Maison d’édition non mentionnée (p. 133-150).

XI

LE SACRIFICE


Marie-Anna était triste. Maltraitée par une destinée contraire à sa nature aimante, elle perdit l’intérêt de toutes les choses familières et oublia le monde pour pleurer sur sa propre douleur. Sans que rien ne soit changé au cadre ordinaire de sa vie, Marie-Anna se vit portée dans un cadre nouveau fait de nuit et de glace et dont les horizons plus doux fuyaient devant elle, quelques efforts qu’elle fît pour les atteindre. Les minutes étaient longues à faire douter du mouvement ; chaque minute qui s’écoulait éloignait davantage l’objet chéri de ses premières amours de jeune fille.

C’était la chanson du temps qui passe et ne revient plus, ce tic-tac de la pendule semblant plus bruyant qu’autrefois.

Le besoin d’illusions se fit bientôt sentir. Marie-Anna rétrograda de quelques semaines en arrière. Elle se revit d’abord courant sous l’orage à la recherche d’un abri sur le chemin de La Tuque ; elle revécut l’instant de la rencontre sous la hutte du cantonnier ; elle se répéta les premières paroles échangées puis sa mémoire docile lui fit traverser les jours passés depuis cette rencontre en lui rendant les mêmes joies secrètes chaque jour grandissantes, en lui rappelant les attentions, les délicatesses, les désespoirs et les combats de Jacques, et aussi ses propres combats en elle-même.

Et à présent elle voyait Jacques sur la mer, combien loin d’elle déjà, s’éloignant encore durant des heures, des heures et des jours, s’éloignant toujours.

— Je suis seule, toute seule ! se disait-elle pour caresser sa peine.

Mais aussitôt l’amour parlait plus fort :

— Il sait que je l’aime ! Je le lui ai dit. Avec cet aveu, je lui ai donné le meilleur de moi-même.

Et cette pensée exquise la réconfortait.

Deux semaines passèrent.

Un matin, Marie-Anna reçut la visite d’Henri Chesnaye.

— Mes vacances sont finies, lui dit l’étudiant. Je rentre à l’Université pour ma dernière année de cours.

— Ne viendras-tu pas aux Piles tous les dimanches comme durant l’hiver dernier ? demanda-t-elle.

— Mais oui ! Et je viendrai te voir… si tu le veux, répondit le timide jeune homme.

Marie-Anna eut un sourire forcée.

— Si je le veux ! Certainement que je le veux ! Pourquoi ne le voudrais-je pas, Henri ? Je suis toujours contente de te voir.

Il la regardait et semblait absent.

Il était visible que quelque chose de singulier se passait en lui ; mais sa timidité l’emportait sur ses résolutions et quand il voulait parler, il hésitait, puis finalement se taisait.

Marie-Anna voyait parfaitement ce qui se passait dans le cœur de ce grand ami de son enfance ; mais elle affectait devant lui cet air naturel et simple qu’on a devant les membres de sa famille et cet air-là, si affectueux qu’il soit ou qu’il paraisse ne peut pas, ne pourra jamais provoquer les aveux de l’amour. Marie-Anna le savait et en usait sans pitié à l’égard d’Henri. Ce lui était d’autant plus facile qu’elle se sentait moins que jamais disposée à écouter des confidences. Mais qu’avait-elle à craindre ? Il eût fallu qu’elle l’encourageât, qu’elle lui arrachât par lambeaux cet aveu qu’il retenait.

Elle lui souhaita le succès pour ses prochains examens. Henri la regardait toujours, silencieux et agité, attendant la parole tendre qui réchauffe le cœur à l’heure des séparations.

Elle dit simplement en lui tendant la main :

— Alors, à bientôt.

— À bientôt, répéta-t-il machinalement.

Quand il fut parti, elle soupira :

— Pauvre Henri !

Mais dans ces deux mots, il n’y avait que de la bonté. Elle les prononça sans être émue et ce ne fut que le temps d’un sourire triste au coin de la lèvre.

