’inconnu, avaient attiré sur sa tête les foudres de l’ire de son oncle et curé.

À chaque réprimande, la jeune fille promettait de s’amender, mais autant en apportait le vent, et c’était toujours à recommencer.

Un jour même, le curé Flavel ne connut pas de bornes à son saint courroux, et peu s’en fallut que la petite ne fût bannie du foyer où elle avait filé de si belles années.

Le curé Flavel, un soir, avait été mandé en toute hâte auprès d’un pauvre diable dont la boîte crânienne venait d’être fracassée par une ruade de bête vicieuse. Au moment où l’on avait frappé à sa porte, il était à lire la Sainte Bible, version de J. F. Ostervald.

Il partit en toute hâte, prenant à peine le temps de mettre son chapeau.

Le curé avait déjà surpris sa nièce en train de feuilleter la Bible. Violemment, il lui avait arraché le livre des mains. Or ce soir-là, la jeune fille, avant de monter à sa chambre, avait vu son oncle absorbé par la lecture de ce livre dangereux.

Le volume était resté ouvert au Cantique de Salomon. Suzon, qui n’était pas encore au lit, entendit sortir son oncle.

Comme elle n’avait pas sommeil, elle déserta sa chambre à coucher, s’arrêtant, un instant, en haut de l’escalier.

Ne ouissant que le tic tac régulier et monotone de la grande horloge placée, comme une sentinelle, dans un coin du cabinet de travail du curé, elle descendit à pas de loup.

Quel motif la faisait agir ? Rien, si ce n’est la curiosité inhérente à la nature humaine. Elle marcha jusqu’à la table de son oncle, et là, elle vit le livre redoutable dont on prohibe la lecture à la masse des fidèles. La possession immédiate du fruit défendu fit passer, rapide, dans les veines et les organes de la jeune fille une sensation indéfinissable.

Elle s’approcha du volume comme l’éphèbe se rencontrant pour la première fois, face-à-face, avec la femme qui se donne. Elle s’assit et dévora des yeux les versets les plus sensuels, sautant les autres.

Sous l’abat-jour en carton, les mots palpitants dansaient une bacchanale, s’imprégnaient dans son imagination comme marqués au fer rouge.

Elle lut, sans comprendre, dans son ignorante candeur, le sens mystique attaché par l’Église à ce cantique troublant et sublime :

« Qu’il me baise des baisers de sa bouche ! car tes amours sont plus agréables que le vin.

« Tire-moi, que nous courions après toi. Après que le roi m’aura introduite dans ses cabinets, nous nous égaierons et nous réjouirons en toi ; nous célébrerons tes amours plus que le vin. Les hommes droits t’ont aimé.

« Mon bien-aimé est avec moi comme un sachet de myrrhe ; il passera la nuit entre mes mamelles.

« Te voilà belle, ma grande amie, te voilà belle ; tes yeux sont comme ceux des colombes.

« Te voilà beau, mon bien-aimé ; que tu es agréable ! Aussi notre couche est verdoyante.

« Tel qu’est le pommier entre les arbres des forêts, tel est mon bien-aimé entre les jeunes hommes ; j’ai désiré son ombrage, et m’y suis assise, et son fruit a été doux à mon palais.

« Il m’a menée dans la salle du festin, et son étendard sur moi, c’est amour.

« Faites-moi revenir le cœur avec du vin ; faites-moi une couche de pommes, car je me pâme d’amour.

« Que sa main gauche soit sous ma tête, et que sa droite m’embrasse.

« Filles de Jérusalem, je vous adjure par les chevreuils et les biches des champs, que vous n’éveilliez point ni ne réveilliez celle que j’aime, jusqu’à ce qu’elle le veuille.

« J’ai cherché durant les nuits sur mon lit celui qu’aime mon âme ; je l’ai cherché, mais je ne l’ai point trouvé.

« Je me lèverai maintenant, et je ferai le tour de la ville par les carrefours et par les places, et je chercherai celui qu’aime mon âme. Je l’ai cherché, mais je ne l’ai point trouvé.

« À peine les avais-je passés, que je trouvai celui qu’aime mon âme ; je l’ai pris, et je ne le lâcherai point que je ne l’aie amené à la maison de ma mère, et dans la chambre de celle qui m’a conçue.

