Eugène Fasquelle (p. 155-156).



Dans ce moment-là, j’eus encore un mouton malade. Ses flancs étaient creux, comme s’il n’avait pas mangé depuis longtemps. J’allai demander à la fermière comment il fallait le soigner.

Elle s’arrêta de plumer une poule pour me demander si le mouton était très tendu.

Je ne répondis pas tout de suite. Je me demandais ce que voulait dire le mot tendu. Puis je pensai que tous les moutons malades devaient être tendus. Alors je dis : oui. Et pour affirmer davantage, je me dépêchai d’ajouter :

— Il est tout plat.

La fermière se mit à rire en se moquant. Elle dit à Eugène qui sifflotait à quelques pas :

— Venez écouter ça, Eugène. Elle a un mouton qui est tendu et plat tout à la fois.

Eugène rit aussi : il m’appela bergère d’occasion, et il m’apprit que les moutons étaient tendus quand ils avaient le ventre enflé.

Deux jours après, Pauline me dit qu’elle et maître Sylvain voyaient bien que je ne ferais jamais une bonne bergère, et qu’ils avaient décidé de me garder à la maison. La vieille Bibiche n’était plus bonne à rien, et Pauline ne pouvait suffire à tout depuis qu’elle avait son enfant.

Aux premiers mots, je compris qu’il me serait facile d’aller souvent au grenier, et je remerciai vivement la fermière.