Marie-Anna reprit son train de vie ordinaire et paisible ; les meilleurs instants de sa journée étaient ceux durant lesquels elle s’enfermait, seule avec ses rêves, ses espoirs dans l’intimité discrète de sa chambre. Sa tristesse s’était peu-à-peu évanouie après les larmes des premiers énervements. Elle vivait maintenant dans la sérénité de l’attente, dans l’espérance.

Hélas, si pleinement possédée que soit sa pensée par les souvenirs, la pauvre enfant ne put empêcher le scrupule de pénétrer dans sa vie et d’empoisonner ses joies les plus douces, les plus innocentes.

Marie-Anna était chrétienne. La droiture d’âme était en elle une vertu native. Or ne commettait-elle pas une action indigne en gardant un secret à l’égard de sa mère ? Lui devait-elle dissimuler cet amour qui, à la vérité n’avait trouvé dans sa conscience que de la docilité ?…

Ce scrupule ne la quitta plus. Elle en fut journellement obsédée et en devint très malheureuse. Elle sentait qu’elle devait avouer à sa mère ; elle savait qu’elle avouerait un jour mais elle remettait toujours la fatale entrevue. Ce lui semblait peut-être difficile à dire parce que c’était la première fois qu’elle aimait. Sa raison, sa nature chrétienne, son affection filiale lui ordonnaient de parler, de se confesser, de s’épancher… Elle se taisait et elle souffrait. À cette souffrance se mêlait et se substituait parfois la douceur des évocations, des espoirs et la confusion qui en résultait dans son esprit lui enlevait le pouvoir de la décision.

Une première lettre de Jacques vint apporter un peu de calme parmi tout ce désordre.

Il lui mandait qu’il était arrivée en Normandie et que son village natal de Rézenlieu-Villodin était en fête à l’occasion de son retour et du mariage de sa sœur. Cependant, malgré le bonheur qu’il avait éprouvé en revoyant des êtres chers, il avait l’impression d’un vide immense autour de lui. Marie-Anna sut par cette lettre que Jacques partageait ses tristesses, ses abattements, ses mêmes espérances :

« Il me manque bien des choses, écrivait-il, depuis que je ne vous vois plus, Marie-Anna ! Tout mon être souffre de la distance qui nous sépare. Mes yeux cherchent partout, des objets qui par vous puissent m’être chers et je ne vois rien. Je ne trouve rien ; j’imagine le néant ! Ma vie n’a de charme que lorsque ma pensée se livre aux délices de votre souvenir ; j’appartiens alors à un monde nouveau ; je ne vois plus que deux beaux yeux qui me regardent, deux bras qui se tendent vers les miens ; je n’entends plus qu’un bruit, le son de votre voix adorable et quand enfiévré jusqu’à la démence, je veux m’élancer et saisir votre apparition, je ne trouve que le vide, je retombe dans un désert, dans mon immense solitude ! Que j’ai besoin de votre vue, mon adorée, pour être heureux ! Quand reprendrons-nous ce beau roman déchiré dès les premières pages ? Dites-moi que vous attendez cela de toute la force de vos espérances ! Dites-moi que vous m’aimez. J’ai besoin de le savoir pour vivre : je sais un mot de vous qui peut illuminer mes nuits et fleurir mon désert. Répétez-le dans toutes vos lettres ce mot, comme je vous l’écris moi-même. J’ai posé mes lèvres sur les deux mots qui suivent : Je t’aime ! »

jacques.

Marie-Anna vit sur l’encre un peu étendue de ces deux mots la trace du passage humide des lèvres. Elle ferma les yeux et posa longuement ses lèvres à l’endroit où Jacques avait posé les siennes. Elle mit la lettre dans son corsage pour l’en sortir aussitôt et la relire cinq ou six fois de suite ; une heure après l’avoir reçue, elle la connaissait par cœur ; habitude chère à tous ceux qui aiment, en général, aux amoureux en particulier. Alors qu’ils pourraient réciter couramment la tendre missive, ils la relisent encore en pensant à ce qui est écrit plus loin, quelquefois même sans plus voir les mots… Qu’importe ! c’est le papier qu’on a touché, regardé, c’est le timbre qu’on a mouillé et collé dans le coin… Le geste recommence dans la pensée, l’absent se rapproche, l’imagination enflamme la mémoire ! c’est toujours le besoin des illusions.