« Voici le lit de Salomon, autour duquel il y a soixante vaillants hommes, des plus vaillants d’Israël :

« Tous maniant l’épée, et très bien dressés à la guerre ; ayant chacun son épée sur la cuisse, à cause des frayeurs de la nuit.

« Le roi Salomon s’est fait un lit de bois du Liban.

« Il en a fait les piliers d’argent, et le lit d’or, le ciel d’écarlate, et le dedans garni d’amour par les filles de Jérusalem.

« Sortez, filles de Sion, et regardez le roi Salomon, avec la couronne dont sa mère l’a couronné au jour de son mariage, et au jour de la joie de son cœur.

« Tes deux mamelles sont comme deux faons jumeaux d’une chevrette qui paissent parmi le muguet.

« Viens du Liban avec moi, mon épouse, viens du Liban avec moi ; regarde du sommet d’Amana, du sommet de Scénir et de Hermon, des repaires des lions, et des montagnes des léopards.

« Tu m’as ravi le cœur, ma sœur, mon épouse ; tu m’as ravi le cœur par l’un de tes yeux, et par l’un des colliers de ton cou.

« Que tes amours sont belles, ma sœur, mon épouse ! que tes amours sont meilleures que le vin, et l’odeur de tes parfums qu’aucune drogue aromatique !

« Tes lèvres, mon épouse, distillent des rayons de miel. Il y a du miel et du lait sous ta langue, et l’odeur de tes vêtements est comme l’odeur du Liban.

« Ma sœur, mon épouse, tu es un jardin fermé, une source close, et une fontaine cachetée.

« Lève-toi, bise, et viens, vent du midi ; souffle par mon jardin, afin que ses drogues aromatiques distillent. Que mon bien-aimé vienne dans son jardin, et qu’il mange de ses fruits délicieux.

« Je suis venu dans mon jardin, ma sœur, mon épouse ; j’ai cueilli ma myrrhe avec mes aromates ; j’ai mangé mes rayons avec mon miel ; j’ai bu mon vin avec mon lait. Mes amis, mangez, buvez ; faites bonne chère, mes bien-aimés.

« J’étais endormie, mais mon cœur veillait ; et voici la voix de mon bien-aimé qui heurtait, disant : Ouvre-moi, ma sœur, ma grande amie, ma colombe, ma parfaite ; car ma tête est pleine de rosée, et mes cheveux des gouttes de la nuit.

« J’ai dépouillé ma robe, disais-je, comment la revêtirais-je ? j’ai lavé mes pieds, comment les souillerais-je ?

« Mon bien-aimé a avancé sa main par le trou de la porte, et mes entrailles ont été émues à cause de lui.

« Je me suis levée pour ouvrir à mon bien-aimé, et la myrrhe distilla de mes mains, même la myrrhe franche de mes doigts, sur les garnitures du verrou.

« J’ouvris à mon bien-aimé, mais mon bien-aimé s’était retiré, et était passé outre ; mon âme se pâma de l’avoir oui parler ; je le cherchai, mais je ne le trouvai point ; je l’appelai, mais il ne me répondit point.

« Le guet qui faisait la ronde par la ville me trouva ; ils me battirent, ils me blessèrent ; les gardes des murailles m’ôtèrent mon voile de dessus moi.

« Filles de Jérusalem, je vous adjure, si vous trouvez mon bien-aimé, que lui rapporterez-vous ? Dites-lui que je languis d’amour.

« Qu’est ton bien-aimé plus qu’un autre, ô la plus belle d’entre les femmes ? Qu’est ton bien-aimé plus qu’un autre, que tu nous aies ainsi adjurées ?

« Mon bien-aimé est blanc et vermeil ; il porte l’étendard au milieu de dix mille.

« Ses mains sont comme des anneaux d’or, où il y a des chrysolites enchâssées ; son ventre est d’ivoire bien poli, couvert de saphirs.

« Ses jambes sont comme des piliers de marbre, fondés sur des soubassements d’or fin ; son port est comme le Liban, il est exquis comme les cèdres.

« Son palais n’est que douceur ; tout ce qui est en lui sont des choses désirables. Tel est mon bien-aimé, tel est mon ami, filles de Jérusalem.

« Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé, est à moi ; il paît son troupeau parmi le muguet.