Marie-Anna répondit à Jacques. Elle mit dans sa lettre tout ce que le souvenir gardait en elle de meilleur, de plus aimant. Les lettres de femmes sont le vrai langage de l’amour. Jacques dut être bien heureux en lisant la réponse de Marie-Anna.

— Je viens te chercher, chère ; dit Jeannette un samedi matin en entrant chez son amie. Je vais à Québec avec ma tante Manceau. Viens, nous profiterons de l’occasion pour magasiner.

Marie-Anna courut informer sa mère et revint bientôt prête, les épaules protégées par une jolie fourrure sombre. La neige couvrait la province et le froid sévissait dans toute la rigueur des hivers canadiens.

Jeannette avait remarqué un changement dans le caractère de son amie. Certes elle connaissait ou soupçonnait l’inclination de Villodin alors qu’il habitait encore aux Piles mais accoutumée de longue date à voir Marie-Anna réservée, toujours distante des tentations, elle avait d’abord supposé que Villodin emportait en France un amour non partagé.

Grâce à sa finesse, Jeannette entrevit bientôt la vérité. La tristesse de Marie-Anna déchira un peu le voile ; ses réticences, des sautes brusques d’humeur, passant de l’ennui à l’attendrissement quand on parlait de Jacques, trahirent encore un peu le secret de Marie-Anna et dirigèrent les suppositions de Jeannette vers l’éclaircissement complet de l’énigme. Un peu blessée, peut-être, dans sa qualité de confidente, Jeannette s’assura que Marie-Anna lui cachait quelque chose. Elle hasarda des questions habiles ; l’amoureuse, tout d’abord se déroba, puis revint d’elle-même au sujet avec toute la maladroite candeur de son ingénuité, comme quelqu’un qui brûle d’entendre parler d’une chose et craint en même temps de le laisser voir.

L’esprit alerte de Jeannette Manceau toujours à l’affût des curiosités de son âge trouvait dans les mélancolies passagères de Marie-Anna un vaste champ d’exercice. Ses suppositions l’amenaient invariablement au souvenir de Villodin. Elle se disait :

— Après tout, pourquoi pas ?… C’est très possible…

Elle pensa faire parler l’intrigante. Ce lui fut d’autant plus facile que Marie-Anna journellement obsédée par ses scrupules ne souhaitait rien tant que de soulager un peu sa conscience en s’épanchant dans une oreille amie.

Quand les jeunes filles et la tante Manceau arrivèrent à Québec, Jeannette savait que Marie-Anna aimait Jacques et qu’elle attendait son retour.

À la nuit tombante, elles reprirent le chemin de la gare et passèrent rue St-Jean devant la maison de pension où habitait Henri Chesnaye.

— Celui-là t’aime aussi… dit Jeannette en voyant Marie-Anna lever machinalement les yeux.

— Hélas ! répondit-elle. Je le sais qu’il m’aime mais je ne puis que l’en plaindre. Il est si bon que je n’ose pas lui dire en face qu’il perd son temps. Et pourtant, un mot suffirait.

— Tu devrais le lui dire, fit Jeannette.

— Mais, comment le lui dire ? Il faudrait d’abord qu’un mot de sa part provoquât une explication ou que moi-même l’amène à dire… Non, cela ne se peut ! Et en admettant qu’une occasion me soit offerte de lui faire comprendre que je ne l’aime pas, que je ne puis, que je ne veux pas l’aimer plus que d’une amitié de camarade, comment recevra-t-il ce coup-là ?… J’éprouverais de la peine à ne plus le voir ; c’est un bon ami que je perdrais ! — Il en reviendrait, crois-moi ! fit Jeannette assurée. Tout s’efface avec le temps. À ta place, je n’hésiterais pas. Si tu tardes trop les choses ne feront que s’envenimer, Henri s’impatientera, fera quelque brusquerie comme en font souvent les grands timides et tu auras des embarras !

Marie-Anna ne répliqua pas.

En vérité, elle avait bien assez de ses soucis. L’éloignement de Jacques, l’attente indéfinie de son retour, le poids du secret et les scrupules de conscience remplissaient toutes ses heures du jour et quelquefois de la nuit. L’amour silencieux et vaguement inquiétant d’Henri lui était une obsession qu’elle eût voulu chasser loin d’elle, hors de sa pensée mais sans avoir besoin de parler, de raisonner, de se défendre, sur un simple geste comme jadis la patricienne romaine éloignait le joueur de luth qui avait cessé de lui plaire.

Dans cet état d’esprit, Marie-Anna appréhendait une explication avec Henri, car elle gardait pour lui une sorte d’affection fraternelle éclose depuis bien des années dans les ébats de leurs jeux d’enfants. Henri serait blessé au plus profond de lui-même le jour où Marie-Anna lui dirait :

— Non, Henri ! S’il te plaît, rien entre nous que de l’amitié.

Certainement, il ne s’en consolerait jamais. Marie-Anna, aimante et bonne ne voulait pas rendre malheureux ce doux compagnon de ses plaisirs de fillette, le jeter pour toujours dans la désolation de ses espérances brisées et enfin s’exposer elle-même à demeurer témoin des tristes résultats de son refus.

Elles arrivèrent à la gare du Grand-Nord. Il y avait peu de monde sur le quai au bord duquel le train des Piles attendait. Un jeune homme se promenait de long en large en dépit du froid. C’était Henri Chesnaye. Il se rendait, selon son habitude chaque samedi chez sa parente des Grandes-Piles pour passer la journée du dimanche. Il aperçut Marie-Anna, Jeannette et la tante Manceau quand elles sortirent de la salle d’attente.

Jeannette serra furtivement la main de Marie-Anna en lui glissant quelques mots à voix basse.

Le train partit.

Ils parlèrent d’abord des études du jeune homme et des examens qu’il devait subir quelques mois plus tard pour être reçu médecin. Henri qui possédait un langage facile quand il n’était pas question de sentimentalité montra des qualités de fin diseur et d’homme modeste en répondant à Jeannette et à la tante Manceau. Il comptait à l’Université parmi les plus brillants élèves et ses professeurs ne doutaient pas de ses succès quand arriverait le jour des épreuves finales. Henri disait cela simplement, du ton d’un homme sûr de son savoir et qui n’éprouve nul besoin de se faire étourdir par des encouragements ou des flatteries.

— Vous serez content d’être reçu médecin ? demanda naïvement Jeannette qui pensait à autre chose.

— Eh, mon Dieu, oui ! répondit-il. Je considère que c’est une chose naturelle qui doit arriver en son temps.

— Où comptez-vous pratiquer ? demanda encore l’indiscrète.

Henri eut un mouvement de contrariété vite réprimé en regardant Marie-Anna qui détourna la tête.

— Je ne sais pas encore… répondit l’étudiant d’une voix hésitante.

Cette dernière question de Jeannette l’avait troublé. Il fallait bien peu de chose pour embrouiller ses réflexions mais ce jeune homme était doué ou plutôt affligé d’une sensibilité déconcertante qui lui permettait de deviner les allusions si voilées qu’elles puissent être. De plus, sa nature droite ne pouvait s’accommoder des équivoques. La question de Jeannette lui déplut ; elle le froissa intimement moins par son indiscrétion que parce qu’elle lui était posée devant Marie-Anna.

Jeannette était trop fine pour ne pas voir le trouble dans lequel elle venait de plonger le pauvre amoureux ; elle reprit vivement pour faire oublier sa faute légère.