« Il y a soixante reines et quatre-vingt concubines, et des vierges sans nombre.

« Ma colombe, ma parfaite, est unique ; elle est unique à sa mère, elle est particulièrement aimée de celle qui l’a enfantée ; les filles l’ont vue, et l’ont dite bienheureuse ; les reines et les concubines l’ont louée, disant :

« Qui est celle-ci qui paraît comme l’aube du jour, belle comme la lune, d’élite comme le soleil, redoutable comme les armées qui marchent à enseignes déployées ?

« Fille de prince, que tes démarches sont belles, avec ta chaussure !

« L’enceinte de tes hanches est comme des colliers travaillés de la main d’un excellent ouvrier.

« Ton nombril est comme une tasse ronde, toute comble de breuvage ; ton ventre est comme un tas de blé entouré de muguet.

« Tes deux mamelles sont comme deux faons jumeaux d’une chevrette.

« Que tu es belle, et que tu es agréable, mon amour et mes délices !

« Cette stature que tu as est semblable à un palmier, et tes mamelles à des grappes de raisin.

« J’ai dit : Je monterai sur le palmier, et je prendrai ses branches ; et tes mamelles me seront maintenant comme des grappes de vigne, et l’odeur de ton visage comme l’odeur des pommes ;

« Et ton palais comme le bon vin qui coule droit à mon bien-aimé, et qui fait parler les lèvres de ceux qui dorment.

« Je suis à mon bien-aimé, et son désir tend à moi.

« Viens, mon bien-aimé, sortons aux champs, passons la nuit aux villages.

« Levons-nous le matin pour aller aux vignes ; et voyons si la vigne est avancée, et si la grappe est formée, et si les grenadiers sont fleuris : c’est là que je te donnerai mes amours.

« Plût à Dieu que tu fusses comme mon frère qui a sucé les mamelles de ma mère ! je t’irais trouver dehors, et je te baiserais, et on ne m’en mépriserait point.

« Je t’amènerais, et t’introduirais dans la maison de ma mère ; et tu m’instruirais, et je te ferais boire du vin mixtionné de drogues et du moût de mon grenadier.

« Que sa main gauche soit sous ma tête, et que sa droite m’embrasse.

« Qui est celle-ci qui monte du désert, et qui s’appuie doucement sur son bien-aimé ? Je t’ai réveillé sous un pommier, là où ta mère t’a enfanté, là où t’a enfanté celle qui t’a donné le jour.

« Mets-moi comme un cachet sur ton cœur, comme un cachet sur ton bras. L’amour est fort comme la mort, et la jalousie est dure comme le sépulcre ; leurs embrasements sont des embrasements de feu et une flamme très véhémente.

« Beaucoup d’eaux ne pourraient éteindre cet amour-là, et les fleuves mêmes ne le pourraient pas noyer ; si quelqu’un donnait tous les biens de sa maison pour cet amour-là, certainement on n’en tiendrait aucun compte.

« Nous avons une petite sœur qui n’a point encore de mamelles ; que ferons-nous à notre sœur au jour qu’on parlera d’elle ?

« Je suis comme une muraille, et mes mamelles sont comme des tours ; alors j’ai été si favorisée de lui, que j’ai trouvé la paix. »

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Suzon était tellement empoignée par cette lecture, que mangeant les pages des yeux avec un frisson sur sa peau blanche et ses formes fermes de pucelle, elle n’entendit ni ne vit rentrer le curé.

Elle venait de terminer le dernier verset :

— Suzon ! tonna son oncle en la foudroyant du regard.

La jeune fille tressaillit dans sa robe de nuit.

— Ce sont là, dit le vieillard courroucé, des choses que tu n’as pas besoin de connaître. Je te le répète, je te défends formellement de mettre le nez dans aucun de mes livres.

La pauvre petite, retenant les larmes qui perlaient au bout de ses longs cils noirs, s’enfuit aussi vite qu’un chevreuil ou qu’un faon de biche sur les montagnes des aromates.

Le curé Flavel, cependant, pour plus de prudence, songeant avec raison que défendre le fruit défendu à une femme c’est l’inviter à y mordre, enferma sous clef, dans son humble bibliothèque de bois teint, tous les livres qu’il avait mis à l’index.