— Je souhaite « mon cher docteur » que vous restiez près des Piles. Je vous promets ma clientèle et celle de mes amies quand l’une de nous aura la migraine.

Henri sourit sans répondre. Il regardait Marie-Anna assise en face de lui, pelotonnée dans son coin et abîmée dans un profond mutisme. Le visage de la jeune fille était plein d’ombre ; on ne voyait qu’un vague dessin de ses traits harmonieux et purs, le flot capricieux de sa chevelure blonde débordant en ondulations sur le col de fourrure relevé. Ses mains étaient frileusement jointes dans le manchon.

Henri la contemplait à la lueur tremblotante du wagon avec ce regard des adorateurs platoniques qui se complaisent durant toute leur jeunesse à parer la femme aimée d’une auréole d’idéal et de perfection.

— Tu ne dis rien, Marie-Anna ? fit-il de sa voix grave.

Elle eut un tressaillement nerveux comme si le son de cette voix eût été un contact désagréable.

— Je suis brisée de fatigue ! répondit-elle mollement. Nous avons magasiné pendant plus de deux heures. J’ai des chiffons et des rubans plein la tête !

Elle ajouta en refermant les yeux :

— Je serai plus bavarde demain…

Henri n’insista pas. Marie-Anna se replongea dans son mutisme. Le roulement sourd et régulier du train traversant les bois neigeux engourdissait sa pensée. On eût dit vraiment à voir ses paupières appesanties qu’elle tombait de lassitude mais au fond d’elle-même, elle éprouvait un ravissement étrange. Au bruit du convoi, bercée par une mélodie imaginaire, elle s’abandonnait à l’éternelle rêverie ; elle pensait à Jacques, l’aimé, l’adoré, l’absent… Elle prononçait tout bas ce joli abréviatif de « Mia-Na » qu’il lui avait donné dans une minute d’expansion et les souvenirs de ce temps heureux grisaient son cœur d’une ivresse pure et infinie.

— Que fait-il à cette heure ? se demandait-elle. Il doit penser à moi puisque je pense à lui… Jacques !

La tristesse succédait à cette tendre évocation.

— Que ce serait bon de pouvoir pleurer un peu ! pensait-elle.

La voix d’Henri l’arracha encore une fois à ses beaux rêves. Le train était en gare de St-Jacques des Grandes-Piles et les voyageurs descendaient.

Marie-Anna ne s’en aperçut pas.

L’étudiant lui toucha le bras, croyant qu’elle dormait et dit :

— Nous sommes arrivés, Marie-Anna.

Elle tressaillit comme la première fois et en ouvrant les yeux, elle regarda le malheureux avec une telle expression de mauvaise humeur qu’il en pâlit.

Ils furent sur le quai.

Marie-Anna prit le bras de la tante Manceau. Le passage brusque de la tiédeur du wagon au froid piquant de la nuit la fit frissonner. Le village était silencieux. Les êtres et les choses dormaient dans la torpeur pesante et dans l’obscurité du cercle des montagnes. Onze coups sonnèrent à l’horloge de l’église et leur son fragile s’éteignit sans écho avec la dernière note.

Henri accompagna Marie-Anna jusqu’à sa demeure, sans dire une parole, subissant un malaise qu’il ne s’expliquait pas. Au moment de la quitter, il prit rendez-vous pour le lendemain.

— Viens si tu veux, dit-elle du bout des dents.

Il s’empara de sa main, la garda un instant dans les siennes et demanda timidement, après une courte hésitation :

— Tu me promets d’être plus bavarde demain, Marie-Anna ?

Ele sentit le reproche mais une pensée soudaine ne lui laissa pas le temps d’en être émue. Marie-Anna vit l’occasion de porter un premier coup à cet amour dont elle n’acceptait pas l’hommage. Cruelle, sans crainte de le blesser, elle répondit :

— Je tâcherai, Henri !

Il comprit. Après quelques paroles inintelligibles qui ressemblaient à un adieu, il salua gauchement et s’enfuit sans détourner la tête.